Glosses and gleanings
- Publication type: Journal article
- Journal: Cahiers Lautréamont
2022, n° 4. varia - Pages: 335 to 350
- Journal: Lautréamont Studies
Gloses et glanes
On ne peut que saluer l’édition de l’ouvrage intitulé « Comte de Lautréamont, Les Chants de Maldoror » par les éditions Ligaran, dans la collection « Grandes Lettres » (Châlons-sur-Saône, 2015, 284 p). Cette édition, qui nous avait échappé, est une œuvre pie : elle est destinée aux personnes victimes d’une baisse de l’acuité visuelle, le plus souvent liée à l’âge. Le texte est brut de décoffrage, sans une once de présentation ou de commentaire. Dans son avertissement liminaire, l’éditeur précise : « Malgré tout le soin que nous avons apporté à sa réalisation, il se peut que vous y trouviez quelques défauts et anomalies : certaines coquilles peuvent subsister ; le texte a pu bénéficier d’un effort de modernisation du français afin d’en améliorer son intelligibilité ». Nous ne sommes pas allés vérifier, l’acquisition et la possession du livre suffisant à notre bonheur. Mais un problème se pose : cette édition risque d’être responsable d’infarctus du myocarde chez les pensionnaires des EHPAD, ou, au contraire, d’éventuelles poussées de satyriasis. Les plus âgés de « nos aînés », comme on dit de nos jours, n’ayant pas tous bénéficié de l’enseignement secondaire, et être resté dans une heureuse ignorance de textes-chocs de cet acabit. L’éditeur semble en avoir conscience, puisqu’il met en garde son lectorat : « Parmi les livres publiés aux Éditions Ligaran, certains contenus peuvent heurter le public par le vocabulaire utilisé ou les idées exposées ; ceci doit se comprendre et s’inscrire dans le contexte de l’époque. » Dont acte. (Signalé par Alain Chevrier)
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Extrait de Affectionately, Marcel, la correspondance de Marcel Duchamp éditée par Francis M. Naumann et Hector Obalk, chez Ludion Press, Ghent, Amsterdam, dans la lettre du 15 novembre 1921 à Louise et Walter Arensberg, écrite à Rouen : « Je vais vous envoyer la petite brochure des poésies de Lautréamont. » (p. 102) Duchamp est alors en 336France, il s’ennuie et s’apprête à repartir, au mois de janvier, à New York où il espère trouver « un job dans le cinéma ». Il assiste donc à la mise en lumière des Poésies par les surréalistes. Dans une lettre aux mêmes datée de l’automne 1921, il demande : « Avez-vous les poésies [barré] Poésies du Comte de Lautréamont ? ça a été réédité l’année dernière. Ce ne sont d’ailleurs pas les Poésies. Ce n’est qu’une longue préface aux Poésies qui n’ont jamais été écrites, (car il a dû mourir avant). Je vous l’enverrai. Vous y verrez toute la semence dadaïque. » Et dans une lettre à Yvonne Chastel du 8 ou 9 décembre 1946, écrite à Paris pour la remercier des livres qu’elle lui a fait parvenir : « L’extérieur du Lautréamont ne me rappelle rien mais la typographie intérieure me dit quelque chose. Ce pourrait être le premier Lautréamont que j’avais eu en 1912 ou environs. En tout cas j’aimerais le garder comme un des 5 ou 6 livres qui forment toute ma bibliothèque. Merci de me l’avoir donné sinon redonné. »
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Éric Walbecq a retrouvé dans le catalogue de la vente de la bibliothèque d’André Gide (27 et 28 avril 1925) son exemplaire des Chants de Maldoror. La description est sommaire : édition de 1874, broché, couverture grise. En 1891, Pierre Louÿs avait attiré l’attention de son ami, encore au début de son œuvre littéraire, sur cette œuvre nouvelle redécouverte, mais Gide n’avait alors pas semblé y prêter beaucoup d’attention. Peut-être s’agit-il néanmoins de l’exemplaire acquis alors, et que Louÿs lui avait peut-être offert.
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Dans le catalogue 62 du libraire Godon à Lille, notice no 77, une édition G. L. M. de 1938 des Œuvres complètes illustrées par les artistes surréalistes. Il s’agit de l’un des 1000 exemplaires sur vélin bibliophile. Particularité : il est vendu avec un carton publicitaire annonçant la parution avec bulletin de souscription. Le carton est illustré.
