Necrology
- Publication type: Journal article
- Journal: Cahiers Tristan Corbière
2022, n° 5. Relations - Author: Quesseveur (Anne-Marie)
- Pages: 389 to 392
- Journal: Tristan Corbière Studies
nÉcrologie
Décès d’Alice Le Guével, ancienne conservatrice et directrice de la Bibliothèque « Les Amours jaunes »,
à Morlaix
Le samedi 7 août 2021 avaient lieu en l’église Saint-Eutrope, dans sa commune natale de Plougonven, près de Morlaix, où elle passa l’essentiel de sa vie, les obsèques de Mademoiselle Alice Le Guével, décédée à l’âge de 95 ans. Ancienne conservatrice de bibliothèque, elle dirigea jusqu’en 1986, date de son départ en retraite, la bibliothèque municipale de Morlaix – créée en 1873 par Edmond Puyo, maire, oncle maternel de Tristan Corbière – qui prit le nom des « Amours jaunes » au début des années 2000.
Après des études secondaires à Morlaix, une licence d’histoire-géographie, un bref passage dans l’enseignement, Alice Le Guével obtint à la Sorbonne un diplôme de bibliothécaire-archiviste puis prit ses fonctions à la bibliothèque municipale de Morlaix en 1954. C’était une lourde tâche car elle dut gérer et développer simultanément durant plus de 30 ans les collections de livres contemporains, documentaires, romans, périodiques pour jeunes et adultes, que l’on appelle « lecture publique », ainsi que les archives anciennes, une partie des archives modernes (jusqu’à 1940) mais surtout les collections patrimoniales qui sont parmi les plus importantes de Bretagne. Celles-ci comprennent une partie générale d’environ 20 000 volumes dont cinq incunables, des manuscrits, cartes, plans et dessins, ainsi qu’une section bretonne très riche dont le fleuron est le remarquable fonds Edouard et Tristan Corbière.
Alice Le Guével, en plus des tâches techniques et de l’accueil du public, consacrait du temps à consulter les catalogues de libraires et salles des ventes qu’elle recevait régulièrement, y cherchant le document rare dont l’achat enrichirait les collections de la bibliothèque, sollicitant ensuite les aides financières nécessaires. Elle entretenait aussi des relations avec 390les descendants des familles Corbière et Puyo, des écrivains, critiques et universitaires, français ou étrangers, « corbiériens » passionnés comme Michel Dansel, l’Américain Francis Burch, l’Italien P.A. Jannini ou des collectionneurs comme Henri Matarasso. C’est ainsi qu’elle put acquérir de nombreuses éditions des romans maritimes d’Edouard Corbière et des « Amours jaunes » (dont une édition originale des poèmes avec dédicace autographe de l’auteur), des lettres et dessins de Tristan. On lui doit en particulier l’achat de plusieurs éditions illustrées de l’unique recueil du poète morlaisien. Citons entre autres : l’œuvre du peintre de la marine, d’origine bretonne, Jean-Jacques Morvan, avec lithographies et emboîtage sculpture ; la partie « Armor », rehaussée par les eaux-fortes de Romanin (pseudonyme du résistant Jean-Moulin) avec dédicace manuscrite de l’artiste ; « La rapsode foraine et le pardon de Sainte-Anne », accompagnée de bois gravés de Malo-Renault.
En 1975, Alice Le Guével organisa avec André Cariou, conservateur du musée morlaisien des Jacobins, une très belle exposition marquant le centenaire de la mort de Tristan Corbière et participa à l’élaboration du catalogue des œuvres et documents présentés, issus des collections de la ville de Morlaix ou d’autres fonds publics et privés.
Femme de grande culture, elle partageait ses loisirs –tant que sa santé le lui permit – entre des visites d’expositions à Paris et sa passion des voyages qui lui fit découvrir, entre autres contrées, le Moyen-Orient, l’Inde, la Chine.
