Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Construire la légitimité politique de l’Antiquité à nos jours
- Pages : 387 à 394
- Collection : Travaux du Centre d’études supérieures de la Renaissance, n° 6
Résumés
Michaël Girardin et Christian-Georges Schwentzel, « Introduction générale. Construire la légitimité politique. Remarques préliminaires »
Même si l’historien s’intéresse aux crises, il faut admettre que l’obéissance demeure la règle dans toutes les sociétés. Comment les dominants peuvent-ils clamer leur « bon droit » afin d’obtenir l’adhésion de la majorité ? Un catalogue sommaire de la « boîte à outil » des dominants permet de faire apparaître des redondances historiques qui justifient une enquête sur la longue durée. Il convient toutefois de faire attention au caractère processuel et jamais définitif de la légitimation.
Paul Cormier, « Notes sur la légitimation politique. Revue de la littérature (en science politique) et pistes analytiques »
Un des grands questionnements politiques contemporains concerne la « crise de légitimité » dont pâtiraient les démocraties libérales. Ce chapitre propose de déplacer doublement le regard en opérant, d’une part, un retour historique sur l’étude de la légitimité en science politique et en proposant, d’autre part, de passer d’une acception essentialiste de la légitimité à une analyse des processus de légitimation dans toute leur complexité.
Paul Cournarie, « Légitimité de la légitimité ? »
L’article vise trois choses : 1) justifier l’usage des notions de légitimité ou légitimation dans les études anciennes et dans les études sur la politique ; 2) ressaisir à partir d’un exemple canonique, Max Weber, les perspectives que peuvent offrir ces notions ; 3) proposer une mise en perspective des articles d’histoire grecque qui suivent.
388Alexandra Bartzoka, « Construire et déconstruire la légitimité. De l’hégémonie à l’archè athénienne (ve siècle avant J.-C.) »
L’objectif est d’examiner les différentes formes de dispositifs de justification et de contestation du pouvoir exercé par Athènes sur ses alliés dans le cadre de la ligue de Délos au ve siècle avant J.-C. La construction de la légitimité du pouvoir athénien a été un processus de longue durée qui a pris sa forme dynamique lors des relations complexes qui ont été établies entre les deux membres de l’échange et qui a abouti à l’effondrement de l’archè athénienne.
Hugo Chausserie-Laprée, « Charmer les cœurs. Le Hiéron de Xénophon ou la production d’une légitimité charismatique »
À contre-courant de l’imaginaire classique érigeant la tyrannie en monstruosité, Xénophon s’attache dans le Hiéron à réhabiliter ce régime par la notion de charis (grâce, bienfait). Celle-ci lui permet de penser les manières par lesquelles le détenteur d’une autorité est en mesure d’obtenir un consentement spontané et affectif. La légitimité doit faire l’objet d’une production fondée sur la mise en œuvre d’une économie charismatique, largement influencée du reste par les pratiques civiques.
Michaël Girardin, « L’évergétisme fiscal, un outil de légitimation séleucide en Judée ? iie siècle av. J.-C. »
Les souverains séleucides ont tâché de maintenir l’ordre en Judée en s’alliant avec l’élite sacerdotale. Il ne semble pas que le concept de « légitimité » ait du sens, car le gouvernement semble être surtout une affaire technique. Néanmoins, le roi vise à acheter l’eunoia, l’obéissance de bonne volonté. Or, la propagande maccabéenne parvient à rendre inefficace cette stratégie royale, rendant les concessions de plus en plus inaptes à créer l’obéissance et, plus encore, la fidélité.
Léonard Dauphant, « La légitimation au Moyen-âge. La majesté bricolée ? »
Au Moyen Âge, les pouvoirs de la chrétienté construisent des discours aptes à asseoir la continuité de leur domination. Le discours de légitimation veut supplanter des compétiteurs ; la légitimité implicite transforme le temps en coutume. De plus, faire accepter sa présence n’implique en aucune manière 389d’arriver à justifier une politique ou un personnel. Enfin, les pouvoirs arrivent parfois à construire l’Histoire et rapprocher leur domination du fait naturel. La majesté est un bricolage.
Raphaël Guérin, « Translatio imperii. L’usage de la Donation de Constantin dans le discours des papes grégoriens (xie s. – xiiie s.) »
L’article analyse l’usage et le contenu de la Donation de Constantin dans les rares textes pontificaux de la Réforme grégorienne qui y font référence, principalement dans les sermons d’Innocent III. Le propos tente de saisir l’originalité mais aussi les limites de la translatio imperii dans le discours de légitimation des papes, lequel est resitué dans le contexte de renforcement de l’autorité pontificale et la transformation des symboles de son pouvoir.