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Dans le catalogue Saunier Dans les feuilles de bibassier, pas moins de cinq Genonceaux. Deux attirent notre attention. Au no 220, un 337Lautréamont de 1890, reliure souple à la bradel, tissu noir à motifs découpé dans une ancienne ceinture de Geisha, gardes en vélin bronze moiré, non rogné, couverture et dos d’Alidor Goy, vendu au prix de 2 500 €. Au no 223, un exemplaire du rarissime Tutu. Mœurs fin de siècle de Princesse Sapho, édition originale dans un exemplaire complet vendu à 3 700 €. L’exemplaire présente quelques petits défauts de manipulation et balafres restaurées jadis, mais compte tenu de la rareté du livre, c’est presque une plus-value !
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Le 22 mars 2022 s’est tenue une vente chez Osenat. Le lot no 93 était un manuscrit autographe de Philippe Soupault intitulé « Les Chants de Maldoror ». Composé de 6 feuillets in-folio, c’est le texte d’une conférence radiophonique où Soupault relate de quelle manière il découvrit l’œuvre, souligne l’importance de cette découverte pour lui et les surréalistes en général, et en propose une analyse littéraire.
Découvrir un nouveau monde quand on a vingt ans, c’est l’aventure merveilleuse que j’ai vécue. C’était en 1917. J’étais couché dans un lit d’hôpital et les médecins, après m’avoir, comme l’on dit, radiographié, affirmaient que j’étais tuberculeux, ce qui, à cette époque, était une condamnation… Malgré ma toux et ma pâleur on me permit de sortir et JE ME PROMENAIS BOULEVARD RASPAIL, ME SOUVENANT DE MES BALADES AVEC MON AMI GUILLAUME APOLLINAIRE QUI AIMAIT CE QUARTIER DE MONTPARNASSE. Je fus naturellement attiré par les librairies. J’entrais dans l’une d’elles, une de ces librairies anonymes, librairies-papeteries où l’on vend des blocs-notes, des crayons de couleurs et aussi des livres par-dessus le marché. Je « léchais » comme l’on dit les rayons où s’entassaient les publications pour personnes pâles, les romans d’aventures, les livres de cuisine quand tout à coup mes regards furent attirés par un volume de couleur beige pâle. Et je lus ce titre : Les Chants de Maldoror. Je connaissais ce titre. J’avais entendu parler par mon ami, le plus charmant érudit des écrivains, Valery Larbaud, de cet ouvrage réservé jusqu’alors aux lettrés et que ceux-ci rangeaient dans leur musée secret… J’ACHETAIS AUSSITÔT CES CHANTS DE MALDOROR à la libraire, bien étonnée de vendre ce qu’elle considérait dans le langage des libraires comme un rossignol… Je rentrais à l’hôpital et m’étendis sur mon lit. J’ouvris Les Chants de Maldoror et malgré les observations et les objurgations des infirmières, JE LES LUS D’UN BOUT À L’AUTRE. CE FUT UN ÉBLOUISSEMENT, UN VERTIGE. J’avais découvert un monde. Et je pense que cet éblouissement, ce vertige, les premiers lecteurs de la Divine Comédie de 338Dante durent l’éprouver. Je n’exagère pas en disant que CETTE LECTURE A CHANGÉ LE COURS DE MA VIE ET MODIFIÉ PROFONDÉMENT TOUTE MON ATTITUDE À L’ÉGARD DE LA LITTÉRATURE… Pour moi, comme pour mes amis poètes André BRETON, Louis ARAGON, Paul ÉLUARD et Robert DESNOS, pour ne citer que les plus grands, Les Chants de Maldoror représentent un des sommets de la littérature française à côté des poèmes d’Arthur Rimbaud… Les récits de Lautréamont sont souvent effrayants mais si minutieusement décrits, tous les sens sont si fortement sollicités que le lecteur se croit victime d’une hallucination. QUAND JE LIS… LES CHANTS DE MALDOROR, J’AI LA MÊME IMPRESSION QUE QUAND JE RÊVE. TOUT DEVIENT POSSIBLE, TOUT EST EN QUELQUE SORTE IMPOSÉ PAR LE POÈTE comme s’il était assez génial pour créer des rêves, des cauchemars ou des songes…
Ce texte est, à notre connaissance, resté inédit. Le manuscrit était estimé à 300-400 €.
