Chronologie
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Correspondance (1920-1950)
- Pages : 25 à 37
- Collection : Bibliothèque gidienne, n° 11
CHRONOLOGIE
Note. Nous avons mis l’accent sur Ernst Robert Curtius ; la chronologie relative à la vie d’André Gide peut être consultée dans chacun de ses volumes de la « Bibliothèque de la Pléiade ».
1869 |
Naissance de Paul Guillaume André Gide, le 21 novembre, à Paris. Fils de Paul Gide, professeur à la faculté de Droit, et de Juliette Rondeaux. |
1880 |
Le père de Gide meurt subitement le 28 octobre. Celui-ci sera désormais élevé par sa mère, avec le soutien de son directeur de conscience, le pasteur Élie Allégret. |
1886 |
Naissance d’Ernst Robert Curtius, le 14 avril, à Thann en Alsace (alors allemande). Fils de Friedrich Curtius, originaire d’Allemagne, et de Louise von Erlenbach-Hindelbank, fille d’un comte bernois et d’une comtesse neuchâteloise. |
1891 |
Parution des Cahiers d’André Walter (Paris, Perrin), premier ouvrage de Gide. |
1893-1894 |
Premier voyage de Gide en Afrique du Nord. Première expérience homosexuelle. |
1894-1903 |
Curtius habite en Alsace où son père occupe plusieurs fonctions liées au rattachement de la province à l’Allemagne : il effectue ses études primaires à Thann, puis ses études secondaires à Strasbourg, dans un lycée protestant, où il passe son Abitur. Premiers contacts avec la France, sa langue et sa littérature. |
1895 |
Gide publie Paludes. Mort de sa mère. Mariage avec sa cousine Madeleine Rondeaux, puis voyage de noces qui dure près de sept mois (France, Suisse, Italie, Tunisie…). Second voyage en Afrique du Nord. |
1897 |
Publication par Gide des Nourritures terrestres au Mercure de France. |
26
1899 |
Publication par Gide du Prométhée mal enchaîné. |
1902 |
Publication par Gide de L’Immoraliste au Mercure de France. – Séjour du jeune Curtius à Londres. |
1904 |
Curtius s’inscrit à l’université de Berlin pour étudier le sanscrit et la philologie comparative. Il y fréquente, à l’instar de Rainer Maria Rilke, les salons du couple de peintres Sabine et Reinhold Lepsius. Dans ce cercle, il fait la connaissance de Friedrich Gundolf et de Charles Du Bos, avec lesquels il va entretenir des liens amicaux, et rencontre Stefan George. À Berlin, il revoit Albert Schweitzer, lié d’amitié avec ses parents, qui le familiarise avec la littérature française et notamment avec Romain Rolland. |
1905 |
Curtius étudie également à Heidelberg où il suit des cours chez le philosophe Wilhelm Windelband. C’est à cette époque qu’il découvre Virgile, qui sera pour lui un auteur essentiel ; par ailleurs, il déteste Madame Bovary. |
1906 |
Le couple Gide s’installe dans la villa Montmorency, à Auteuil, conçue par Louis Bonnier. |
1908 |
En décembre, Curtius réussit un examen agréé par l’État lui permettant d’occuper des postes de professeur d’anglais et de français dans les hautes écoles. – Fondation de La Nouvelle Revue française, dont Gide est la figure-clé. |
1909 |
Gide publie La Porte étroite. – Curtius effectue un long séjour d’étude à Paris pour sa thèse, qui consiste en l’édition critique du Livre des Rois (publié en 1911 sous le titre Einleitung zu einer neuen Ausgabe der Quatre Livres des reis). Il assiste aux cours d’Henri Bergson au Collège de France, qui l’impressionnent. Tous les matins, il visite le Louvre. |
1910 |
Première Décade de Pontigny pour Gide. – En mai, Curtius obtient son doctorat en Littérature médiévale sous la direction du romaniste Gustav Gröber, à Strasbourg. Il rencontre le poète alsacien Ernst Stadler, qui lui recommande de lire les auteurs français de La NRF, ouverte à l’idée européenne (à l’opposé des académiciens Paul Bourget, Anatole France ou Maurice Barrès). Nouvelles rencontres avec Stefan George à Bingen. Curtius est fasciné autant qu’influencé par le poète allemand, mais il renoncera finalement à faire partie de ses disciples. |
