Autant l’avouer tout de go : on ne trouvera pas ici, comme c’est pourtant l’usage – même si, la plupart du temps, son caractère artificiel ne trompe personne – de justification « structurale » au rassemblement de ces études dont la rédaction s’étale sur plus de vingt ans, au gré des occasions, des circonstances, des idées ou des envies du moment. Loin de prétendre qu’on propose ici un corpus bâti à chaux et à sable, répondant à une nécessité organique, nous revendiquons le droit – et, si on nous poussait dans nos derniers retranchements, nous oserions dire : le devoir – de la déliaison capricieuse, en fidélité à la poétique du bariolage, de l’arabesque, de l’ollapodrida, de « l’incidence », du « stromate » que Chateaubriand pratique dans ses Mémoires avec une liberté sans pareille. Il s’agit donc d’une promenade critique, dont le fil rouge, délibérément lâche, serait celui du voyage, entendu en son sens le plus souple et le plus large : aventures, déceptions, pannes, humeurs, rencontres, dialogues avec les êtres, les choses, les esthétiques, instantanés d’un homme et d’un écrivain saisi en des postures ou dans des lumières aussi variées que possible, en s’autorisant écarts et excursus, qui font partie intégrante du parcours. Homo viator : Chateaubriand, on le sait, a exploité à fond cette métaphore immémoriale. Sur ses pas vagabonds, on invite à suivre un lectorviator en somme. Toute lecture est un voyage – le contraire même des programmes pré-fabriqués de ce que, d’un affreux oxymore, on appelle « voyage organisé ».