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Sur France Culture, dans l’émission « Sans oser le demander » du 25 février 2022, Nathalie Quintane évoque Lautréamont comme l’un des écrivains qui l’ont inspirée, parlant de lui comme d’une figure punk.
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La chanteuse et percussionniste Léonie Pernet connaît un succès nouveau. Le morceau qui la révèle, diffusée à grande échelle sur les ondes, s’intitule tout simplement « Les Chants de Maldoror ». Voici un extrait des paroles : « Regarde, l’aubépine explore / Malgré ses racines, son corps / À l’orée des cimes j’aborde / La prose comme un infime trésor / Géante aux pieds d’argile / Féminine malgré mes efforts / Sous mes pieds les mines / Entonnent Les Chants de Maldoror ».
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Philippe Lechermeier publie le premier tome d’une trilogie littérature jeunesse intitulée Maldoror. Les Enfants de la Légende. Le premier volume porte sobrement le titre « Maldoror ». Dans une Europe de l’Est agitée, entre Vienne, Kiev, Odessa et les plaines de la Sibérie, cinq jeunes s’associent pour faire face aux intrigues d’un tyran qui cherche à mettre 339la main sur un artefact en leur possession. Leur quête les mènera sur le chemin d’un royaume disparu, Maldoror. Une belle histoire fantastique, nourrie de culture slave. Mais Maldoror n’est ici qu’un clin d’œil.
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Le 22 février 2022, la vente Interenchères propose comme lot no 181, estimé à 1 500-2 000 €, un manuscrit autographe de Paul Éluard composé de douze pages rédigées au crayon et à l’encre noire. Il s’agit du brouillon d’une conférence sur la poésie surréaliste, avec ses ratures et corrections. L’auteur y développe sa conception de la « poésie pure », portée par l’imagination mise au service des hommes. Éluard consacre plusieurs lignes au marquis de Sade avant de le rapprocher de Lautréamont pour saluer « ces deux écrivains fantastiques et révolutionnaires » dont on ne possède aucun portrait et qui ont lutté « contre tous les pièges que nous tend cette fausse réalité besogneuse qui abaisse l’homme ». Sur la fin de la conférence, la poésie est mise au service du communisme : elle vise à affranchir l’homme.
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Le réalisateur belge Fabrice Du Welz prépare actuellement un film sur l’affaire Marc Dutroux, avec Benoît Poelvoorde prévu pour incarner le tristement célèbre pédophile. Ce curieux long-métrage portera le titre de Maldoror, en référence aux actes cruels et maléfiques perpétués par le personnage de Ducasse. Cette annonce n’a pas manqué de mettre en émoi quelques amateurs de l’œuvre de Ducasse, scandalisés et désireux d’en appeler à la censure. L’AAPPFID ne se prononce pas : bien que l’association de l’œuvre de Lautréamont, par un prisme très réducteur, à cette sordide affaire de pédophilie, soit assez déplorable, il serait un comble de voir les ducassiens partir en croisade au nom de la morale et de la bien-pensance, surtout sans savoir de quoi le film sera fait !
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En décembre 1911, dans L’Île sonnante, no 20, Louis Pergaud fit la chronique du Térandros de Gabriel Julliot de la Morandière, livre qu’il qualifie, en quelques lignes, de « roman astrologique » tout en saluant 340l’intense lyrisme et la « fougueuse et fière poésie » de son auteur. Avouant son ignorance complète ès sciences ésotériques, Pergaud ne va pas plus loin et ne fait aucun rapprochement avec Maldoror, qu’il connaît peut-être mal.
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Dans le catalogue hiver 2022 de la librairie Jean-Yves Lacroix, au no 453, une lettre autographe de Franz Hellens à un « cher monsieur » et datée du 5 mars 1954. Hellens réagit à l’article de Gérard Baüer paru dans Le Figaro littéraire du 27 février 1954, « C’est la Belgique qui a découvert Lautréamont », qui rappelait le rôle des Jeunes Belgique dans la réception de l’œuvre.
