Éditorial Aux sources de la création de valeur : entreprises, entrepreneurs, ingénieurs et ouvriers
- Publication type: Journal article
- Journal: Ædificare Revue internationale d’histoire de la construction
2021 – 1, n° 9. Pierre et dynamiques urbaines - Author: Barjot (Dominique)
- Pages: 13 to 26
- Journal: Ædificare
Éditorial
Aux sources de la création de valeur :
entreprises, entrepreneurs, ingénieurs et ouvriers
L’histoire de la construction demeure encore largement à écrire dans nos pays d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord1. Elle l’est plus encore dans les pays émergents et en voie de développement. De multiples facteurs y concourent : ainsi l’extrême dispersion, mais aussi le nombre relativement faible des chercheurs qui s’y intéressent, en dehors des sociologues, des architectes ou des ingénieurs de formation. L’hétérogénéité de l’objet y contribue à coup sûr. Le mot construction lui-même est problématique et, suivant les approches, les disciplines, les époques, à géométrie variable. Pour ne considérer que le champ de l’économie, le terme recouvre des réalités très différentes selon que l’on considère la branche (la somme des produits du bâtiment et des travaux publics ou BTP), le secteur (l’ensemble des entreprises dont l’activité principale relève du BTP) ou la filière (des matériaux de construction au second œuvre en passant par le gros œuvre dans le bâtiment)2. Le constat est encore plus flagrant si l’on désagrège plus ou moins l’activité globale en spécialités, dont beaucoup relèvent du BTP sans, souvent, y appartenir en totalité (cas de l’industrie routière dans les travaux publics).
En même temps, se trouve rapidement posée la question des limites de la branche : jusqu’à quel point y rattacher l’exploitation d’ouvrages publics et, bien sûr, les matériaux de construction ? En France, par exemple, le génie civil ou le gros œuvre tirent beaucoup avantage de leurs 14liens historiques avec l’une des plus puissantes industries cimentières du monde (jusqu’à sa fusion avec Holcim3, en 2016, Lafarge était le numéro 1 mondial4). De même l’industrie routière a bénéficié et continue de bénéficier de ceux établis de façon précoce avec des pétroliers comme Shell-France (Colas, longtemps leader mondial de la route5), CFP-Total (Eiffage travaux publics), Esso Standard ou Mobil (Jean Lefebvre). Enfin, il n’est pas indifférent de savoir si, oui ou non, le BTP relève de l’industrie ou des services, la question ne se posant pas, en revanche, pour les matériaux de construction. Dans la comptabilité nationale française, le secteur du BP se trouve plutôt rattaché aux services ; en revanche, dans l’acception anglo-saxonne, toutes les activités productives peuvent être définies comme des industries, même s’il s’agit de services. C’est pourquoi la solution la plus commode et, sans doute, la moins inexacte, consiste à définir le BTP, composante dominante de la filière construction, comme une activité industrielle à caractère de services.
La construction, une filière économique majeure
En France aujourd’hui, le bâtiment et les travaux publics (BTP) demeurent une filière majeure : en 2019, 7,7 % du PIB national pour 6,7 % de la main-d’œuvre (au lieu de 8 % et 6,5 % en 2017). C’est la moitié de l’industrie (respectivement 12,5 % du PIB national et 13,8 % de la main-d’œuvre en 2019). Il en ressort une évidence : au contraire de ce que l’on a connu jusqu’aux années 1960, le BTP se caractérise aujourd’hui par des niveaux moyens de productivité du travail supérieurs 15à la moyenne des activités industrielles. Il n’est donc pas erroné d’affirmer que ce même BTP est devenu l’un des points forts de l’économie nationale.
Parmi les facteurs majeurs de cette évolution, il y a bien sûr l’ouverture du marché européen et, surtout, l’entrée en force de grands groupes sur le marché, plutôt issu du génie civil, où les gains de productivité ont été beaucoup plus précoces. Si Vinci en constitue l’archétype6, Eiffage (rachat de SAE par Fougerolle7) et Bouygues (Colas, Dragages TP, Losinger)8 répondent aussi au modèle, certes dans une moindre mesure, Bouygues par exemple devant beaucoup à sa réussite en tant que promoteur immobilier. De fait, à l’échelle mondiale, les trois majors français (Vinci, Bouygues, Eiffage) apparaissent comme le mieux à même de résister à la concurrence chinoise, surclassant les grandes entreprises émergentes ou européennes par le niveau de leurs profits9.
