Isidore Ducasse vient quand il veut
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers Lautréamont
2022, n° 4. varia - Auteur : Lerouge (Siméon)
- Pages : 331 à 333
- Revue : Cahiers Lautréamont
Isidore Ducasse vient quand il veut
Pierre Michon, Le Roi vient quand il veut, Propos sur la littérature, Paris, Albin Michel, coll. « Espaces libres », 2022.
Les éditions Albin Michel ont republié cette année Le Roi vient quand il veut, un recueil de trente entretiens que Pierre Michon a donnés de 1989 à 2007. Il y est principalement question de son travail d’écrivain et de ses goûts en littérature et en peinture. Nos lecteurs seront ravis d’apprendre que l’auteur de La Grande Beune convoque à plusieurs reprises la figure d’Isidore Ducasse. En voici un rapide inventaire.
Lautréamont fait partie du panthéon personnel de Pierre Michon, ce qu’il appelle sa « bibliothèque neuronale. » Cette dernière « fonctionne à plein dans [son] écriture, toujours. Au point qu’il [lui] arrive de [s’]emparer sans guillemets de ces textes intérieurs, quand ils s’imposent1. » Ce qui n’est pas étonnant de la part d’un admirateur du célèbre défenseur du plagiat. Au même titre que Léon Bloy, Artur Rimbaud, le marquis de Sade, Antonin Artaud, Louis-Ferdinand Céline, Samuel Beckett ou Thomas Bernhard, Lautréamont est, selon Pierre Michon, « la voie royale des maîtres de l’invective directe, des imprécateurs, la vieille énonciation prophétique dont l’efficacité littéraire est souvent la plus haute2. »
Ce que Pierre Michon apprécie le plus chez Ducasse, plus encore que la force de son écriture, c’est l’efficacité de son sixième chant, qu’il voit comme un modèle : « La brièveté est essentielle. J’incline à penser que j’écris des romans courts – densifiés, resserrés, dégraissés – plutôt que des nouvelles. Je rêve d’un roman plus pur que l’autre, le long – “aujourd’hui, je vais fabriquer un petit roman de trente pages”, disait 332Lautréamont3. » Il est assez rare qu’un écrivain revendique l’œuvre de Ducasse pour sa densité, pour son travail d’épure. Ce sont le plus souvent sa bizarrerie et son étrangeté que l’on retient, mais Pierre Michon y trouve un modèle pour sa recherche littéraire personnelle : écrire court et dense pour dépasser le modèle romanesque qu’il compare à « un fourre-tout encombré de digressions, de dialogues, d’effets de vérité, où l’énonciation se perd. » Ce qu’on sait être aussi l’un des combats de Ducasse qui cherchait à rénover le roman, « ce genre faux. »
Pierre Michon termine ce recueil d’entretiens par une discussion dans laquelle il remarque, entre autres choses, l’importance qu’a eue l’œuvre d’Isidore Ducasse chez Julien Gracq : « l’ombre souveraine de Lautréamont4. » Selon lui, Julien Gracq a « le phrasé de Lautréamont ! Il en est complètement imprégné depuis ses années de jeunesse. L’écriture de Gracq est amoureusement tétanisée par le “lâcher de monstres” de Maldoror, et il écrit sous ce signe fraternel, d’ailleurs sans audace excessive : Isidore Ducasse était un homme timide, comme Gracq lui-même l’a toujours été, à ce qu’on dit5. » Nous laissons nos lecteurs en juger.
Siméon Lerouge
333Ouvrage cité
Michon Pierre, 2022, Le Roi vient quand il veut, Propos sur la littérature, Paris Albin Michel, coll. « Espaces libres ».
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-14191-4
- EAN : 9782406141914
- ISSN : 2607-754X
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14191-4.p.0331
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 05/10/2022
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français
- Mots-clés : compte rendu, Pierre Michon, Le Roi vient quand il veut, Lautréamont, Ducasse, Maldoror, littérature, propos.