Je n’ai pas sous la main le no du D[isque] V[ert], mais il me semble me rappeler que j’avais demandé à M. Maeterlinck son opinion sur Maldoror et qu’il m’avait répondu avoir lu ce livre depuis très longtemps. Ne serait-ce pas lui qui l’aurait signalé à La Jeune Belgique, revue à laquelle il collaborait ? […] En ce qui me concerne, j’étais enfant quand paraissait La Jeune Belgique et je n’ai pris connaissance de cette revue que bien plus tard. […] J’avoue n’avoir lu pour la première fois Les Chants de Maldoror que peu de temps avant la publication du no spécial du D V. H. Michaux, je crois, dut lire ce livre vers la même époque. Je n’ai donc point le mérite d’une découverte, ni d’une redécouverte. Mais je me souviens que ce chef-d’œuvre nous avait tellement frappés, Odilon-Jean Périer, Michaux et moi, que l’idée de consacrer un « spécial » à son auteur nous vint tout de suite et d’une seule âme…
Estimée à 250 €.
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Alma Bolón nous communique cette information : « J’ai visité l’exposition sur le peintre Baselitz au Centre Pompidou. C’est une expo époustouflante, à couper le souffle, et à plusieurs reprises il est question de Ducasse. D’abord, on dit que le Premier manifeste pandémonique, écrit par Baselitz et son ami Schönebeck en 1961 mais qui fait référence à l’état de l’Europe après la guerre, a un style emprunté aux Chants de Maldoror (et à Artaud, et à Beckett) ; ensuite on reprend la même idée dans la partie de l’expo “Textes programmatiques inspirés du langage empli de rage des Chants de Maldoror et du Pèse-Nerfs d’Artaud” ».
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Siméon Lerouge nous signale que dans son recueil Vrouz, Valérie Rouzeau rend un hommage discret à Ducasse par un vers anagrammatique, à la page 166 : « Du désir associé ». Le poème s’ouvre sur : « Tracé des mots fléchis ainsi que des noms propres / Si mon pif n’est pas zen j’adore les anagrammes ».
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Dans son roman Nom, paru en 2022, Constance Debré met en parallèle ce récit avec la mort de son père : « Trouvé un exemplaire des Chants de Maldoror, éditions Corti 1969, deux préfaces, l’une de Soupault, qui parle des maisons bourgeoises et du bric-à-brac, l’autre de Gracq, qui dit “un dégoût natif et princier de l’ordre raisonnable est l’apanage de l’enfance éternellement anarchique”. Qu’est-ce qu’on peut faire. On peut pleurer ou on peut rire, dit Bacon à Hockney le jour de sa grande exposition au Grand Palais, le lendemain de la mort de son amant George Dyer, et il rit. »
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Passé en vente en décembre 2021, un rarissime exemplaire du Térandros a été acquis par Éric Walbecq. Il s’agit de cet incroyable pastiche de Maldoror, daté de 1911 et écrit par Gabriel Julliot de la Morandière. Cet exemplaire était en mauvais état, mais il s’agit du cinquième connu seulement, les autres étant celui de la Bibliothèque nationale, celui d’un collectionneur privé, celui de la Bibliothèque historique de Paris et celui de l’Université Vanderbilt de Nashville.
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Ducassien vivant aux États-Unis, Alexander Dickow, collaborateur dans ce numéro, a publié aux éditions La Volte un premier roman, Le Premier Souper, qui, bien qu’il appartienne d’abord au genre de la science-fiction, contient çà et là des allusions discrètes à Lautréamont : comparaisons animalières (« visage de hyène »), être humain vivant immobile dans un réseau de galeries souterraines, peu à peu fossilisé, 342ou encore évocation, au milieu de la topographie imaginaire du roman, d’un fleuve Vivienne. Les trois récits juxtaposés de ce roman ont tous pour thème un questionnement sur l’alimentation, mais le dernier soulève plus explicitement la question de la dévoration cannibale. Un vieux grimoire enfin fait état d’un poète, tourmenté par une créature nommée osolinthe, qui a la faculté de greffer des faux souvenirs dans l’esprit de sa victime. Ce poète a écrit : « J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans. »
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Lautréamont et Maldoror sont au cœur du dernier roman policier surréaliste de Gary Markoff, La Vengeance de Maldoror.
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Le nom de Lautréamont apparaît dans La Plus Secrète Mémoire des hommes, de Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021 : « C’est un francophile déclaré qui a plusieurs fois séjourné à Paris avant la guerre, et qui connaît bien la poésie française. Il la lit en langue originale, même si le sens de certains mots et de certaines images lui échappe, notamment chez le poète qu’il juge supérieur à tous les autres, le plaçant même au-dessus de la constellation poétique et sacrée que dessinent Lautréamont, Baudelaire et Rimbaud : Mallarmé. » (p. 253)
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Dans le journal de Pierre Minet (En mal d’Aurore, 1932-1975), Lautréamont est cité six fois dans l’index. Minet n’aime pas vraiment sa poésie et en parle de façon plutôt négative, le comparant à Artaud qu’il préfère néanmoins.