27
1910-1911 |
Curtius s’engage en tant que volontaire dans l’infanterie du régiment 105 à Strasbourg et y passe un an (à partir du 1er octobre). |
1911 |
Début de la rédaction par Gide des Caves du Vatican, qui sera publié en 1914. La NRF crée sa propre maison d’édition, avec pour gérant Gaston Gallimard. |
1912 |
De février à avril, Curtius séjourne à Rome, à Sestri Levante et à Florence pour se remettre d’une pneumonie. Rome deviendra sa ville d’élection. En décembre, il débute l’année d’enseignement probatoire. |
1913 |
Le 22 octobre, Curtius défend sa thèse d’habilitation sur Ferdinand Brunetière à Bonn, devant l’élève de Gröber, Heinrich Schneegans. – Ouverture à Paris du théâtre du Vieux-Colombier, dirigé par Jacques Copeau. |
1914 |
Publication par Gide des Caves du Vatican. – Publication de la thèse de Curtius : Ferdinand Brunetière. Beitrag zur Geschichte der französischen Kritik. C’est un ouvrage contre le critique, jugé trop entier et éloigné de la réalité. Curtius enseigne à l’université de Bonn (littérature française médiévale et littérature contemporaine). Il commence à préparer son ouvrage Die literarischen Wegbereiter des neuen Frankreich [Les Pionniers littéraires de la France nouvelle] (qui ne sera publié qu’en 1919). |
1914-1915 |
Curtius est envoyé en France et participe en 1915 à la campagne en Pologne. Il est blessé au cou et se voit déclaré inapte au service. Il sera par la suite décoré de la Croix de fer deuxième classe. |
1915 |
Gide s’occupe du Foyer franco-belge, œuvre de bienfaisance pour les réfugiés des territoires envahis, avec Charles Du Bos et Maria Van Rysselberghe. |
1916 |
Libéré de ses obligations militaires en mai, Curtius reprend son activité d’enseignant (privat-docent) à Bonn. |
1917 |
Début de la liaison entre Gide et Marc Allégret, fils de son ancien directeur de conscience. Voyage en Suisse avec celui-ci et son frère André. |
1918 |
Gide séjourne en Angleterre avec Marc Allégret. Le 21 novembre, il apprend que Madeleine a détruit toutes les lettres qu’il lui avait adressées depuis trente ans. |
28
1919 |
Reprise de la parution de La NRF, interrompue pendant la guerre. Publication par Gide de La Symphonie pastorale. Début de la rédaction des Faux-Monnayeurs. – Curtius obtient un poste de professeur extraordinaire à l’université de Bonn. Le décès de sa mère, Louise Curtius, l’affecte profondément. Parution de son livre Die literarischen Wegbereiter des neuen Frankreich (Potsdam, Gustav Kiepenheuer), écrit avant-guerre, qui fait la promotion d’une nouvelle pensée française allant à l’encontre des préjugés, avec pour objectif affiché une entente européenne. Le premier chapitre est consacré à Gide. Cet ouvrage crée la polémique à une époque où la France et sa culture sont rejetées par nombre d’Allemands. L’ouvrage n’a jamais été traduit en français. |
1920 |
Gide expédie à Curtius un exemplaire de La Symphonie pastorale : début de la correspondance entre les deux hommes. – Le 1er avril, Curtius est nommé professeur de philologie romane à l’université de Marburg, avec entrée en fonction immédiate. Dans le but de provoquer, il publie, dans La Revue de Genève, « Les influences asiatiques dans la vie intellectuelle de l’Allemagne aujourd’hui ». – Tirage privé de Corydon et de Si le grain ne meurt de Gide (Ire partie). |
1921 |
Publication confidentielle par Gide de Si le grain ne meurt (IIe partie). – En juin, première rencontre entre Curtius et Gide chez les Mayrisch, à Colpach. Gide publie « Les rapports intellectuels entre la France et l’Allemagne » dans La NRF ; Curtius publie « Deutsch-französische Kulturprobleme » dans le Neue Merkur, et Der Syndikalismus der Geistesarbeiter in Frankreich (Bonn, Friedrich Cohen), mais il faut surtout mentionner Maurice Barrès und die geistigen Grundlagen des französischen Nationalismus (Bonn, Friedrich Cohen). |
