Abstracts
- Publication type: Journal article
- Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
2014 – 1, n° 27. varia - Pages: 347 to 357
- Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
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Résumés/Abstracts
Giuseppe Sangirardi, « Le modèle dans la transmission des savoirs : sondage d’un terrain épistémologique »
La notion de modèle se caractérise d’abord par l’ampleur de sa diffusion à travers une grande variété d’espaces aussi bien disciplinaires que linguistiques, revêtant ainsi un rôle significatif dans l’épistémologie contemporaine. Avatar à certains égards de la notion de structure, le modèle ne saurait s’y réduire, dans la mesure notamment où il semble articuler une science des concepts et une science du sujet. Les études de cas ici réunies, portant sur plusieurs domaines du savoir médiéval (musique, littérature, médecine, physique, mathématiques), montrent sous des angles différents la dynamique opératoire du modèle, en faisant notamment émerger la notion de jeu comme ouverture de la connaissance modélisée vers le nouveau.
The notion of the model is notable for its wide diffusion within a huge range of disciplinary and linguistic areas and thus plays a significant role in contemporary epistemology. Although it may be understood as an avatar of “structure” to a certain extent, the model cannot be reduced to this single notion, especially since it would seem to link both to a science of concepts and to a science of the subject. The case studies brought together here, which deal with several fields of medieval knowledge (music, literature, medicine, physics, mathematics), reveal the multiplicity of ways in which the model operates and highlight the concept of “play” as a means by which knowledge constructed through models can be opened up to new ideas.
Joël Chandelier, « Avicenne fut-il un modèle pour les médecins italiens de la fin du Moyen Âge ? »
Avicenne a constitué, du xive au xvie siècle, l’une des principales autorités médicales, notamment dans les universités italiennes. Pour autant, a-t-il représenté un modèle pour les médecins ? L’étude envisage d’abord la possibilité que le savant persan ait été pris comme exemple de praticien, pour montrer
que ce ne fut presque jamais le cas : le plus souvent, les médecins italiens se contentent de quelques généralités sur sa personnalité, sans s’intéresser réellement à sa vie ni à chercher à la mettre en valeur. En revanche, le Canon de la médecine, son principal ouvrage encyclopédique, servit de véritable modèle d’écriture : de nombreux traités médicaux rédigés aux xive et xve siècles suivent son plan, ou s’efforcent de s’adapter à sa structure. De cette manière, on peut bien dire que le Canon a modelé la pensée médicale de la fin du Moyen Âge et des débuts de l’époque moderne.
Between the fourteenth and the sixteenth centuries, Avicenna was considered one of the foremost medical authorities, especially at Italian universities. However, was he considered an inspiration by physicians of this era ? This study questions whether Avicenna was ever used as an example of an actual medical practitioner, and shows that this was almost never the case. More often than not, the Italian doctors of the time would focus only on a few short biographical details, but would show little interest in his life as a whole. On the other hand, the Canon of medicine, Avicenna’s main encyclopedic work, was used as a model of good writing : the authors of numerous medical treaties written in the fourteenth and fifteenth centuries followed it, or tried to adapt their works so as to mold them into a similar structure. It is in this way that the Canon can be said to have “modeled” medical thinking at the end of the Middle Ages and in the early Modern period.
Laurence Moulinier-Brogi, « Modèle ou faire-valoir ? Guillaume l’Anglais et quelques-uns de ses épigones »
Cet article s’attache au cas d’un texte animé par deux principales intentions, secouer un certain ordre établi et passer à la postérité comme objet d’étude et de mémoire, le De urina non visa composé en 1220 par Guillaume l’Anglais, un médecin établi à Marseille. Ce singulier traité d’astrologie médicale entendait faire l’apologie de la supériorité de l’astrologie sur la médecine et proposait aux praticiens de se dispenser de tout élément d’examen clinique, en particulier de l’analyse des urines, en se fondant uniquement sur l’examen du ciel. Le nombre de témoins connus ou conservés plaide en faveur d’une grande fortune de ce texte, qui fut non seulement beaucoup copié et diffusé, mais également démarqué et imité. On étudie donc ici plus précisément les modalités selon lesquelles Guillaume l’Anglais put dans certains cas devenir un modèle, implicite ou assumé, voire une auctoritas.
