The embassy in Venice of Jean de Morvillier (1547-1550)
- Publication type: Journal article
- Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
2019 – 2, n° 38. varia - Author: Alonge (Guillaume)
- Pages: 201 to 215
- Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
L’AMBASSADE À VENISE
DE JEAN DE MORVILLIER (1547-1550)
Dans la vision traditionnelle de la genèse de l’État entre la fin du Moyen-Âge et le début de l’époque moderne, l’ambassadeur occupe une place significative : la construction d’un réseau stable de diplomates résidents à la cour des souverains et des princes a été considérée comme l’une des manifestations majeures d’une organisation administrative en construction, d’une professionnalisation de la politique et d’une rationalisation des entités étatiques. S’inscrivant dans la même lignée, l’historiographie du xixe siècle – en France comme en Italie – a insisté sur l’importance de l’histoire diplomatique, sur les relations interétatiques, et elle s’est penchée de surcroît sur le rôle de ces premiers représentants des souverains. L’intérêt que suscitaient ces figures s’est estompé pendant le xxe siècle à cause des critiques féroces des nouveaux courants historiographiques à l’égard d’une histoire exclusivement événementielle et trop « politique1 ». Au cours des deux dernières décennies, la figure de l’ambassadeur et les relations internationales ont connu un regain d’intérêt. L’attention s’est portée plus spécifiquement sur la dimension pratique et rhétorique de l’action de l’ambassadeur. On s’est penché sur les compétences qui étaient requises chez ces hommes et sur les stratégies de consensus et de recueil d’informations auxquelles ils devaient avoir recours à une époque – les premières décennies du xvie siècle – où la figure juridique de l’ambassadeur n’avait pas encore été bien précisée et ce métier, mal défini, était par conséquent sujet à de dangereuses superpositions avec d’autres figures moins encadrées comme celle de l’espion ou de l’aventurier2.
202La figure de l’ambassadeur était encore récemment associée à celle de l’ange, médiateur en perpétuel mouvement, messager divin et porteur de paix dans la lignée d’une interprétation positive sur le plan moral et qui s’enracine dans les traités du xvie siècle sur le sujet3. À une époque d’effroyables conflits, de guerres et de schismes, l’ambassadeur se présente comme un homme de dialogue, un partisan de la parole plutôt que de l’épée. Les souverains et les princes ont recours à ses services pour éviter les effusions de sang et trouver des solutions pacifiques, pour signer des trêves et des accords internationaux. Envoyé pour représenter son État à l’étranger, l’ambassadeur a tout intérêt à promouvoir et à garantir le maintien de bonnes relations entre son pays d’origine et celui où il est accueilli. Cette vision semble au moins correspondre en partie aux ambassadeurs français à Venise au début du xvie siècle. Nous les imaginons à l’œuvre lorsqu’ils font tout leur possible pour persuader le sénat vénitien des bonnes intentions de François Ier, lorsqu’ils jettent de l’eau sur le feu du mécontentement des sénateurs concernant le manque de fiabilité des promesses françaises ou encore lorsqu’ils atténuent la réalité des différends et des discordes dans leurs relations à la cour. Le recours à l’écriture est un instrument fondamental pour l’ambassadeur résident. Elle lui permet de créer un filtre entre la réalité et sa représentation et consent à l’envoyé d’influencer la prise de décision du souverain. Celui qui décide – le roi aidé de ses conseillers – fonde ses décisions sur des informations reçues et des impressions communiquées par les ambassadeurs. Pouvoir taire une nouvelle ou en atténuer la portée consent donc de conditionner et, en fin de compte, d’orienter la politique étrangère de son pays4.
Il faut donc tenir compte de l’autonomie relative mais réelle des envoyés résidents du roi. Chacun d’entre eux poursuit un projet politique 203bien précis qui évidemment suit les indications d’ensemble reçues au début de la mission mais contient une bonne dose de pouvoir discrétionnaire. À la différence de tous les autres ministres, même de ceux qui sont les plus influents, l’ambassadeur en mission jouit d’un privilège spécial : il représente à tous les effets son roi devant les autorités d’un État étranger, il incarne réellement le pouvoir du monarque. Par ailleurs, la lenteur des communications et de la circulation des nouvelles dans l’Europe du xvie siècle oblige ces représentants du roi à réagir à titre personnel aux événements inattendus. La stratégie mise en œuvre consiste souvent à prendre du temps, à différer le plus possible le moment de la prise de décision dans l’attente d’indications et d’ordres de la cour, ce qui n’est cependant pas toujours possible. L’ambassadeur exerce ainsi un pouvoir discrétionnaire et conserve une marge de manœuvre importante. L’autonomie par rapport à la politique de la cour est encore plus évidente lorsque la charge est confiée à des figures politiquement influentes ou à des hommes insérés dans d’autres circuits de pouvoir et d’identité collective. Le cas le plus évident est celui des « italiens » au service du roi qui poursuivent une politique personnelle, dans le fond encore très italienne, visant à chasser de la péninsule les troupes impériales tout en attribuant au roi de France, dont ils sont aussi les serviteurs, un rôle de garant de l’équilibre entre États et puissances italiennes, plutôt que celui de nouvel oppresseur5. À la fois fidèle à son roi et conciliant avec les autorités vénitiennes, l’ambassadeur se retrouve toujours à la lisière entre loyauté et trahison à une époque où, par corruption ou par intérêt personnel, les changements de camp ne sont pas rares.