1922 |
Conférences de Gide sur Dostoïevski au Vieux-Colombier. Saül est créé par Jacques Copeau au Vieux-Colombier. – Curtius publie dans le Neue Merkur l’article « Pontigny » ; mais aussi « Rheinische Schicksalsfragen » dans Die Tat. Il participe aux Décades de Pontigny avec une intervention sur Stefan George. Il y fait la rencontre du jeune Jacques Heurgon, avec lequel il se lie d’amitié. |
29
1923 |
Gide, dont le réél désir d’enfant a petit à petit pris forme, devient père : Catherine Gide naît le 18 avril, à Annecy, mise au monde par Élisabeth Van Rysselberghe, la fille de sa grande amie Maria. Sa marraine est Aline Mayrisch. – Curtius publie Balzac (Bonn, Friedrich Cohen), salué par la critique et, contrairement aux essais précédents, par ses collègues. Il refuse de venir aux Décades de Pontigny pour protester contre l’occupation de la Ruhr. |
1924 |
Le 1er avril, Curtius est nommé professeur de philologie romane à l’université de Heidelberg, avec entrée en fonction immédiate. Cette nomination déplaît à certains collègues, qui voyaient en lui un « moderniste » peu compatible avec le sérieux de leur discipline. En août, il se rend pour la deuxième et dernière fois aux Décades de Pontigny. – Édition courante de Corydon de Gide à La NRF. |
1925 |
Avec Marc Allégret, Gide entreprend un voyage en Afrique noire (Congo et Tchad), qui dure près de onze mois. – Curtius publie Französischer Geist im neuen Europa (Stuttgart, DVA), qui complète Les Pionniers littéraires. |
1926 |
Pendant son absence de France, Gide fait publier Les Faux-Monnayeurs. Parution de Si le grain ne meurt. Édition originale du Journal des Faux-Monnayeurs. – Curtius publie un compte rendu des Faux-Monnayeurs dans Die Neue Rundschau. |
1927 |
Publication du journal d’Afrique de Gide sous le titre Voyage au Congo. En mai, celui-ci et Curtius se retrouvent à Fribourg puis Heidelberg (« Conversations infinies avec Curtius »). – En juillet-août, voyage de Curtius en France (Ouest, de la Normandie au Périgord, et Centre), avec Aline Mayrisch puis Jean Schlumberger. Il commence à souffrir d’« états pourtant trop réels de fatigue nerveuse ». |
1928 |
Vente de la villa Montmorency et installation de Gide et de Maria Van Rysselberghe en voisins de palier au 1bis, rue Vaneau (Madeleine vit exclusivement dans sa propriété normande de Cuverville). Publication du Retour du Tchad. – Curtius participe à un Hommage à Marcel Proust. |
1928-1929 |
Séjour de Curtius à Rome entre octobre 1928 et mars 1929. C’est là-bas qu’il apprend sa nomination à l’université de Bonn. |
30
1929 |
Le 2 janvier, entrée en fonction de Curtius à l’université de Bonn, en tant que professeur de philologie romane (et plus tard également médiévale). Il publie James Joyce und sein « Ulysses » (Zurich, Verlag der Neuen Schweizer Rundschau), et L’Idée de civilisation dans la conscience française (Paris, Dotation Carnegie pour la paix internationale). Le 1er novembre, il se fiance avec Ilse Gsottschneider, originaire de Mannheim, qui était une de ses étudiantes à Heidelberg. – Publication de L’École des femmes, dédicacé à Curtius, et de l’Essai sur Montaigne de Gide chez Schiffrin (« Bibliothèque de la Pléiade »), puis de Robert, supplément à L’École des femmes. Charles Du Bos publie son Dialogue avec André Gide. |
1930 |
Mariage de Curtius avec Ilse Gsottschneider. Publication de Die französische Kultur (Berlin/Stuttgart, DVA), une défense significative de la culture française. (Essai sur la France, trad. par J. Benoist-Méchin, Paris, Grasset, 1932.) – En mai, voyageant en Allemagne, Gide vient voir Curtius à Bonn. |