DÉcÈs de Jean Berthou, admirateur
et grand connaisseur d’Édouard CorbiÈre
Jean Berthou est décédé le 6 décembre 2022, à l’âge de 90 ans, à son domicile de Cachan (Val de Marne). Né en 1932 à Cléder, commune côtière du nord Finistère, il était très attaché à la Bretagne, sa langue, sa culture. Après des études secondaires à Saint-Pol-de-Léon, il fit un cursus et une carrière scientifiques : docteur en médecine, chercheur au CNRS (biologie moléculaire et cristallographie), chargé de cours à l’université de Jussieu.
391Malgré tous ces titres, c’est pourtant dans le domaine artistique et littéraire que les Finistériens connaissent Jean Berthou. Il se prit d’abord de passion pour Yan’ Dargent (1824 Saint-Servais–1899 Paris), peintre et illustrateur, inspiré surtout par des thèmes bretons (paysages, légendes comme les « Lavandières de la nuit ») ou religieux. D’abord collectionneur d’œuvres de cet artiste, Jean Berthou se fixa pour but de le sortir de l’oubli en lui consacrant un musée dans sa commune natale, bourg rural à 9 km de Landivisiau. Son souhait fut exaucé en 1991 avec l’aide de la municipalité et il en devint le conservateur infatigable et passionné. Ouvert pendant l’été, ce musée comporte de nombreuses œuvres de l’artiste dont plusieurs tableaux religieux se trouvent aussi dans l’église et l’ossuaire.
L’autre personnage auquel Jean Berthou voua un grand intérêt, c’est Édouard Corbière, le père de Tristan. Tout l’intéressait dans cet homme aux multiples facettes auquel il avait consacré une riche collection : le marin, l’aventurier, l’opposant politique lors de la Restauration, le journaliste directeur du Journal du Havre, l’écrivain inventeur du roman maritime, puis l’armateur, négociant, homme politique à Morlaix, figure de la bourgeoisie dans cette ville et à Roscoff, mais surtout l’inspirateur, par sa vie et son œuvre, de l’auteur des Amours Jaunes. En 1990, il participa à l’exposition organisée conjointement par les bibliothèques municipales de Brest et Morlaix et présentée dans ces deux villes en leur prêtant plusieurs pièces de sa collection. Il fut le principal rédacteur du catalogue de l’exposition intitulé Édouard Corbière, père du roman maritime en France, édité par Gallimard et qui regroupe biographie, bibliographie de l’écrivain et description des œuvres exposées. Quelques lignes y évoquent le thème favori de Jean Berthou : la filiation spirituelle de Tristan.
En 1995 Jean Berthou fut à nouveau sollicité, cette fois par le Comité Tristan Corbière de Morlaix – présidé par Jean-Albert Guénégan – chargé d’orchestrer les nombreuses manifestations prévues pour le 150e anniversaire de la naissance du poète dont il était aussi admirateur. Une riche exposition fut présentée au musée des Jacobins, en partenariat avec la bibliothèque municipale, accompagnée d’un beau catalogue. Jean Berthou y prit une part active en prêtant des documents et rédigeant plusieurs textes sur Édouard Corbière, sur Les Amours jaunes (titre, frontispice de l’édition originale, Saint Tupétu, Conlie, illustrations de Salvador Dali) et, comme il se doit, « La part du père dans Les Amours Jaunes ».
392En 1996 fut publié un ouvrage regroupant pour l’essentiel les textes des conférences et tables rondes de l’année passée. On y retrouve la signature de Jean Berthou et son sujet de prédilection avec Édouard Corbière, père naturel et spirituel de Tristan.
Les obsèques de Jean Berthou ont été célébrées le 10 décembre 2022 en l’église de Landivisiau (Finistère), ville où il avait une maison et séjournait souvent.
Anne-Marie Quesseveur-Ollivier
Présidente du Cercle Édouard et Tristan Corbière
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-16493-7
- EAN: 9782406164937
- ISSN: 2608-5895
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-16493-7.p.0389
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 02-21-2024
- Periodicity: Annual
- Language: French