Comme le constatait déjà Paolo Sarpi, les mots peuvent être des armes. En ce sens, l’action des ambassadeurs du roi à Venise reflète rarement le stéréotype du constructeur de paix rappelé plus haut. Au contraire, ils sont souvent perçus comme des semeurs de zizanie et de tenaces trameurs d’intrigues, de machinations et d’alliances pour déchaîner des révoltes et des guerres contre Charles Quint et ses soldats italiens6. Plutôt que comme des porteurs de paix, ils apparaîtront comme des organisateurs 204de guerres et de réseaux d’espionnage7. Par ailleurs, pendant la période examinée ici, les caractéristiques de l’ambassadeur ne sont pas encore clairement établies. Il s’agit encore d’une figure ambiguë et redoutée qui n’est pas toujours respectée : fauteur de troubles, espion, recruteur de troupes mercenaires, fabriquant de fausses nouvelles, corrupteur de gentilshommes, protecteur d’hérétiques. Le représentant du roi est contrôlé par les autorités vénitiennes et par les autres ambassadeurs étrangers8. Au cours de cette préhistoire de l’État moderne, l’ambassadeur est une figure aux contours flous, loin de l’image inaltérable d’exécuteur des volontés royales en visite dans un autre pays qui s’imposera au cours des siècles suivants.
RECONSTRUIRE LE RÉSEAU
Les premiers ambassadeurs français ordinaires, qui résident stablement dans la péninsule, remontent au début du règne de François Ier, qui recourt à des aristocrates italiens comme l’évêque véronais Ludovico di Canossa et le génois Giovan Gioachino da Passano, et à des jeunes gentilshommes français. Certains d’entre eux, tels que Jean de Langeac, avaient déjà été employés lors de plusieurs missions à l’étranger, mais la plupart arrivent à Venise sans aucune expérience diplomatique, comme ce fut le cas pour l’humaniste Lazare de Baïf, pour les évêques Georges de Selve et Georges d’Armagnac pendant les années Trente. Les ambassadeurs qui se succèdent à Venise parviennent à mettre en place un réseau solide d’informateurs : l’objectif étant d’acquérir le plus d’informations possibles sur la situation politique de la République de Venise, sur les autres États de la péninsule et notamment sur tout ce qui concerne le Levant et les rapports avec les Turcs. Ils n’hésitent alors pas à recourir à la corruption et à l’espionnage pour s’assurer la fidélité de quelques patriciens de la Sérénissime, afin d’influencer les choix de la République 205vénitienne ou de s’approprier les dernières nouveautés concernant les projets de conquêtes du Sultan que les autorités avaient préférés ne pas leur dévoiler. Un rôle fondamental dans le réseau d’espions mis en place par les ambassadeurs du roi fut joué par Da Passano, un riche gentilhomme au service de Louise de Savoie et de François Ier qui, après avoir brillamment mis ses talents de diplomate et de financier au service de la couronne en parcourant l’Europe entière, de la cour d’Henri VIII à la curie romaine, se retire à Padoue avec sa jeune épouse Caterina Sauli à partir de 15349. Depuis la ville universitaire, Da Passano ne cesse de servir la cause française, il conseille les ambassadeurs à Venise et met à disposition ses réseaux de relations et d’espionnage. C’est grâce à des hommes proches de Da Passano que Guillaume Pellicier – représentant du roi dans la lagune de 1539 à 1542 – renforce considérablement la capacité française à percer le mur de silence érigé par les autorités vénitiennes pour protéger leurs secrets d’État. Le réseau d’espions qui existait depuis une dizaine d’années se révèle d’une extraordinaire efficacité et permet aux Français de prévenir les alliés Turcs sur les intentions de Venise à leur égard. Son dévoilement en 1542 de la part des autorités vénitiennes a de lourdes conséquences pour les principaux responsables, pendus Place Saint-Marc, pour Pellicier qui est immédiatement rappelé en France, et plus largement, pendant plusieurs mois, sur les rapports diplomatiques entre la République et les Valois. François Ier choisit d’envoyer comme remplaçant Jean de Monluc, précédemment en poste à Rome, dont l’éloquence et une bonne connaissance de l’italien seront particulièrement appréciées des sénateurs vénitiens. Mais Monluc quitte assez rapidement Venise pour Constantinople où plus forts étaient à cette période les intérêts du roi et où se dessine l’alliance militaire avec le Sultan pour une attaque concertée entre Turcs et Français contre les territoires des Habsbourg dans la péninsule. De fait, depuis le départ de Pellicier, l’ambassade de France à Venise perd progressivement sa centralité dans la politique étrangère de la monarchie.