1930-1931 |
Curtius vit une crise existentielle qui le mène à un retour vers la tradition. Il écrit à Gide : « Je me trouve à un tournant de mon existence » (14 février). Il se détourne petit à petit des auteurs français, souvent proches des avant-gardes (Aragon, Valéry, Proust…), et s’intéresse à des écrivains plus « traditionalistes » tels T. S. Eliot, Hugo von Hofmannsthal, Miguel de Unamuno, José Ortega y Gasset. Il publie un compte rendu sur la pièce Œdipe de Gide dans Die Literarische Welt. |
1931 |
Publications de Divers de Gide (réunissant Caractères, Un esprit non prévenu, Dictées et Lettres). – Curtius traduit la pièce Œdipe de Gide (Stuttgart, DVA), publiée la même année et mise en scène par Georges Pitoëff à Paris. Il publie les réflexions de Gide sur l’Europe : Europäische Betrachtungen. Übertragen von Ernst Robert Curtius (Stuttgart, Berlin, DVA, 1931). |
1932 |
Œdipe dans sa version allemande (dont la publication a suscité de nombreux articles de presse) est mis en scène par l’avant-gardiste Gustav Hartung à Darmstadt. Gide fait plusieurs séjours à Berlin et assiste avec Curtius à la dernière représentation de sa pièce. Enthousiaste sur l’URSS, Gide soutient la politique de Staline. Parution du premier tome |
31 |
(sur quinze) des Œuvres complètes pour le compte des Éditions de la NRF. Début de la série des Pages de Journal données par Gide à La NRF. – Curtius écrit l’article « Goethe oder der deutsche Klassiker », paru dans Deutsch-französische Rundschau, puis en français dans La NRF. – Publication par Curtius de Deutscher Geist in Gefahr (Stuttgart, DVA) : ce livre combat la haine culturelle et sert à la compréhension de la tradition occidentale. Il y fait le diagnostic d’un déclin de la culture et plaide pour un renouveau par un retour aux valeurs humanistes qui devait passer à ses yeux par un nouveau contact avec le Moyen Âge. Décès de son père. Nouvel épisode de dépression et d’abattement physique et nerveux. Consultations chez C. G. Jung. Curtius se détourne de son époque et s’intéresse de plus en plus exclusivement au Moyen Âge et à sa littérature latine. |
1933 |
Hitler devient chancelier le 30 janvier. Curtius constate la fin de son rêve d’une entente franco-allemande. Il espère que la jeunesse nationaliste, « si tant est qu’elle intègre des objectifs culturels dans son vouloir », se tournera vers l’Italie. La culture italienne lui permettrait de lire Dante puis de découvrir Virgile, pour revenir nécessairement à la culture française. Durant l’été, il écrit à Catherine Pozzi : « Vous ne pouvez pas savoir ce que c’est que de vivre dans l’Allemagne d’aujourd’hui. Le droit, la raison, la culture y sont honnis. La Bête est déchaînée, l’esprit est terrorisé. » Le courrier postal est censuré, il ne peut écrire librement que lors de ses rares déplacements hors du pays (chez les Mayrisch par exemple). Il ne publie plus de livres ni de chroniques ou de traductions. – L’Humanité publie Les Caves du Vatican de Gide en feuilleton. |
1934 |
Publication par Gide de Perséphone. Il participe avec André Malraux et Ilya Ehrenbourg au grand meeting de la salle Wagram. – Curtius prête serment à Hitler, comme le régime l’exigeait de tous les enseignants. Un refus l’aurait envoyé en camp de concentration, car il avait suscité bien des critiques avec son pamphlet de 1932. Cette suspicion l’a empêché de se lier à des groupes de résistants ou de protester contre le sort des Juifs. Au lieu de s’exiler, il a préféré se taire. |
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1935 |
Publication des Nouvelles Nourritures de Gide. – En juin, Curtius voyage au Portugal et participe aux célébrations en l’honneur de Luis de Camões. Il poursuit son voyage à Paris où il revoit Gide. |
1936 |
