Foreword
- Publication type: Journal article
- Journal: Bulletin de la Société Paul Claudel
2022 – 3, n° 238. Claudel et l'intime - Authors: Mayaux (Catherine), Nantet (Marie-Victoire)
- Pages: 11 to 11
- Journal: Bulletin of the Paul Claudel Society
AVANT-PROPOS
Claudel s’est explicitement défié de toute démarche qui ciblerait le moi, qu’il s’agisse d’approfondir la connaissance de soi ou d’explorer les cryptes de la psyché. Outre que l’écrivain s’inscrirait alors dans la mouvance d’un romantisme dont il dénigre les effets, cela le détournerait de son engagement chrétien. Seul Dieu mérite qu’on en approfondisse la connaissance. Il a de ce fait souvent affiché son mépris pour l’exhibition de soi, son refus de l’introspection ou de la psychanalyse. Pourtant l’œuvre est là, ses pièces Partage de Midi et LeSoulier de Satin absorbent et réfractent une histoire très intime ; ses entretiens avec Jean Amrouche publiés dans Mémoires improvisés apportent des confidences et récits personnels qui se retrouvent dans son Journal. Aussi pourquoi ne pas ouvrir un contre-champ dans l’approche du poète et dramaturge : n’a-t-il pas lui-même découvert stupéfait, avec le recul du temps, combien sa toute première pièce Tête d’Or l’exposait à nu ? L’intimité de Claudel se partage et circule entre plusieurs personnages ou figures, plusieurs formes et plusieurs cycles de textes, qui ne nécessitent pas l’emploi du Je. La forme épique du Soulier de Satin ne magnifie-t-elle pas l’amour humain comme l’amour divin – réellement éprouvés – ? Le Journal dévoile, au-delà des notations d’actualité familiale ou politique, une intimité en Dieu, fruit d’une lecture quotidienne de la Bible ; tout comme l’œuvre exégétique devient le lieu même où se creuse l’intériorité spirituelle. Si les confesseurs comme la confession ont joué un rôle important dans sa vie de catholique attaché au sacrement de pénitence, ses correspondances, notamment celles avec Massignon, Françoise de Marcilly ou avec Marie Romain Rolland, dévoilent les soucis les plus enfouis de sa vie et de son âme. Les études qui suivent dégagent le portrait d’un Claudel dénué d’égotisme, né du regard actif qu’il a porté sur lui-même.
Catherine Mayaux
et Marie-Victoire Nantet