This paper examines the case of the treatise De urina non visa, written in 1220 by William the Englishman, a physician established in Marseille, which was motivated by
two key imperatives : to shake up the established order and to establish itself for posterity as an object of study and memory. This unusual treatise of medical astrology aimed to argue for the superiority of astrology over medicine and sought to dissuade medical practitioners from using any form of clinical examination, particularly the analysis of urine, and instead encouraged them to base their diagnoses solely on consultation of the skies. The number of manuscripts of this text that have come down to us today suggests that it was very favourably received since, not only was it frequently copied and widely disseminated, but it was also much imitated. The focus of this study is on the means by which William the Englishman became in certain cases a model, one that was either implicit or assumed, and even an auctoritas.
Nicolas Weill-Parot, « Innovation et science scolastique de la nature (v. 1260 – milieu du xive siècle) : l’exemple de l’attraction magnétique »
La scolastique scientifique fut à l’origine de nombre d’innovations qui peuvent souvent se comprendre comme un jeu subtil avec les modèles, comme on peut le voir avec la question de l’attraction magnétique dans les commentaires sur la Physique d’Aristote. Le cadre péripatéticien pouvait imposer sa logique avec tant de rigueur qu’il conduisait à des réinventions de solutions déjà trouvées préalablement comme semble l’indiquer la reformulation par les commentateurs latins de la Physique de l’idée de l’altération de proche en proche de l’air intermédiaire, situé entre l’aimant et le fer, par l’aimant. Parfois aussi la conscience de la cohérence conceptuelle d’une autorité comme Averroès pouvait conduire à lui attribuer un argument qui provenait d’une tradition ultérieure : ainsi, l’exemple du poids maximum du morceau de fer susceptible d’être déplacé par un aimant donné. Mais le modèle n’imposait pas un cadre coercitif, l’innovation et l’écart y avaient toute leur place comme le montrent les différences entre la tradition des commentateurs anglais sur la Physique et celle des commentateurs parisiens : questions différentes et ruptures témoignent de la vivacité et de la fécondité de la réflexion scolastique où le modèle est sans doute plus un stimulant qu’un carcan.
Scientific scholasticism produced many innovations that can often be understood as involving subtle play with models, as can be seen in the topic of magnetic attraction in the commentaries on Aristotle’s Physics. The peripatetician framework could follow through a logic so rigorously as to lead to the re-invention of solutions that had already been found, as would appear to be attested by the formulation by Latin commentators of the Physics of the idea that the air between a magnet and a piece of iron is gradually altered by magnetic force. Additionally, the awareness of a conceptual consistency in
the work of an author such as Averroes could at times lead to his being ascribed an argument that actually came from a later tradition ; for example, the maximum weight of a piece of iron that could be moved by a given magnet. Nevertheless, the use of models did not necessarily impose a conceptual straitjacket : innovation and divergences were accorded a certain role as can be seen in the differences between the tradition of English commentators on the Physics and that of Parisian commentators : different issues and disagreements bear witness to the fruitfulness of scholastic thought within which the model most likely functioned more as a stimulus than as a yoke.
Oleg Voskoboynikov, « L’image d’Aristote et la construction des modèles intellectuels au xiiie siècle »
Une question quodlibétique anonyme, discutée vers 1310 en Italie et consacrée au destin posthume d’Aristote, lui nie tout espoir de repos éternel, tout en proposant des arguments pro et contra. Péremptoire en apparence, la solution du problème débouche sur d’autres voies de l’histoire des idées et des mentalités de l’âge scolastique. Au xiiie siècle, la figure du Philosophe, plus que ses doctrines, suscite l’intérêt et stimule l’imagination d’un public lettré qui dépasse les classes universitaires. En élargissant le dossier par des textes de différentes natures et provenances, je présente les procédés utilisés à l’époque pour construire un modèle de savant et de science par métonymie. « Règle de toute vérité », « presque chrétien » pour les uns, « le pire des métaphysiciens », orgueilleux mécréant pour les autres, Aristote est l’un de ces modèles ambigus, comme toute figure-clé d’une culture en plein essor, un modèle qui se prêtait à de multiples interprétations, malgré les doctrines imposées, la censure ou les habitudes intellectuelles.