Candidature de Curtius à l’université de Bâle (succession de Marcel Raymond). C’est Albert Béguin qui est finalement retenu, malgré les recommandations de la commission. – Invité par les autorités soviétiques, Gide se rend en URSS, en compagnie de Pierre Herbart. Il est rejoint par Louis Guilloux, Jef Last, Jacques Schiffrin et Eugène Dabit, qui y meurt. Très rapidement, il fait paraître Retour de l’URSS. – Curtius publie « Calderón und die Malerei » (Romanische Forschungen, no 50, p. 89-136). |
1937 |
Gide rompt avec le communisme avec la publication des Retouches à mon « Retour de l’URSS ». La presse communiste réagit violemment. |
1938 |
Le 17 avril, mort de Madeleine Gide à Cuverville. – Curtius prépare sa grande étude sur la littérature européenne et le Moyen Âge latin. Le 16 mai, il écrit à Jacques Heurgon : « Je suis tombé sur une veine presque inexplorée. Je devrais dire une vaste étendue de territoire. Il faut une véritable hybris pour s’aventurer à travers cette forêt vierge. » Curtius publie « Zur Literarästhetik des Mittelalters » (Zeitschrift für romanische Philologie, no 58, p. 1-50). |
1939 |
Gide voyage en Égypte et en Grèce. Publication de son Journal (1889-1939) dans la « Bibliothèque de la Pléiade ». – Décès de Charles Du Bos. – Curtius passe ses dernières vacances avant le début de la guerre, à Mürren (Oberland bernois). Il retourne en Allemagne le 28 août. En décembre, le commandement militaire local lui demande s’il lui est possible de quitter son poste ; grâce au doyen de la faculté de Bonn, il est libéré du service militaire. Plusieurs attaques issues des milieux universitaires nazis avaient pour but son licenciement. Ces milieux lui reprochaient de ne pas « s’engager » suffisamment. Selon plusieurs témoignages, Curtius a énormément souffert de l’évolution de la situation, à commencer par la catastrophe française de 1940. |
33
1939-1940 |
Lors du déclenchement des hostilités, Gide se trouve en cure au Mont-Dore. Il rejoint Nice puis Vence, et s’installe à La Messuguière, chez Aline Mayrisch, à Cabris, pendant plus d’un an. Il adopte une position attentiste. Il est ensuite accueilli par les Bussy, à Nice. Parution du dernier tome de ses Œuvres complètes. |
1941 |
Gide rompt avec La NRF. En octobre, il s’installe à Nice avec Catherine et Maria Van Rysselberghe. Première Interview imaginaire dans Le Figaro. Certains de ses dix-huit textes seront censurés. |
1942 |
Gide s’exile en Afrique du Nord. Il loge à Sidi Bou Saïd (Tunisie), puis à Tunis. – Dès août, la Rhénanie est le théâtre de bombardements. |
1943 |
Publication en Suisse et aux États-Unis des Interviews imaginaires de Gide. Gide, invité par les Heurgon, quitte la Tunisie pour Alger. Il ira également au Maroc. – Curtius traduit Thésée de Gide. Il travaille avec acharnement à son opus magnum sur la littérature du Moyen Âge. |
1944 |
Curtius est invité à faire des conférences au Portugal, mais le ministère correspondant du Reich n’autorise pas ce voyage du fait que Curtius, « libéraliste pur et dur », était « trop distant à l’égard du national-socialisme ». En mars, l’Institut d’études romanes de Bonn est détruit avec une partie de sa bibliothèque. L’appartement de Curtius devient inhabitable. Entre septembre 1944 et mai 1945, les Curtius séjournent à Mönchshof, près de Niederbreisig (Rhénanie-Palatinat). |
1945 |
Le 6 juin, retour de Gide à Paris. – Curtius reçoit des offres des universités de Hamburg et de Tübingen, mais refuse. À la fin de l’année, il visite Aline Mayrisch à Colpach. |
1946 |
Thésée est publié chez Pantheon Books à New York. Gide refuse d’entrer à l’Académie française (malgré le souhait formulé par le général de Gaulle). Il voyage en Égypte et au Liban où il donne des conférences, comme plus tard en Allemagne et en Autriche. Sa traduction de Hamlet est mise en scène par Jean-Louis Barrault au théâtre Marigny. – Curtius renoue des liens épistolaires avec ses amis étrangers : Gide, Max Rychner, T. S. Eliot, etc. Il reprend ses cours à Bonn. |