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Simon Liberati, que l’on sait amateur de l’œuvre de Lautréamont parmi d’autres auteurs du xixe siècle, a publié fin 2021 un extrait de son journal intitulé Liberty. On peut lire, p. 54, sa réaction à la lecture d’une maxime de Borges citée dans un article de Marguerite Yourcenar, 343« Le courage n’apprend pas l’art d’oublier. », qui inspire à l’auteur, fraichement réveillé et l’esprit encore embrumé par les drogues, l’inversion « Le pardon n’apprend pas l’art d’oublier ». Ce jeu de retournement ducassien est aussitôt mis en relation avec la maxime d’un écrivain tchèque : « Rien ne se pardonne, tout s’oublie ».
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Passé en vente en décembre 2021, un lot de lettres et cartes postales de Jean-Marie-Gustave Le Clézio à Edgar Coindreau, professeur à l’université de Princeton, où Le Clezio remercie son ami de l’envoie de plusieurs livres, dont, le 18 mai 1966, un exemplaire de l’édition Corti des Chants de Maldoror. « Ce livre va m’être très utile pour ma connaissance de Lautréamont, et pour la thèse que j’ai entreprise ».
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En décembre 2021, passage en vente chez Aristophil d’un lot de lettres de Paul Éluard à Gala. Pas moins de 407 pages, dont une qui évoque le manifeste rédigé avec André Breton, Lautréamont envers et contre tout, visant l’exclusion de Philippe Soupault sur fond de confusion ducassienne avec l’orateur communard homonyme.
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Paru en 2021 : Elizabeth Prouvost, Prouvost/Maldoror, chez Tetras Lyre. Nous ne sommes pas parvenus à nous procurer cet ouvrage, mélange de textes et de photographies semble-t-il, et qui semble être une réédition d’un ouvrage paru confidentiellement en 2018.
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Dans le catalogue de novembre 2021 de la librairie Feu Follet, au no 18, on trouve une lettre autographe inédite d’André Breton adressée à Marcel Jean et datée du 23 octobre 1945. Breton est alors à New York, en exil depuis qu’il est considéré par le gouvernement de Vichy comme un « anarchiste dangereux ». Marcel Jean évoque la lettre dans son autobiographie, Au galop dans le vent, et en cite quelques passages. 344Il y est, entre autres, question de l’étude que Marcel Jean prépare sur Lautréamont, et Breton l’invite à en donner des extraits pour un numéro surréaliste de la revue Vrille. Breton suggère enfin à Marcel Jean de rendre compte des études de Léon-Pierre Quint et de Maurice Blanchot, mais son correspondant a d’autres projets, parmi lesquels sa propre étude de l’œuvre.
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No 48 du catalogue de la vente ALDE des 8 et 9 décembre 2021 : un exemplaire de 1874, demi-chagrin noir avec coins, filet doré, non rogné, étui bordé en reliure moderne. Celui-ci est issu de la bibliothèque Jacques Martineau, avec l’ex-libris du bibliophile. Une annotation au crayon p. 25 retient notre attention : « Georges Hugo Alice Autrey ». Il s’agit donc de l’exemplaire du petit-fils de Victor Hugo ! Alice Aubray, célèbre comédienne, danseuse et mondaine de l’époque, signe également. En février 2022, cet exemplaire est repassé en vente chez Hatchuel, avec un prix quadruplé, de 1000 à 4000 € !
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Encore un 1874, dans le catalogue Arenberg Actions à Bruxelles, pour la vente des 17 et 18 décembre 2021. La description est la suivante : bradel demi-maroquin noir à encadrement signé Delapierre, plats de papier à la main dans les tons blancs, gris et verts, dos titré or, tête dorée, peu rogné, couv. chamois cons. (petits manques au pourtour). Estimé à 1200-1500 €.
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Et encore un ! Vente du 17 mai 2022 chez Bubb Kuyper Auction, lot no 1348 : un exemplaire de 1874 dont l’intérêt principal réside dans les douze illustrations en couleur de son propriétaire, A. Duparc, alias Salim, dessinateur indonésien résistant dont Lautréamont était l’un des auteurs favoris.
