The will of Margaret of Provence (1221–1295) Stakes and an attempt to restore the last wishes of a queen of France
- Publication type: Journal article
- Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
2021 – 1, n° 41. varia - Author: Duchâtel-Munter (Audrey)
- Pages: 407 to 425
- Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
Le testament de
Marguerite de Provence (1221-1295)
Enjeux et essai de restitution des dernières volontés
d’une reine de France
Comme le rappelle Murielle Gaude-Ferragu, la reine, modèle de vertus, se devait de mourir en « bonne chrétienne1 ». Pour ce faire, elle devait rédiger son testament. Nous conservons d’ailleurs plusieurs de ces actes émanant des reines de France, en particulier pour les xiiie et xive siècles2. Dans ces conditions, pourquoi n’a-t-on aucune trace documentaire du 408testament de la reine Marguerite de Provence (1221-1295), malgré son existence avérée par l’identification des exécuteurs testamentaires3 ? Fille aînée de Béatrice de Savoie et du comte de Provence Raymond-Bérenger V, elle fut pourtant l’épouse pendant plus de trente ans du seul roi de France canonisé, Louis IX, et la mère de Philippe III le Hardi. De plus, de nombreux spécialistes considèrent que son inhumation dans l’abbaye de Saint-Denis inaugure le « cimetière des reines » ; mais ce lieu de sépulture relevait-il de son propre choix ? Tout l’enjeu historique de notre article est donc de comprendre comment la reine douairière a organisé sa mort, alors que la pièce essentielle, son testament, a disparu.
La rédaction d’un testament répond à une double fonction, surtout dans les familles nobles, à plus forte raison les dynasties royales : la première est d’organiser la succession et l’héritage des biens entre les enfants ; la seconde est d’assurer à la fois la mémoire et le salut spirituel du testateur ou de la testatrice, par le biais de legs et donations qui sont souvent assortis d’une contrepartie attendue de prières et d’offices par les institutions religieuses bénéficiaires. C’est d’autant plus important que Marguerite de Provence meurt en veuve d’un roi dont la cause de canonisation est en cours depuis 12724. La longévité de Marguerite de Provence atténue fortement la première fonction du testament qu’elle put rédiger puisque huit de ses enfants sont morts avant elle5. Lors de son décès, en décembre 1295, c’est son petit-fils, Philippe IV le Bel, qui règne depuis dix ans déjà, et sa succession est assurée (six enfants sont nés, dont trois garçons). Le fait que le testament de Marguerite ne constitue pas un enjeu crucial pour les membres de sa famille (puisqu’elle ne peut doter que ses trois enfants survivants, dont deux filles qui viennent de se marier à des princes puissants) peut en effet soulever le problème de son exécution6. Marguerite est alors une reine douairière retirée près d’un couvent, qui ne peut plus à ce moment peser 409fortement sur l’avenir politique de la dynastie. C’est d’ailleurs peut-être aussi un facteur expliquant qu’on n’a sans doute pas pris des précautions importantes pour conserver son testament, qui est aujourd’hui introuvable. En effet, nos investigations dans les Archives Nationales de Paris et dans le fonds des Cordelières qui se trouve dans les archives départementales de l’Aube (cote 17H) ont été infructueuses. Le choix de ce dernier fonds résulte du fait que la reine s’est éteinte près du couvent de Saint-Marcel qu’elle contribua à fonder et dans lequel elle passa la fin de sa vie7. La possibilité d’une découverte fortuite, comme celle du testament de Marie de Montpellier8, semble s’éloigner d’autant qu’une hypothèse sur la raison de sa perte peut être avancée. Effectivement, se trouvent aux Archives Nationales de nombreux actes de cette reine de France datant de 1294, soit une année avant sa mort, qui concernent la mise en place de fondations de messe et de donations pieuses. S’y trouvent également des actes postérieurs à son décès, datant de 1314, concernant l’exécution de ses dispositions testamentaires. Nous pensons que ce testament a été précisément déplacé dans les archives de la Chambre des comptes au moment où les clercs du roi Philippe IV étudiaient la demande de sa fille, Blanche de La Cerda9. Cette dernière pensant ne pas avoir exécuté une promesse faite à sa mère entendait réparer cet oubli en sollicitant sa mise en place et sa confirmation par le roi. Certaines dispositions financières n’avaient en effet pas été prises et impliquaient une rente perpétuelle à prendre sur le trésor royal. Une fois les vérifications d’usage et l’assentiment obtenu, dont nous conservons les modalités10, il est tout à fait possible que le testament de la reine soit 410resté dans ce lieu où il n’avait pas sa place. Or, nous savons qu’un incendie ravagea la Chambre des comptes le 27 octobre 1737 et que de nombreuses pièces ont brûlé11. Nous pensons par conséquent que le testament de cette reine est lui aussi parti en cendres, et ce d’autant plus que la lecture du travail de recensement des pièces qui ont été sauvées, réalisé par Michel Nortier (qui précise aussi leur nouvelle localisation), n’a rien donné12.
La volonté testamentaire de Marguerite de Provence au regard de la pratique aristocratique
« L’en dit en prouerbe, que mort n’a ami13 » : cette réflexion fort juste de Pierre d’Alençon (1251-1283), fils de Louis IX et de Marguerite de Provence, se trouve dans son testament de juillet 1282 qu’il rédigea avant de porter secours à son oncle Charles d’Anjou, alors en difficulté dans son royaume de Sicile. Elle est surtout le témoignage d’une prise de conscience, celle que la rédaction de ses dernières volontés n’est pas la garantie de leur exécution. Aussi, Pierre d’Alençon avait-il pris soin de demander à son frère aîné, devenu roi de France, d’être l’un de ses exécuteurs testamentaires14. Il ne pouvait imaginer que quelques mois plus tard, ce dernier le rejoindrait dans la tombe et que ses dispositions, insuffisamment explicites, susciteraient une prise de décision de son fils, Philippe IV, qui soulèverait beaucoup d’émotion15. Au cours de ses soixante-quatorze ans d’existence, Marguerite put vivre plus de trente ans au côté de son époux Louis IX (1234-1270) 411et fut reine douairière pendant près de vingt-cinq ans (1270-1295). Elle ne put souvent assister qu’impuissante à toutes ces querelles concernant les héritages. Elle-même s’est sentie lésée lorsqu’elle prit connaissance du testament de son père Raymond-Bérenger V qui, en vertu de l’exclusion des filles dotées, faisait de sa cadette Béatrice son héritière à la tête du comté de Provence. N’ayant pas touché la dot promise – seuls 2000 marcs sur les 10 000 prévus lui furent versés –, elle le contesta pendant plus de trente ans avec sa sœur Éléonore, reine d’Angleterre16. Elle avait pu observer comment les testaments de son beau-frère Alphonse de Poitiers et de son épouse Jeanne de Toulouse avaient été également contournés17.