Lorsque Jean de Morvillier est envoyé à Venise à l’automne 1546, il doit faire face à une situation difficile : il est privé de tout référent et de 206tout contact en ville après une absence prolongée des représentants du roi, comme il le reconnaît lui-même dans une lettre adressée à l’amiral de France Claude d’Annebault le 24 janvier10 :
Les affaires d’un prince par cette longeur de temps perdent l’estime et la faveur de ceux avec lesquels on a eu intelligence et pratiques, ne se voyant entretenus perdent l’affection qu’ils ont eu de servir et se retirent ailleurs en sorte que jusques à présent je ne vois encore en qui me doy ni ne puisse fier en ce lieu. La foy de ceux que j’ay trouvez qui ont eu pratiques et conversations avec les autres ambassadeurs m’est suspecte entre les autres causes pour ce qu’ils sont mal contents et satisfaits : et incessamment me viennent faire leurs plaintes des promesses qu’on leur a faites sous lesquelles ils ont emploié leur temps et leur service, ont acquis plusieurs intimités, se sont mis en danger et du tout n’ont recueillis aucun fruit. En sorte que moy icy venu de nouveau sans l’expérience ni pratique du pays et des hommes je n’y ay trouvé aucun pour me dresser et instruire ni qui m’ait mis entre mains aucunes intelligences, ni pratiques, je n’ay trouvé homme de la fidélité et prudence duquel je me fusse osé fier pour me descouvrir et conseiller à luy11.
Jusque-là les choses s’étaient passées de manière bien différente : avant de repartir pour la cour chaque ambassadeur résident avait l’habitude d’attendre son successeur et de l’instruire pendant plusieurs semaines sur les pratiques et les secrets du pouvoir vénitien. Exceptionnellement, en absence de l’ambassadeur en poste, le passage de consignes était assuré par un collaborateur résident de l’ambassade, Da Passano, qui par exemple en 1539 pendant quelques mois remplaça D’Armagnac et fut chargé d’accueillir Pellicier. Apparemment l’affaire de 1542 isola à tel point les Français qu’il ne fut plus possible d’assurer la relève. Le réseau mis en place pendant des années vola en éclats dans toutes les directions, et la tâche de Morvillier – par ailleurs à sa première expérience de diplomate – se compliqua. Mais les conséquences du refroidissement des rapports avec les vénitiens furent lourdes aussi sur le plan du recueil d’informations : autrefois cette activité fondamentale pour la politique étrangère du roi s’était fondée sur la fréquentation assidue des gentilshommes vénitiens dont il était possible « par honnestes offices » de « gagner le cœur et la bienveillance ». C’est ainsi que « parlant familièrement » avec eux les 207ambassadeurs du roi avaient pu « estre advertis et sonder les volontés, les délibérations, les desseins de ces Seigneurs12 ». En 1546 au contraire – glose l’ambassadeur avec amertume – « il n’y a gentilhomme ny autre cytoyen ayant qualité notable qui osast venir en ma maison ne me recevoir en la sienne sans expresse permission13 ». À l’isolement qu’il dut ressentir pendant les premiers mois, s’accompagne la nécessité pour Morvillier de s’accoutumer rapidement à un système de gouvernement atypique pour un aristocrate français : Venise était une république dans laquelle il existait plusieurs centres de pouvoirs et la prise de décision ne dépendait jamais d’un seul homme14. Il fallait donc du temps et de l’expérience pour se familiariser avec les règles, les habitudes et les lenteurs du pouvoir républicain15. Il est plus difficile encore de s’initier à l’attitude particulière des dirigeants de la Sérénissime, qui « traittent leurs affaires publiques comme leur particulières : c’est-à-dire en marchands et calculant jusques à un denier le gain et la perte16 ». « Merveilleusement bien advertis de toute partie, et sur les moindres nouvelles qu’ils reçoivent » les vénitiens souvent s’étaient montrés mieux informés que Morvillier lui-même sur les affaires de France qu’ils « scavent premièrement et plus particulièrement que nous17 ».
Après plusieurs mois d’adaptation, Morvillier finit par apprendre à connaître ses hôtes, et surtout parvient à trouver sa place dans cette Italie du roi Très Chrétien qui – malgré l’affaire Pellicier et l’hégémonie de Charles Quint – ne cessait d’exister dans la péninsule. Sa correspondance régulière avec Ferrare, où Renée de France restait un point de repère pour les Français italianisants, et avec le gouverneur du Piémont, Giovanni Caracciolo, en fournit la preuve. À Venise le parti français était toujours incarné par le vieux Da Passano : en janvier 1547, l’ambassadeur se rend 208à Padoue pour rencontrer le cardinal de Guise et il en profite pour rendre visite au gentilhomme génois, « un peu mal disposé », avec lequel il confère « bien amplement […] sur l’affaire d’Angleterre », un des sujets sur lesquels il était le plus compétent. Da Passano réapparaît dans la correspondance de Morvillier chaque fois qu’il s’agit de trouver des solutions à des négociations complexes : par exemple l’ambassadeur fait appel à lui quelques mois plus tard, en octobre 1547, pour convaincre la République de Venise de rejoindre Paul III et Henri II dans la ligue anti-Habsbourg. Ne disposant pas de contacts à l’intérieur du Palazzo Ducale, Morvillier préfère recourir à l’ancien serviteur de François Ier, qui comptait encore des amitiés influentes dans la classe dirigeante vénitienne18.