An anonymous Italian quodlibet (ca. 1310) discusses the posthumous fate of Aristotle, with arguments pro and contra. In spite of the apparently decisive denial of his having any hope of paradise, the questio leads us down some other avenues of the history of ideas and mentalities of the scholastic age. During the 13th century, the figure of Aristotle, more than his doctrines and his authentic writings, drew the attention, and stimulated the imagination, of a relatively educated public, much larger than just the university. By widening the the usual field of enquiry to other texts of more varied genre and provenance, I seek to demonstrate the methods used by intellectuals of the time in order to build up the model of a man of wisdom, and, by metonymy, of wisdom itself. A “measure of all truth” or a “quasi-Christian” for some, but “the worst of metaphysicians” or an arrogant unbeliever for others, Aristotle appears to be as ambiguous a model as any really major figure in a culture in transition, a model susceptible to divergent interpretations, in spite of imposed doctrines, censorship or entrenched intellectual habits.
Matthieu Husson, « La Tabula tabularum de Jean de Murs et les modèles de l’arithmétique médiévale »
Jean de Murs (actif ca. 1317-1345), tandis qu’il était maître à la Faculté des Arts de Paris, a rédigé en 1321 un texte exposant les usages d’une table de multiplication de nombres sexagésimaux à deux positions. Le résultat de ce travail, bien qu’il ne totalise guère plus de 3500 mots, a bien plus à nous apprendre à propos de l’arithmétique médiévale en contexte astronomique que ce que nous pourrions en attendre à première vue. La Tabula tabularum présente en effet deux caractéristiques particulièrement intéressantes pour l’historien des mathématiques. Premièrement, le texte n’est pas tout à fait lissé et l’on peut retracer les différentes étapes de sa composition afin de suivre les moments du raisonnement de Jean de Murs. Deuxièmement, le texte se veut un outil universel de calcul et, s’il n’y parvient qu’imparfaitement, se confronte néanmoins de ce fait à de profondes questions mathématiques sur la nature des nombres et les relations entre les différentes opérations arithmétiques. Ces deux aspects du texte nous permettent d’analyser les fonctions heuristiques et créatives des modèles en arithmétique médiévale.
John of Murs (fl. ca. 1317-1345), while he was a master the Faculty of Arts in Paris in 1321, took upon himself to write a text explaining how to use a multiplication table of two-place sexagesimal numbers. The outcome of the work, although only about 3500 words long, has in fact much more to tell us about medieval arithmetic in an astronomical context than we might first expect. The Tabula tabularum presents two particularly interesting features for the historian of mathematics : first, the text is not totally polished so that we can actually follow the different steps of his composition and reconstruct John of Murs’ train of thought ; second, the author tried, with only partial success, to turn his multiplication table into a universal computation tool and thus addressed deep mathematical questions about the nature of numbers and the relationship between arithmetical operations. These two aspects allow us to analyze both the heuristic and creative functions of models in medieval arithmetic.
Jean-Marie Fritz, « Du modèle à la mode : science et expérience dans le Champion des Dames de Martin Le Franc »
Dans un passage célèbre de son Champion des Dames, Martin Le Franc émet un jugement original sur la musique de son temps, en ce qu’il tourne le dos à la traditionnelle laudatio temporis acti. Le monde va peut-être mal, nous dit en substance Martin, mais la musique contemporaine est extraordinaire de
créativité, de nouveautés et de surprises. Ainsi, les musiciens de la génération de Jean sans Peur ne sont plus à la mode sous Philippe le Bon, où triomphent Dufay et Binchois ; la musique n’est donc pas un art immobile ; les modèles ne sont posés que pour être dépassés. Et ces autorités du moment sont elles-mêmes fragiles, comme le montre le succès des jongleurs aveugles de la cour de Philippe le Bon. Seul compte l’effet produit sur l’auditoire : vérité d’une performance et d’une expérience en lieu et place de l’autorité d’un modèle. Cette valorisation du nouveau s’inscrit dans une conception de l’histoire qui est en partie déjà humaniste ou, du moins, qui n’est plus tout à fait médiévale.
In the Champion des Dames, Martin Le Franc gives an original opinion on the music of his time : rejecting the traditional laudatio temporis acti, he declares that the world may well be going to the bad, but it is nonetheless producing music that is creative, fresh and astonishing. The musicians of the age of John the Fearless were out of fashion under Philip the Good, when Dufay and Binchois were in the ascendant. Music is an artform that never stands still ; models are no sooner built than they have to be left behind. The popular blind minstrels at Philip the Good’s court suggest the fragility of these transient authorities. The only thing that matters is the effect produced on the audience, whose experience of a true performance is more important than any authority that a model may have. This promotion of the idea of novelty was itself part of a changing conception of history, one that was in part already humanist in inspiration, or at least moving away from medieval ideas.