La reine elle-même fut sollicitée pour que certaines dispositions testamentaires soient bien exécutées. En effet, nous avons retrouvé des pièces dans les archives qui prouvent que la reine intercéda en faveur de plusieurs personnes. Nous distinguons ainsi des interventions pour des membres apparentés à la famille royale et d’autres en faveur de personnes de son entourage. Tout d’abord, sa sœur Éléonore et elle sont présentes lorsque leur mère, Béatrice de Savoie, rédige ses dernières volontés. Elles y occupent d’ailleurs une place de choix par rapport à leur cadette18. Marguerite est par la suite intervenue dans l’exécution du testament de sa mère en suivant ses dispositions19. Les deux sœurs figurent aussi dans le testament de leur 412oncle, Boniface de Savoie20. Marguerite intercède en outre en faveur de la défunte comtesse de Leicester auprès du roi Édouard Ier d’Angleterre afin que son testament soit bien respecté21. Il faut dire que la situation délicate de la sœur d’Henri III pouvait laisser présager quelques difficultés d’exécution. En effet, cette dernière avait épousé en secondes noces et dans le plus grand secret Simon de Leicester, alors qu’elle avait prononcé des vœux de chasteté. Son époux mena ensuite la révolte des barons contre le roi son beau-frère et réussit à emprisonner le jeune héritier Édouard. À la suite de son décès, au cours de la bataille d’Evesham (1265), Aliénor décida de prendre le voile en France. Elle s’éteignit dans l’abbaye de Montargis, le 13 avril 1275, mais ses fils aînés avaient vengé leur père en assassinant, dans l’église de Viterbe, Henri d’Almain, le cousin d’Édouard Ier. La reine de France écrit donc à son neveu pour que son dernier fils, Amaury, qui n’avait pas participé à ce complot, soit rétabli dans ses droits. Son médecin, le chanoine de Senlis Robert de Douai, la prie « dans son testament de favoriser l’exécution de ses volontés22 ». Elle intervient encore en tant que reine douairière pour un habitant de la ville d’Étampes. En effet, nous disposons d’un acte de Marguerite 413donnant son assentiment à la demande des exécuteurs du testament de Jean de Bourginel d’Étampes, ancien valet de la chambre de son époux23. Enfin, une pièce inédite des Archives Nationales d’Angleterre montre qu’elle essaya, conjointement avec sa fille24, d’intercéder en faveur des Frères mineurs auprès d’Édouard Ier, au sujet des ultimes volontés de l’archevêque de Cantorbéry, John Peckam, décédé en 1292, qui souhaitait que son cœur reposât chez les Franciscains25.
Nous pouvons donc le constater : Marguerite de Provence prenait à cœur de suivre les dispositions testamentaires des défunts ; mais qu’en est-il des siennes ? La disparition de son testament laisse de nombreuses questions en suspens26.
La question de l’élection de sépulture :
enjeux et questionnement
Et adercertes, en cest an, la royne Marguertite, femme monseigneur saint Loys, mourut à Paris ; et en l’église Saint-Denis, devant son seigneur, fu honnorablement enteree27.
414Les Grandes chroniques de France, qui ont commencé à être rédigées sous le règne de Louis IX, vers 1250, indiquent à la date de 1295 que la reine Marguerite est morte à Paris durant le règne de Philippe IV et qu’elle fut enterrée au côté de son époux dans la nécropole royale de l’abbatiale de Saint-Denis28. Son petit-fils y ordonna en effet son inhumation. Mais Marguerite l’avait-elle souhaité ? Nous pouvons effectivement nous demander si cette disposition correspondait bien aux volontés de la reine, ou si celle-ci avait fait un autre choix, qui pouvait être soit une sépulture complète chez les Cordelières, soit la pratique d’un démembrement de sa dépouille avec double sépulture. Rien ne semble indiquer aujourd’hui que Marguerite de Provence ait fait le choix de sépultures multiples qui était alors au cœur des pratiques mémorielles royales capétiennes, même si cette tradition commençait à être contestée29.
Pourtant, on peut s’interroger sur le fait qu’elle avait peut-être choisi une autre élection de sépulture pour son cœur. Alexandre Bande explique que la pratique des funérailles multiples avait l’avantage de permettre la multiplication des cérémonies et des lieux où honorer le défunt. Dans ce cas précis, il n’est pas impensable que, comme de nombreux prédécesseurs royaux ou princiers, elle ait choisi un ordre monastique pour dernière demeure. Sa devancière Blanche de Castille avait en effet exprimé ses ultimes volontés de reposer à l’abbaye de Maubuisson qu’elle avait fait ériger en 1236, tandis que son cœur devait par la suite rejoindre l’abbaye royale du Lys, qu’elle avait aussi contribué à édifier avec l’accord de son fils Louis IX30. Comme l’indique l’inventaire des archives départementales de l’Aube, le couvent des Cordelières de Sainte-Claire de Lorraine a été fondé à Troyes ; mais selon les volontés de Marguerite de Provence, les religieuses sont transférées à Paris en 1289, au faubourg Saint-Marcel, dans une maison léguée par Gallien de Pise, chanoine de Saint-Omer. Un peu plus tard, des actes nous apprennent que la reine, sans être entrée dans le couvent des Clarisses de Lourcine, vit dans une 415maison contiguë à celui-ci, qu’elle donne d’ailleurs en usufruit à sa fille Blanche avec toutes ses dépendances31. Il ne serait donc pas improbable qu’elle ait demandé que son cœur repose dans le couvent.