Il convient de nuancer cette observation, sans pour autant la remettre en cause. En effet, si l’industrie française du bâtiment est bien placée pour le gros œuvre la situation est plus inégale, avec des points forts (réseaux électriques, travaux d’étanchéité) et des points faibles (menuiserie métallique, notamment aluminium). De surcroît, il existe, comme dans la plupart des économies européens, un fossé grandissant entre les entreprises générales et leurs sous-traitants, la situation se trouvant accentuée sur les marchés extérieurs. Dans le génie civil, la France demeure extrêmement bien placée pour la construction des grands ouvrages en béton (Vinci et Bouygues sont des leaders mondiaux du béton précontraint), mais le retard est flagrant pour les ouvrages métalliques, malgré Eiffage ou des entreprises spécialisées comme Baudin-Chateauneuf, certes performantes, mais de très petite taille.
Cette hétérogénéité se retrouve en matière d’ingénierie10. Certes autour de Solétanche et de Freyssinet international s’est constitué l’un des plus puissants pôles mondiaux de l’ingénierie11, mais Technip, numéro 3 16ou 4 mondial du secteur parapétrolier (à peu près à égalité avec Saipem, un groupe italien) a cessé d’être dominé par les intérêts français. De façon plus globale, le secteur de l’ingénierie lato sensu demeure, en France, trop dispersé, notamment en comparaison avec les leaders américains (Bechtel, Schlumberger, Halliburton et Fluor).
Enfin, la France a perdu des positions majeures dans le secteur des matériaux de construction. Certes Saint-Gobain demeure le leader mondial du verre, s’est imposé comme celui du plâtre, grâce à British Plaster Board (BPB) et a développé beaucoup ses activités de distribution (rivalité pour le leadership européen avec le britannique Wolseley, puis Ferguson-Plc et le danois Rockwool)12. Mais la fusion Lafarge-Holcim s’est faite très largement au détriment des intérêts français et au profit des Suisses alémaniques. Ciments français et Poliet et Chausson ayant cédé leurs activités cimentières à Italcementi, le seul producteur national demeure aujourd’hui Vicat Quant aux autres matériaux de construction, la constitution d’Arcelor-Mittal, la disparition de Pechiney13 ou, à un moindre niveau, le dépôt de bilan de Matéris, tout cela atteste d’un déclin général de la branche. Tôt ou tard, ce déclin aura des conséquences fâcheuses sur le coût de la construction en France. La crise de la Covid-19 a renforcé ces inquiétudes.
La construction,
un monde d’entrepreneurs et d’entreprises14
Il est d’usage aujourd’hui, largement sous l’influence anglo-saxonne et plus encore nord-américaine, de confondre en une même catégorie les 17chefs d’entreprises et les entrepreneurs15. Pourtant, cette assimilation apparaît relativement récente. L’américanisation de l’Europe occidentale et de ses émules extrême-orientaux (Japon, puis « Quatre dragons », enfin « Tigres asiatiques ») a imposé le modèle d’un chef d’entreprise caractérisé par le goût du risque et, de plus en plus fréquemment, innovateur16. Si le goût du risque est une notion aisée à comprendre, il n’en va pas de même de l’innovation. Celle-ci ne se résume pas à sa dimension technique ou, de façon plus large, technologique. Elle consiste, plus fréquemment encore, dans le lancement de nouveaux produits, pour lesquels la part de l’image de marque ou du design l’emporte le plus souvent sur la véritable innovation technologique. Par ailleurs, l’historiographie récente a bien montré que, dans les pays latins, sur le modèle de la législation française (loi de 1844 sur les brevets d’invention), il suffit, pour obtenir l’un de ces brevets, d’établir la preuve de la « nouveauté » du procédé ou du produit, sans que, pour autant, soit exigé un examen scientifique approfondi des demandes déposées, comme en Allemagne ou aux États-Unis.
Cette évolution sémantique a fait passer au second plan l’acception plus classique de l’entrepreneur, tel qu’il est défini par le droit romain. Dans cette vision, l’entrepreneur est celui qui, par suite de l’obtention d’un marché public est en charge de l’exécution d’un ouvrage public (marchés de travaux) ou de son exploitation (concession17) ou bien encore d’un service (contrat de louage par exemple). Cette vision s’est maintenue en France en particulier, sous l’effet de la législation napoléonienne (loi du 28 pluviôse an VIII définissant le régime des travaux publics. Le droit a consacré un modèle spécifique de l’entrepreneur. Il a contribué aussi à l’apparition d’un clivage marqué entre entrepreneurs de travaux publics d’une part, de bâtiment de l’autre. Dans les pays anglo-saxons, plutôt que juridique, le clivage est d’abord technique entre, d’un côté, le génie civil (civil engineering), de l’autre le bâtiment (building), l’Allemagne et 18les pays germaniques voyant l’apparition précoce d’entreprises mixtes associant bâtiment et génie civil au sein d’une même entité.