Élisa Mantienne, « Les discours de légitimation de la royauté lancastrienne dans les productions du monastère de Saint-Albans. 1399 – c. 1420 »
L’exemple du monastère bénédictin de Saint-Albans (Hertfordshire) dont les chroniqueurs reproduisirent le document officiel de la déposition de Richard II, le « Record and Process », permet d’analyser la réutilisation des discours produits par le pouvoir anglais après le coup d’État d’Henri IV Lancastre en 1399. Les moines étaient conscients des limites des justifications du pouvoir et modifièrent en conséquence leurs discours, tout en voulant protéger les intérêts de leur établissement.
Aymeric Landot, « Réflexions sur la décennie 1420 dans la légitimation des prétendants au trône de France »
Après le traité de Troyes en 1420 et la mort d’Henri V et de Charles VI, deux légitimités concurrentes s’affrontent pour s’établir et s’affirmer comme pouvoir royal : Henri VI, fils d’Henri V, roi d’Angleterre, et le Dauphin Charles, fils de Charles VI, déshérité par le traité de Troyes. Chacune met en place des stratégies de légitimation dont les cérémonies de sacre constituent les moments clés, dans leurs mises en scène comme dans les discours de légitimation qu’ils portent.
390Paul-Alexis Mellet, « Les conflits de légitimité. Institution divine, hérédité et droits (xvie-xviiie siècles) »
Au cours de l’époque moderne, les Européens se questionnent sur la légitimité. Les nombreux conflits de toute nature qui ont jalonné cette période ont donné naissance à des méthodes de résolution originales. Aussi les contemporains s’attachent-ils à étudier les signes de l’élection divine des gouvernants, l’ancienneté de leur pouvoir et leurs rapports avec les gouvernés. Et c’est une nouveauté : un contrat doit lier ces derniers à leurs dirigeants, notamment au travers d’une constitution.
Sophie Tejedor, « Prouver la légitimité du pouvoir au temps des troubles de religion. Les mises en scène de l’ “assemblée de Fontainebleau” (août 1560) »
À la veille de la crise politico-religieuse de la seconde moitié du xvie siècle, le gouvernement du jeune François II (1559-1560) entend prouver la légitimité d’une autorité monarchique affaiblie par la division entre catholiques et protestants et le mécontentement nobiliaire. La mise en spectacle d’un pouvoir consultatif et la mise en scène de la parole nobiliaire à Fontainebleau en août 1560 cherchent à répondre aux critiques portées quant à l’illégitimité des conseillers du roi.
Fanny Giraudier, « Raison, affection et bien du service du roi. Les discours de légitimité d’Henri IV »
L’article présente la façon dont Henri IV orchestre sa légitimation comme successeur du trône de France. Le roi s’empare de thèmes comme la raison, le bien commun et surtout le bien du service du roi pour appeler l’ensemble des sujets à le reconnaître comme légitime. Il s’agit également de montrer les limites de cette stratégie, posées notamment par la situation personnelle du souverain, illustrant la nécessité pour lui de faire coïncider corps politique et simple corps, théorie et réalité.
391Emmanuel Lemée, « Peut-on légitimement choisir son roi ? Le rôle des prétendants au trône de Charles II d’Angleterre dans l’évolution du débat politique anglais (1672-1685) »
La fin du règne de Charles II d’Angleterre fut le théâtre d’une lutte âpre pour la succession au trône. Les trois prétendants développèrent leur propre stratégie afin de s’assurer la couronne, sur des sources de légitimité différentes : les institutions du royaume, le soutien populaire ou la défense de l’Église anglicane. Ces discours entrèrent en résonnance avec ceux des Whigs et des Tories, coalitions politiques en formation, jouant un rôle dans l’évolution de la vie politique britannique.
Xavier Gilly, « Légitimer la répression de ses sujets. La politique anti-protestante de la monarchie française dans le Bas-Languedoc au début du siècle des Lumières »
Après la Guerre des Cévennes (1702-1709), les protestants sont persécutés par un pouvoir auquel ils jurent pourtant fidélité. Quelles justifications donne le pouvoir de cette politique, alors que germent les idées des Lumières sur la tolérance religieuse ? C’est que le huguenot pâtit d’une image intemporelle de traître, contre lequel il faut mobiliser une panoplie d’outils répressifs. Mais au milieu du siècle, cette image est remise en question, affaiblissant la légitimité de la répression.
Maxime Triquenaux, « Le portrait de Marie-Antoinette en robe de gaulle, ou le corps symbolique de la reine au risque de sa représentation »
Au Salon 1783, le public découvre la toile Marie-Antoinette en chemise ou en gaulle signée Élisabeth Louise Vigée-Le Brun, retirée de l’exposition car la reine y apparaît vêtue d’un habit jugé inconvenant. Cette affaire fournit un exemple particulièrement parlant de la crise de la dignité royale et souligne une angoisse collective dans la culture politique d’Ancien Régime : une fantasmatique « prise de pouvoir des femmes ».
Alice Mazeaud, « La légitimité politique n’est plus ce qu’elle était… Ruptures et continuités dans le travail de légitimation politique »
Les contributions réunies ici ne procèdent pas une archéologie de la « crise de légitimité » au sens où elles chercheraient à en analyser les causes. Elles 392étudient les stratégies symboliques et matérielles d’auto-légitimation du pouvoir politique et les opérations concrètes mises en œuvre au quotidien par les gouvernants pour susciter le soutien (diffus) ou simplement l’acceptation passive de la population, et par conséquent, s’imposer comme la seule autorité crédible.
