Nécrologie
- Publication type: Journal article
- Journal: Bulletin de la Société Paul Claudel
2013 – 3, n° 211. Correspondance Paul Claudel - José María Sert - Pages: 121 to 124
- Journal: Bulletin of the Paul Claudel Society
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NÉCROLOGIE
CHRISTELLE BRUN
(1968-2013)
Elle avait la figure d’un ange, cet ange s’en est allé, cet ange nous a quittés, nous laissant orphelins… en amitié. Christelle était lorraine comme le sont les Claudel. La fidélité au poète et à son œuvre la nourrissait, faisait qu’elle était engagée à nos côtés, exerçant ses nombreux talents, initiant et menant à bien mille et un projets pour lesquels elle était toujours partante, toujours vaillante.
Animée d’un enthousiasme qui entraînait tous les cœurs après elle, elle avait une connaissance intime du théâtre pour lequel elle se passionnait. Sa foi chrétienne, chevillée au corps, lui procurait le courage qui faisait notre admiration et lui donnait une vive et universelle présence dans notre Société : elle était de toutes les manifestations claudéliennes à Brangues comme à Paris, ou même à Hostel, il y a peu de temps encore, pour La Cantate à trois voix.
Elle faisait face à tout ne laissant rien échapper de ses possibilités, sans jamais négliger l’essentiel.
Elle a commencé à nous manquer. Nous lui disons tous merci pour son immense joie de vivre. Elle était la vie même, faisant sienne la parole de Sainte Jeanne de Chantal : « Seigneur, mettez mon âme en liberté dans la Paix et le Calme ».
Rappelons, en quelques dates, son destin exceptionnel.
Née à Nancy en 1968, elle était littéraire, de goût et de formation. Surmontant l’obstacle que sa santé lui opposait, elle est reçue en 1995 au Capes de lettres modernes. Mais elle avait déjà, quatre ans plus tôt, obtenu à l’université Paris IV – Sorbonne sa maîtrise de littérature française avec l’édition critique de la correspondance entre Paul Claudel et Ève Francis.
En 2001, à la même université, elle soutenait avec la mention Très Honorable et les félicitations du jury, sa thèse de doctorat d’État intitulée : Paul Claudel et le monde germanique.
Sa carrière professionnelle a été riche et variée, en France comme en Allemagne. Elle était depuis 2005 chargée d’enseignement à l’Institut Catholique de Paris.
De ses nombreux ouvrages et articles, conférences et colloques, les claudéliens se souviendront : ils regretteront toujours le colloque qu’elle projetait avec l’université de Picardie sur : « Claudel et l’Histoire ».
François Claudel
et Michel Autrand
JAMES LAWLER
(1929-2013)
La disparition de James Lawler, à la fin du mois de juillet 2013, a plongé ses amis, et ils étaient nombreux, dans la douleur. Certes, nous le savions souffrant depuis quelque temps, et il avait dû renoncer à poursuivre son activité intense et inégalable de président de la Société des Amis d’Arthur Rimbaud, tout en suivant activement les réunions et le bulletin de cette association.
Ce n’est pourtant pas Rimbaud d’abord qui nous a réunis. Mon premier contact intellectuel avec James Lawler date de la lecture de son livre remarquable sur Charmes de Valéry. Professeur au Prytanée militaire de la Flèche, de 1963 à 1965, pour mon premier poste d’agrégé, j’avais en charge la préparation des épreuves de français pour les candidats au concours d’entrée à l’École Polytechnique. Le recueil de Valéry était au programme. L’ouvrage de James Lawler fut ma source principale et il est resté pour moi un livre de chevet.
Nommé à la rentrée d’octobre 1965 assistant à la Sorbonne, j’engageai avec passion mes travaux pour les deux thèses pour le doctorat d’État que je soutins en mars 1970 : Orientation britannique chez Claudel, et l’édition critique de la première version de L’Échange. Je bénéficiai de l’hospitalité inégalable de Madame Claudel et de son fils Pierre
dans l’appartement du boulevard Lannes, où se trouvaient alors les Archives, en particulier l’indispensable Journal, encore inédit à cette date. Dans la pièce de travail qui était réservée aux chercheurs, je fis la connaissance de James Lawler en personne qui, claudélien fervent, travaillait à ses propres recherches. Il restera à en faire le bilan dans un autre bulletin.
Nous nous retrouvâmes à Washington quelque temps plus tard, à l’occasion d’un colloque Claudel à l’Université Catholique. James Lawler, né en Australie, était professeur de littérature française à l’université de Chicago. Il fut pour moi un guide et un initiateur indispensable dans ce vaste pays où je n’avais guère fait que passer, en 1971, pour me rendre à Ottawa.
Vers la fin de sa carrière à l’université de Chicago, James fit de longs séjours professionnels au Japon, pays d’élection pour un claudélien, et il y accomplit un travail exemplaire en faveur de l’écrivain-ambassadeur auquel il demeurait fidèle.
Mais James Lawler n’était pas homme à s’enfermer dans le culte d’un seul auteur, qu’il fût Claudel ou Valéry. Son culte de la poésie s’étendait aux contemporains, en particulier à Yves Bonnefoy, avec qui il entretint une amitié exemplaire. Il le retrouva au Collège de France, quand il y fut invité comme professeur associé. Il le fréquenta assidûment à Paris, quand il choisit notre capitale comme lieu de résidence. Yves Bonnefoy, dont nous avons célébré en juin le 90e anniversaire, a assisté aux obsèques de James le lundi 5 août, au cimetière du Père-Lachaise, où ses deux enfants, Ariane et Jérôme étaient présents, et où « le prêche du frère missionnaire fut de haute tenue, accompagné d’une belle musique, le tout dans le silence et le respect » (je cite le témoignage d’une amie commune, le docteur Jacqueline Fournout-Bonnet à qui, quelques jours plus tôt, le 10 juillet, James Lawler adressait une lettre très émouvante qu’elle a bien voulu me communiquer).
Rimbaud, plus que Claudel peut-être, a été au centre de l’activité intellectuelle de James Lawler dans ses dernières années. Mais comment les séparer ? Comme ce fut le cas pour moi l’étude de Claudel avait conduit James vers Rimbaud, comme celle de Rimbaud l’avait rapproché encore davantage d’Yves Bonnefoy. Ce grand savant refusa la spécialisation pure, trop souvent réductrice. Il fut toujours en quête de correspondances, de filiations, dans cet esprit comparatiste qui n’a cessé de nous rapprocher et dont témoignent en particulier ses travaux sur l’influence exercée par Edgar Poe sur
les écrivains français : Baudelaire, Mallarmé et, encore une fois, Paul Claudel lui-même.
Avec James Lawler nous avons perdu un esprit d’une rare pénétration et d’une rare étendue, un homme de cœur et un ami exceptionnel.
Pierre Brunel
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-8124-2090-0
- EAN: 9782812420900
- ISSN: 2262-3108
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-8124-2090-0.p.0121
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 01-17-2014
- Periodicity: Four-monthly
- Language: French