Book review
- Publication type: Journal article
- Journal: Colette, réinventer le métier d’écrire
2023 – 8 - Author: Reid (Martine)
- Pages: 263 to 265
- Journal: Journal of Modern Literature
- Series: Colette, n° 1
Paola Palma, Colette et le cinéma, Meudon, Quidam Éditeur, coll. « Le cinéma des poètes », 2023, 98 p.
Spécialiste d’études cinématographiques à l’université de Caen, Paola Palma apporte à la question des rapports entre Colette et le cinéma un regard neuf et bien informé.
L’auteure rappelle d’abord la place du cinéma dans les romans de Colette, ce qui lui permet, par le biais de citations glanées au fil d’une lecture attentive des œuvres, de convaincre de la prégnance d’une référence au septième art qui revient régulièrement sous la plume de l’écrivaine.
La deuxième partie consacrée à « Colette critique de cinéma » est peut-être plus attendue, du moins de la part de celles et ceux qui connaissent les textes édités à ce sujet par Alain et Odette Virmaux avec Alain Brunet dans Colette et le cinéma (Fayard, rééd. 2004, 550 p. ill.). Il n’est pas inutile pourtant de rappeler la participation de l’écrivaine au magazine Le Film et de souligner sa fascination pour le « star system » en train de se mettre en place par le biais d’actrices et d’acteurs tels que May West ou Charles Boyer, auxquels elle consacre des articles.
La dernière partie enfin, « Écrire et travailler pour le cinéma », est la plus intéressante (elle occupe la moitié du court volume). Paola Palma documente soigneusement chacune des collaborations de l’écrivaine avec des réalisateurs et réalisatrices en réalité très différents, et non des moindres. Au passage, elle cite quelques textes demeurés à l’état de manuscrit (p. 82-83) et décrit, quand ils ont été conservés, des films difficiles à voir. Elle rappelle que les rapports de Colette avec le cinéma ne se limitent pas aux seules adaptations de ses œuvres : l’écrivaine rédige également des scénarios originaux (pour Lac aux Dames de Marc Allégret, 1934, ou Divine de Max Ophuls, 1935) et accepte à deux reprises la composition de sous-titres : d’abord pour le film allemand Jeunes filles en uniforme (1931, p. 48-52), puis pour le film américain Papa Cohen (1933, p. 52-53), et ce malgré 264qu’elle ne sait ni l’allemand ni l’anglais – manifestement, dans ces circonstances, son nom est utilisé, avec son plein accord, à des fins publicitaires (p. 54). Colette figure également, en personne, dans l’ouverture de Gitanes (1933) que l’on doit à Jacques de Baroncelli (et dont il ne reste que la première bobine, p. 73-75) ; cette apparition-là participe assurément d’un fort souci de médiatisation, tous moyens confondus, qui trouvera son aboutissement dans le documentaire que lui consacre Yannick Bellon en 1952.
À la lecture de ces pages, toutes sortes de questions viennent à l’esprit. Ainsi aimerait-on en apprendre davantage sur les circonstances exactes du travail de Colette en Italie en 1918, sur sa coopération avec Jacqueline Audry à trois reprises (pour l’adaptation de Gigi, 1949, de Minne, l’ingénue libertine, 1950, et de Mitsou ou Comment l’esprit vient aux filles, 1956), ou encore sur les deux adaptations de La Vagabonde, la seconde, que l’on doit à Solange Bussi, ayant permis à Colette de Jouvenel de faire ses débuts d’assistante de production. C’est dire qu’on ne saurait assez encourager l’auteure à poursuivre ses recherches dans un domaine qui compte encore de nombreux aspects à explorer.
Outre le choix du titre, déjà utilisé, on peut regretter l’expression de jugements convenus sur une Colette « intellectuelle » (p. 9) qui appellent la nuance. On lit par exemple : « la Colette de toujours […] libre de préjugés, indifférente aux canons, et dotée d’une clairvoyance et d’une intelligence fascinantes » (p. 59) ; « les dernières années de sa vie – celles de la consécration définitive, d’une quasi sanctification » (p. 69), Colette « toujours en avance sur son époque » (p. 72), etc. On peut s’étonner par ailleurs qu’un propos attentif au « genre » utilise sans sourciller les mots « spectateur » et « chercheur », et n’hésite pas à écrire « l’une des premiers écrivains » et « l’une des premiers romanciers » (p. 65), formulation boiteuse que l’utilisation – jugée réductrice ? – des termes « romancière » et « écrivaine », qui pourtant s’impose, aurait permis d’éviter.
Ceci ne saurait diminuer les qualités réelles d’un petit texte généralement bien mené, joliment édité de surcroît, qui fournit aux lectrices et aux lecteurs toutes sortes d’informations précieuses, déroule sans faillir un ensemble d’arguments pertinents, et souligne la cohérence et l’originalité de la position de Colette dans un domaine 265qui, en particulier au début des années 1910 quand elle commence à s’y intéresser, est balbutiant. On ne peut qu’en recommander la lecture.
Martine Reid
Université de Lille
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-15177-7
- EAN: 9782406151777
- ISSN: 0035-2136
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-15177-7.p.0263
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 08-16-2023
- Periodicity: Monthly
- Language: French