Nathalie Bragantini-Maillard, « Traduire le discours sur Dieu dans l’encyclopédie médiévale. Le récit de la Création dans le Miroir historial de Jean de Vignay »
Partant du postulat que le traducteur, en œuvrant pour l’édification encyclopédique et morale du lecteur, œuvre aussi pour son propre salut, nous nous proposons d’observer les modalités de traduction choisies par Jean de Vignay dans le Miroir historial pour transposer en français le discours sur Dieu dans le récit de la Création donné par le Speculum historiale de Vincent de Beauvais. L’examen, fondé sur des approches linguistique, stylistique et pragmatique, montre que, tout en présentant des faiblesses notables dans la connaissance de certains points théologiques et dans la maîtrise du latin, la traduction de Jean de Vignay repose sur des choix qui témoignent d’une intention manifeste d’accentuer la portée persuasive du discours sur le divin et d’infléchir la morale sous-jacente vers une austérité sensible. Le traducteur tient ici un rôle de pédagogue et fait œuvre d’écrivain tout autant que d’intermédiaire linguistique.
Postulating that the translator, who worked for the encyclopaedic and moral edification of the reading public, worked at the same time for his own salvation, we focus here on the methods of translation chosen by Jean de Vignay in the Miroir historial in order to transpose into French the discourse about God in the narrative of the Creation found in the Speculum historiale of Vincent de Beauvais. This study, which draws on linguistic, stylistic and pragmatic approaches, shows that, despite some deficiencies in his knowledge of both theology and Latin, Jean de Vignay’s translation is based on choices which bear witness to an obvious wish to increase the persuasive impact of the discourse about God and to change the direction of its underlying moral meaning toward a message of palpable austerity. The translator here thus plays an educational role and acts as a writer as well as a linguistic intermediary.
Ludmilla Evdokimova, « Le Directoire de Jean de Vignay, une traduction littérale au début du xive siècle »
Jean de Vignay fut-il le défenseur convaincu de la traduction littérale ? Il n’est pas facile de répondre à cette question, dès qu’on refuse de lui attribuer le Livre Flave Vegece de la chose de chevalerie dont le prologue peut être considéré comme un manifeste de la traduction littérale. L’analyse du Directoire, traduction qui reste jusqu’à présent inédite, permet de répondre à cette question. Trois traductions de Jean de Vignay, liées aux projets de la croisade que Philippe VI forme au début des années 1330 (le Directoire, les Merveilles de la Terre d’Outremer, les Enseignemens) tiennent une place à part dans l’œuvre du traducteur à cause de la fréquence des calques syntaxiques et sémantiques. Ces calques indiquent que Jean de Vignay doit identifier la traduction fidèle et la traduction littérale sous l’influence des versions scolaires de l’Ars minor de Donat. Cependant le traducteur ne vise la stricte fidélité à l’original que lorsque sa traduction est destinée au roi et doit jouer un rôle important dans les projets de l’État.
Was Jean de Vignay a staunch supporter of literal translation ? This question is difficult to answer, as the Livre Flave Vegece de la Сhose de Сhevalerie, whose prologue seems to be a manifesto for literal translation, apparently cannot be ascribed to him. This paper addresses this issue by analyzing his still unedited Directoire. Three of de Vignay’s translations (the Directoire, the Merveilles de la Terre d’Outremer, the Enseignemens) are connected to the crusading project of Philippe IV, dating back to the beginning of the year 1330. These translations hold a particular place in de Vignay’s work, because they contain numerous syntactical and semantic borrowings. The character of these borrowings most likely indicates that Jean de Vignay identified accurate translation with calquing, being under the influence of Donatus’s Ars
Minor school versions. But he nevertheless strove for that degree of accuracy only in a particular social context, namely when the translation was meant for the King and could therefore influence State policy.
Mattia Cavagna, « Histoire des sciences et science dans l’histoire : notes sur le lexique scientifique dans les quatre premiers livres du Miroir historial (vers 1330) »
La traduction, réalisée par Jean de Vignay autour de 1330, du Speculum historiale, célèbre encyclopédie latine, n’a presque jamais retenu l’attention des spécialistes du lexique scientifique. Cela tient à la fois à son titre, renvoyant à la matière historique, et au fait qu’il s’agit d’un texte en large partie inédit. La présente contribution, réalisée en marge à l’édition du Miroir historial, comprend un premier relevé du vocabulaire scientifique employé par Jean de Vignay ainsi que par le réviseur qui a repris sa traduction autour de 1350, et un travail d’identification des sources scientifiques, arabes et occidentales.
