Pompée défenseur de la paix dans la Pharsale francoitalienne de Nicolas de Vérone
- Publication type: Journal article
- Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
2013 – 2, n° 26. varia - Author: Lelong (Chloé)
- Pages: 295 to 307
- Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
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Pompée défenseur de la paix dans la Pharsale franco-italienne de
Nicolas de Vérone
Abstract : Written in the 14`h century, in an Italy torn apart by internai conflicts, Nicolas de Verone's Franco-Italien Pharsale was inspired by Li Fet des Romains, but it differs in that it appears as a vindication of Pompey. If this epic, litre numerous medieval texts, presents Caesar as an embodiment of the empire, it disparages his character, condemning his warlike attitude and his purely aggressive heroism. In contrant, Pompey is portrayed as thinking and acting in accordante with a moral code. But his wisdom and concern for good are as much linked to burgeoning humanism of Italien "Trecento" as to the practice of a certain "médecine politique ", which aims to avoid distord, the source of ail evil. `Prince of Rome' ; Pompey is a supporter of the Republic and establishes himself as a defender of the peace.
Résumé :Écrite au XIVe siècle, dans une Italie déchirée par les conflits intestins, la Pharsale franco-italienne de Nicolas de Vérone s'inspire des Fet des Romains mais s'en distingue en apparaissant comme une apologie de Pompée, qui fait écho aux débats des penseurs politiques du temps. Si cette chanson de geste, à l'instar de nombreux textes médiévaux, présente César comme une incarnation de l'empire, elle dénigre son personnage en condamnant son attitude guerrière et son héroïsme strictement belliqueux. À l'inverse, Pompée est dépeint comme pensant et agissant en fonction d'une éthique. Mais sa sagesse et son souci de la bonne mesure sont tout autant liés à l'humanisme naissant du Trecento italien qu'à la pratique d'une certaine a médecine politique » qui vise à éviter la discorde, source de tous les maux. a Prince de Rome », élu par les siens pour le bien commun, Pompée est partisan de la République et s'affirme comme défenseur de la paix.
Arma virumque cano'. Le premier vers de l'Énéide est célèbre, qui associe le chant poétique à l'action guerrière des hommes, comme si l'épopée louait avant tout, et essentiellement, les hauts faits et les exploits martiaux. D'Homère à Lucain, de Virgile à Turold, elle semble, depuis toujours et naturellement, liée à la guerre. Il peut dès lors paraître inattendu, ou paradoxal, de voir un poète épique faire de son héros un défenseur de la paix.
C'est pourtant ce que fait, au XIVe siècle, Nicolas de Vérone en rédigeant une Pharsale2 dans ce langage littéraire et artificiel que l'on appelle franco-italien. Inspiré de la compilation médiévale d'histoire antique des Fet des Romains', le poème narre essentiellement le conflit armé qui opposa César et Pompée en Thessalie et il prend fin après l'inhumation du héros vaincu. Plaçant la figure de
Ce point de vue relève de l'esthétique de ce que M. Woronoff, parlant d'Homère, appelle « l'épopée des vaincus »' et qui exalte la grandeur du héros face à l'adversité. Mais le choix de la matière de Rome s'inscrit également dans le mouvement pré-humaniste de retour aux sources gréco-latines, particulièrement caractéristique de l'Italie du « Trecento », puisque Nicolas de Vérone ne se contente pas de proposer un sujet inédit, « rimé par nulle concordance »5 comme il l'affirme orgueilleusement dans le prologue, mais renoue avec l'esprit de l'épopée de Lucain en proposant une apologie de Pompée, ce que n'étaient pas les Fet des Romains.
Cette réactualisation d'une ceuvre de propagande pompéienne au profit du « signore » d'une libre commune indépendante, Nicolas I~ d'Este, à qui Nicolas de Vérone dédie son poèmeb, intervient au moment même où les rivalités intestines déchirent l'Italie et où, après des années de conflits entre Guelfes et Gibelins, l'Empire et la papauté apparaissent comme deux modèles de pouvoir aussi imparfaits l'un que l'autre'. Marsile de Padoue rédige par exemple, en 1324, le Defensor pacis, où il se détache de leur opposition récurrente pour s'intéresser à une autre forme de gouvernement, plus pragmatique, et plus adaptée à l'environnement culturel de l'Italie pré-humanistes. C'est que, après la mort de Frédéric II, en 1250, et le départ des papes en Avignon, en 1305, l'Italie fait face à un vide politique et à une certaine vacance de l'autorité. Ce contexte favorise l'expression d'ambitions personnelles antagonistes et l'apparition de la discorde, qui fragilise les cités face aux tyrannies et menace la libertas italica9. Les penseurs politiques, juristes et théoriciens du XIVe siècle, envisagent différentes manières de défendre l'indépendance des cités-États, leur autonomie fût-elle parfois symbolique, ainsi que différentes conceptions du pouvoir qui oscillent entre souveraineté impériale et thèse populiste10
Or, le poème de Nicolas de Vérone, qui conte la guerre civile romaine et en dénonce poétiquement les désastreuses conséquences, évoque ces deux façons de gouverner à travers les stéréotypes d'une peinture épique, et pour cela même, schématiquement antithétique, des deux généraux. Mais s'il est attendu de voir en César le représentant archétypal de l'idée impériale, le portrait de Pompée, tout imprégné d'idéal républicain et défenseur des libertés, est plus inédit.
La présentation de César comme incarnation de l'Empire n'est certes pas une originalité du poète franco-italien et si Nicolas de Vérone prête à son personnage des ambitions —impériales —qui ne sont historiquement pas les siennes au moment de la bataille de Pharsale, il ne fait que se conformer à la légende du héros telle qu'elle circule au XIVe siècle.
Hors d'Italie, les auteurs médiévaux ont parfois quelques réticences à reconnaître « l'aura mythique de César »", mais le personnage est invariablement dépeint, depuis son « entrée sur la scène narrative »12, comme un chef de guerre exceptionnel et un conquérant redoutable, promis à une destinée hors du commun. C'est le cas tant dans les Fet des Romains qui annoncent que César doit être « sires et empereres de Rome »", que dans le Roman de Jules Cesar, dont le prologue évoque les « citez, bors et chastiaus [qu'il] conquist si amplement »", tant dans les Voeux du paon, où ce héros apparaît, aux côtés d'Hector et d'Alexandre, comme un des neuf preux incarnant l'idéal de chevalerie15, que dans le Roman de Brut où Wace dressait déjà un portrait tout à fait élogieux de
Julius Cesar li vaillant,
Li fora, li pntz, li conqueranz, Ki tant fast e tant faire pout, Ki tut le mund conquist e out. Unches nus huem, puis ne avant, Que nus savom, ne conquist tant.
Cesar fu de Rome emperere.16
Vainqueur universel, César est élevé à la dignité de premier empereur des Romains et cela lui confère une gloire inégalée.
Les textes italiens du « Trecento », inspirés, directement ou non, de la compilation des Fet des Romains, rendent plus saillante encore la figure de César, et les ouvrages sont légion qui consacrent tout ou partie de leur narration aux exploits de ce guerrier :les Fatti di Cesare", le Libro imperiale18, les Battaglie e vittorie di Ciesere19 datent tous du XIVe siècle et exaltent tous les exploits de l'empereur romain20, ce qui faisait dire à E. G. Parodi que, en Italie, « la tendanza generale è di presentarlo corne il grande, il generoso, l'invitto imperatore e di coprire d'infamia
i suoi uccisori » 21. Cette vision d'un César parangon de la valeur se retrouve jusque dans des poèmes inspirés de la matière carolingienne, tels que L'Entrée d'Espagne22, et Dante lui-même, dans sa Commedia, n'hésite pas à placer Brutus et Cassius, aux côtés de Judas Iscariote, dans la dernière bolge du neuvième et dernier cercle de l'Enfer. Plus que la trahison envers son bienfaiteur, c'est l'atteinte portée à l'Empire, et donc, dans l'esprit du Florentin, au dessein divin lui-même, qui est ici châtiée.
En Italie, César est présenté avant tout comme empereur et il semble alors naturel que, dans la Pharsale franco-italienne, l'on retrouve sur son enseigne une « aigle de sable en doree zampagne, / Tretout encoronee de meilor or d'Espagne »~`, bien que ce détail soit absent du texte des Fet des Romains. Cette description
Mais si Dante condamne les meurtriers des Ides de Mars au plus horrible des châtiments —être constamment déchiquetés et dévorés par Lucifer lui-même —parce qu'il considère qu'aucun forfait ne peut être pire que celui qu'ils ont accompli, Nicolas de Vérone accuse Settimus, assassin de Pompée, d'avoir fait « trou pis qe Brutus, e pis fer ne pooit »29... Dans son esprit, l'Empire de César est donc moins louable que l'exercice du pouvoir tel que le pratique Pompée. L'empire se défmit par la sujétion des hommes à un souverain unique qui les rassemble et les dépasse, et qui, selon l'image que Dante en donne dans le Convivio, est « lo cavalcatore de la umana volontade »30. Dans la mesure où il établit une harmonie entre les aspirations individuelles, l'empereur agit pour le bien du royaume et, en contrepartie, ses sujets ceuvrent pour sa gloire. C'est ainsi que, dans la Pharsale, les guerriers qui se battent en Thessalie sont tout entiers dévoués à César, comme le prouve leur cri de guerre « civaler Cesaron ! »". Cette exhortation martiale est le signe de leur attachement à leur chef et de leur volonté de « xamplir [s]ien triomfe »32. Cette conception du politique, largement répandue en Italie au XIVe siècle dans les milieux intellectuels, se retrouve aussi bien dans des ouvrages théoriques que dans des textes poétiques. Mais alors que Dante loue cette organisation du pouvoir, Nicolas de Vérone la condamne
Le parti pris du poète a de quoi surprendre sous la plume d'un Italien du Nord. Il s'accompagne d'une dévalorisation de César, d'autant plus inattendue qu'elle est explicite et que le personnage victorieux incarne un idéal héroïque conforme par bien des aspects à celui des légendes épiques dont le poète s'inspire. Préférant mourir sur le champ de bataille plutôt que de mourir de faim « a guise de vilan »", César manifeste une ardeur belliqueuse qui contraste avec la prudence dont fait preuve Pompée. Il est impatient de se battre", est sûr de vaincre35 et a clairement pour ambition d'être « sire dou moud et de Rome cadel »36. Nicolas de Vérone insiste sur l'orgueil de ce guerrier, alors que les Fet des Romains ne l'évoquent pas", et, à deux reprises, il qualifie César de « faus sedutor »3e.