Louis IX voulait réserver Saint-Denis aux rois et faire inhumer ailleurs, à Royaumont, les enfants de France et les reines. Il avait d’ailleurs fait enterrer leurs enfants morts dans cette nécropole32. Pourtant, un passage du poème métrique de Guillaume Guiart33, placé à l’année 1295, semble confirmer que la reine avait d’emblée élu sépulture à Saint-Denis pour rejoindre son mari dans le tombeau :
Bele compaingnie guia ;
Par fiance au roi s’alia
Contre Edouart qu’il deshérite
Et la reyne Marguerite,
Fame Saint Loïs en sa vie,
Refu cel an ensevelie.
Ces vers rédigés par le chroniqueur et poète orléanais (?-1316) évoquent aussi le contexte particulier des tensions entre son petit-fils et son neveu Édouard Ier, roi d’Angleterre. Sachant que la défunte reine était réputée pour avoir été une partisane du rapprochement entre les deux royaumes et d’une politique anglophile à la cour34, tout ceci peut aussi expliquer que son inhumation ne se fit pas en grande solennité. En effet, aucune source, contrairement à celles qui se rapportent à la reine Charlotte de Savoie ou à Anne de Bretagne35, ne s’en fait l’écho, alors qu’outre-Manche, la mort de Marguerite de Provence est célébrée dans tout le royaume avec des messes pour le salut de son âme36.
416A. W. Lewis est le premier historien à avoir proposé une analyse complète et synthétique de la nécropole royale de Saint-Denis et de ses réaménagements, notamment par Philippe IV le Bel37. Il donne un plan des modifications et situe l’emplacement – pour le moins privilégié – de la tombe de Marguerite, entre celle de son saint mari et l’autel majeur.
Fig. 1 – L’emplacement de la tombe de Marguerite de Provence après la translation des tombes en 1306 par Philippe IV. Figure extraite d’A. W. Lewis,
Le sang royal. La famille capétienne et l’État, France xe-xive siècle, trad. fr. J. Carlier, Paris, Gallimard, 1986, p. 280 ; © Éditions Gallimard.
A. W. Lewis rappelle précisément les trois temps de la chronologie de la disposition de la tombe de Louis IX : lors des funérailles en 1271, où pour la première fois d’ailleurs des enfants royaux non-héritiers sont inhumés à Saint-Denis, en contradiction avec la volonté exprimée par Louis IX lui-même38 ; puis, après la canonisation du roi, en 1298-1299, où ses ossements sont retirés de la tombe et placés dans une châsse derrière le maître autel39 ; enfin en 1306, avec une réorganisation générale et la confection des splendides tombes aux effigies d’argent de Philippe-Auguste et de Louis IX. Le crâne de Saint Louis est alors mis dans un reliquaire destiné à la Sainte-Chapelle. À cette occasion, Philippe IV choisit aussi l’emplacement de sa future tombe. Mais à quel moment la tombe de Marguerite a-t-elle été placée devant le maître-autel et Marguerite y a-t-elle vraiment été enterrée40 ? En fait, A. W. Lewis ne s’y intéresse pas et aucune source relative au règne de Philippe IV n’en fait mention. Les modifications apportées par Philippe IV le Bel autour de la tombe de son grand-père soulèvent le problème des contradictions entre la logique d’une glorification strictement dynastique et celle désormais d’une glorification de la famille d’un saint. L’élection de sépulture et les legs pieux participent de la même fonction mémorielle et spirituelle : le testament d’un personnage royal encourage la récitation de prières pour l’ensemble des défunts de la dynastie41.
418L’expression de la piété de la reine Marguerite
par la pratique des legs pieux :
un miroir des dévotions aristocratiques ?
Contrairement à son mari qui fut canonisé ou à sa belle-sœur Isabelle de France et même sa propre sœur Éléonore de Provence qui ont été béatifiées42, Marguerite de Provence n’est pas considérée comme Bienheureuse par l’Église catholique. Pour autant, ses pratiques religieuses semblent avoir été conformes à celles qu’on attendait d’une reine43. On pourrait même affirmer, dans une certaine mesure, qu’elle contribua par sa piété à ce que son époux soit un saint. En tous les cas, les propos de la Vita de Geoffroy de Beaulieu, confesseur dominicain du roi, tout comme ceux de Guillaume de Saint-Pathus, confesseur franciscain de la reine, construisent l’image d’un saint roi et par miroir d’une sainte reine conforme à celle attendue44. En effet, à bien des égards, leurs attitudes sont fidèles aux critères de piété d’un couple saint et particulièrement au modèle de la juste sexualité conjugale45. Ainsi, les époux ont respecté les périodes canoniques d’interdit des relations sexuelles, mais ils y ont ajouté des temps supplémentaires de continence46. Ils ont également 419observé les trois nuits de Tobie avant de consommer leur nuit de noces. Le confesseur de la reine relate que cette dernière jetait un vêtement sur ses épaules lorsqu’il se relevait pour prier : parfois même, elle accompagnait le souverain dans ses litanies. Dans un passage des Vertus de Saint Louis, il fait part d’une anecdote qu’elle lui aurait racontée et conclut : « la pieuse reine Marguerite avait aussi à un haut degré les vertus de foi et d’espérance47 ». Ainsi, même si elle ne semble pas avoir témoigné personnellement lors de l’enquête et du procès de canonisation48, elle y contribua activement en transmettant des détails intimes sur leur couple, au point de ne rien cacher49. Par le sire de Joinville, qui demeure à ce jour la principale source narrative que nous ayons sur la reine, nous savons qu’elle eut une vie vertueuse et admirable, en particulier au pire moment de la croisade, lorsque le roi se retrouva prisonnier50. Nous y apprenons aussi qu’un jour de tempête en mer sur les côtes de Chypre, la reine se laissa convaincre par le sire de Joinville de faire un vœu à Saint-Nicolas de Varangéville d’une offrande que le sénéchal s’engagea à porter à pied et déchaussé51. Aussitôt rentrée dans le royaume, elle fit réaliser une nef d’argent à Paris avec à son bord le roi, la reine et ses trois enfants et la fit parvenir à Joinville afin qu’il accomplisse le vœu qu’il avait prononcé. Les sources narratives contemporaines attestent par conséquent de sa piété, mais pas au point de suivre le roi dans toutes ses formes d’humilité, en particulier vestimentaires52.