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345Le 24 octobre 2021, sur Twitter, Bruno Penteado, de la Texas Tech University, demandait à ce que quelqu’un se penche sur la question de l’influence de Lautréamont sur l’œuvre de Marie Darrieussecq. Son dernier roman, Pas dormir, fait par deux fois référence à l’auteur, d’abord au sujet de Sadegh Hedayat, écrivain qualifié de « Lautréamont iranien » et cité pour son œuvre La Chouette aveugle, livre dans lequel une femme morte rend visite chaque nuit à l’écrivain ; puis au sujet des origines fantasmées du coronavirus, rencontre fortuite d’un pangolin et d’une chauve-souris sur les étals d’un marché de Wuhan, qui fait dire à l’auteur que « Lautréamont est un grand détecteur des catastrophes ». Étonnamment, dans ce livre consacré à l’insomnie, aucune référence n’est faite à l’araignée de la grande espèce qui visite Maldoror.
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Menu exposé au Musée Carnavalet daté du 25 Novembre 1870, juste après une liste de noms de soldats qui ont mangé du rat ce jour-là : « Gibelotte de chat / Salmis de rat / Côtelette de chien / Filet de cheval ». (Transmis par Bertrand Combaldieu)
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Gérard Touzeau nous communique un discours de distribution des prix, prononcé au lycée impérial de Tarbes le 12 août 1861 par Ernest Morgand (1836-1915), jeune professeur agrégé de rhétorique qui avait débuté sa carrière au lycée impérial d’Agen et qui fut transféré à Tarbes le 10 mai 1860 en remplacement d’un professeur malade. Isidore Ducasse (futur comte de Lautréamont), qui achevait alors sa classe de cinquième, était présent et reçut en la circonstance le deuxième accessit d’excellence, les premiers prix de version latine, de grammaire française et de dessin d’imitation, ainsi que les premiers accessits de version grecque et de calcul. Le discours, fascicule de douze pages dédicacé par l’auteur, fait mention de Sophocle et d’Euripide (mais pas d’Eschyle…), de Platon, Virgile, Homère, Corneille, etc. Isidore Ducasse s’en souvint probablement lorsqu’il écrivit en 1870 : « Les chefs-d’œuvre de la langue française sont les discours de distribution pour les lycées » (Poésies I).
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Dans Le Monde du 3 octobre 2021, Fabrice Luchini répond à la question « Quand avez-vous commencé à lire ? » en ces termes : « Très tard. J’ai eu une fiancée qui me faisait lire Nietzche et Freud, je n’y comprenais rien. Puis j’ai découvert Lautréamont, Rimbaud, Baudelaire et Mallarmé et, par les cours de théâtre, je me suis plongé dans Molière. J’ai ensuite lu Céline, qui a été mon premier matériau et je connaissais par cœur un quart du Voyage au bout de la nuit. »
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Entretien entre Bruno Roy et Bernard Noel à propos des éditions Fata Morgana, mis en ligne sur le site amourier.fr au moment de la mort de Bruno Roy le 21 septembre 2021 :
BN : Quelles couvertures aurais-tu aimé signer ? Et de quels livres aurais-tu aimé être l’éditeur ?
BR : Il y en a tant ! Des couvertures, avant tout la « couverture blanche » de Gallimard. Quand je pense que de plus en plus souvent ils cachent ce chef-d’œuvre sous des bariolages de réclame… Quelle tristesse ! Mais il y a mille couvertures superbes, rien qu’en ce siècle : Remy de Gourmont, Max Elskcamp, Bernouard, Pichon, Mermod, GLM (Ah ! GLM !), […]. Quels livres j’aurais voulu éditer ? Si je te réponds les Chants de Maldoror ou la Recherche du temps perdu cela n’aura pas de sens. Mais je sens que j’aurais pu publier Paludes, Madame Edwarda, le Petit Traité de la marche en plaine, Impressions d’un passant à Lausanne, la Galère, l’Arrêt de mort, Liberté grande, L’Ode à Charles Fourier, Alexis ou le traité du vain combat… Ce n’aurait pas été absurde, ni impossible, et ces livres, peut-être, se seraient sentis bien chez moi…
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Le visiteur de passage en Bigorre pourra découvrir, au musée archéologique de Maubourguet, une magnifique mosaïque gallo-romaine du ive ou ve siècle de 20 m² représentant le Dieu Océan. On y devine canards, dauphins, poulpes, etc.