Le personnage est largement déprécié, et ce qui eût pu être une ferveur combative louable dans un contexte épique s'apparente à de la cruauté gratuite. César encourage ses hommes à frapper sans pitié et envisage la mort de ses adversaires comme un bienfait
« Grand bien sera au mond, se nous li ocisons, Qe da maovese giant fera desevresons.
[...]
E celor que ver vous auront glaive drecé,39 Ni soit nulle merci, mes tretous li trencé ! Ferés les si fieremant, cuxn seront encontré, Qe seul pour vive force il soient sbaraté. »°°
Indifférent au spectacle de désolation et de saccage qui suit le combat, César n'hésite pas à piller le camp ennemi une fois sa victoire assurée". Et loin de se contenter, comme dans la chronique en prose, de refuser une sépulture aux défunts42, il menace de mort quiconque tenterait de leur en procurer une
Ainçois fast comander a cescun, bon e pir, Se nuls nuls sevelist, q'il le feroit langir.43
Son attitude fait alors songer à celle de Créon interdisant que Polynice bénéficie d'une demeure dernière parce qu'il s'est battu à mort avec son frère Étéocle. Mais là où le roi de Thèbes punit le fratricide, César est lui-même rendu responsable de la guerre civile dans la Pharsale franco-italienne : avant de mourir, Domice l'accuse de « males ovres [...] / Qar per e fil e frere fait] tuer entre lor »~` et Pompée s'en remet à la bienveillance des dieux et de Fortune pour ne pas abandonner à César la « franchise de Rome [...] / Qar l'uns parant cum l'autre [il] fait] tuer a glai »45.
Ainsi le « buen Julius Cesar »~ devient « Cesar le fer », « le faus desloial », « le desloiaus », « le cruaus »". Toutes ces désignations sont des ajouts au texte source48, et l'attitude blâmable de César contraste alors avec l'héroïsme de Pompée qui est associé à la vertu. Autant César est cynique, autant Pompée pense et agit en fonction d'une éthique. Les deux personnages s'opposent de façon radicale et si le premier ne manifeste ni « tendror ne pieté ni sospir / De revenir li tas des mors au camps jaisir »49, le second déplore l'absurdité d'une lutte fratricide, qui apportera, quelle que soit son issue, des motifs de tristesse
« Qe bien qe nous vencons, nos remarons dolant, Qe nous aurons tué nous freres, nous parant
[...]
Qe çoie doit avoir nul home conoisant,
Quand il vexa le per jotrer a suen enfant,
E l'un fier enver l'autre ferir de mautalant ? »50
C'est la raison pour laquelle Pompée tente d'ajourner le combat malgré les reproches de Cicéron qui l'accuse de faiblesse et de lâcheté51
Attentif aux rapports de force, ce sage conseiller se fait porte-parole des Pompéiens désireux d'en découdre avec l'adversaire52 et prédit une victoire rapide parce que César et les siens sont en infériorité numérique : « Plus de cent somes là ou celor sont troi »53, dit-il. Mais Pompée estime qu'une bataille est toujours risquée54 et il espère réduire l'ennemi sans avoir à employer les armes car les vivres
lui font défaut55. Ainsi, son ambition combine pragmatisme militaire et idéal moral puisque l'efficacité de la stratégie envisagée permettrait non seulement de l'emporter, mais encore de vaincre « sens bataille »56, « sens perdre mie de sang »57. Le désir d'épargner toute vie humaine est d'autant plus fort que les combattants appartiennent tous à la même cité, et parfois à la même famille C'est pourquoi Pompée
[...] eslonçoit [l'estor], qar au cef derean
Cuidoit bien sozmetre [Cesar] sens mort d'orne mondan.
Qar ja ne voloit mie — cescun en soit certan — Conduir amort ses homes në anc li alian, Qar fuit erent de Rome e parant mout proçan E por tant li voloit saover le cevetan.58
Exerçant cette prudence vertueuse, Pompée fait preuve d'une sagesse qui, bien qu'éloignée des archétypes démesurés de l'héroïsme épique, caractérise nombre de héros des chansons franco-italiennes, y compris ceux que la tradition des chansons de geste caractérisait par leur emportement et leur manque de modération.
Mais dans le cas de Pompée, la modération de l'énergie belliqueuse n'est pas le simple signe d'une sagesse nouvelle, propre à l'humanisme naissant de l'Italie du « Trecento ». Au contraire, la recherche de la bonne mesure, qualité morale, implique aussi une forme de « médecine politique »59, en ce qu'elle apparaît comme un remède contre la discorde, cette maladie civique qui fragilise les cités. Dès lors, l'opposition morale entre un César emporté et irascible et un Pompée pondéré et prudent se double d'une opposition politique et n'est pas sans quelques similitudes avec la doctrine marsilienne de la cité où l'anthropologie des passions sert de fondement à l'élaboration d'une science politique, parce que « médecine et politique portent toutes deux sur l'étude du vivant et sont des sciences destinées à recevoir une application concrète dans le domaine pratique »60.
Au-delà des considérations éthiques et morales, la volonté d'éviter le combat s'interprète ainsi comme une tentative de sauvegarde de la paix civile, la guerre n'étant que le résultat de la « descordance / Da Cesar a Pompiu, ou fu si grand
pusance »61. Cette discorde, que Nicolas de Vérone mentionne dans le prologue, apparaît comme antérieure au conflit et s'avère le point de départ de l'action. Lors de la séance de nigromance pratiquée par Erichto sur demande de Sextus, le fils de Pompée, l'esprit consulté par la sorcière défmit aussi cette discorde comme l'origine de tous les maux
Li Romains trepasé font entr'aus grand tençon Por Cesar, por Pompiu ch'en tel descordeixon Ont mis tout li Romeins, ond n'i auront garison : Qar pers e fils e freres s' oncirent, ce savon 62
Le premier dommage est de faire s'entretuer des Romains, la notion de fratricide vient plus tard. Dans la Pharsale franco-italienne, tout comme dans les cités-États du « Trecento », les conflits internes sont donc source de la faiblesse des villes libres qui doivent affronter le chaos de la division. De même que Dante déplore, dans sa Commedia, que Florence soit divisée à cause de la discorde qui l'assaille, Nicolas de Vérone dépeint un Pompée soucieux d'assurer et de penser la paix civile.
Assurément, le contexte politique troublé des années 1340 influence le poète dans sa réécriture et sa réinterprétation des Fet des Romains et les personnages, tels que Nicolas de Vérone les décrit, s'éloignent parfois de ce qu'ils étaient dans la compilation française. De la sorte, si César et Pompée sont présentés comme des « ducs » ou des « chevaliers »dans la chronique historique, luttant l'un pour obtenir le pouvoir, l'autre pour empêcher que le premier ne l'obtienne`, le trouvère franco- italien distingue les deux protagonistes et abandonne toute appellation commune, de même qu'il évite les termes exclusivement féodaux inappropriés à l'Italie du Nord. César n'est plus désigné que par son simple patronyme et Pompée est systématiquement qualifié de « prince »~.
Cette dénomination, strictement réservée au héros vaincu de cette épopée, n'est sans doute pas fortuite et induit une certaine interprétation du personnage. « Prince de Rome »67, Pompée est également « senator roman »68 et « romain campion »69. Il est entièrement dévoué à la cause qu'il défend et se déplace sous la
« aute ensegne romaine »70 qui proclame, en lettres d'or, la souveraineté du Sénat et du Peuple
A quatres letres d'or, qe font la gient certaine Qe celle est l'ensagne a la cité sovraine ;
Des aigles sens corones avoit li bande plaine."
L'opposition aux aspirations impériales de César n'en est que plus manichéenne et Pompée apparaît comme un fervent partisan de la République.
Jouissant d'une aura particulière, le prince tel que Pompée l'incarne fait l'objet d'une description en tous points positive. Mais le « noble cevetans »72 dont le poète fait l'apologie n'est princeps ni par onction, ni par nature, ni par lignée : il a été « esleü »" par le peuple qui l'a distingué parmi d'autres. C'est ce que rappellent les habitants de Mytilène au héros déchu : « tu eres esli / A prince sor li autres »", comme l'avait été, en son temps, Marius, après son retour de Libye : « tot le comun de Rome le esli /por consoil e por sir sor tous signori »75.