Une autre stratégie pour s’introduire dans la société vénitienne était la participation à des réseaux savants, comme l’avaient expérimenté avec succès ses prédécesseurs Baïf, Selve ou Pellicier, qui s’étaient entourés d’humanistes, de lettrés, d’artistes et mêmes d’hébraïsants19. Morvillier renoue avec cette tradition d’ambassadeurs mécènes, protecteurs des arts et des lettres, comme le prouve la présence dans son entourage de Jacques Amyot, le majeur grécisant du royaume, qui à partir de 1548 séjourne à Venise à ses côtés. Les deux hommes s’étaient connus autrefois à Bourges par l’entremise du secrétaire d’État Guillaume Bochetel, beau-frère de l’ambassadeur. À Venise ils consultent ensemble les précieux manuscrits grecs conservés à la Bibliothèque de Saint-Marc et dans les couvents de la ville, dont Amyot se servira, une fois rentré en France, pour amender sa traduction intégrale des Vies de Plutarque. En dehors de son entourage restreint, Morvillier se fait apprécier par les imprimeurs de la ville, notamment par Paolo Manuzio, le fils d’Alde, qui lui dédie plusieurs de ses ouvrages. De son côté, Morvillier s’engage pour le mettre à l’abri de la concurrence, demandant pour lui à la cour un privilège de dix ans dans le royaume pour les Épitres de Cicéron20. 209Il fréquente également des lettrés tels que Ludovico Dolce : celui-ci en 1549 évoque dans la préface de sa traduction/adaptation des Phéniciennes d’Euripide la présence de l’ambassadeur parmi le public qui assiste à une mise en scène de l’œuvre21.
Quand un nouvel ambassadeur vient s’installer en ville, les anciens partisans du roi restés sur place ont l’habitude de frapper à sa porte pour offrir leurs services : ce fut le cas de Camilla Pallavicini, aristocrate appartenant à l’élite sociale et politique de la Sérénissime. Prétendue fille naturelle de Charles VIII – c’est ainsi que Morvillier la présente dans sa correspondance à la cour – Camilla avait été étroitement liée à Pellicier, dont elle était peut-être l’amante, et avait pris part à son réseau d’espions22. La chute de Pellicier entraîna la noble dame qui fut bannie de Venise pendant quelque temps. Elle se retira alors dans un couvent, se consacra à une vie sainte – nous apprend Morvillier – s’attirant l’estime de bons nombres des seigneurs vénitiens. Ceux-ci prirent l’habitude de lui rendre visite et la consulter sur la situation politique. Elle restait donc une personne influente dont le roi et son ambassadeur n’hésitèrent pas à se servir pour induire les patriciens de la République à se rapprocher davantage de la France, mais surtout pour recueillir des informations réservées sur les choix politiques des principaux membres de la classe dirigeante vénitienne23.
210Morvillier ne se limite toutefois pas à récupérer les anciens agents, mais il s’arrange pour recruter de nouveaux informateurs et pour former de jeunes aristocrates français au service de la monarchie. L’exemple le plus intéressant est celui d’Odet de Selve, qui sera plus tard un diplomate très apprécié des Valois. Odet descendait d’une famille de serviteurs de la couronne : son père Jean avait été président du Parlement de Paris et avait joué un rôle important lors de la captivité de François Ier à Madrid ; son frère Georges quant à lui avait été envoyé encore très jeune comme ambassadeur à Venise dans les années Trente, puis au colloque de Worms et à la cour impériale, avant de se retirer dans son diocèse de Lavaur, où il s’éteint prématurément en 1541. Odet, qui a auparavant longtemps séjourné dans la péninsule, connaît l’italien et a une bonne expérience des cours et des villes italiennes, ce qui représentait un atout important dans la formation d’un diplomate à l’époque des Guerres d’Italie. C’est justement cette maîtrise de la langue et de la société italienne que Morvillier met en avant quand il s’adresse à Montmorency et à Renée de France, pour leur demander de soutenir Odet dans sa progression de carrière à la cour. Henri II, qui apprécie fort les talents du jeune homme, le choisira comme successeur de Morvillier à Venise au début des années Cinquante.
L’ARME DE L’HÉRÉSIE
Parmi les nouvelles recrues de Morvillier à Venise l’évêque de Capodistria, Pier Paolo Vergerio, « personnage très docte et éloquent, singulièrement en cette langue vulgaire24 », occupe une place à part. Déjà proche autrefois de la cour de France où il s’était rendu en 1540 à la suite du cardinal Hippolyte d’Este, Vergerio était resté en contact avec Marguerite de Navarre dont il appréciait tout particulièrement 211la spiritualité et l’élan réformateur. Quelques mois plus tard, depuis Worms, il tenait la reine de Navarre informée sur le débat religieux en cours orchestré par Charles Quint entre catholiques et protestants25. Comme cela avait été le cas pour d’autres amis de la France, Vergerio aussi se présente à Ca’ Dandolo – la résidence de l’ambassadeur – pour proposer ses services au nouveau venu à l’automne 1546 : homme d’expérience, pendant des années nonce pontifical en Allemagne, l’évêque de Capodistria offre de précieux conseils à l’ambassadeur, qui apprécie sa fréquentation et sa conversation26. Isolé dans la société vénitienne, Morvillier trouve en Vergerio un interlocuteur expert, informé et fiable. Mais l’attention et le respect que Morvillier lui porte ont aussi une autre source : Vergerio est un évêque réformateur qui depuis quelques années mène un renouveau de son diocèse en Istrie, se distinguant par la volonté farouche de combattre les superstitions et de simplifier le culte des fidèles. Ses positions spirituelles le rapprochent des milieux réformateurs de la curie, notamment du groupe de cardinaux spirituali qui prônent un renouveau de l’Église et la recherche d’une entente avec les protestants. Partisan du roi de France, par l’entremise des liens spirituels Vergerio parvient donc à se lier à des membres importants du parti impérial en Italie, tels que les cardinaux Giovanni Morone, Reginald Pole et surtout Ercole Gonzaga. Ce dernier le protège des accusations d’hérésie qui lui sont adressées dès 1542, et ne l’abandonne à son sort que cinq ans plus tard lorsque sa situation paraît définitivement compromise. Les clivages religieux ne correspondent donc pas toujours aux oppositions politiques27.