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Le nom de Lautréamont apparaît quatre fois dans le gros volume du Journal de Michel Leiris paru chez Gallimard dans la collection Quarto. 347Mais il en ressort que Leiris ne semblait finalement pas si attaché à l’œuvre du poète.
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Le livre Isidore Ducasse, auteur des Chants de Maldoror par le comte de Lautréamont de Jean-Jacques Lefrère mentionne, p. 322, le cabinet de lecture Galignani installé au 18, rue Vivienne. Or, cette librairie avait déménagé rue de Rivoli en 1856. Ducasse ne put donc en profiter. Le photographe Franck devait prendre ses quartiers à la même adresse en 1868.
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Le 30 août 2021, Libération rend compte du livre de Milène Tournier, Je t’aime comme : « un livre foisonnant, un bouquet merveilleux et too much, une poésie obsessionnellement anaphorique et pourtant extrêmement délicate ». Le recueil est présenté comme une « tentative perecquienne d’épuisement de tous les lieux, de toutes nos habitudes quotidiennes » qui rappelle aussi le célèbre « beau comme » de Lautréamont par sa structure faite d’une accumulation de comparaisons toutes plus surprenantes les unes que les autres.
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La BD de Dufaux et Munuera, Sortilèges, raconte les aventures de Blanche, une reine déchue bannie du royaume d’Entremonde, et d’un prince démon de haut-rang, chassé du monde d’En-bas, répondant au nom de… Maldoror. Un monde d’heroic-fantasy qui convoque tout le bestiaire grouillant des Chants et qui rend un hommage assumé (dans la préface de Dufaux) bien qu’il n’ait que peu à voir avec celui des Chants de Maldoror, même si on retrouvera des scènes qu’on peut lire, sans certitude, comme des clins d’œil (Maldoror pris dans une toile d’araignée géante, la rencontre au bord d’un étang entouré de bosquets, etc.).
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Jusqu’au 13 juin 2021 se tenait à la galerie Christian Berst à Paris une exposition d’art brut de Franco Belluci intitulée « beau comme #2 ». 348L’œuvre de l’artiste repose sur le principe de l’accumulation d’objets glanés lors de ses promenades.
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Dans une vidéo mise en ligne sur Youtube par l’IHU Méditerranée-Infection le 25 mai 2021, le désormais célèbre Professeur Didier Raoult évoque sa vision de la recherche médicale, qu’il souhaiterait favorable à des approches variées et « improbables » afin de multiplier les intuitions non-conventionnelles. Et d’ajouter : « La découverte, c’est ce que décrivait Lautréamont, c’est comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie, c’est-à-dire quelque chose d’improbable. Il faut faire se rencontrer des choses improbables si vous voulez découvrir des choses. » (Signalé par Alma Bolón)
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Abécédaire provisoirement définitif de l’Oulipo, p. 22, article « Antonymie » : « Lautréamont l’avait bien dit : “Un pion pourrait se faire un bagage littéraire en disant le contraire de ce qu’ont dit les poètes de ce siècle. Il remplacerait leurs affirmations par des négations. Et réciproquement.” Et il a démontré lui-même la fécondité de sa méthode en prenant, dans ses Poésies (signées Isidore Ducasse), le contre-pied de quelques très célèbres énoncés. » (Siméon Lerouge)
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Passé en vente également cette année chez Artcurial, un tableau de Salvador Dali portant le titre Machine à coudre avec parapluies dans un paysage surréaliste, huile sur panneau réalisée en 1941 et signée en bas à droite « Gala Salvador Dali ». Il provient d’une collection particulière et avait été acquis auprès de l’artiste, avant d’avoir été revendu en 2012 pour passer dans une autre collection particulière. Ce tableau lugubre, en nuances de noir et de gris, présente une machine à coudre géante surmontée de parapluies ouverts. L’œuvre, rare et méconnue, a été estimée à 1 800 000-2 000 000 € environ.
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349Dans Hollywood Babylone, de Kenneth Anger, un chapitre est consacré à la mort en 1920 de l’actrice Olive Thomas à Paris. On apprend que cette « camée », selon les mots d’Anger, menait une vie mondaine très active lors de son séjour français : « Olive était partie en avance pour courir les magasins d’antiquités et de vêtements, mais il apparut que ces flâneries ne l’avaient pas conduite que dans des salons chics. On l’avait vue dans des soirées au Jockey et au Maldoror en compagnie de figures notoires du milieu français ; elle s’était retrouvée dans des tripots parmi les plus glauques et les plus malfamés de Montmartre. » (édition Tristram, p. 30, traduction de Gwilym Tonnerre). Le Maldoror était le fameux cabaret qui fut ouvert à l’initiative de Robert Desnos et saccagé par les surréalistes menés par un André Breton outré.