Cette référence à un système électif, trois fois présente dans la Pharsale, ne provient pas des Fet des Romains qui n'évoquent jamais l'élection des chefs romains Le Pompée franco-italien apparaît dès lors tout autant comme l'incarnation de la République romaine antique que comme l'image idéale d'un « signore », d'un prince, choisi non pour son intérêt personnel mais pour le bien de la cité. Il ne doit sa position de princeps qu'à sa charge et non pas à sa personne.
Élu, Pompée est investi d'une mission : se battre, comme son cri de guerre en témoigne, pour « la franchise de Rome »76. Dès le début du poème, Cicéron rappelle sans ambigiüté son rôle à Pompée
« Nous ne t'avons esleü a retor
Por tuen bien propie, mes seulxnant por l'onor Dou franc comun. »"
De la même façon que le général romain est choisi par la cité, par le « comun de Rome »7e, il est au service de cette entité abstraite et pourtant supérieure que les penseurs politiques du « Trecento »appellent le « popolo ».
C'est que la thèse populiste et le concept de souveraineté populaire, qui implique la nécessité du consentement citoyen79, sont largement répandus en Italie
du Nord, tant dans les textes80 que dans les faits, les cités lombardes s'émancipant de la tutelle de l'empereur dès le XIIIe siècle81. Le canoniste Hostiensis reconnaît par exemple, sans l'approuver, ni le réprouver
Unde et haec iura collegiorum, sive corporum, vigent in civitatibus potissime Lombardiae, quae etsi dominum habent, ipsum tamen non, ut expediret reipublicae, recognoscunt, sicut nec rex Franciae.82
L'idée d'élection, qui s'accompagne d'une remise en question des principes héréditaires83, est acquise dans les « Comuni » indépendantes. Pour le juriste Bartolus, la souveraineté des cités-républiques s'explique dès lors que l'on admet que la volonté du peuple peut remplacer la volonté d'un supérieur : civitas Bibi princeps est84.
Ainsi, les deux façons d'envisager le pouvoir développées dans la Pharsale, qui se répondent et s'opposent symétriquement, rappellent les deux principales conceptions du politique en Italie au XIVe siècle :l'ambition impériale de César, véhiculée par la légende héroïque du personnage, est réactualisée par Nicolas de Vérone et condamnée face au républicanisme de Pompée qui est plus proche de la doctrine marsilienne de la cité. Comme l'explique D. Ottaviani, pour les théoriciens du « Trecento »
il ne s'agit plus de penser le meilleur régime possible pour tous les hommes mais bien plutôt de faire face, dans l'urgence, au vide politique existant [...]. La puissance impériale semble la seule à pouvoir restaurer la paix, la tranquillité politique, dans une Italie ravagée par les guerres, mais cela ne veut pas dire que le pouvoir de l'Empereur soit le meilleur dans l'absolu. Certes, l'empire est une unité et permet en tant que tel d'apaiser les discordes politiques, mais Marsile n'est pas Dante et pour lui c'est le peuple qui est la source véritable de l'autorité politique et non l'Empereur.85
Dès lors, le conflit entre César et Pompée, tel qu'il apparaît dans la Pharsale franco- italienne, s'apparente à un conflit idéologique :pour lutter contre la discorde, César
désire être « sire dou moud » 86 alors que Pompée « per Romeins moroit »e'. Si César ne déplore jamais les implications morales de la guerre civile qui l'oppose à celui avec qui il était auparavant allié au sein du triumvirat, c'est que cette discorde le sert et lui permet d'assouvir son ambition personnelle. À l'inverse, Pompée est au service du peuple et défend « l'onor de la cité »88 en tentant de réduire les conflits et les divisions.
La Pharsale de Nicolas de Vérone utilise ainsi la stéréotypie propre au genre épique pour célébrer, à travers la peinture héroïque de Pompée, un type de « contrat social »89 défini comme une certaine liberté de s'associer, y compris pour des hommes étrangers les uns aux autres. Cette forme d'État médiéval, envisagé comme ceuvre de l'art humain en ce qu'elle ne repose pas sur des liens purement naturels ou héréditaires90, s'oppose à une conception du pouvoir impérial longtemps envisagé comme seul garant de la paix universelle91, et rappelle le gouvernement des villes nord-italiennes du XIVe siècle. De la même façon que Marsile de Padoue se détache d'une vision idéaliste de l'empire, notamment dans la prima dictio du Defensor Pacis de 1324, pour concentrer son étude sur la manière dont les peuples se donnent eux-mêmes les gouvernants qui leur conviennent93, Nicolas de Vérone se détache de la figure légendaire et exemplaire de César pour célébrer l'idéal politique simplement humain d'un gouvernement autonome dont le pouvoir n'est plus assujetti à une quelconque transcendance divine, mais provient directement du
« comun de Rome »94 et de son élection. Sans avoir de prétention impériale, Pompée se présente comme défenseur de la paix.
Chloé Lelong CIHAM —Université Lumière Lyon II
Nicolas de Vérone
Abstract : Written in the 14`h century, in an Italy torn apart by internai conflicts, Nicolas de Verone's Franco-Italien Pharsale was inspired by Li Fet des Romains, but it differs in that it appears as a vindication of Pompey. If this epic, litre numerous medieval texts, presents Caesar as an embodiment of the empire, it disparages his character, condemning his warlike attitude and his purely aggressive heroism. In contrant, Pompey is portrayed as thinking and acting in accordante with a moral code. But his wisdom and concern for good are as much linked to burgeoning humanism of Italien "Trecento" as to the practice of a certain "médecine politique ", which aims to avoid distord, the source of ail evil. `Prince of Rome' ; Pompey is a supporter of the Republic and establishes himself as a defender of the peace.
Résumé :Écrite au XIVe siècle, dans une Italie déchirée par les conflits intestins, la Pharsale franco-italienne de Nicolas de Vérone s'inspire des Fet des Romains mais s'en distingue en apparaissant comme une apologie de Pompée, qui fait écho aux débats des penseurs politiques du temps. Si cette chanson de geste, à l'instar de nombreux textes médiévaux, présente César comme une incarnation de l'empire, elle dénigre son personnage en condamnant son attitude guerrière et son héroïsme strictement belliqueux. À l'inverse, Pompée est dépeint comme pensant et agissant en fonction d'une éthique. Mais sa sagesse et son souci de la bonne mesure sont tout autant liés à l'humanisme naissant du Trecento italien qu'à la pratique d'une certaine a médecine politique » qui vise à éviter la discorde, source de tous les maux. a Prince de Rome », élu par les siens pour le bien commun, Pompée est partisan de la République et s'affirme comme défenseur de la paix.
Arma virumque cano'. Le premier vers de l'Énéide est célèbre, qui associe le chant poétique à l'action guerrière des hommes, comme si l'épopée louait avant tout, et essentiellement, les hauts faits et les exploits martiaux. D'Homère à Lucain, de Virgile à Turold, elle semble, depuis toujours et naturellement, liée à la guerre. Il peut dès lors paraître inattendu, ou paradoxal, de voir un poète épique faire de son héros un défenseur de la paix.
C'est pourtant ce que fait, au XIVe siècle, Nicolas de Vérone en rédigeant une Pharsale2 dans ce langage littéraire et artificiel que l'on appelle franco-italien. Inspiré de la compilation médiévale d'histoire antique des Fet des Romains', le poème narre essentiellement le conflit armé qui opposa César et Pompée en Thessalie et il prend fin après l'inhumation du héros vaincu. Plaçant la figure de
'Virgile, Énéide, éd. J. Perret, Paris, Gallimard, 1991, I, v. 1.
2 Niccola da Verona, Opere : Pharsale, Continuazione dell'Entrée d'Espagne, Passion, éd. F. Di Ninni, Venise, Marsilio Editori, 1992, p. 101-202.
' Li Fet des Romains, Compilé ensemble de Saluste, Suétone et Lucain, éd. L.-F. Flutre, Paris- Groningue, K. Sneyders de Vogel, 1938.
Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 26, 2013 Journal ofMedieval and Humanistic Studies
304 Pompée au cceur de son dispositif narratif, le poète fait clairement le choix de célébrer la défaite héroïque du personnage.2 Niccola da Verona, Opere : Pharsale, Continuazione dell'Entrée d'Espagne, Passion, éd. F. Di Ninni, Venise, Marsilio Editori, 1992, p. 101-202.
' Li Fet des Romains, Compilé ensemble de Saluste, Suétone et Lucain, éd. L.-F. Flutre, Paris- Groningue, K. Sneyders de Vogel, 1938.
Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 26, 2013 Journal ofMedieval and Humanistic Studies
Ce point de vue relève de l'esthétique de ce que M. Woronoff, parlant d'Homère, appelle « l'épopée des vaincus »' et qui exalte la grandeur du héros face à l'adversité. Mais le choix de la matière de Rome s'inscrit également dans le mouvement pré-humaniste de retour aux sources gréco-latines, particulièrement caractéristique de l'Italie du « Trecento », puisque Nicolas de Vérone ne se contente pas de proposer un sujet inédit, « rimé par nulle concordance »5 comme il l'affirme orgueilleusement dans le prologue, mais renoue avec l'esprit de l'épopée de Lucain en proposant une apologie de Pompée, ce que n'étaient pas les Fet des Romains.