34 |
Il continue à fasciner par son savoir, son entrain. Mais son élitisme ne plaît pas à tout le monde, tout comme son côté péremptoire. La littérature contemporaine ne l’intéresse plus (en littérature française, il reconnaît ne pas y avoir observé de nouveaux sommets dans les vingt dernières années), puisqu’il dit volontiers que « le moderne se contente de peu ». Elle passe désormais au second plan, son grand travail ayant consisté à montrer la continuité de la littérature européenne entre l’Antiquité et la modernité, en passant par le Moyen Âge latin. |
1947 |
Décès d’Aline Mayrisch. – Publication confidentielle de Et nunc manet in te de Gide suivi des passages supprimés du Journal ayant trait à Madeleine aux éditions Ides et Calendes (Neuchâtel). Début de la publication du Théâtre complet (Neuchâtel, Ides et Calendes, 8 volumes). Gide se voit décerner le titre de docteur honoris causa de l’université d’Oxford (où il se rend avec Catherine). Il est lauréat du prix Nobel de littérature le 13 novembre. Jean-Louis Barrault monte l’adaptation du Procès de Kafka par Gide au théâtre Marigny. En juin-juillet, Gide passe trois semaines en Allemagne, va à Bonn et revoit Curtius. |
1948 |
L’édition définitive des Notes sur Chopin de Gide est publiée aux Éditions de L’Arche. – Curtius publie son opus magnum, auquel il aura travaillé dix ans : Europäische Literatur und lateinisches Mittelalter (Berne, Francke Verlag). Ce livre souhaite mettre en évidence la continuité de la littérature européenne. En août, voyage à Mürren. Sur le chemin du retour, il rencontre son grand ami Max Rychner à Bâle. |
1949 |
Gide subit une légère attaque cardiaque à Paris. Publication des Feuillets d’automne au Mercure de France et de l’Anthologie de la poésie française dans la « Bibliothèque de la Pléiade ». Les trente-quatre entretiens radiophoniques de Gide avec Jean Amrouche sont diffusés par l’ORTF. Publication de sa Correspondance avec Paul Claudel (par les soins de Robert Mallet). Une exposition est organisée en son honneur par Marie Dormoy à la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet. Sa santé faiblit. – Parution de la traduction de Thésée de Gide |
35 |
par Curtius, débutée en 1947 (Stuttgart, DVA ; prépublication dans Merkur I, 1947-1948, et II, 1948). De juin à décembre, Curtius passe six mois aux États-Unis, en compagnie d’Albert Schweitzer : d’abord à Aspen, Colorado, pour le Goethe bicentennial: The Medieval Bases of Western Thought, puis à l’Institute for Advanced Study à Princeton (New Jersey). |
1950 |
Gide publie son Journal (1942-1949) chez Gallimard. Littérature engagée paraît par les soins d’Yvonne Davet. Voyage en Sicile avec Pierre Herbart. Les Caves du Vatican est monté par Jean Meyer à la Comédie-Française. Lors de la création (13 décembre), le président de la République Vincent Auriol est présent. – Le 21 janvier, Curtius prononce un discours à l’occasion du prix Lessing qu’il se voit attribuer par la ville de Hamburg : « Literarische Kritik in Deutschland ». Il publie Kritische Essays zur europäischen Literatur (Berne, Francke Verlag) : ce volume réunit des articles sur Virgile, Goethe, Friedrich Schlegel, Balzac, Emerson, Stefan George, Hofmannsthal, Hesse, Unamuno, Ortega y Gasset, Ramon Pérez de Ayala, Eliot, Toynbee, Cocteau, et finit avec un brillant essai sur les Argonautes. En novembre, il se rend à Paris pour la semaine Balzac et voit Gide une dernière fois. |
1951 |