420Les œuvres de piété que nous avons pu recenser dans ses actes de fondation, de donations et legs confirment, quant à elles, des usages en conformité avec les coutumes religieuses de son temps. Tout d’abord, nous notons que ce sont des donations conjointes avec le roi qui dominent dans la première partie du règne de Louis IX53. Cependant, à partir de 1258, nous identifions des initiatives plus personnelles de la reine, en particulier en faveur de personnes qui l’ont loyalement servie. Ainsi, elle n’hésite pas à léguer à son chapelain Godefroy de Saint-Benoît une maison et ses dépendances durant sa vie54. Elle prend même en charge les redevances et dîmes ou toutes charges incombant à cette donation et précise qu’à la mort de ce dernier, l’ensemble rentrera en possession de l’abbaye de Saint-Denis. Le même type de donation est fait concernant des biens situés dans la paroisse d’Abliés. Il s’agit ici d’une maison et de quatre arpents de terre pour Ghislain Huelin de Pointoin55. L’abbaye de femmes cisterciennes de Villiers-les-Nonnains à Cerny se voit doter de 38,5 arpents de bois et garenne en 1278 et seize ans plus tard, d’une rente de vingt livres parisis56. Marguerite elle-même est l’objet d’attention de la part de son mari qui sollicite plusieurs célébrations de messes pour sa personne dans différents prieurés, comme celui de Saint-Maurice de Senlis, le couvent Saint-Victor de Paris ou encore dans un établissement religieux du diocèse de Rouen57. Son oncle, Boniface de Savoie, alors archevêque de Cantorbéry, encourage et loue ses bonnes actions dans un acte daté de 1263 et fait célébrer des messes en l’honneur de toute la famille royale58.
En tant que reine douairière, ses initiatives semblent se multiplier vers la fin de sa vie. Les années 1286-1294 sont en effet très prolixes : l’abbaye de Saint-Antoine-des-Champs, celles de Saint-Denis et de Villiers-les-Nonnains et surtout le couvent des Cordelières de la rue 421de Lourcine, qu’elle contribua à fonder, font l’objet de sollicitations pour des demandes de prières59. La recension des actes montre que l’inscription territoriale et dynastique des dons réginaux ne va pas du tout à des communautés religieuses de sa principauté d’origine mais bien à celles des alentours de Paris, où se trouve son douaire60. Il n’est pas anodin de constater que ce sont aussi des abbayes royales qui sont alors sollicitées, en particulier celles de Maubuisson et de Saint-Denis61. Il ne faut pas oublier qu’elle avait assisté dans les années 1260 à l’édification de nouvelles sépultures des rois enterrés à Saint-Denis et à la modification de leur disposition62. Son époux lui avait peut-être fait part de ses projets de renforcer le sentiment dynastique et de faire de cette abbaye le cimetière des rois de France ? Toujours est-il qu’elle 422pense alors à la mémoire de son époux et de ses enfants morts. Elle commence même à évoquer, pour la première fois, le salut de son âme. L’étude attentive des actes de la pratique recensés montre que des biens furent alloués et des rentes accordées. Ces donations en numéraire sous forme d’arrérages à prendre sur ses domaines, en particulier sur la prévôté d’Étampes ou sur le domaine royal, commencent à se mettre en place après la mort de Louis IX et font l’objet de confirmation par les rois alors en exercice, tels que Philippe III puis Philippe IV, dont elle n’omet pas aussi de mentionner la personne pour des messes. Ses legs furent nombreux, que ce soit pour la construction de chapellenies ou pour la célébration de liturgies ou d’anniversaires. Il est probable aussi que Marguerite ait donné ses livres, en particulier ses psautiers, bien que nous n’ayons aucune trace de ces donations63. À bien y regarder, les stipulations du testament restitué de Marguerite de Provence sont en tous points conformes à celles que l’on trouve dans les testaments royaux, par exemple celui de Philippe IV. Dans ceux-ci, on trouve les legs aux maisons religieuses (toujours les mêmes pour les rois successifs), des legs (de sommes d’argent mais aussi de vêtements, de menus objets) aux gens de l’hôtel et aux serviteurs. Le roi prévoit des sommes d’argent pour terminer les constructions qu’il a commencées (notamment Poissy pour Philippe IV le Bel). Ainsi, toutes ces pratiques sont bien le reflet de la piété nobiliaire de l’époque. Dans le cas de Marguerite, elles peuvent apparaître plus nombreuses, mais cela s’explique par sa longévité et par la fonction qu’elle occupa, qui lui procura des moyens importants.
Conclusion
À bien des égards, la reine de France Marguerite de Provence a participé à la construction de la mémoire dynastique capétienne. La perte de son testament, vraisemblablement dans l’incendie de la Chambre des 423comptes de 1737, ne permet pas de savoir si elle avait pris la décision de perpétuer la pratique familiale d’inhumation multiple, en particulier si elle avait exprimé sa volonté de disposer d’une sépulture de cœur. La disparition du testament réginal interdit aussi toute certitude quant à l’élection de sépulture de la reine : Cordelières de Lourcine ou abbaye dionysienne ? En effet, le questionnement sur l’élection de sépulture ne permet pas, en l’état de la documentation actuelle, d’aboutir à une conclusion certaine. La question de l’inhumation de Marguerite de Provence à Saint-Denis, négligée par les historiens, doit donc être versée au dossier de la politique sépulcrale de Philippe IV, qui a soulevé de nombreuses interrogations. La vie de cette reine fut vertueuse et sa piété exemplaire, même si elle ne prit pas le voile à la fin de sa vie. Ses fondations et donations pieuses s’avèrent être en tout point le miroir parfait des dévotions aristocratiques de son temps et ce d’autant plus que l’enjeu de la canonisation en cours de Louis IX64 et le respect des rites de « bonne mort », donc des legs spirituels dans le testament, étaient importants.
Audrey Duchatel
Université Nice Sophia-Antipolis
Laboratoire CEPAM
424Fig. 2 – Photographie des Archives nationales (France), L//1050, no 12b, « Charte de Marguerite de Provence, femme de Saint Louis en faveur de communautés religieuses, datant de février 1295 (n. st)65 ».
425Fig. 3 – Carte de la répartition des legs pieux
de Marguerite de Provence dans son douaire.