Cette réactualisation d'une ceuvre de propagande pompéienne au profit du « signore » d'une libre commune indépendante, Nicolas I~ d'Este, à qui Nicolas de Vérone dédie son poèmeb, intervient au moment même où les rivalités intestines déchirent l'Italie et où, après des années de conflits entre Guelfes et Gibelins, l'Empire et la papauté apparaissent comme deux modèles de pouvoir aussi imparfaits l'un que l'autre'. Marsile de Padoue rédige par exemple, en 1324, le Defensor pacis, où il se détache de leur opposition récurrente pour s'intéresser à une autre forme de gouvernement, plus pragmatique, et plus adaptée à l'environnement culturel de l'Italie pré-humanistes. C'est que, après la mort de Frédéric II, en 1250, et le départ des papes en Avignon, en 1305, l'Italie fait face à un vide politique et à une certaine vacance de l'autorité. Ce contexte favorise l'expression d'ambitions personnelles antagonistes et l'apparition de la discorde, qui fragilise les cités face aux tyrannies et menace la libertas italica9. Les penseurs politiques, juristes et théoriciens du XIVe siècle, envisagent différentes manières de défendre l'indépendance des cités-États, leur autonomie fût-elle parfois symbolique, ainsi que différentes conceptions du pouvoir qui oscillent entre souveraineté impériale et thèse populiste10
° M. Woronoff, « L'épopée des vaincus », L Épique :fins et confins, Besançon-Paris, Presses Universitaires Franc-Comtoises-Les Belles Lettres, 2000, p. 9-22.
s Pharsale, v. 31.
e Pharsale, v. 1935-1936.
Pour une critique de la Papauté, voir par exemple Dante, La Divina Commedia, éd. A. Chiari, G. Robuschi, Milan, Bietti, 1965, Inferno, XXVI, v. 70 et 94-105, où le poète dénigre le Pape Boniface, ou certaines lettres de Pétrarque : Sans titre, 19 lettres, éd. R. Lenoir, Paris, J. Million, 2003, V, 1, p. 77-78 et VIII, 1, p. 92-93, où il compare Avignon à une nouvelle Babylone impie.
s Marsile de Padoue, Le Défenseur de la Paix, éd. J. Quillet, Paris, Vrin, 1968.
9 Cf. R. Hiestand, « Aspetti politici e sociali dell'Italia settentrionale dalla morte di Federico II alla metà del 1300 », Testi, cotesti e contesti del franco-italiano : Atti del l ° simposio franco- italiano, Tübingen, Niemeyer, 1989, p. 27-47 ; H. Krauss, Epica feudale e pubblico borghese, Per la storia poetica di Carlomagno in Italia, Padoue, Liviana Editrice, 1980, p. 11-24 ; N. Valeri, « Le origini dello stato moderno in Italia 1328-1450 », Storia d'Italia, Turin, Einaudi, 1965, t. 1, p. 545-814.
10 Voir à ce sujet J.-H. Burns, Histoire de la pensée politique médiévale, 350-1450, Paris, Presses Universitaires de France, 1993, p. 442-448 ; R.-W. et A.-J. Carlyle, A History of
305s Pharsale, v. 31.
e Pharsale, v. 1935-1936.
Pour une critique de la Papauté, voir par exemple Dante, La Divina Commedia, éd. A. Chiari, G. Robuschi, Milan, Bietti, 1965, Inferno, XXVI, v. 70 et 94-105, où le poète dénigre le Pape Boniface, ou certaines lettres de Pétrarque : Sans titre, 19 lettres, éd. R. Lenoir, Paris, J. Million, 2003, V, 1, p. 77-78 et VIII, 1, p. 92-93, où il compare Avignon à une nouvelle Babylone impie.
s Marsile de Padoue, Le Défenseur de la Paix, éd. J. Quillet, Paris, Vrin, 1968.
9 Cf. R. Hiestand, « Aspetti politici e sociali dell'Italia settentrionale dalla morte di Federico II alla metà del 1300 », Testi, cotesti e contesti del franco-italiano : Atti del l ° simposio franco- italiano, Tübingen, Niemeyer, 1989, p. 27-47 ; H. Krauss, Epica feudale e pubblico borghese, Per la storia poetica di Carlomagno in Italia, Padoue, Liviana Editrice, 1980, p. 11-24 ; N. Valeri, « Le origini dello stato moderno in Italia 1328-1450 », Storia d'Italia, Turin, Einaudi, 1965, t. 1, p. 545-814.
10 Voir à ce sujet J.-H. Burns, Histoire de la pensée politique médiévale, 350-1450, Paris, Presses Universitaires de France, 1993, p. 442-448 ; R.-W. et A.-J. Carlyle, A History of
Or, le poème de Nicolas de Vérone, qui conte la guerre civile romaine et en dénonce poétiquement les désastreuses conséquences, évoque ces deux façons de gouverner à travers les stéréotypes d'une peinture épique, et pour cela même, schématiquement antithétique, des deux généraux. Mais s'il est attendu de voir en César le représentant archétypal de l'idée impériale, le portrait de Pompée, tout imprégné d'idéal républicain et défenseur des libertés, est plus inédit.
La présentation de César comme incarnation de l'Empire n'est certes pas une originalité du poète franco-italien et si Nicolas de Vérone prête à son personnage des ambitions —impériales —qui ne sont historiquement pas les siennes au moment de la bataille de Pharsale, il ne fait que se conformer à la légende du héros telle qu'elle circule au XIVe siècle.
Hors d'Italie, les auteurs médiévaux ont parfois quelques réticences à reconnaître « l'aura mythique de César »", mais le personnage est invariablement dépeint, depuis son « entrée sur la scène narrative »12, comme un chef de guerre exceptionnel et un conquérant redoutable, promis à une destinée hors du commun. C'est le cas tant dans les Fet des Romains qui annoncent que César doit être « sires et empereres de Rome »", que dans le Roman de Jules Cesar, dont le prologue évoque les « citez, bors et chastiaus [qu'il] conquist si amplement »", tant dans les Voeux du paon, où ce héros apparaît, aux côtés d'Hector et d'Alexandre, comme un des neuf preux incarnant l'idéal de chevalerie15, que dans le Roman de Brut où Wace dressait déjà un portrait tout à fait élogieux de
Julius Cesar li vaillant,
Li fora, li pntz, li conqueranz, Ki tant fast e tant faire pout, Ki tut le mund conquist e out. Unches nus huem, puis ne avant, Que nus savom, ne conquist tant.
Medieval Political Theory in the West, VI, Political Theory from 1300 to 1600, Edimbourg- Londres, William Blackwood and Sons, 1936, p. 76-88.
" C. Croizy-Naquet, « César et le romanz au XIIe siècle », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 13, 2006, p. 39-49 (p. 39). Sur l'ambigüité du personnage de César, voir également C. Croizy-Naquet, Écrire l'histoire romaine au début du Xllle siècle : L ~Iistoire ancienne jusqu'à César et les Fet des Romains, Paris, Champion, 1999, p. 244-249 et S. Menegaldo, « Cesar d'ire enflamez et espris (v. 1696) dans le Roman de Jules Cesar de Jean de Thuin », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 13, 2006, p. 59-76 (p. 71).
12 C. Croizy-Naquet, « César et le romanz au XIIe siècle », p. 39.
" Li Fet des Romains, p. 537, 1. 8-9. Voir également p. 94, 1. 16-21, p. 126, 1. 17-23, p. 130,
1. 15-22, p. 316, 1.21-24, p. 727, 1. 12-15 et 25-28...
'° Jean de Thuin, Le roman de Jules Cesar, éd. O. Collet, Genève, Droz, 1993, v. 10. Voir également les v. 9357-9424 qui narrent la cérémonie et le triomphe de César.
'S J. de Longuyon, Les neuf preux, éd. P. Meyer, Bulletin de la société des anciens textes français, 9, 1883, p. 50.
306" C. Croizy-Naquet, « César et le romanz au XIIe siècle », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 13, 2006, p. 39-49 (p. 39). Sur l'ambigüité du personnage de César, voir également C. Croizy-Naquet, Écrire l'histoire romaine au début du Xllle siècle : L ~Iistoire ancienne jusqu'à César et les Fet des Romains, Paris, Champion, 1999, p. 244-249 et S. Menegaldo, « Cesar d'ire enflamez et espris (v. 1696) dans le Roman de Jules Cesar de Jean de Thuin », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 13, 2006, p. 59-76 (p. 71).
12 C. Croizy-Naquet, « César et le romanz au XIIe siècle », p. 39.
" Li Fet des Romains, p. 537, 1. 8-9. Voir également p. 94, 1. 16-21, p. 126, 1. 17-23, p. 130,
1. 15-22, p. 316, 1.21-24, p. 727, 1. 12-15 et 25-28...
'° Jean de Thuin, Le roman de Jules Cesar, éd. O. Collet, Genève, Droz, 1993, v. 10. Voir également les v. 9357-9424 qui narrent la cérémonie et le triomphe de César.
'S J. de Longuyon, Les neuf preux, éd. P. Meyer, Bulletin de la société des anciens textes français, 9, 1883, p. 50.
Cesar fu de Rome emperere.16
Vainqueur universel, César est élevé à la dignité de premier empereur des Romains et cela lui confère une gloire inégalée.