Deuxième élément : Vergerio est un prélat de l’Église romaine, qui pendant les années de nonciature en Allemagne a eu l’occasion de fréquenter certains des hommes les plus influents de son époque ; mais il est aussi évêque d’un diocèse stratégique à la frontière des territoires des Habsbourg et de l’empire turc. Capodistria fait partie des possessions 212de la Sérénissime, traditionnellement soucieuse de sélectionner avec soin ses évêques en s’assurant de leur fidélité. Pour cette raison, Vergerio entretient de bons rapports avec les nobles vénitiens, parmi lesquels il peut compter sur plusieurs amis et protecteurs, et avec le nouveau doge, Francesco Donà, à qui il adresse une lettre-pamphlet pour l’inciter à mener une rigoureuse réforme de l’Église. Diplomate et évêque, sujet de Venise et de Rome, Vergerio a un troisième atout qui le rend intéressant aux yeux de Morvillier : ses inclinaisons spirituelles à la lisière entre orthodoxie et hétérodoxie le rapprochent des milieux de l’hérésie italienne. En cela Morvillier ne faisait que renouer avec une politique traditionnelle des ambassadeurs français à Venise, qui régulièrement avaient protégé des agents spirituellement ambigus. En effet, le recours à des hommes persécutés pour leurs opinions religieuses et pour cela enclins à garder une attitude tolérante à l’égard de l’Autre était fonctionnel à la diplomatie du roi visant à construire des alliances avec les princes protestants et les infidèles par excellence, les Turcs28.
Ces caractéristiques rendent Vergerio attrayant pour l’ambassadeur de François Ier qui ne tarde pas à réclamer pour lui des bénéfices ecclésiastiques en France et un appui politique lui permettant d’assouvir ses ambitions politiques à la cour romaine29. Mais Morvillier ne se limite pas à cela : exhorté par Vergerio lui-même, il s’intéresse de près au procès pour hérésie intenté contre lui depuis l’été 1546. Suite aux accusations qui lui avaient été adressées par certains moines franciscains de son diocèse, Vergerio est soumis à une procédure judiciaire à Venise de la part du nonce Giovanni Della Casa, qui envoie ses collaborateurs mener une enquête sur place pour vérifier le contenu de sa prédication et de son activité pastorale. Pendant l’été 1546, l’Inquisition romaine le convoque à Rome afin d’obtenir de lui une rétractation devant le pape. À ce moment-là, Morvillier intervient personnellement en sa faveur, écrit à son collègue à Rome Du Mortier afin que Vergerio puisse être jugé 213à Venise. De fait, Morvillier embrasse la stratégie défensive de l’accusé soucieux de ne pas tomber dans les mains des Farnèse et convaincu d’avoir plus de chances de s’en sortir en restant sous l’aile protectrice de la République vénitienne. Quelques mois plus tard, à la fin du printemps 1547, l’ambassadeur se rend à deux reprises chez le nonce pour rediscuter de la controverse, mais sans rien obtenir30. L’affaire traîne pendant plusieurs années, sans que Morvillier n’abandonne Vergerio à son destin : encore à la fin de l’année 1548 Della Casa le sollicite comme médiateur avec Vergerio31, et en avril 1549 – avant que l’évêque ne quitte l’Italie pour la Suisse – il fait une dernière tentative de trouver un compromis, réclamant au nonce et au pape la célébration du procès à Ferrare sous la houlette de son ancien patron, le cardinal Hippolyte d’Este32. Tout cela montre bien que Morvillier reste jusqu’au bout aux côtés de Vergerio, un homme depuis des années suspecté de luthéranisme qui finira par devenir un implacable polémiste anticatholique.
Sont également suspectes les positions extrêmement tolérantes de Morvillier à l’égard des protestants33 et les liens qu’il établit avec Vincenzo Maggi, un gentilhomme de Brescia au service de François Ier pendant des années comme espion et comme ambassadeur à Constantinople, lui aussi inquiété par de graves accusations d’hérésie34. Le souci de Morvillier est dans son cas d’ordre politique plutôt que religieux : l’objectif étant de ne pas laisser sans moyens Maggi qui menaçait de passer au service des Habsbourg et de leur transmettre les secrets de la diplomatie orientale des Valois35. Parmi les devoirs du nouvel ambassadeur il y avait donc 214aussi la gestion, pas toujours facile, des anciennes ressources, devenues peut-être inutiles sur le plan stratégique mais encore redoutables à cause des informations confidentielles qu’elles détenaient et pour cela en mesure de nuire gravement aux intérêts français36. Un proche collaborateur avec qui Morvillier correspond régulièrement, Gabriel Luetz, baron d’Aramon, envoyé en ambassade auprès du Sultan en 1547, s’entoure lui-aussi à la même époque d’hérétiques de toutes sortes, qui fréquentent pendant quelque temps le palais vénitien de Morvillier avant de se lancer sur les routes du Levant37.