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En juillet 2021, l’Ensemble Hopper, jeune ensemble de musique originaire de Liège, a présenté à Loches un concert comportant, entre autres, une « petite suite de Maldoror » d’après Michel Fourgon, inspirée des « atrocités commises par la célèbre créature du comte de Lautréamont, des échos de musique moyenâgeuse et de la renaissance ». Michel Fourgon a réalisé plusieurs spectacles de théâtre musical autour des Chants de Maldoror, notamment avec le metteur en scène Michaël Delaunoy.
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Dans Psychologie de la littérature et de la création littéraire, Pierre Debray-Ritzen s’en prend au culte des surréalistes : « Un jeune homme seul, venant de l’Uruguay… seul dans sa pension, dans Paris, dans les chambres d’hôtel, pose le problème le plus ambigu. Était-il un lucide, un voyant, un étonnant lyrique ? ou bien un assiégé qui sut tenir bon, durant les quatre années de sa création, aux assauts de ses délires et de ses discordances ? Faut-il voir en lui le rival d’un Rimbaud ? ou bien un schizophrène dominant, pour écrire, les séismes qui détruisaient sa conscience ? Faut-il croire à son entière maîtrise sur son inspiration luxuriante et son verbe bizarre ? ou bien l’imaginer traversé d’impulsions, de phantasmes, de décharges agressives (en même temps que cramponné quatre ans aux nécessités logiques, verbales et syntaxiques d’une expression morbide que commandait son génie) ? » Debray-Ritzen, qui affirme que Ducasse 350vécut solitaire et mourut de même, n’ayant eu aucun ami, étant tout à son œuvre, s’élève en effet contre les réponses que Breton aurait apporté de manière prévisible à cet ensemble de questions : « Les surréalistes – ceux-là qui croient que la folie s’imite – en ont fait leur Messie. Et leur furia s’est toujours déchaînée, quand on invoquait pour Lautréamont un désordre mental. » Et il conclut, avec Jean-Pierre Soulier, que tandis que l’écrivain surréaliste s’efforce, avec plus ou moins de bonheur, de perdre contact avec le réel, l’écrivain psychotique, lui, s’efforce de lutter contre son délire : leurs démarches sont donc tout à fait opposées. (Signalé par Siméon Lerouge)
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Nelly Kaplan a publié en 1960, sous son pseudonyme Belen, un ouvrage intitulé « …et délivrez-nous du Mâle » dans lequel on trouve plusieurs citations en épigraphe de Lautréamont. Celle qui avait connu à son arrivée à Paris, en 1954, André Breton et plus encore Philippe Soupault, raconte dans un entretien de 2008 sur France Culture, au micro d’Antoine Perraud, le souvenir suivant partagé avec ce dernier : « Une nuit après dîner, nous avons fait une promenade sur le Pont des Arts, et en lui montrant un reflet dans l’eau, je lui ai parlé de la lampe au bec d’argent. C’est sans doute Lautréamont qui a scellé notre amitié. Les Chants de Maldoror, que j’avais lu lycéenne en Argentine, m’ont beaucoup marquée. » Il serait intéressant de parcourir l’ensemble de l’œuvre et de la correspondance de Nelly Kaplan : les allusions à l’œuvre de Ducasse y sont nombreuses. (Signalé par Éric Walbecq)
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Passé en vente chez Arenberg en juin 2022, un lot de lettres du dessinateur surréaliste Armand Simon, qui écrit dans l’une d’elle à propos de sa découverte de Lautréamont en 1923 : « Sans cet achat, je n’aurais sans doute pas dessiné – ou j’eus dessiné autrement. » Entre 1939 et 1944, Simon réalisa de nombreux dessins inspirés des Chants de Maldoror.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-14191-4
- EAN: 9782406141914
- ISSN: 2607-754X
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-14191-4.p.0335
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 10-05-2022
- Periodicity: Annual
- Language: French
- Keyword: Lautréamont, Isidore Ducasse, Maldoror, Glosses and gleanings, Poésies, news.