Les textes italiens du « Trecento », inspirés, directement ou non, de la compilation des Fet des Romains, rendent plus saillante encore la figure de César, et les ouvrages sont légion qui consacrent tout ou partie de leur narration aux exploits de ce guerrier :les Fatti di Cesare", le Libro imperiale18, les Battaglie e vittorie di Ciesere19 datent tous du XIVe siècle et exaltent tous les exploits de l'empereur romain20, ce qui faisait dire à E. G. Parodi que, en Italie, « la tendanza generale è di presentarlo corne il grande, il generoso, l'invitto imperatore e di coprire d'infamia
i suoi uccisori » 21. Cette vision d'un César parangon de la valeur se retrouve jusque dans des poèmes inspirés de la matière carolingienne, tels que L'Entrée d'Espagne22, et Dante lui-même, dans sa Commedia, n'hésite pas à placer Brutus et Cassius, aux côtés de Judas Iscariote, dans la dernière bolge du neuvième et dernier cercle de l'Enfer. Plus que la trahison envers son bienfaiteur, c'est l'atteinte portée à l'Empire, et donc, dans l'esprit du Florentin, au dessein divin lui-même, qui est ici châtiée.
En Italie, César est présenté avant tout comme empereur et il semble alors naturel que, dans la Pharsale franco-italienne, l'on retrouve sur son enseigne une « aigle de sable en doree zampagne, / Tretout encoronee de meilor or d'Espagne »~`, bien que ce détail soit absent du texte des Fet des Romains. Cette description
16 Wace, Le roman de Brut, éd. I. Arnold, Paris, Société des Anciens Textes Français, 1938-
1940, v. 3933-3839.
"IFatti di Cesare, éd. L. Banchi, Bologne, Romagnoli, 1864.
le Cette compilation italienne du XIVe siècle (lie moitié du siècle, d'après L.-F. Flutre) est en quatre parties :les deux premières sont respectivement consacrées au triomphe de César et à sa mort, et le récit commence au moment où César, victorieux, revient de Munda. Ce texte n'existe que dans deux éditions vénitiennes, l'une de 1488, l'autre de 1510, mais apparaît dans de nombreux manuscrits. Voir à ce sujet L.-F. Flutre, Li Fait des Romains dans les littératures françaises et italiennes du XIVe au XVle siècle, Paris, Hachette, 1932, p. 272-295.
19 Ce poème de 759 vers, de la fin du XIVe siècle, est intégralement édité par L.-F. Flutre dans Li Fait des Romains dans les littératures françaises et italiennes, p. 350-372.
20 On peut ajouter à cette liste le Lucano tradotto in prosa, éd. V. Nannucci, Manuale della letteratura del primo secolo della lingua italiana, Florence, Barberà-Bianchi, 1856, t. 1, p. 507-515 et t. 2, p. 172-192.
21 E. G. Parodi, « Le storie di Cesare nella letteratura italiana dei primi secoli », Studi di filologia romanza, IV, 1889, p. 247. Au sujet de l'image de César au Moyen Âge voir également C. Marchesi, « La prima traduzione in volgare italico della Farsaglia di Lucano e una nuova edizione di essa in ottava rima », Studi romanzi, 3, 1904, p. 75-96 ; M. Cavagna, « La figure de Jules César chez Pétrarque dans les traditions italiennes et françaises des Triomphes », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 14, 2007, p. 73-83.
22 L'Entrée d'Espagne, éd. A. Thomas, Paris, Didot, 1913, v. 727 et 3576.
~ Dante, La Divina Commedia, Inferno, XXXIV, v. 55-66.
~ Pharsale, v. 806-807.
307 rappelle les miniatures du manuscrit médiéval de la compilation historique contenue dans le codex n° 12 de l'inventaire de la bibliothèque des Gonzague :sur le premier feuillet, César est représenté couronné, siégeant au Capitole, brandissant son épée dans la main droite et tenant de la main gauche son bouclier à l'aigle. Ainsi, en prolégomènes au CesarianusZ', l'image impériale de César s'impose comme une évidence. Plus loin, l'enluminure illustrant la défaite de Pompée à Pharsale montre les deux héros en armes et les distingue précisément par la présence, ou l'absence, d'une aigle couronnée sur le bouclier des guerriers28. L'image d'un César imperator victorieux participe de la définition même du personnage dans l'Italie « trecentesca ».1940, v. 3933-3839.
"IFatti di Cesare, éd. L. Banchi, Bologne, Romagnoli, 1864.
le Cette compilation italienne du XIVe siècle (lie moitié du siècle, d'après L.-F. Flutre) est en quatre parties :les deux premières sont respectivement consacrées au triomphe de César et à sa mort, et le récit commence au moment où César, victorieux, revient de Munda. Ce texte n'existe que dans deux éditions vénitiennes, l'une de 1488, l'autre de 1510, mais apparaît dans de nombreux manuscrits. Voir à ce sujet L.-F. Flutre, Li Fait des Romains dans les littératures françaises et italiennes du XIVe au XVle siècle, Paris, Hachette, 1932, p. 272-295.
19 Ce poème de 759 vers, de la fin du XIVe siècle, est intégralement édité par L.-F. Flutre dans Li Fait des Romains dans les littératures françaises et italiennes, p. 350-372.
20 On peut ajouter à cette liste le Lucano tradotto in prosa, éd. V. Nannucci, Manuale della letteratura del primo secolo della lingua italiana, Florence, Barberà-Bianchi, 1856, t. 1, p. 507-515 et t. 2, p. 172-192.
21 E. G. Parodi, « Le storie di Cesare nella letteratura italiana dei primi secoli », Studi di filologia romanza, IV, 1889, p. 247. Au sujet de l'image de César au Moyen Âge voir également C. Marchesi, « La prima traduzione in volgare italico della Farsaglia di Lucano e una nuova edizione di essa in ottava rima », Studi romanzi, 3, 1904, p. 75-96 ; M. Cavagna, « La figure de Jules César chez Pétrarque dans les traditions italiennes et françaises des Triomphes », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 14, 2007, p. 73-83.
22 L'Entrée d'Espagne, éd. A. Thomas, Paris, Didot, 1913, v. 727 et 3576.
~ Dante, La Divina Commedia, Inferno, XXXIV, v. 55-66.
~ Pharsale, v. 806-807.
Mais si Dante condamne les meurtriers des Ides de Mars au plus horrible des châtiments —être constamment déchiquetés et dévorés par Lucifer lui-même —parce qu'il considère qu'aucun forfait ne peut être pire que celui qu'ils ont accompli, Nicolas de Vérone accuse Settimus, assassin de Pompée, d'avoir fait « trou pis qe Brutus, e pis fer ne pooit »29... Dans son esprit, l'Empire de César est donc moins louable que l'exercice du pouvoir tel que le pratique Pompée. L'empire se défmit par la sujétion des hommes à un souverain unique qui les rassemble et les dépasse, et qui, selon l'image que Dante en donne dans le Convivio, est « lo cavalcatore de la umana volontade »30. Dans la mesure où il établit une harmonie entre les aspirations individuelles, l'empereur agit pour le bien du royaume et, en contrepartie, ses sujets ceuvrent pour sa gloire. C'est ainsi que, dans la Pharsale, les guerriers qui se battent en Thessalie sont tout entiers dévoués à César, comme le prouve leur cri de guerre « civaler Cesaron ! »". Cette exhortation martiale est le signe de leur attachement à leur chef et de leur volonté de « xamplir [s]ien triomfe »32. Cette conception du politique, largement répandue en Italie au XIVe siècle dans les milieux intellectuels, se retrouve aussi bien dans des ouvrages théoriques que dans des textes poétiques. Mais alors que Dante loue cette organisation du pouvoir, Nicolas de Vérone la condamne
~ Ce volume contenant le texte des Fet des Romains, orné de 166 miniatures, est le manuscrit Fr. III (ancien Fr. XX) de la Marciana, que L.-F. Flutre désigne par la lettre M et que le rédacteur de l'inventaire médiéval inscrit, au n° 12, sous le titre de Cesarianus Ystoriatus. Voir à ce sujet W. Braghirolli, P. Meyer, G. Paris, « Inventaire des manuscrits en langue française possédés par F. Gonzaga I, capitaine de Mantoue, mort en 1407 », Romania, 9, 1880, p. 507 et L.-F. Flutre, Les manuscrits des Fait des Romains, Paris, Hachette, 1932, p. 45-48.
~ Au-dessus du personnage est représentée une autre aigle couronnée.
2' Tel est le titre donné par le rédacteur médiéval de l'inventaire de la bibliothèque à la compilation des Fet des Romains.
28 Cette vignette se trouve au feuillet 175x.
29 Pharsale, v. 2998.
30 Dante, Convivio, éd. G.-C. Garfagnini, Rome, Salerno, 1998, IV, IX, 10. Voir également IV, 5. La même idée se retrouve dans le De Monarchia, éd. C. Lefort, M. Gally, Paris, Belin, 2000, I, 2 et III, 16.
" Pharsale, v. 812.
32 Pharsale, v. 705.
308~ Au-dessus du personnage est représentée une autre aigle couronnée.
2' Tel est le titre donné par le rédacteur médiéval de l'inventaire de la bibliothèque à la compilation des Fet des Romains.
28 Cette vignette se trouve au feuillet 175x.
29 Pharsale, v. 2998.
30 Dante, Convivio, éd. G.-C. Garfagnini, Rome, Salerno, 1998, IV, IX, 10. Voir également IV, 5. La même idée se retrouve dans le De Monarchia, éd. C. Lefort, M. Gally, Paris, Belin, 2000, I, 2 et III, 16.
" Pharsale, v. 812.