Gide meurt des suites d’une congestion pulmonaire le 19 février. Ses obsèques se déroulent à Cuverville. Six jours avant de mourir, l’écrivain a mis le point final à Ainsi soit-il ou Les jeux sont faits, qui sera publié en 1952. La NRF fait paraître en novembre un numéro d’hommage à l’écrivain (Curtius lui consacre un article intitulé « Amitié de Gide »). Curtius écrit à Anne Heurgon : « Il y avait entre Gide et moi une amitié profonde et que je [ne] puis expliquer à personne. Elle différait de ses amitiés françaises. Je m’en rends bien compte en lisant les souvenirs de Mauriac, père et fils, de la Table Ronde. Entre Gide et moi la question du catholicisme ne se posait pas, ni la question du communisme, ni la question morale… Ni bien d’autres questions encore. En revanche, nous avions en commun Goethe, Browning, Dante, Virgile. Mais ces noms ne marquent que d’une façon symbolique le pays de notre amitié. Les sympathies ne s’expliquent pas. |
36 |
C’est le dernier de mes “grands aînés” qui s’en va » (8 avril 1951). – Le 31 mars, Curtius devient professeur émérite et arrête l’enseignement. Son dernier cours est consacré à Brise marine de Mallarmé : « La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres. / Fuir ! là-bas fuir ! […] / Je partirai ! » Il reçoit la plaquette Goethe, distinction importante de la ville de Francfort-sur-le-Main. Le 20 juin, on lui décerne le titre de docteur honoris causa de l’université de Glasgow à l’occasion de la célébration des cinq cents ans de l’université. |
1952 |
Curtius republie Französischer Geist im zwanzigsten Jahrhundert (Berne, Francke Verlag), qui reprend pour partie Les Pionniers littéraires. Il publie également un essai sur Marcel Proust (Berlin/Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp Verlag). Le 31 mai, il est décoré de l’ordre national du Mérite. Fin octobre, il connaît des problèmes de santé altérant ses capacités à s’exprimer et à écrire. |
1954 |
En novembre, Curtius est fait docteur honoris causa par la Sorbonne. Il est le premier Allemand à recevoir cet honneur après la guerre. Claude David publie la traduction française de Kritische Essays zur europäischen Literatur : Essais sur la littérature européenne (Grasset). – Publication (posthume) de Journal 1939-1949. Souvenirs d’André Gide. |
1954-1955 |
De novembre 1954 à mai 1955, Curtius séjourne à Rome avec sa femme. |
1956 |
Décès à Rome d’Ernst Robert Curtius le 19 avril, cinq jours après son 70e anniversaire. Son corps est rapatrié à Fribourg-en-Brisgau, où il est enterré dans la tombe familiale des Erlenbach. Selon Jacques Heurgon, « il est beau que Curtius lui-même soit mort à Rome ». Jean Schlumberger note, dans Le Figaro du 28 avril : « Avec lui, la littérature française perd le plus compréhensif et en même temps le plus courageux des commentateurs qu’elle ait eu hors de nos frontières. » Max Rychner et Walter Boehlich avaient préparé un volume de mélanges, Freundesgabe für Ernst Robert Curtius zum 14. April 1956 (Berne, 1956). Publication française de Europäische Literatur und Lateinisches Mittelalter, traduit par Jean Bréjoux : La Littérature européenne et le Moyen Âge latin (PUF). |
37
1960 |
Publication des deux ouvrages posthumes de Curtius, Gesammelte Aufsätze zur romanischen Philologie (Berne, Francke Verlag), et Büchertagebuch (Berne, Francke Verlag, avec une postface de Max Rychner). |
1980 |
Publication par Herbert et Jane M. Dieckmann, de Deutsch-französische Gespräche 1920-1950. La Correspondance de Ernst Robert Curtius avec André Gide, Charles Du Bos, Valery Larbaud (Francfort-sur-le-Main, Vittorio Klostermann). |
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- ISBN : 978-2-406-09319-0
- EAN : 9782406093190
- ISSN : 2494-4890
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09319-0.p.0025
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 02/12/2019
- Langue : Français