1 M. Gaude-Ferragu, « L’honneur de la reine : la mort et les funérailles de Charlotte de Savoie (1er-14 décembre 1483) », Revue historique, 652, 2009, p. 779-804, ici p. 785 ; D’or et de cendres : la mort et les funérailles des princes dans le royaume de France dans le bas Moyen Âge, Villeneuve-d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2005 ; C. Beaune, « Mourir noblement à la fin du Moyen Âge », Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, La mort au Moyen Âge, 6e congrès, Strasbourg, 1975, p. 125-144.
2 Les testaments et actes de dernières volontés durant la période médiévale ont fait l’objet de nombreux travaux depuis quelques décennies, en particulier ceux des souverains et des princes en Europe occidentale comme nous le rappelle O. Richard, « Les testaments de la fin du Moyen Âge dans l’espace germanique », Bulletin d’information de la Mission Historique Française en Allemagne, 42, 2006, p. 97-108. Le 16 mars 2018 s’est tenue une journée d’étude à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne consacrée aux testaments dans l’Europe médiévale (xiie-xve siècle) organisée par Benoît Grévin et Mélissa Barry. Nous notons aussi que les testaments des souveraines n’ont pas été négligés par les recherches : ainsi ceux des reines de France Isabelle d’Aragon (1247-1271), Clémence de Hongrie (1293-1328), Jeanne de Bourgogne (1293-1349), Jeanne d’Évreux (1310-1371), Blanche de Navarre (1333-1398) ont fait l’objet de travaux : L. Carolus-Barré, « Le testament d’Isabelle d’Aragon, reine de France, épouse de Philippe III le Hardi (Cosenza, 19 janvier 1271) », Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 1983-1984, p. 131-137 ; R.-M. Ferré, « Clémence de Hongrie (1293-1328) et les œuvres pour la mort : entre patronage religieux et revendications dynastiques », « La dame de cœur » : Patronage et mécénat religieux des femmes de pouvoir dans l’Europe des xive-xviie siècles, éd. M. Gaude-Ferragu et C. Vincent-Cassy, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 231-242 ; M. Gaude-Ferragu, « Les dernières volontés d’une reine de France. Les deux testaments de Jeanne de Bourgogne, femme de Philippe VI de Valois », Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 2007, p. 23-66 ; E. A. R. Brown, « Jeanne d’Évreux : ses testaments et leur exécution », Le Moyen Âge, 119, 2013, p. 57-83 ; L. Delisle, « Testament de Blanche de Navarre, Reine de France », Mémoires de l’Histoire de Paris et de l’Île-de-France, 12, 1885, p. 1-64. Un projet de recherche « Testaments capétiens » dirigé par X. Hélary, É. Lalou. M. Gaude-Ferragu, I. Heullant-Donat est en cours. Il a été marqué par une journée d’étude qui a eu lieu en 2014 et la publication en ligne des testaments royaux capétiens est prévue.
3 L’identification des exécuteurs testamentaires suffit à le prouver. Il s’agit de Guillaume de Saint-Pathus, son confesseur, et de Raoul de Pacy, chantre du chapitre de la cathédrale de Meaux, Archives Nationales, Cartons des rois, KK//38 no 11, 1 et 2.
4 L. Carolus-Barré, Le Procès de canonisation de Saint Louis (1272-1297). Essai de reconstitution, Rome, École française de Rome, 1994, p. 17.
5 Des onze enfants qu’elle eut, seuls Blanche de La Cerda, Robert de Clermont et Agnès de France lui survécurent.
6 Les chartes de Marguerite de Provence datant de 1294 et 1295 peuvent toutefois apparaître comme un codicille testamentaire en faveur de Blanche de La Cerda, Archives Nationales de Paris, L//1050, 12a et 12b (voir la figure 2 en annexe).
7 Les Archives départementales de l’Aube possèdent une charte et sa copie datée de septembre 1289 mentionnant cette reine. Ces deux pièces sont conservées dans le fonds du couvent des Cordelières de Saint-Marcel de Paris, anciennement couvent des Cordelières de Sainte-Claire de Lorraine (cote 17H13).
8 J.-M. Lacarra, A. Luis Gonzalez, « Les testaments de la reine Marie de Montpellier », Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, 90, 1978, p. 105-120, ici p. 105-106 : « La reine Marie de Montpellier, épouse du roi d’Aragon Pierre le Catholique, souscrivit trois testaments successifs en 1209, 1211 et 1213 : seuls les deux derniers étaient connus jusqu’ici. Les auteurs publient le premier, récemment découvert dans la bibliothèque de l’Académie espagnole d’histoire. En effet, par des chemins qu’il nous serait difficile de préciser, l’original du premier testament est venu s’échouer dans une liasse de la Collection Luis Salazar y Castro de la Bibliothèque de l’Académie royale d’histoire de Madrid, où nous l’avons trouvé récemment de manière inespérée. »
9 Nous tenons à remercier ici notre directeur de thèse, M. Philippe Jansen, qui a contribué à l’élaboration de cette hypothèse.
10 Arch. nat., Cartons des rois, KK//38 no 11, 1 et 2 datés de Paris, du 21 et 22 mars 1314. Guillaume de Saint-Pathus et Raoul de Pacy consentent à ce que les religieux de Saint-Denis reçoivent par an vingt livres parisis de rente sur le Trésor pour l’anniversaire de ladite reine et de ses enfants.
11 Jacques Le Goff, Saint Louis, Paris, Folio Histoire, 1996, p. 1051 : « Il ne reste que des épaves des comptes royaux détruits dans l’incendie de la Chambre des comptes en 1737. »
12 M. Nortier, « Le sort des archives dispersées de la chambre des comptes de Paris », Bibliothèque de l’École des Chartes, 123/2, 1965, p. 460-537.
13 Brown, « Jeanne d’Évreux », p. 65.
14 Arch. nat., J 403, no 10 ; X. Hélary, « La mort de Pierre, comte d’Alençon (1283), fils de Saint Louis, dans la mémoire capétienne », Revue d’Histoire de l’Église de France, 94, 2008, p. 5-22.
15 La décision de faire enterrer le cœur de son défunt père dans une autre église que celle de Saint-Denis suscita en effet de vives réactions : « Le caractère exceptionnel de ce qui survint alors provint des directives du jeune Philippe IV qui décida de faire enterrer le cœur de son père au couvent des dominicains de la rue Saint-Jacques à Paris. Le roi venait de déclencher un scandale qui devait profondément marquer les observateurs et avoir de l’importance sur le devenir de l’inhumation séparée du cœur » (A. Bande, Le cœur du roi. Les Capétiens et les sépultures multiples, xiiie-xve siècle, Paris, Tallandier, 2009, p. 74-75).