32 Pharsale, v. 705.
Le parti pris du poète a de quoi surprendre sous la plume d'un Italien du Nord. Il s'accompagne d'une dévalorisation de César, d'autant plus inattendue qu'elle est explicite et que le personnage victorieux incarne un idéal héroïque conforme par bien des aspects à celui des légendes épiques dont le poète s'inspire. Préférant mourir sur le champ de bataille plutôt que de mourir de faim « a guise de vilan »", César manifeste une ardeur belliqueuse qui contraste avec la prudence dont fait preuve Pompée. Il est impatient de se battre", est sûr de vaincre35 et a clairement pour ambition d'être « sire dou moud et de Rome cadel »36. Nicolas de Vérone insiste sur l'orgueil de ce guerrier, alors que les Fet des Romains ne l'évoquent pas", et, à deux reprises, il qualifie César de « faus sedutor »3e.
Le personnage est largement déprécié, et ce qui eût pu être une ferveur combative louable dans un contexte épique s'apparente à de la cruauté gratuite. César encourage ses hommes à frapper sans pitié et envisage la mort de ses adversaires comme un bienfait
« Grand bien sera au mond, se nous li ocisons, Qe da maovese giant fera desevresons.
[...]
E celor que ver vous auront glaive drecé,39 Ni soit nulle merci, mes tretous li trencé ! Ferés les si fieremant, cuxn seront encontré, Qe seul pour vive force il soient sbaraté. »°°
Indifférent au spectacle de désolation et de saccage qui suit le combat, César n'hésite pas à piller le camp ennemi une fois sa victoire assurée". Et loin de se contenter, comme dans la chronique en prose, de refuser une sépulture aux défunts42, il menace de mort quiconque tenterait de leur en procurer une
Ainçois fast comander a cescun, bon e pir, Se nuls nuls sevelist, q'il le feroit langir.43
"Pharsale, v. 57.
34 Pharsale, v. 699-700.
35 Pharsale, v. 1739-1742.
36 Pharsale, v. 1408. Voir également les v. 1481 et 1742.
"Pharsale, v. 2510, 2868 et 2879. Ces appellations n'ont aucune correspondance dans Li Fet des Romains, par exemple, p. 560-561, § 17.
3e Pharsale, v. 43 et 1729.
39 Nous préférons, pour ce vers, la ponctuation proposée par H. Wahle (Pharsale, éd. H. Wahle, Marbourg, Elwert, 1888), celle de l'édition de F. Di Ninni (avec un point à la fm du vers 792) paraissant discutable.
40 Pharsale, v. 738-739 et 793-796.
41 Pharsale, v. 1972-1976 et 1981-1982.
42 « Cesar desfendi que nus ne fast sepeliz de toz celz qui la furent ocis », Li Fet des Romains,
p. 542,1.29-30.
43 Pharsale, v. 2026-2027.
30934 Pharsale, v. 699-700.
35 Pharsale, v. 1739-1742.
36 Pharsale, v. 1408. Voir également les v. 1481 et 1742.
"Pharsale, v. 2510, 2868 et 2879. Ces appellations n'ont aucune correspondance dans Li Fet des Romains, par exemple, p. 560-561, § 17.
3e Pharsale, v. 43 et 1729.
39 Nous préférons, pour ce vers, la ponctuation proposée par H. Wahle (Pharsale, éd. H. Wahle, Marbourg, Elwert, 1888), celle de l'édition de F. Di Ninni (avec un point à la fm du vers 792) paraissant discutable.
40 Pharsale, v. 738-739 et 793-796.
41 Pharsale, v. 1972-1976 et 1981-1982.
42 « Cesar desfendi que nus ne fast sepeliz de toz celz qui la furent ocis », Li Fet des Romains,
p. 542,1.29-30.
43 Pharsale, v. 2026-2027.
Son attitude fait alors songer à celle de Créon interdisant que Polynice bénéficie d'une demeure dernière parce qu'il s'est battu à mort avec son frère Étéocle. Mais là où le roi de Thèbes punit le fratricide, César est lui-même rendu responsable de la guerre civile dans la Pharsale franco-italienne : avant de mourir, Domice l'accuse de « males ovres [...] / Qar per e fil e frere fait] tuer entre lor »~` et Pompée s'en remet à la bienveillance des dieux et de Fortune pour ne pas abandonner à César la « franchise de Rome [...] / Qar l'uns parant cum l'autre [il] fait] tuer a glai »45.
Ainsi le « buen Julius Cesar »~ devient « Cesar le fer », « le faus desloial », « le desloiaus », « le cruaus »". Toutes ces désignations sont des ajouts au texte source48, et l'attitude blâmable de César contraste alors avec l'héroïsme de Pompée qui est associé à la vertu. Autant César est cynique, autant Pompée pense et agit en fonction d'une éthique. Les deux personnages s'opposent de façon radicale et si le premier ne manifeste ni « tendror ne pieté ni sospir / De revenir li tas des mors au camps jaisir »49, le second déplore l'absurdité d'une lutte fratricide, qui apportera, quelle que soit son issue, des motifs de tristesse
« Qe bien qe nous vencons, nos remarons dolant, Qe nous aurons tué nous freres, nous parant
[...]
Qe çoie doit avoir nul home conoisant,
Quand il vexa le per jotrer a suen enfant,
E l'un fier enver l'autre ferir de mautalant ? »50
C'est la raison pour laquelle Pompée tente d'ajourner le combat malgré les reproches de Cicéron qui l'accuse de faiblesse et de lâcheté51
Attentif aux rapports de force, ce sage conseiller se fait porte-parole des Pompéiens désireux d'en découdre avec l'adversaire52 et prédit une victoire rapide parce que César et les siens sont en infériorité numérique : « Plus de cent somes là ou celor sont troi »53, dit-il. Mais Pompée estime qu'une bataille est toujours risquée54 et il espère réduire l'ennemi sans avoir à employer les armes car les vivres
44 Pharsale, v. 1727 et 1730.
45 Pharsale, v. 1487-1488.
46 Pharsale, v. 10.
47 Pharsale, respectivement v. 2488, 2515, 2678, 2680.
48 La première et la deuxième occurrence n'ont pas de correspondance, ni dans le § 10, p. 513, ni dans le § 11, p. 514. Les occurrences 3 et 4 sont des gloses du simple « Cesar » du § 13, p. 555,1. 32 et 33.
49 Pharsale, v. 2020-2021.
so Pharsale, v. 547-548 et 554-556. Voir également, pour des dénonciations de la guerre civile par le narrateur, les v. 612-614, 900-901, 1018-1022, 1268-1269, 1969-1970, 1993-1994 et
2007.
51 Pharsale, v. 440 et 449-450.
sz Pharsale, v. 394-395.
53 Pharsale, v. 434.
54 Pharsale, v. 507.
31045 Pharsale, v. 1487-1488.
46 Pharsale, v. 10.
47 Pharsale, respectivement v. 2488, 2515, 2678, 2680.
48 La première et la deuxième occurrence n'ont pas de correspondance, ni dans le § 10, p. 513, ni dans le § 11, p. 514. Les occurrences 3 et 4 sont des gloses du simple « Cesar » du § 13, p. 555,1. 32 et 33.
49 Pharsale, v. 2020-2021.
so Pharsale, v. 547-548 et 554-556. Voir également, pour des dénonciations de la guerre civile par le narrateur, les v. 612-614, 900-901, 1018-1022, 1268-1269, 1969-1970, 1993-1994 et
2007.
51 Pharsale, v. 440 et 449-450.
sz Pharsale, v. 394-395.
53 Pharsale, v. 434.
54 Pharsale, v. 507.
lui font défaut55. Ainsi, son ambition combine pragmatisme militaire et idéal moral puisque l'efficacité de la stratégie envisagée permettrait non seulement de l'emporter, mais encore de vaincre « sens bataille »56, « sens perdre mie de sang »57. Le désir d'épargner toute vie humaine est d'autant plus fort que les combattants appartiennent tous à la même cité, et parfois à la même famille C'est pourquoi Pompée
[...] eslonçoit [l'estor], qar au cef derean
Cuidoit bien sozmetre [Cesar] sens mort d'orne mondan.
Qar ja ne voloit mie — cescun en soit certan — Conduir amort ses homes në anc li alian, Qar fuit erent de Rome e parant mout proçan E por tant li voloit saover le cevetan.58
Exerçant cette prudence vertueuse, Pompée fait preuve d'une sagesse qui, bien qu'éloignée des archétypes démesurés de l'héroïsme épique, caractérise nombre de héros des chansons franco-italiennes, y compris ceux que la tradition des chansons de geste caractérisait par leur emportement et leur manque de modération.
Mais dans le cas de Pompée, la modération de l'énergie belliqueuse n'est pas le simple signe d'une sagesse nouvelle, propre à l'humanisme naissant de l'Italie du « Trecento ». Au contraire, la recherche de la bonne mesure, qualité morale, implique aussi une forme de « médecine politique »59, en ce qu'elle apparaît comme un remède contre la discorde, cette maladie civique qui fragilise les cités. Dès lors, l'opposition morale entre un César emporté et irascible et un Pompée pondéré et prudent se double d'une opposition politique et n'est pas sans quelques similitudes avec la doctrine marsilienne de la cité où l'anthropologie des passions sert de fondement à l'élaboration d'une science politique, parce que « médecine et politique portent toutes deux sur l'étude du vivant et sont des sciences destinées à recevoir une application concrète dans le domaine pratique »60.
Au-delà des considérations éthiques et morales, la volonté d'éviter le combat s'interprète ainsi comme une tentative de sauvegarde de la paix civile, la guerre n'étant que le résultat de la « descordance / Da Cesar a Pompiu, ou fu si grand
ss pharsale, v. 499-504.
se Pharsale, v. 506.