Morvillier s’inscrit donc dans cette généalogie d’ambassadeurs du roi qui furent des humanistes et des mécènes entourés d’artistes et de lettrés ; comme ses prédécesseurs il s’engage à la recherche d’un accord avec les Turcs et les princes protestants pour contrer l’avancée des Habsbourg. Il est également un chrétien critique, tout en restant à l’intérieur de l’Église romaine, il n’hésite pas à pointer du doigt les ambiguïtés et les contradictions d’une curie irréformable, et à accorder sa protection à des hérétiques persécutés38. Comme Selve, Armagnac et Pellicier, Morvillier lui aussi doit sa carrière à la protection de Marguerite de Navarre, chef de file du parti évangélique à la cour, et participe donc au Navarrian Network de la sœur du roi39. Le problème historique 215que posent les figures de Morvillier et de ses successeurs est le recours systématique à un personnel en odeur d’hérésie de la part de souverains restés catholiques et plutôt conservateurs sur le plan religieux. Ce fut le cas de François Ier dans la deuxième moitié de son règne et plus encore celui de son fils Henri II, qui fit le choix de garder en poste à Venise Morvillier dont il appréciait l’efficacité malgré son aptitude spirituelle. Au cours des siècles suivants, la stratégie de la couronne de France évoluera radicalement. À la place de croyants spirituellement inquiets, ce seront plutôt des missionnaires jésuites qui rejoindront, de manière tout aussi systématique, les ambassadeurs français : ces missionnaires qui furent l’incarnation des valeurs de la Contre-Réforme catholique contre lesquelles s’étaient battus les évangéliques du début du xvie siècle.
Guillaume Alonge
Université de Neuchâtel
1 Voir L. Bély, « L’invention de la diplomatie », L’invention de la diplomatie, éd L. Bély, Paris, PUF, 1998, p. 11-23.
2 Pour une réflexion sur l’espionnage étatique comme élément de la modernité européenne, voir P. Preto, I servizi segreti di Venezia. Spionaggio e controspionaggio ai tempi della Serenissima, Milano, Il Saggiatore, 20162, p. 11-15. Voir aussi Diplomazie. Linguaggi, negoziati e ambasciatori fra xv e xvi secolo, éd. E. Plebani, E. Valeri, P. Volpini, Milan, FrancoAngeli, 2017 ; Paroles de négociateurs : l’entretien dans la pratique diplomatique de la fin du Moyen Âge à la fin du xixe siècle, éd. S. Andretta, Rome, École française de Rome, 2010 ; De l’ambassadeur. Les écrits relatifs à l’ambassadeur et à l’art de négocier du Moyen Âge au début du xixe siècle, éd. S. Andretta, S. Péquignot, J.-C. Waquet, Rome, École française de Rome, 2015 ; D. Fedele, Naissance de la diplomatie moderne (xiiie-xviie siècles). L’ambassadeur au croisement du droit, de l’éthique et de la politique, Zürich, Nomos, 2017.
3 D. Ménager, L’Ange et l’Ambassadeur. Diplomatie et théologie à la Renaissance, Paris, Garnier, 2013.
4 J. Petitjean, L’intelligence des choses. Une histoire de l’information entre Italie et Méditerranée (xvie-xviie siècles), Rome, École française de Rome, 2013, p. 177-226.
5 G. Alonge, Ambasciatori. Diplomazia e politica nella Venezia del Rinascimento, Roma, Donzelli, 2019, p. 24-25 ; I. Lazzarini, Communication and Conflict. Italian Diplomacy in the Early Renaissance, 1350-1520, Oxford, Oxford University Press, 2015, p. 4-6, 22-23.
6 Sur l’existence d’une Italie de l’empereur, voir E. Bonora, Aspettando l’imperatore. Principi italiani tra il papa e Carlo V, Einaudi, Torino, 2014.
7 J.-M. Ribera, Diplomatie et espionnage. Les ambassadeurs du roi de France auprès de Philippe II. Du traité du Cateau-Cambrésis (1559) à la mort de Henri III (1589), Paris, Garnier, 2018 (1re éd. Champion, Paris 2007).
8 F. De Vivo, Patrizi, informatori, barbieri. Politica e comunicazione a Venezia nella prima età moderna, Milan, Feltrinelli, 2012, p. 188-193.
9 G. Alonge, « Au service du roi, au service de l’Évangile », Le cardinal Jean Du Bellay. Diplomatie et culture dans l’Europe de la Renaissance, éd. C. Michon et L. Petris, Tours, Presses universitaires François-Rabelais de Tours / Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 283-298.
10 Pour la biographie de Morvillier, voir G. Baguenault de Puchesse, Jean de Morvillier, évêque d’Orléans, garde des sceaux de France, 1506-1577, Paris, Librairie académique Didier, 1869.