The translation made by Jean de Vignay (c. 1330) of the Speculum historiale, the famous Latin encyclopaedia, has received scant attention from experts in scientific lexicography. This is partly due to the very title of the treatise, which suggests that it is an historical work, and partly to the fact that most of the text has never been published. This paper, which has been produced in parallel with the preparation of an edition of the Miroir historial, presents, on the one hand, a preliminary survey of the scientific vocabulary as used by Jean de Vignay as well as by the reviser who took up the translation around 1350 and, on the other hand, an attempt to identify the scientific sources of the work, Arab and Western alike.
Ludovic Nys, « Tribulations hennuyères d’un manuscrit du Miroir historial. À propos de trois bifeuillets conservés aux Archives départementales d’Indre-et-Loire »
Une quittance donnée en septembre 1439 à la comtesse douairière de Hainaut cite un manuscrit du Miroir historial commençant au temps de Charlemagne et s’achevant à l’époque de Philippe le Bel. Cette mention a pu être mise en relation avec trois bifeuillets aujourd’hui à Tours, qui proviennent d’un volume IV de ladite traduction française par Jean de Vignay du Speculum historiale. L’enquête, en outre, a permis de retracer l’itinéraire de ce manuscrit, de la bibliothèque du roi où il se trouvait à l’origine jusqu’à Château-Renault, en passant par les mains de Louis VII de Bavière, du cabochien Garnot de
Saint-Yon, de Marguerite de Bourgogne, de Charles d’Orléans et de son demi-frère, Jean de Dunois, le célèbre compagnon d’armes de Jeanne d’Arc.
A receipt given to the dowager countess of Hainault in September 1439 mentions a manuscript of the Miroir historial beginning with facts about the reign of Charlemagne and coming to an end with the period of Philip IV of France. Research has revealed that this manuscript can be related to three folded folios that are now in Tours, which come from a fourth volume of this French translation by Jean de Vignay of the Speculum historiale. Moreover, this research has led to a reconstruction of the itinerary of this manuscript, from the king’s library, where it was originally held, to its final destination of Château-Renault (Indre-et-Loire department) after being owned successively by Louis VII of Bavaria, the Cabochien Garnot de Saint-Yon, Margaret of Burgundy, Charles of Orléans and his half-brother Jean of Dunois, the famous companion-in-arms of Joan of Arc.
Géraldine Toniutti, « De Partonopeu de Blois à Cristal et Clarie ou la réécriture implicitée d’une rencontre amoureuse »
Le roman de Cristal et Clarie présente une pratique d’écriture tout à fait originale dans le paysage de la littérature médiévale : au lieu d’emprunter des passages à des textes antérieurs en les réécrivant, l’auteur anonyme copie carrément plusieurs vers d’œuvres des xiie et xiiie siècles pour les insérer dans sa narration. Si la critique médiéviste s’est encore peu intéressée à ce phénomène isolé d’intertextualité, celui-ci se révèle très riche de sens ; il traduit non seulement les intentions parodiques de l’auteur, mais instaure également un jeu avec le texte source, qui fournit des indications sur la réception médiévale des textes. Cet article se propose d’étudier les reprises à Partonopeu de Blois, dont sont copiés l’épisode du viol de Mélior et la description de Chef d’Oire, pour montrer l’adaptation harmonieuse de ces vers à la trame narrative de Cristal et Clarie et en dégager les significations.
The romance of Cristal et Clarie presents an original writing method for French medieval literature : instead of borrowing passages from previous texts by rewriting them, the anonymous author goes so far as to literally copy several verses from 12th and 13th-century romances and insert them into his narrative. Although medievalists have, to date, shown little interest in this unique phenomenon, it is in fact highly significant since it demonstrates the author’s satirical intentions as much as it introduces some sort of play with the source text, thus providing insights into the medieval reception of texts. This article studies the borrowings from Partonopeu de Blois, from which the episode of Melior’s rape and Chef d’Oire’s description are reproduced, in order to
show the harmonious adaptation of these verses into the narrative thread of Cristal et Clarie and to examine their significance.