57 Pharsale, v. 498.
sa Pharsale, v. 58-63. Voir aussi les v. 496-507.
sv Sur les rapports entre la biologie et le politique, voir D. Ottaviani, « Le paradigme de l'embryon au Moyen Âge », Astérion, 1, 2003, p. 44-54 ; id., « Le peuple en puissance, Marsile de Padoue », De la puissance du peuple, I, La démocratie de Platon à Rawls, Pantin, Publications du GEMR-Le temps des cerises, 2000, p. 43-55 ; id., « L'intellectuel et le politique : de Dante à Marsile de Padoue », Le philosophe, le sage et le politique, De Machiavel aux Lumières, Saint-Étienne, Presses de l'Université de Saint-Étienne, 2002, p. 13-32.
60 D. Ottaviani, « L'intellectuel et le politique », p. 27.
311se Pharsale, v. 506.
57 Pharsale, v. 498.
sa Pharsale, v. 58-63. Voir aussi les v. 496-507.
sv Sur les rapports entre la biologie et le politique, voir D. Ottaviani, « Le paradigme de l'embryon au Moyen Âge », Astérion, 1, 2003, p. 44-54 ; id., « Le peuple en puissance, Marsile de Padoue », De la puissance du peuple, I, La démocratie de Platon à Rawls, Pantin, Publications du GEMR-Le temps des cerises, 2000, p. 43-55 ; id., « L'intellectuel et le politique : de Dante à Marsile de Padoue », Le philosophe, le sage et le politique, De Machiavel aux Lumières, Saint-Étienne, Presses de l'Université de Saint-Étienne, 2002, p. 13-32.
60 D. Ottaviani, « L'intellectuel et le politique », p. 27.
pusance »61. Cette discorde, que Nicolas de Vérone mentionne dans le prologue, apparaît comme antérieure au conflit et s'avère le point de départ de l'action. Lors de la séance de nigromance pratiquée par Erichto sur demande de Sextus, le fils de Pompée, l'esprit consulté par la sorcière défmit aussi cette discorde comme l'origine de tous les maux
Li Romains trepasé font entr'aus grand tençon Por Cesar, por Pompiu ch'en tel descordeixon Ont mis tout li Romeins, ond n'i auront garison : Qar pers e fils e freres s' oncirent, ce savon 62
Le premier dommage est de faire s'entretuer des Romains, la notion de fratricide vient plus tard. Dans la Pharsale franco-italienne, tout comme dans les cités-États du « Trecento », les conflits internes sont donc source de la faiblesse des villes libres qui doivent affronter le chaos de la division. De même que Dante déplore, dans sa Commedia, que Florence soit divisée à cause de la discorde qui l'assaille, Nicolas de Vérone dépeint un Pompée soucieux d'assurer et de penser la paix civile.
Assurément, le contexte politique troublé des années 1340 influence le poète dans sa réécriture et sa réinterprétation des Fet des Romains et les personnages, tels que Nicolas de Vérone les décrit, s'éloignent parfois de ce qu'ils étaient dans la compilation française. De la sorte, si César et Pompée sont présentés comme des « ducs » ou des « chevaliers »dans la chronique historique, luttant l'un pour obtenir le pouvoir, l'autre pour empêcher que le premier ne l'obtienne`, le trouvère franco- italien distingue les deux protagonistes et abandonne toute appellation commune, de même qu'il évite les termes exclusivement féodaux inappropriés à l'Italie du Nord. César n'est plus désigné que par son simple patronyme et Pompée est systématiquement qualifié de « prince »~.
Cette dénomination, strictement réservée au héros vaincu de cette épopée, n'est sans doute pas fortuite et induit une certaine interprétation du personnage. « Prince de Rome »67, Pompée est également « senator roman »68 et « romain campion »69. Il est entièrement dévoué à la cause qu'il défend et se déplace sous la
61 Pharsale, v. 38-39.
62 Pharsale, v. 264-267.
~ Dans le troisième cercle de l'Enfer, Dante définit Florence comme la « città partita » et demande au damné Ciacco s'il connaît la « cagione /per che l'ha tanta discordia assalita », Dante, La Divina Commedia, Inferno, VI, 61 et 63. Selon le poète, le manque de concorde est la cause de l'échec de l'Empire
64 Li Fet des Romains, p. 517, 1. 23-24 : « Cesar et li soen se conbatoient por regnier ; Pompee et li soen, que cil ne reignassent ».
~ Pharsale, v. 1130.
~ Pharsale, v. 383, 824, 1512, 2191, 2197, 2319, 2379, 2449, 2457, 2545, 3002, 3160...
67 Pharsale, v. 2995.
68 Pharsale, v. 2135.
69 Pharsale, v. 2933.
31262 Pharsale, v. 264-267.
~ Dans le troisième cercle de l'Enfer, Dante définit Florence comme la « città partita » et demande au damné Ciacco s'il connaît la « cagione /per che l'ha tanta discordia assalita », Dante, La Divina Commedia, Inferno, VI, 61 et 63. Selon le poète, le manque de concorde est la cause de l'échec de l'Empire
64 Li Fet des Romains, p. 517, 1. 23-24 : « Cesar et li soen se conbatoient por regnier ; Pompee et li soen, que cil ne reignassent ».
~ Pharsale, v. 1130.
~ Pharsale, v. 383, 824, 1512, 2191, 2197, 2319, 2379, 2449, 2457, 2545, 3002, 3160...
67 Pharsale, v. 2995.
68 Pharsale, v. 2135.
69 Pharsale, v. 2933.
« aute ensegne romaine »70 qui proclame, en lettres d'or, la souveraineté du Sénat et du Peuple
A quatres letres d'or, qe font la gient certaine Qe celle est l'ensagne a la cité sovraine ;
Des aigles sens corones avoit li bande plaine."
L'opposition aux aspirations impériales de César n'en est que plus manichéenne et Pompée apparaît comme un fervent partisan de la République.
Jouissant d'une aura particulière, le prince tel que Pompée l'incarne fait l'objet d'une description en tous points positive. Mais le « noble cevetans »72 dont le poète fait l'apologie n'est princeps ni par onction, ni par nature, ni par lignée : il a été « esleü »" par le peuple qui l'a distingué parmi d'autres. C'est ce que rappellent les habitants de Mytilène au héros déchu : « tu eres esli / A prince sor li autres »", comme l'avait été, en son temps, Marius, après son retour de Libye : « tot le comun de Rome le esli /por consoil e por sir sor tous signori »75.
Cette référence à un système électif, trois fois présente dans la Pharsale, ne provient pas des Fet des Romains qui n'évoquent jamais l'élection des chefs romains Le Pompée franco-italien apparaît dès lors tout autant comme l'incarnation de la République romaine antique que comme l'image idéale d'un « signore », d'un prince, choisi non pour son intérêt personnel mais pour le bien de la cité. Il ne doit sa position de princeps qu'à sa charge et non pas à sa personne.
Élu, Pompée est investi d'une mission : se battre, comme son cri de guerre en témoigne, pour « la franchise de Rome »76. Dès le début du poème, Cicéron rappelle sans ambigiüté son rôle à Pompée
« Nous ne t'avons esleü a retor
Por tuen bien propie, mes seulxnant por l'onor Dou franc comun. »"
De la même façon que le général romain est choisi par la cité, par le « comun de Rome »7e, il est au service de cette entité abstraite et pourtant supérieure que les penseurs politiques du « Trecento »appellent le « popolo ».
C'est que la thèse populiste et le concept de souveraineté populaire, qui implique la nécessité du consentement citoyen79, sont largement répandus en Italie
70 Pharsale, v. 632.
" Pharsale, v. 634-636.
72 Pharsale, v. 378. " Pharsale, v. 455.
74 Pharsale, v. 2401-2402.
75 Pharsale, v. 2631-2632.
76 Pharsale, v. 874, 1459, 1487...
"Pharsale, v. 455-457.
7e Pharsale, v. 2631.
79 Voir à ce sujet J.-H. Burns, Histoire de la pensée politique médiévale, p. 334.
313" Pharsale, v. 634-636.
72 Pharsale, v. 378. " Pharsale, v. 455.
74 Pharsale, v. 2401-2402.
75 Pharsale, v. 2631-2632.
76 Pharsale, v. 874, 1459, 1487...
"Pharsale, v. 455-457.
7e Pharsale, v. 2631.
79 Voir à ce sujet J.-H. Burns, Histoire de la pensée politique médiévale, p. 334.
du Nord, tant dans les textes80 que dans les faits, les cités lombardes s'émancipant de la tutelle de l'empereur dès le XIIIe siècle81. Le canoniste Hostiensis reconnaît par exemple, sans l'approuver, ni le réprouver
Unde et haec iura collegiorum, sive corporum, vigent in civitatibus potissime Lombardiae, quae etsi dominum habent, ipsum tamen non, ut expediret reipublicae, recognoscunt, sicut nec rex Franciae.82
L'idée d'élection, qui s'accompagne d'une remise en question des principes héréditaires83, est acquise dans les « Comuni » indépendantes. Pour le juriste Bartolus, la souveraineté des cités-républiques s'explique dès lors que l'on admet que la volonté du peuple peut remplacer la volonté d'un supérieur : civitas Bibi princeps est84.