11 Bibliothèque Nationale de France, ms. fr. 2957, fol. 120-121.
12 Bibliothèque Nationale de France, ms. fr. 2957, fol. 122.
13 Ibid.
14 Morvillier était confronté à « une respublique composée de diverses testes qu’il faut gaigner avec le temps, induisant les particuliers devant que de proposer au public, et de sa nature si froide et lente à se résoudre que tant plus on les veut presser plus ils entrent en deffiance » (BnF, ms. fr. 2957, fol. 164).
15 « Les Respubliques conduisent et gouvernent leurs affaires par conseil et de plusieurs hommes discourant par raison ce qui est utile ou dommageable, et devant qu’entreprendre aucune chose ils le deliberent meurement, icelle délibérée l’exécution s’en suit, et n’est loisible d’enfraindre ou miner les deliberations faites » (BnF, ms. fr. 2957, fol. 140).
16 BnF, ms. fr. 2957, fol. 147-148.
17 Ibid.
18 « Le sieur Jean Joachin estoit icy il y a environ trois sepmaines. Luy et moy conferasmes bien amplement sur cette affaire ; il s’employa pour le temps qu’il demeura par deça d’en communicquer et parler à aucuns de ses anciens et familiers amis ; J’ay cejourd’huy renvoyé vers luy m’asseurant s’il n’est pas tenu de malladie qu’il ne faudra de venir ; et employer tous les nerfs de sa prudence pour faire service au roy ; Il est besoing constainement de sous main pour eviter les empeschements de l’Empereur ; et ses Ministres qui osent de merveilleusement grands artifices à retenir cests seigneurs » (BnF, ms. fr. 2958, fol. 169-170).
19 Alonge, Ambasciatori, p. 139-181.
20 « Messire Paulo Manucio, fils d’Alde, homme très docte et scavant et qui suis la vertu du père a bien mériter de sa chose publicque ; et des lettres y a longuement employé son labeur et ses etudes pour commencer les espistres de Cicéron ad Atticum, et eclaircir les lieux et passages obscurs d’icelles de preent il a parachevé l’oeuvre et est prest de la faire imprimer. Mais il doubte que l’ayant mis en lumiere les imprimeurs de France la fasse aussy imprimer à Paris ou à Lyon, et qu’il demeure par ce moyen privé du fruit de son labeur et de la depense par luy faicte à l’impression dudict livre. […] Il demande pour ces raisons qu’il plaise au roy luy donner privilège de dix ans » (BnF, ms. fr. 2957, fol. 37-38).
21 « Tra i più honorati signori honoratissima, non meno honora il grado, che tiene che la persona che rappresenta. […] Nel rappresentar di essa tragedia Vostra Signoria non pur si degnò di honorarla della sua presenza insieme col dotto et molto Rever. Signore l’Abate Loredano, ma me della sua affabilità et cortesia » (L. Dolce, Giocasta, Venezia, Figliuoli di Aldo Manuzio, 1549, p. 2r).
22 J. Zeller, La diplomatie française vers le milieu du xvie siècle, d’après la correspondance de Guillaume Pellicier, évêque à Montpellier, ambassadeur de François Ier à Venise (1539-1542), Paris, Hachette, 1880, p. 66, 369, 381 ; G. Pellicier, Correspondance politique de Guillaume Pellicier ambassadeur de France à Venise, 1540-1542, éd. A. Tausserat Radel, Paris, Alcan, 1899, vol. 2, p. 617, 621, 697.
23 Le 24 janvier 1547, Morvillier écrivait au cardinal de Tournon : « Elle m’a requit de présenter par ma lettre ses recommendations à vostre bonne grace, et de sa part vous suplier de porter quelque parolle au roy en sa faveur à ce qu’il luy plaise avoir souvenance d’elle pour l’honneur du sang dont elle est descendu ; le tesmoignage que je vous en puis porter est que les principaux de ces seigneurs révèrent la dicte dame pour l’honneur du sang dont ils estiment estre extraite que pour la sainteté de sa vie laquelle luy a acquit si grande opinion envers iceux qu’ils la visitent souvent et la secourent en ses nécessités, et elle, pour demonstrer la dévotion et inclinaison qu’elle port en roy et ses affaires, advertit les ministres dudict Seigneur de ce qu’elle peut apprendre et entendre de cette communication qu’elle a avec les premiers hommes et femmes de cette ville et Republique » (BnF, ms. fr. 2957, fol. 103-104).
24 BnF, ms. fr. 2957, fol. 81.
25 G. Alonge, Condottiero, cardinale, eretico. Federico Fregoso nella crisi politica e religiosa del Cinquecento, Rome, Edizioni di storia e letteratura, 2017, p. 335-338.
26 « Car depuis ma venue en ce lieu il m’a donné si fidelle instruction des choses necessaires à scavoir à homme qui tient et manie cette charge, et ay tant recueilly de fruit de sa conversation qui m’a esté frequente que je ne puis à mon gré suffizament recognoistre ce qe je luy doits » (BnF, ms. fr. 2957, fol. 81-82).
27 Sur les liens entretenus à la même époque par Vergerio avec les représentants du roi d’Angleterre à Venise, à la croisée d’intérêts politiques et religieux/hétérodoxes, voir D. Pirillo, The Refugee-Diplomat. Venice, England, and the Reformation, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 2018, p. 45-54.