16 L.-G. de Bréquigny, historien et paléographe français du xviiie siècle, fut chargé par le gouvernement de publier l’ensemble des sources diplomatiques de l’histoire de France qui étaient contenues dans les archives britanniques. Devant le nombre d’actes qu’il trouva sur l’affaire de Provence, il décida de rédiger un article sur ce sujet et évoque dès l’introduction sa stupéfaction sur le fait que cette affaire de plus de 30 ans qui occupa tant de cours européennes ne soit pas davantage connue et surtout passée sous silence par les historiens contemporains, dans « Mémoire touchant la réclamation que Marguerite, reine de France et Éléonore, reine d’Angleterre, firent de leur droit sur la Provence, qui avoit été donnée à Béatrice, leur sœur, par Raymond-Bérenger, comte de Provence, leur père commun », Mémoires de littératures tirés des registres de l’Académie royale des inscriptions des Belles lettres, 43, 1786, p. 449-484, ici p. 451-452.
17 G. Chenard, « L’exécution du testament d’Alphonse de Poitiers (1271-1307) : vouloir et pouvoir après la mort du prince », Bibliothèque de l’École des Chartes, 167/2, 2009, p. 375-390.
18 T. Pécout, « Celle par qui tout advint : Béatrice de Provence, comtesse de Provence, de Forcalquier et d’Anjou, reine de Sicile (1245-1267) », Les princesses angevines. Femmes, identité et patrimoine dynastiques (Anjou, Hongrie, Italie méridionale, Provence, xiiie-xve siècle), éd. M.-M. de Cevins, G. Kiss, J.-M. Matz, Mélanges de l’École française de Rome, Moyen Âge, 129/2, 2017, p. 265-282, ici p. 270.
19 Archives d’État de Turin, « Paesi-Bugey-Seyssel, mazzo 3, fasc. 3. ». Acte datant de 1286 : « Donation faite par Marguerite, reine de France, fille de Béatrice de Savoie, comtesse de Provence, au comte Amédée de Savoie, et aux enfants de Thomas, aîné de feu comte Thomas de Savoie, des châteaux et lieu de Seyssel et de Montfalcon, qui lui avaient été laissés par sa dite mère en usufruit. »
20 L.-G. de Bréquigny, Table chronologique des diplômes, chartes, titres et actes, t. VI, Paris, Imprimerie nationale, 1850, p. 436.
21 The National Archives, SC 1/17/127, lettre non datée (1275 ?) : « A très haut et très noble prince nostre très chier neveu, Edouard, par la grace de Dieu roy d’Engleterre, Marguerite, par cele meisme grace roine de France, salut et vrai amour. Chiers niés, la comtesse de Leycestre nous pria et requist à sa fin que nous vous preisons que vous eussiez pitié de li et de son testament, et nous requist aussi que nous preisons de Amauri et son fil clerc, que vous eussiez pitié de li[…] vous li feissiez droit et rendissiez vostre grace. Et pour ce que nous li promeismes que nous le ferions, nous vous priames de[…]choses, et vous en prions encores que vous vuilliez fere et commander que la besogne qui touche le testament à la dite dame […] et délivrée tant comme droiz, et li us, et la custume du païs pourront doner. Et d[…]. de la[…] au clerc, et […] que heneurs et boen soit, et tant que Diex vous en sache gré et nous et bones. […] fetes en tant que vous non puissiez estre blamez. Et de ces choses, s’il vous plaisoit, vostre volonté. […] le lundi devant la feste saint Denys. » ; J. Champollion-Figeac, Lettres de rois, reines et autres personnages des cours de France et d’Angleterre, depuis Louis VII jusqu’à Henri IV, t. I, Paris, Imprimerie royale, 1839, p. 251.
22 P. Glorieux, Aux origines de la Sorbonne, Vol. 1, Robert de Sorbon : L’homme, le Collège, les documents, Paris, Vrin, 1966, p. 33. Gérard d’Abbeville, chanoine d’Amiens, est l’exécuteur du testament de Robert de Douai, mort au cours de l’année 1268, Arch. nat., M//75, pièce no 156/5.
23 B. Fleureau, Les Antiquités de la Ville et du duché d’Étampes, avec L’Histoire de l’abbaye de Morigny, Paris, J.-B. Coignard, 1683, p. 418-419. Grâce à la transcription de cet acte, aujourd’hui perdu, nous y apprenons que la reine a accepté de prendre les cens et droits seigneuriaux destinés par Jean de Bourginel à la fondation de deux chapellenies et de les unir à son domaine.
24 Nous avons trouvé un seul acte dans les Archives Nationales d’Angleterre qui évoque la fille de Marguerite de Provence, Blanche. Nous constatons que cette dernière appuie la requête de sa mère concernant les Frères mineurs de Paris, au sujet des dernières volontés de John Peckam : acte non daté (1293-1295 ?), The National Archives, SC 1/17/126.
25 Acte non daté (1293-1295 ?), The National Archives, SC 1/17/139 (fol. 143).
26 Le testament de Marguerite de Provence n’est pas le seul à avoir disparu : « Des testaments ont pu être perdus ou égarés, notamment des testaments de femmes. Certains ont été retrouvés, comme celui de Blanche de Navarre, mais, cachés dans les fonds des archives départementales, d’autres peuvent encore échapper longtemps à nos recherches. Ainsi Marion Chaigne a consacré sa thèse d’École des chartes à des testaments trouvés dans le registre Arch. nat., X1A 9807 (fonds du parlement de Paris) : “Pour le remède et salut de mon âme…”. Édition et commentaire de trente et un testaments de femmes enregistrés au parlement de Paris (1394-1420), thèse pour le diplôme d’archiviste paléographe, 2006 ; résumé dans École nationale des chartes, Positions des thèses, Paris, École nationale des chartes, 2006, p. 81-87 », cité par É. Lalou, « Les testaments des rois capétiens », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 31, 2016, p. 61-68, ici p. 65.