Ainsi, les deux façons d'envisager le pouvoir développées dans la Pharsale, qui se répondent et s'opposent symétriquement, rappellent les deux principales conceptions du politique en Italie au XIVe siècle :l'ambition impériale de César, véhiculée par la légende héroïque du personnage, est réactualisée par Nicolas de Vérone et condamnée face au républicanisme de Pompée qui est plus proche de la doctrine marsilienne de la cité. Comme l'explique D. Ottaviani, pour les théoriciens du « Trecento »
il ne s'agit plus de penser le meilleur régime possible pour tous les hommes mais bien plutôt de faire face, dans l'urgence, au vide politique existant [...]. La puissance impériale semble la seule à pouvoir restaurer la paix, la tranquillité politique, dans une Italie ravagée par les guerres, mais cela ne veut pas dire que le pouvoir de l'Empereur soit le meilleur dans l'absolu. Certes, l'empire est une unité et permet en tant que tel d'apaiser les discordes politiques, mais Marsile n'est pas Dante et pour lui c'est le peuple qui est la source véritable de l'autorité politique et non l'Empereur.85
Dès lors, le conflit entre César et Pompée, tel qu'il apparaît dans la Pharsale franco- italienne, s'apparente à un conflit idéologique :pour lutter contre la discorde, César
80 Voir par exemple, Marsile de Padoue, Le Défenseur de la paix, I, 9, 7, et I, 16, p. 94-95 et
99.
81 Dans La Prise de Pampelune de Nicolas de Vérone, épopée carolingienne, les Lombards obtiennent de Charlemagne (v. 339-381) un affranchissement et des libertés qui rappellent celles obtenues lors des pactes de Constance de 1183. Voir à ce sujet C. Lelong, L'ceuvre de Nicolas de Vérone : Intertextualité et création dans la littérature épique franco-italienne du XII siècle, Paris, Champion, 2012, p. 110-114.
82 Hostiensis, Lectura in V decretalium libros, ad X, 1, 31, 3, fol. 147x, cité par J.-H. Burns, Histoire de la pensée politique médiévale, p. 443.
83 Au sujet de l'hérédité du pouvoir dans les épopées franco-italiennes, voir C. Lelong, L'ceuvre de Nicolas de Vérone, p. 296-306 et H. Krauss, Epica feudale e pubblico borghese, p. 105-129 et 209-215.
84 Bartolus, cité par J.-H. Burns, Histoire de la pensée politique médiévale, p. 444.
as D. Ottaviani, « L'intellectuel et le politique : de Dante à Marsile de Padoue », p. 27.
31499.
81 Dans La Prise de Pampelune de Nicolas de Vérone, épopée carolingienne, les Lombards obtiennent de Charlemagne (v. 339-381) un affranchissement et des libertés qui rappellent celles obtenues lors des pactes de Constance de 1183. Voir à ce sujet C. Lelong, L'ceuvre de Nicolas de Vérone : Intertextualité et création dans la littérature épique franco-italienne du XII siècle, Paris, Champion, 2012, p. 110-114.
82 Hostiensis, Lectura in V decretalium libros, ad X, 1, 31, 3, fol. 147x, cité par J.-H. Burns, Histoire de la pensée politique médiévale, p. 443.
83 Au sujet de l'hérédité du pouvoir dans les épopées franco-italiennes, voir C. Lelong, L'ceuvre de Nicolas de Vérone, p. 296-306 et H. Krauss, Epica feudale e pubblico borghese, p. 105-129 et 209-215.
84 Bartolus, cité par J.-H. Burns, Histoire de la pensée politique médiévale, p. 444.
as D. Ottaviani, « L'intellectuel et le politique : de Dante à Marsile de Padoue », p. 27.
désire être « sire dou moud » 86 alors que Pompée « per Romeins moroit »e'. Si César ne déplore jamais les implications morales de la guerre civile qui l'oppose à celui avec qui il était auparavant allié au sein du triumvirat, c'est que cette discorde le sert et lui permet d'assouvir son ambition personnelle. À l'inverse, Pompée est au service du peuple et défend « l'onor de la cité »88 en tentant de réduire les conflits et les divisions.
La Pharsale de Nicolas de Vérone utilise ainsi la stéréotypie propre au genre épique pour célébrer, à travers la peinture héroïque de Pompée, un type de « contrat social »89 défini comme une certaine liberté de s'associer, y compris pour des hommes étrangers les uns aux autres. Cette forme d'État médiéval, envisagé comme ceuvre de l'art humain en ce qu'elle ne repose pas sur des liens purement naturels ou héréditaires90, s'oppose à une conception du pouvoir impérial longtemps envisagé comme seul garant de la paix universelle91, et rappelle le gouvernement des villes nord-italiennes du XIVe siècle. De la même façon que Marsile de Padoue se détache d'une vision idéaliste de l'empire, notamment dans la prima dictio du Defensor Pacis de 1324, pour concentrer son étude sur la manière dont les peuples se donnent eux-mêmes les gouvernants qui leur conviennent93, Nicolas de Vérone se détache de la figure légendaire et exemplaire de César pour célébrer l'idéal politique simplement humain d'un gouvernement autonome dont le pouvoir n'est plus assujetti à une quelconque transcendance divine, mais provient directement du
86 Pharsale, v. 1408.
87 Pharsale, v. 2995.
88 Pharsale, v. 1490.
a9 J. Quillet, Les Clés du pouvoir au Moyen Âge, Paris, Flammarion, 1972, p. 159.
90 J. Quillet distingue ce pacte social du simple naturalisme qui désigne la tendance à une organisation sociale des hommes liés par des liens purement naturels. Cette idée se retrouve aussi bien chez Marsile de Padoue que, plus tard, chez Nicolas de Cues. Voir Les Clés du pouvoir au Moyen Âge, p. 159-164.
91 Cette vision de l'empire comme garant de la paix universelle, que l'on retrouve chez Dante, dans le De Monarchia (I, 2, § 7 et I, 4, § 2), est classique au Moyen Âge depuis la chronique de Sigebert de Gembloux. Au sujet de la pax universalis chez Dante, voir T. Ménissier, L'Idée d'empire dans la pensée politique, historique, juridique et philosophique, Paris, L'Harmattan-Université Pierre Mendès France, 2006, p. 81-96. Voir également M. Chazan, L'Empire et l'histoire universelle de Sigebert de Gembloux à Jean de Saint-Victor (Xlle XI[~ siècles), Paris, Champion, 1999, qui évoque cette « vision de l'histoire du monde où la mission de l'empereur est d'établir et de préserver la paix universelle, où l'empire est le garant de la survie du monde », p. 27. (p. 10-30 : l'idée d'empire au Moyen Âge). Rédigée pendant la querelle des Investitures, la chronique de Sigebert de Gembloux est fréquemment reprise entre le XIIe et le XIVe siècle par les historiens qui rédigent eux-mêmes des chroniques et envisagent tous l'empire romain comme « universel, providentiel et légitime » (p. 440).
~ Marsile de Padoue, Le Défenseur de la paix, prima dictio, chap. XVI, p. 143-147.
93 Au sujet de cette vision du pouvoir chez Marsile de Padoue, voir D. Ottaviani, « Le pape et l'empereur », Erytheis, 3, http://idt.uab.es/erytheislnuero3/ottavii.htrnl, Septembre 2008.
31587 Pharsale, v. 2995.
88 Pharsale, v. 1490.
a9 J. Quillet, Les Clés du pouvoir au Moyen Âge, Paris, Flammarion, 1972, p. 159.
90 J. Quillet distingue ce pacte social du simple naturalisme qui désigne la tendance à une organisation sociale des hommes liés par des liens purement naturels. Cette idée se retrouve aussi bien chez Marsile de Padoue que, plus tard, chez Nicolas de Cues. Voir Les Clés du pouvoir au Moyen Âge, p. 159-164.
91 Cette vision de l'empire comme garant de la paix universelle, que l'on retrouve chez Dante, dans le De Monarchia (I, 2, § 7 et I, 4, § 2), est classique au Moyen Âge depuis la chronique de Sigebert de Gembloux. Au sujet de la pax universalis chez Dante, voir T. Ménissier, L'Idée d'empire dans la pensée politique, historique, juridique et philosophique, Paris, L'Harmattan-Université Pierre Mendès France, 2006, p. 81-96. Voir également M. Chazan, L'Empire et l'histoire universelle de Sigebert de Gembloux à Jean de Saint-Victor (Xlle XI[~ siècles), Paris, Champion, 1999, qui évoque cette « vision de l'histoire du monde où la mission de l'empereur est d'établir et de préserver la paix universelle, où l'empire est le garant de la survie du monde », p. 27. (p. 10-30 : l'idée d'empire au Moyen Âge). Rédigée pendant la querelle des Investitures, la chronique de Sigebert de Gembloux est fréquemment reprise entre le XIIe et le XIVe siècle par les historiens qui rédigent eux-mêmes des chroniques et envisagent tous l'empire romain comme « universel, providentiel et légitime » (p. 440).
~ Marsile de Padoue, Le Défenseur de la paix, prima dictio, chap. XVI, p. 143-147.
93 Au sujet de cette vision du pouvoir chez Marsile de Padoue, voir D. Ottaviani, « Le pape et l'empereur », Erytheis, 3, http://idt.uab.es/erytheislnuero3/ottavii.htrnl, Septembre 2008.
« comun de Rome »94 et de son élection. Sans avoir de prétention impériale, Pompée se présente comme défenseur de la paix.
Chloé Lelong CIHAM —Université Lumière Lyon II
94 Pharsale, v. 2631.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-8124-2934-7
- EAN: 9782812429347
- ISSN: 2273-0893
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-8124-2934-7.p.0303
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 06-23-2014
- Periodicity: Biannual
- Language: French