Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Barbey d’Aurevilly et le romantisme
- Pages : 401 à 405
- Collection : Rencontres, n° 585
- Série : Études dix-neuviémistes, n° 61
RÉSUMÉS
Mathilde Bertrand, Pierre Glaudes et Élise Sorel, « Introduction »
« Un attardé du romantisme », c’est ainsi qu’un critique qualifie Barbey d’Aurevilly en 1902, relevant dans son œuvre tous les symptômes de la folie romantique : imagination déréglée, passion excessive, goût de l’étrange et du satanique. De fait, son œuvre est marquée par l’esprit du premier romantisme, tourmentée par le mal du siècle et les orages de l’Histoire. Barbey ne défend cependant pas toujours le romantisme. Il dénonce ses dérives matérialistes qui préparent le triomphe du réalisme.
Pierre Glaudes, « Barbey d’Aurevilly et l’imagination »
Dans quelle mesure Barbey participe-t-il à la réévaluation du rôle de l’imagination par le romantisme ? Sa conception de cette faculté est d’abord informée par les puissants effets, tantôt néfastes, tantôt féconds, que celle-ci produit sur son moi. Tout en lui reconnaissant une vertu créatrice, il lui fixe des bornes au nom d’une conception de la littérature enracinée dans la théologie de l’incarnation, qu’il démarque des « dépravations » de l’imagination romantique.
Alain Vaillant, « Barbey d’Aurevilly le polémiste. Grandeur et décadence du rire romantique »
Chez Barbey, l’ironie du critique contraste avec la gravité du romancier. Si elle participe de la satire généralisée propre à l’espace médiatique de son temps, son écriture polémique ne relève pas pour autant du rire moderne, avatar désenchanté de l’idéal syncrétique du rire romantique. Chez Barbey, le comique est un instrument rhétorique au service de l’idéologie conservatrice qu’il partage avec tous les catholiques contre-révolutionnaires de son siècle.
402Frédérique Marro, « La lettre aurevillienne. Un portrait de l’artiste en romantique ? »
L’honnêteté classique est bien souvent le fondement de la correspondance de Barbey avec Trebutien notamment. La lettre est conversation par écrit et répond aux exigences de l’urbanité classique. Le romantisme opère un changement de paradigme : le dialogue épistolaire le cède au monologue d’une âme tourmentée. La lettre aurevillienne n’échappe pas à cet épanchement égotique : spleenétique et ironique, l’épistolier se rêve en Lord Byron et se construit un ethos romantique.
Élise Sorel, « Influence du romantisme sur la conception de la noblesse aurevillienne »
À rebours du mouvement historique conduisant certains écrivains à envisager une nouvelle aristocratie spirituelle sur le modèle de l’ancienne noblesse, en reprenant quelques-unes de ses prérogatives, il semble que le romantisme permette inversement à Barbey d’Aurevilly de porter un regard nouveau sur l’ancienne noblesse, qu’il avait mise à distance dans sa jeunesse, et de renouer ainsi avec les traditions aristocratiques de sa famille.
Marie-Catherine Huet-Brichard, « Barbey, Hugo, et l’École de 1830 »
Dans les articles des Œuvres et des Hommes, Barbey d’Aurevilly évoque à maintes reprises l’école de 1830, cette école qui prit forme autour de Victor Hugo à la fin des années 1820. À partir de ce moment miraculeux où, à ses yeux, la poésie s’est incarnée dans toute sa plénitude, il construit une sorte de grand récit. Si celui-ci gauchit quelque peu la vérité littéraire et historique, il a le mérite de désigner le responsable des espoirs détruits : Victor Hugo.
Aurélie Foglia, « Lamartine par Barbey d’Aurevilly. “Un poète sans littérature” »
Barbey célèbre Lamartine pour avoir révolutionné la poésie française tout en se tenant à l’écart des batailles littéraires de l’école romantique dont Hugo fut le fer de lance. Lamartine a le premier rompu avec la logique de l’imitation en n’écoutant que son cœur et son âme, laissant aux autres les artifices de la forme et les mensonges de la matière. Atemporelle et androgyne, sa poésie 403confond les âges antique et moderne et pose la « question peu classique du sexe des poètes ».
Sylvain Ledda, « “Byron de France”, le Musset de Barbey »
Alfred de Musset est le « poète de la jeunesse », aux yeux d’un Barbey nostalgique. « Byronien de nature » et non d’imitation, il lui apparaît comme un poète original, moderne, souffrant et désenchanté. Pas plus que Baudelaire, Musset ne peut échapper au christianisme cependant : âme du romantisme, passionné et douloureux, tel un « bois de lilas foudroyé », il n’est pas le matérialiste auquel on l’a parfois réduit.
Mathilde Bertrand, « Jules Barbey d’Aurevilly et Théophile Gautier, “chevaliers du néant” »
Barbey dénonce en Théophile Gautier un poète de la forme et de la matière, suppôt de l’art pour l’art, auquel il oppose sa défense de l’âme romantique et de l’inspiration chrétienne. Dans ses romans et nouvelles, Barbey fait montre cependant d’une hardiesse et d’un sens de la beauté qui font de lui un frère du poète qu’il condamne, défenseur de l’autonomie de l’art et de la littérature pure et à ce titre un modèle d’aristocrate des Lettres pour la jeunesse esthète de la fin du siècle.