27 Les Grandes chroniques de France, éd. J. Viard, Paris, Champion, t. VIII, 1935, p. 164.
28 M. Gaude-Ferragu, La reine au Moyen Âge, le pouvoir au féminin, xive-xve siécle, Paris, Tallandier, 2014, p. 310. Cette historienne émet toutefois des réserves sur le choix même de l’abbatiale de Saint-Denis : « Celle-ci s’était retirée à la fin de sa vie dans une maison accolée au couvent des Clarisses de Lourcine et ne semble pas avoir réclamé une telle sépulture ». Nous tenons à remercier Mme Gaude-Ferragu pour ses conseils dans l’écriture de cet article.
29 E. A. R. Brown, « Death and the Human Body in the Later Middle Ages : The Legislation of Boniface VIII on the Division of the Corpse », Viator, 12, 1981, p. 221-270.
30 L. Grant, Blanche of Castile, New Haven, Yale University Press, 2016, p. 118, 134 et 323 ; Les Grandes chroniques de France, éd. Viard, t. VII, 1932, p. 199.
31 Arch. nat., L//1050 no 12b.
32 Blanche (1240-1243), Jean († 1248) et Louis (1244-1260).
33 La branche des royaux lignages, chronique métrique de Guillaume Guiart, éd. A. Buchon, Collection des chroniques nationales françaises, t. VIII, Paris, Verdière, 1828, p. 161 ; Recueil des Historiens des Gaules et de France, éd. Daunou et Naudet, t. XXII, Paris, 1840, p. 220.
34 E. Boutaric, « Marguerite de Provence, son caractère, son rôle politique », Revue des questions historiques, 3, 1867, p. 417-458 ; G. Sivéry, Marguerite de Provence, une femme aux temps des cathédrales, Paris, Fayard, 1987.
35 Gaude-Ferragu, « L’honneur de la reine », p. 779-804 ; E. A. R. Brown, C. J. Brown, J.-L. Deuffic, M. Jones, « Qu’il mecte ma povre ame en celeste lumiere ». Les funérailles d’une reine. Anne de Bretagne (1514). Textes, images et manuscrits, Turnhout, Brepols, 2013 ; J. Santrot, Les doubles funérailles d’Anne de Bretagne : le corps et le cœur (janvier-mars 1514), Genève, Droz, 2017.
36 De Thetford, le 22 janvier 1296 : « À R. archevêque de Canterbury. Demande des prières pour l’âme de Marguerite, feue reine de France, la tante du roi, récemment décédée ». « Les mêmes lettres sont adressées à différents archevêques et évêques du royaume d’Angleterre », Calendar of the Close Rolls Preserved in the Public Record Office, Volume 3, Edward Ier (A. D. 1288-1296), Londres, 1904, p. 507.
37 A. W. Lewis, Le sang royal. La famille capétienne et l’État, France xe-xive siècle, Paris, Gallimard, 1986, p. 187-190 ; A. Erlande-Brandebourg, Le roi est mort. Étude sur les funérailles, les sépultures des rois de France jusqu’à la fin du xiiie siècle, Genève-Paris, Droz, 1975.
38 La politique sépulcrale de Philippe IV, que ce soit au sujet de son père, de son épouse et ici en acceptant l’inhumation des enfants royaux à Saint-Denis, peut conforter notre propos.
39 La translation des restes de Louis IX dans des reliquaires a été étudiée par C. Gaposchkin, The Making of Saint Louis : Kingship, Sanctity, and Crusade in the Later Middle Ages, Ithaca, Cornell University Press, 2008.
40 Le dessin de sa tombe gravé dans une plaque de cuivre fournit quelques indications intéressantes. Ce dernier est reproduit dans un ouvrage du xviie siècle conservé à la Bodleian Library d’Oxford. Il est consultable sur le site collecta.fr, qui reconstitue la collection de François-Roger de Gaignières (1642-1715). Son inscription prouve que la plaque a été réalisée après la date de la canonisation de Saint Louis. Mais la tombe, ouverte en 1793 par les révolutionnaires, n’a révélé que des gravats et deux petits ossements. Soit le corps de la reine avait été enlevé auparavant, soit il n’y a jamais été enterré en totalité.
41 A.-H. Allirot, Filles de roy de France. Princesses royales, mémoire de saint Louis et conscience dynastique (de 1270 à la fin du xive siècle), Turnhout, Brepols, 2010.
42 Éléonore de Provence, épouse d’Henri III d’Angleterre, fut béatifiée pour la piété dont elle fit preuve à la fin de sa vie. Elle accomplit de nombreuses œuvres charitables et a fini ses jours retirée à l’abbaye d’Amesbury d’après M. Howell, Eleanor of Provence, Oxford, Blackwell, 2001. Concernant les recherches sur la sainteté aristocratique, se référer aux travaux de A. Vauchez, « Beata stirps : sainteté et lignage en Occident aux xiiie et xive siècles », Famille et parenté dans l’Occident médiéval, Rome, École française de Rome, 1977, p. 397-406. ; Lewis, Le sang royal.
43 M.-T. Lorcin, « Retraite des veuves et filles au couvent : quelques aspects de la condition féminine à la fin du Moyen Âge », Annales de démographie historique, 1975, p. 187-204.
44 Reprenant un passage de la Vie de Saint Louis de Guillaume de Saint-Pathus, L. Carolus Barré conclut : « Ce dernier trait de vertu concerne en vérité la reine Marguerite en personne, mais il est le digne pendant de l’attitude du roi. », Carolus-Barré, Le procès de canonisation, p. 301.
45 J. Le Goff, « La sainteté de Saint Louis : sa place dans la typologie et l’évolution chronologique des rois saints », Les fonctions des saints dans le monde occidental (iiie-xiiie siècle), Rome, École française de Rome, 1991, p. 285-293 ; P. Corbet, Les saints ottoniens. Sainteté dynastique, sainteté royale et sainteté féminine autour de l’an Mil, Sigmaringen, Thorbeke, 1986 ; G. Klaniczay, « Sainteté royale et sainteté dynastique au Moyen Âge. Traditions, métamorphoses et discontinuités », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 3, 1989, p. 69-80.
46 Le Goff, Saint Louis, p. 398, 650, 879 et 962.
47 Guillaume de Saint-Pathus, Vie et vertus de Saint Louis d’après Guillaume de Nangis et le confesseur de la reine Marguerite, éd. R. de Lespinasse, Paris, Librairie de la Société bibliographique, 1877, p. 236.