Roman Motornov, « Les fondements métaphysiques de la légitimité du régime napoléonien »
Dans leurs discours qui précèdent la proclamation de l’Empire, les membres du Sénat conservateur évoquent un riche éventail de fondements métaphysiques de la légitimité du régime napoléonien : non seulement les qualités surnaturelles de Napoléon, mais aussi les origines transcendantes de l’État qu’il a fondé. Les sénateurs voient dans le nouveau régime l’union spirituelle de la nation française. Dans cette perspective, la proclamation de l’Empire apparaît comme nécessaire et logique.
François-Xavier Martischang, « Imposer le régime en province. Les discours de légitimation dans les départements lorrains dans la première moitié du xixe siècle (1799-1848) »
L’exemple des départements lorrains, permet de montrer que, de 1800 à 1848, les régimes politiques successifs en France ont cherché à renforcer leur légitimité grâce aux cérémonies politiques. Celles-ci leur permettaient de souligner leur légitimité politique, religieuse et historique. Mais elles avaient en réalité surtout l’objectif d’unir la population autour du trône par le partage des émotions. Cet idéal d’unanimité s’est cependant révélé impossible à atteindre.
Jean-Octave Guérin-Jollet, « Contre le pouvoir et Contre-pouvoir. Pratiques et discours de légitimation politique de l’autonomie en France. 1970-1990 »
Les acteurs traditionnels du champ politique sont loin d’être les seuls à développer des discours de légitimation. Les autonomes, considérés comme illégitimes par la plupart des acteurs politiques, syndicaux ou médiatiques, mobilisent également des formes de légitimation qui, en dépit de leur nature protéiforme et éclatée, mettent en évidence l’existence de discours s’émancipant de la problématique du pouvoir pour investir d’autres rapport au politique et à la politique.
393Paul Cormier, « Comment légitimer un coup d’État militaire ? Le coup d’État du 12 septembre 1980 en Turquie et le discours de la junte »
Le 12 septembre 1980 au matin, l’état-major de l’armée turque vient de prendre le pouvoir. Quels sont les registres discursifs mobilisés par la junte pour défendre l’interruption par la force du fonctionnement des institutions politiques légitimes et leur remplacement par un régime militaire autoritaire et répressif ? L’armée affirme lutter contre « l’anarchie » et le « terrorisme », puis se présente comme « le dernier recours » pour garantir la « sécurité nationale ».
Damien Simonneau, « Réaffirmer la légitimité de l’État à contrôler son territoire. Cas des murs israéliens et états-uniens »
À rebours d’une analyse en termes de crise de la légitimité des États à contrôler leurs frontières, une sociologie politique des mobilisations pro-barrière permet d’explorer la critique que ces acteurs adressent aux autorités pour justement ne pas exercer la légitimité de l’État à clôturer l’espace national face à des mobilités considérées comme envahissantes. Ces mobilisations visent donc à mettre l’État face à l’exercice de ses prérogatives souveraines.
François Bonnaz, « La participation citoyenne au secours de la représentation politique ? »
Dans un contexte de crise de la représentation politique, la démocratie participative peut parfois être vue comme un moyen d’acquérir une légitimité en perdition. Le cas grenoblois est éclairant sur la capacité des agents à recourir à ses dispositifs, afin d’asseoir l’autorité de leurs institutions publiques. Il permet d’élaborer une réflexion sur les cycles de légitimation et de dé-légitimation politique à travers le prisme de l’innovation démocratique à l’échelle locale.
Christian Le Bart, « La légitimation politique aujourd’hui, entre exemplarité institutionnelle et distance au rôle »
L’hypothèse, concernant la France d’aujourd’hui, est la suivante : l’essoufflement des dispositifs classiques de légitimation du politique et la critique de l’ordre politique obligent les gouvernants à puiser dans des formes 394alternatives de légitimité. Plus précisément, l’essoufflement des légitimités institutionnelles incite à puiser dans des légitimités individuelles, ce qui en retour affaiblit encore un peu plus l’ordre institutionnel.
Paul Cormier, Xavier Gilly et Michaël Girardin, « De la légitimité à la légitimation. Réflexions conclusives »
En définitive, cette enquête sur le concept de légitimité aboutit à la mise en valeur de son caractère processuel. Le concept de « légitimation » insiste sur la construction et l’historicisation de la stabilité du pouvoir politique. Mais il dissimule quelques aspects d’un dialogue plus complexe, puisque les destinataires récupèrent des arguments du discours officiel, voire produisent des contre-discours. La légitimité reste empirique et bricolée.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-10425-4
- EAN : 9782406104254
- ISSN : 2496-1140
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10425-4.p.0387
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 25/01/2021
- Langue : Français