Émilie Pézard, « Barbey d’Aurevilly et le romantisme frénétique »
La violence et l’intensité de l’œuvre aurevillienne évoquent le romantisme frénétique. Cet article examinera d’éventuelles sources intertextuelles (chez A. Karr et F. Soulié), ainsi que la poétique de l’horreur, ses enjeux et sa fonction. Si Le Cachet d’onyx est exemplaire de la mode frénétique alors contemporaine, Un prêtre marié est plus ambivalent : la frénésie y est domptée par la religion, mais on y observe une poétique du dévoilement fondée sur le vrai et non sur le vraisemblable.
Julie Anselmini, « Barbey d’Aurevilly et les “rois” du roman-feuilleton romantique »
Confronté à ce phénomène majeur de l’époque romantique qu’est le roman-feuilleton et la querelle qu’il suscite, Barbey d’Aurevilly juge sévèrement ce 404« fléau » et ses auteurs (Dumas, Soulié, Sue et Féval notamment). Les arguments qui fondent cette condamnation sont d’ordre esthétique, mais aussi moral et idéologique.
Florence Naugrette, « “Ce Spartacus du drame romantique”. Barbey admirateur de Frédérick Lemaître »
Barbey professe le plus profond mépris pour le théâtre contemporain. Il admire en revanche les acteurs qui sauvent les pièces en les interprétant et en deviennent alors les vrais auteurs. C’est particulièrement le cas de Frédérick Lemaître, « génie du jeu » et « du geste » que Barbey célèbre entre tous parce qu’il incarne l’esprit romantique : l’originalité, l’autorité d’un acteur qui pense et le mélange des genres au moyen duquel il dépasse les registres et les emplois du théâtre classique.
Marie-Françoise Melmoux-Montaubin, « Le romantisme de Jules Barbey d’Aurevilly, Ce qui ne meurt pas »
Ce qui ne meurt pas est le premier et le dernier roman de Barbey. Écrit dans les années 1830, il ne fut publié, avec quelques variations, qu’en 1883. Ce roman à la fois « originel et testamentaire » témoigne de ce qui ne meurt pas dans l’œuvre aurevillienne : le romantisme, noir, frénétique, passionné à l’excès, auquel il fut toujours fidèle malgré sa nostalgie de l’âge classique, son idéal d’impassibilité et d’ironie dandy ou encore ses affinités avec l’imaginaire et le style décadents.
Roselyne de Villeneuve, « Les normandismes dans Une vieille maîtresse. De la langue au style »
Si Nodier s’attache à penser le patois comme reliquat d’un passé idéalisé, Barbey entend bien le parler dans ses romans normands, Une Vieille maîtresse, puis L’Ensorcelée. Il s’agit alors d’user de mots « projectiles », dont l’étrangeté, la présence et l’intensité sont gages de poésie autant que de réalité. Témoins de son goût pour l’altérité, qui dépasse la nostalgie romantique et a fortiori le simple régionalisme, ils servent une « écriture du désir et du trouble », moderne et polyphonique.
405Fabienne Bercegol, « L’incipit d’Un prêtre marié ou la “magie” d’un médaillon »
Sur fond de badinage amoureux, l’incipit d’Un prêtre marié démontre l’efficacité narrative du portrait peint qui devient embrayeur d’histoire et qui révèle ce faisant les principes majeurs de l’esthétique aurevillienne, dans ses liens avec la pensée romantique de l’homme et du monde. On y retrouve la volonté de préserver le merveilleux, de donner la priorité à la sensibilité et à l’imagination, et surtout de miser sur le mystère des vies humaines pour transmettre une expérience du sacré.
Anne Orset, « Un prêtre marié, “Prométhée moderne” ? »
Un prêtre marié rejoue le mythe romantique du Titan révolté. D’un point de vue épistémique, Sombrevala tout d’un « Prométhée moderne ». Comme Frankenstein, il incarne le sécessionnisme de l’individu romantique postrévolutionnaire. Poétiquement et métaphysiquement, Rollon et la Malgaigne prennent en charge le pouvoir créateur et divinatoire du voleur de feu. Cette appropriation paradoxale de la figure de Prométhée est symptomatique de l’ambivalence aurevillienne à l’égard du romantisme.
Xavier Bourdenet, « Une page d’histoire… romantique ? Histoire, poésie, mythe de Stendhal à Barbey d’Aurevilly »
Avec Une page d’histoire, la « chronique normande » convoque et révoque la « chronique italienne » de Stendhal. Sur un même sujet (l’inceste), ils proposent deux conceptions divergentes de l’Histoire. Dans Les Cenci, Stendhal en fait le moyen esthétique d’une entreprise de connaissance, tournant le dos au romantisme poétique. Barbey inverse la proposition et renoue avec la poésie dans le genre même qui semble l’exclure. Les deux nouvelles donnent à voir un traitement différencié du mythe.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-14746-6
- EAN : 9782406147466
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14746-6.p.0401
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 23/08/2023
- Langue : Français