48 Carolus-Barré, Le Procès de canonisation de Saint Louis, p. 300.
49 Sivéry, Marguerite de Provence, p. 257-258 : même « concernant la difficulté de son époux à se maîtriser sur le plan sexuel ».
50 Joinville, Vie de Saint Louis, texte établi, présenté et annoté par J. Monfrin, Paris, Dunod, 1995, § 397-400, p. 379-381.
51 Joinville, Vie de Saint Louis, § 630-633, p. 520-523.
52 Le poète Rutebeuf, contemporain du couple royal, semble dénoncer les dépenses somptuaires de la reine et celles de sa sœur, Béatrice de Provence, dans une des strophes de sa Complainte de Sainte Église encore appelée « Vie du monde » : « Jésus-Christ se plaint au sujet des biens de la sainte Église / Qu’on transforme en joyaux, en vair, en petit-gris ; / Margot et Béatrice s’en font des traînes / Et les membres de dieu sont pauvres, nus, misérables. » Rutebeuf, Œuvres complètes, texte établi, traduit, annoté et présenté avec variantes par M. Zink, Paris, LGF, 2001, p. 1010. Achille Jubinal y voit une allusion claire à la femme de Saint Louis : Œuvres complètes de Rutebeuf, trouvère du xiiie siècle, recueillies et mises au jour pour la première fois par A. Jubinal, Paris, Édouard Pannier, 1839, p. 511.
53 Arch. nat., J//461. Fondation II, no 13.1 ; Arch. nat., J//461, no 22.10.
54 Arch. nat., LL//1190, p. 540-541.
55 Arch. nat., JJ//38, fol. 22.
56 Acte daté de novembre 1278, Archives départementales de l’Essonne, cote 71H/20 ; acte daté du 31 janvier 1295 aux Archives départementales des Yvelines, 71 H 23, liasse 198 no 3.
57 Pour le prieuré de Saint-Maurice de Senlis, Archives départementales de l’Oise, cote H 836 (acte daté de mars 1265) ; pour le couvent de Saint-Victor de Paris, Arch. nat., J//460, Fondations, I, no 15 (acte daté du 23 novembre 1258) ; pour le diocèse de Rouen, Arch. nat., J//461, no 22.10 (acte daté du 6 novembre 1257).
58 Arch. nat., J//461. Fondations, II, no 22/15.
59 Pour l’abbaye de Saint-Antoine-des-Champs : Arch. nat., K//190, no 160 /11.10 (acte daté de 1286) ; pour l’abbaye royale de Saint-Denis : Arch. nat., LL//1190, p. 905-906 (acte daté de 1286) ; Arch. nat., K//36, no 11 (acte daté du 3 avril 1287) ; Arch. nat., K//38, no 11 (acte daté de mars 1314, donation réalisée par sa fille Blanche de La Cerda). Enfin, pour les Cordelières de la rue de Lourcine : acte daté de 1289, Archives départementales de l’Aube, cote 17H13 ; actes datés de 1292 : Arch. nat., S//4681 (29) ; Arch. nat., S//4681, no 20 ; actes datés de 1294-1295 : Arch. nat., L//1050, no 12b, 12c et 13a ; Arch. nat., S//4681, dos. 2, no 15.
60 Voir infra la « Carte de la répartition des legs pieux de Marguerite de Provence dans son douaire ». Le fait que nous n’ayons pas trouvé de trace d’acte de donations à des communautés religieuses dans sa province d’origine ne signifie pas que Marguerite de Provence n’en a pas effectué. En effet, une source narrative contemporaine, celle du frère mineur Fra Salimbene de Adam, attribue à la reine l’édification du sépulcre de son père Raymond-Bérenger V à Aix, dans l’église Saint-Jean-de-Malte des Hospitaliers : Fra Salimbene de Adam, Cronica, éd. G. Scalia, Bari, Laterza, 1966, vol. 1, année 1248, p. 429.
61 Damien Berné écrit sur ce sujet : « Il convient de souligner que ni Saint Louis, ni avant lui Louis VIII, n’ont rien prévu pour l’entretien de leur mémoire à Saint-Denis après leur mort. C’est peut-être pour compenser le mutisme de son époux que Marguerite de Provence choisit de fonder simultanément trois chapellenies, par un acte spécial daté de 1287. Toutes trois sont instituées pour le repos de l’âme du saint roi, de celle du roi régnant, leur fils Philippe le Hardi, et de celles de leurs autres enfants décédés. Plutôt qu’une anticipation de son propre testament, il faut sans doute voir dans le geste de la reine douairière une disposition destinée à rendre au lignage capétien l’initiative de sa propre commémoration dans l’abbaye royale, comme si la reine prenait ses distances avec la confiance absolue manifestée par Saint Louis à l’égard des moines » ; D. Berné, « La place du testament dans l’économie de la mémoire capétienne à Saint-Denis », Le Moyen Âge, 119, 2013, p. 11-25. Concernant l’abbaye royale de Maubuisson, nous avons trouvé deux actes : un acte daté du 31 janvier 1295, Archives départementales des Yvelines, 72 H 61, et un autre acte, daté de janvier 1294, mais qui a disparu des Archives départementales du Val-d’Oise, cote 72 H 81 et dont il ne reste qu’un résumé assez conséquent.
62 Lewis, Le sang royal, p. 157.
63 Le mécénat de Marguerite de Provence reste à ce jour peu étudié, au contraire d’autres reines. Se référer sur ce sujet à T. Chapman Hamilton, Pleasure and Politics at the Court of France : The Artistic Patronage of Queen Marie de Brabant (1260-1321), New York, Harvey Miller, 2019.
64 Marguerite de Provence meurt le 21 décembre 1295, la canonisation officielle de son époux intervient au cours de l’année 1297.
65 Donation d’une maison contiguë au couvent des Cordelières de Lourcine de Paris. Donation avec réserve d’usufruit en faveur de Blanche, sa fille.
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- ISBN: 978-2-406-11996-8
- EAN: 9782406119968
- ISSN: 2273-0893
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-11996-8.p.0407
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 07-07-2021
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Margaret of Provence, will, multiple burials, donations, devotion, Royal Abbey of Saint-Denis