28 Voir G. Alonge, « Evangelismo ed eterodossia nella diplomazia franco-turca di Francesco I », Mélanges de l’École française de Rome - Italie et Méditerranée, modernes et contemporaines, 129, 2, 2017, p. 433-444.
29 « Car oultre la devotion qu’il a de long temps envers le roy, la cognoissance de la liberalité du dict Seigneur et du fruit qu’il en peut recueillir luy forme d’avantage une grande volonté de faire service se tenant asseuré que prenant fin cet affaire au contentement du sa Majesté elle luy feroit volontiers quelque bien en l’Église pour amplifier sa fortune, laquelle n’est pas respondante à son tiltre » (BnF, ms. fr. 2957, fol. 86).
30 A. Jacobson Schutte, Pier Paolo Vergerio e la riforma a Venezia, 1498-1549, Roma, Il veltro editrice, 1988 p. 348-349.
31 Jacobson Schutte, Pier Paolo Vergerio, p. 362-363.
32 Jacobson Schutte, Pier Paolo Vergerio, p. 371.
33 À propos d’un décret du pape qui se réjouissait de la victoire de Charles Quint et du massacre des protestants à Mühlberg, Morvillier commentait : « Je ne voudrois aprouver leurs opinions, mais je crois que les oraisons de l’Église les convertiroit plustot que le tranchant de l’épée » (BnF, ms. fr. 2957, fol. 229).
34 Sur Maggi, voir Alonge, « Evangelismo ed eterodossia », p. 440-442, et Alonge, Ambasciatori, ad indicem.
35 « Messire Vincentio Magio est venu plusieurs fois devers moy se lamenter et plaindre de la pauvreté en laquelle il est reduit que j’ay entendue par autre que luy, luy estre si grande qu’elle ne peut davantage en sorte que bien souvent il endure la faim en son logis ou il se contient de honte, et pour ce que je l’ay veu comme desespéré, et semblablement ay esté adverty qu’il se plaint ailleurs qu’en vers moy du longtemps par luy employé au service du Roy pour lequel il dit avoir plusieurs fois mis sa vie en danger des promesses qu’on luy a faictes dont il n’a jamais receu aucun fruit ne recompence de ses labeurs, j’ay estimé apartenir à mon devoir de consoller et donner bonne esperance audict Magio affin de faire cesser ses plaintes et eviter qu’elles ne se publient en aucun endroits, où elles seroient volontiers ouyes au desavantages du service dudict Seigneur pour descourager ceux qui y ont devotion aliener la volonté de ceux qui y sont et les rendre moins fidelles. J’ay aussi pensé devoir admonester le dict Magio de se garder que la passion ne luy fist tant oublier la foy et l’honneur qu’il doit au service du dict Seigneur se laissant transporter à faire chose indigne et lasche, ou parler autrement qu’il ne doit, en quoy il m’a tousjours asseuré de se comporter avec si grande constance et fidelité que la necessité non par meme la mort ne luy changeront jamais la volonté qu’on a en luy connue » (Morvillier à Tournon, Venise, 24 janvier 1547 ; BnF, ms. fr. 2957, fol. 89-90).
36 Grace à la médiation de Morvillier, Maggi sera accueilli à la cour des Valois, comme le relate l’ambassadeur vénitien en France (Archives d’État de Venise, Capi del Consiglio dei Dieci. Lettere di ambasciatori, 10, fol. 274-275).
37 P. M. Tommasino, L’Alcorano di Macometto. Storia di un libro del Cinquecento europeo, Bologna, Il Mulino, 2013, p. 87-128.
38 Voir sur ces thèmes S. Seidel Menchi, Erasmo in Italia, 1520-1580, Torino, Bollati Boringhieri, 1987, p. 265-269.
39 Il écrit à Marguerite le 14 février 1547 : « Madame la plus heureuse et agréable nouvelle que je puisse entendre a esté celle de vostre brief retour auprès du roy, où estimans qui soyes de present, je n’ay voulu faillir de vous faire tres humblement la reverence, et vous supplier, Madame, de me tenir tousjours sous la protection de vostre faveur et bonne grace laquelle m’est aussy necessaire comme la lumière du soleil à la vie. Pour continuer le commancement qu’il vous a pleu donner à ma petite fortune que j’estime toutesfois plus grande et plus heureuse que je ne scavoir jamais meriter, si je me puis conduire en la charge qu’il a pleu au roy me donner à son contentement et satisfaction a quoy la volonté ne me deffaudra. Mais je connois trop faible ma suffisance pour soutenir ce faire, pour cette cause, Madame, j’ay recours à vostre ayde qui m’a eslevé hors de terre et auquel j’auray tant que je vivray parfaicte confiance sachans que vostre charité et bonté ne se peut rassasier de bien faire et ayder à ceux qui en ont besoin comme moy qui vous suis autant obligé que nul autre serviteur » (BnF, ms. fr. 2957, fol. 125-126). Voir J. A. Reid, King’s Sister-Queen of Dissent : Marguerite of Navarre and her Evangelical Network, Leyde-Boston, Brill, 2009.
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- ISBN: 978-2-406-10454-4
- EAN: 9782406104544
- ISSN: 2273-0893
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10454-4.p.0201
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 04-01-2020
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Diplomatic relations, Venice, Jean de Morvillier, Pellicier, Francis I