Florence Bouchet, « Difficile liberté : Franc Vouloir, de la notion éthique à la figure poétique (xiiie-xve siècles) »
Dans les derniers siècles du Moyen Âge, l’écriture allégorique contribue à l’exploration psychique et éthique de l’individu. Cet article étudie la figure de Franc Vouloir, personnification du libre arbitre individuel, dans un ensemble de textes littéraires des xiiie-xve siècles. Ses linéaments philosophiques sont d’abord retracés à travers le débat scolastique qui se noue au xiiie siècle sur la question de la liberté et de la responsabilité morale, débat dont la littérature française vulgarise les grandes lignes du xiiie au xve siècle, d’abord sous un angle conceptuel (Jean de Meung) puis sous la forme poétique de la personnification de Franc Vouloir, récurrente chez Eustache Deschamps ou parfois relayée dans le théâtre des moralités par Franche Volonté ou Franc Arbitre. Le choix de vie incarné par Franc Vouloir concerne également la vie sentimentale, dans le cadre du mariage ou de l’amour courtois, où il devient d’autant plus problématique qu’il s’agit de conjoindre deux libertés individuelles en un couple. Enfin, Franc Vouloir devient une figure émergente de l’intentio auctoris dans plusieurs textes du xve siècle.
In the last centuries of the Middle Ages, allegory contributed to the psychic and ethical exploration of the individual. This article investigates the figure of Franc Vouloir, which personifies individual free will, in a set of literary texts ranging from the 13th to the 15th century. Its philosophical lineaments were first traced through the 13th-century scholastic debate about liberty and moral responsibility. French literature vulgarized the main ideas of this debate from the 13th to the 15th century, first from a conceptual point of view (Jean de Meung), and then with the poetic personification of Franc Vouloir, which was frequent in Eustache Deschamps or replaced by Franche Volonté or Franc Arbitre in some morality plays. The individual life choice embodied by Franc Vouloir also involved sentimental life, either in marriage or in courtly love, where it became all the more problematic as two individual liberties had to conjoin in one couple. Lastly, Franc Vouloir appeared as a figure of the intentio auctoris in several 15th century texts.
Patricia Eichel-Lojkine, « Canis dans tous ses états : récit sériel, sagesse(s) et animal exemplaire »
Connue sous des noms divers, la fable de l’animal familier qui, après avoir protégé un nourrisson d’un serpent, s’avance en sang au-devant de son maître
qui imagine le pire, sert à illustrer une leçon universelle sur les jugements hâtifs et les décisions impulsives. Depuis ses origines indiennes et arabes, elle n’a cessé d’être reconfigurée en traversant les cultures. Assimilée par l’Occident chrétien, l’anecdote exemplaire revendique une valeur probatoire, mais de quoi ? Sa valeur didactique fluctue nécessairement au rythme des reformulations du récit. À partir d’une trame narrative semblable, ou du moins reconnaissable, les déplacements de sens sont parfois considérables par rapport à l’antécédent arabe et peuvent être rapportés à la prégnance de certaines figurations chrétiennes. Si le Moyen Âge avait ses raisons pour investir intensément ce conte de sagesse, il n’en est plus de même aux xvie et xviie siècles. Ces versions tardives interrogent finalement la manière dont une histoire, devenue obsolète, se survit à elle-même dans la production éditoriale.
The well-known fable of the hound that presents itself to its horrified master soaked in blood after saving a baby from a snake serves as an illustration of a universal lesson about impulsiveness. From its beginnings in Indian and Arabic culture, it has been continuously refashioned through cultural transfer. Once assimilated as an exemplum by the Christian world, the story claims to serve as proof, but proof of what, exactly ? Its didactic value inevitably changes with each reformulation. Starting from a comparable, or at least recognizable, narrative matrix, the meaning may at times be considerably altered from that of its Arabic forebears ; this can be related to the pervasive influence of a number of Christian paradigms. If the Middle Ages had reasons of its own to invest this tale of wisdom with great significance, this was not necessarily the case in the 16th and 17th centuries. These later versions of the tale ultimately raise the issue of how a story that has become obsolete can ensure its survival in the publishing marketplace.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-8124-3516-4
- EAN: 9782812435164
- ISSN: 2273-0893
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-8124-3516-4.p.0347
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 03-02-2015
- Periodicity: Biannual
- Language: French