Note sur la traduction française
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Nouvelle Atlantide et autres textes littéraires. Tome III, volume I. Œuvres complètes
- Pages : 67 à 68
- Collection : Textes de philosophie, n° 20
Note sur la traduction française
Les deux premiers textes que nous donnons à lire ici sont inédits en français. Le troisième, en revanche, est sans doute l’œuvre de Bacon la mieux connue en France. Il en existe une traduction récente et facilement disponible, due à Margaret Llasera et Michèle Le Dœuff (Paris, Payot, 1983)1. Nous avons néanmoins fait le choix d’en proposer ici une autre version, et cela, pour trois raisons au moins. La première, générale, tient au fait que toute traduction est par définition une tentative : le traducteur doit en effet faire le deuil d’un rêve impossible, celui de la traduction parfaite. Au contraire, ce qu’il doit rechercher, comme le rappelle Ricœur, ce n’est pas l’adéquation, mais l’équivalence2.
La deuxième raison est d’ordre stylistique. Il nous a semblé important, dans un volume qui entend souligner la cohérence d’une pensée et 68l’unité d’un style, de respecter la même unité de ton dans la traduction. Que les trois textes de Bacon soient traduits par la même personne permettra peut-être de faire entendre, en français comme en anglais, le timbre d’une unique voix.
Enfin, la troisième raison est méthodologique. Nous avons essayé, autant que possible et plus encore peut-être que dans la traduction citée précédemment, de ne pas utiliser de terme dont l’entrée dans la langue soit postérieure à 1625 ou qui se soit chargé de sens trop différents, et donc potentiellement parasites, depuis cette date. Il ne s’agit pas, bien sûr, de recréer de toutes pièces la langue savoureuse de Rabelais ou celle, non moins savoureuse, de Marguerite de Navarre : pareille tentative, qui ne fut pas même celle de Robert Merle, par exemple, lorsqu’il écrivit Fortune de France, serait évidemment vouée à l’échec, sinon au ridicule. Disons plutôt que nous avons essayé de procéder plus négativement que positivement : non pas en recréant la langue du xvie ou xviie siècle, mais en nous interdisant d’employer des mots qui n’auraient pas été compris par les contemporains francophones de Bacon. Ce parti pris n’est pas le seul possible, tant s’en faut, mais nous pensons qu’il n’est pas nécessairement le moins bon. Nous formons le souhait qu’il permette de recréer quelque chose de la langue baconienne en français.
1 Outre celle de Michèle Le Dœuff et de Margaret Llasera, il existe plusieurs traductions plus anciennes de La Nouvelle Atlantide. Tout d’abord celle de l’abbé Gilles-Bernard Raguet, publiée à Paris chez Jean Musier en 1702. La version de Raguet est délicieuse à l’oreille mais le traducteur prend parfois avec le texte original des libertés qui touchent à la licence. Ainsi, il explique lui-même dans son épître dédicatoire « [qu’il a cru] qu’il était à propos de tirer de Bensalem les voyageurs qu[e Bacon] y avait laissés et de les ramener sains et saufs au Pérou. Ainsi la fin de la Nouvelle Athlantide (sic), ainsi que le dialogue au milieu duquel cette ingénieuse fiction du chancelier d’Angleterre est insérée m’appartiennent » (La Nouvelle Athlantide de François Bacon, chancelier d’Angleterre. Traduite en français et continuée […] par M. R., Paris, Jean Musier, 1702, n.p.). Plus loin, le traducteur interrompt le fil du récit par l’intervention intempestive d’un des personnages qu’il a lui-même ajoutés et qui offrent un cadre dialogique à sa traduction : « Philarque interrompit ici la lecture de Cléon. Il n’est pas juste, lui dit-il, que vous vous épuisiez, parce que je ne saurais me lasser de vous écouter. Remettons, je vous prie, la partie à demain ». L’autre traduction « historique », accompagnée de notes critiques, est celle d’Antoine Lasalle, parue à Dijon en l’an X de la République : Œuvres de François Bacon, traduites par Antoine Lasalle, avec des notes critiques, historiques et littéraires, 15 volumes, Dijon, LN Frantin, an 8 – an 11 de la République. C’est cette édition de l’œuvre qui fut republiée plusieurs fois au cours du xixe siècle, notamment en 1836, 1838 et 1880.
2 Paul Ricœur, Sur la traduction, Paris, Bayard, 2004, p. 19.
- Thème CLIL : 3126 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie
- ISBN : 978-2-406-12524-2
- EAN : 9782406125242
- ISSN : 2261-0693
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12524-2.p.0067
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 06/04/2022
- Langue : Français