En France, la netteté de ce clivage entre bâtiment et travaux publics a orienté, sinon déterminé en partie, la configuration des structures productives : dans un pays centralisé comme la France, le poids de l’État (par sa réglementation comme par le volume de sa demande) et celui des grandes compagnies concessionnaires de travaux publics, historiquement très forts, ont fait naître, de manière précoce, dès la Monarchie de Juillet, voire même avant, de grands entrepreneurs capables de mener à bien des projets d’envergure (les frères Dussaux à Marseille et à Alger, Lavalley, Castor, Couvreux et Hersent, notamment pour les ports et les canaux, Cail, Gouïn, Parent et Schaken pour les ouvrages ferroviaires, etc.). Il s’agissait encore de grandes entreprises moyennes selon les critères d’aujourd’hui, le cas de Schneider & Cie mis à part, mais que l’obtention de gros marchés à l’étranger (Suez pour Lavalley et Couvreux, la canalisation du Danube, puis le port d’Anvers pour Hersent18, Grande Société des chemins de fer russes pour les Établissements Ernest Gouïn) les ont fait croître jusqu’à devenir des leaders européens. Telle était la situation atteinte, à la veille de la Première Guerre mondiale par des entreprise comme les Grands Travaux de Marseille (GTM)19, la Société générale d’entreprises (SGE)20 ou la Société de construction des Batignolles (SCB)21.
À leur côtés se sont affirmées des entreprises moyennes plus spécialisées (Eiffel, Moisant dans les constructions métalliques22, Chagnaud et Fougerolle dans les tunnels, Boussiron, Fourré et Rhodes, Limousin pour le béton armé). Hormis quelques exceptions, comme Thome dans le Paris d’Haussmann au cours des années 1860 du Second Empire, rien de tel s’est produit dans le bâtiment, massivement rétif à l’innovation 19technologique, à l’inverse des travaux publics23. À de rares exceptions près, pas toujours heureuses (SNC, SNCT, Grands Travaux de l’Est), vers 1950, le bâtiment demeurait encore très traditionnel, hormis peut-être dans les travaux de couverture ou de plomberie. De fait, ce dualisme des structures productives du BTP s’est d’ailleurs poursuivie jusqu’au grand cycle de construction immobilière qui caractérisa la France des années 1954 à 1967,voire jusqu’en 1976.
De grands changements sont intervenus dans les années 1960, à l’ère des décolonisations, de l’ouverture du Marché commun et, surtout, de la libéralisation des échanges internationaux de marchandises, de capitaux, de technologie et, même, d’hommes (travailleurs immigrés). La rapidité de la croissance d’alors s’est trouvée portée, dans une mesure assez large, par l’ampleur de l’investissement en logements, bâtiments fonctionnels à usage agricole, industriel ou tertiaire et équipements collectifs. De leur côté, les entreprises de travaux publics se sont tournées, de plus en plus, vers l’étranger. Elles y ont connu le succès, au point de s’imposer, de façon durable, au second rang mondial des exportateurs de travaux, derrière les États-Unis et leur formidable ingénierie, mais devant l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Tout cela a précipité la constitution de groupes où la figure de l’entrepreneur s’est effacée derrière le modèle de la grande entreprise multidivisionnelle et managériale, à l’américaine, dont Spie Batignolles a été un temps le prototype24. Mais cet effacement a souffert de brillantes exceptions, dont Francis Bouygues25 et les frères Pierre et André Chaufour (Dumez26) apparaissent les plus emblématiques.
Cela a conduit à de grandes opérations de croissance externes (prises de participation telles que le rachat de SGE par la Compagnie générale 20d’électricité, en 1966, ou de SCREG27 par Bouygues en 1985, fusions-absorption telles que celles de la CITRA28, filiale travaux publics de Schneider par Spie Batignolles en 1970). En sont issus les géants d’aujourd’hui : Vinci (fusion de SGE avec Sainrapt et Brice, la branche BTP de Saint-Gobain, puis Campenon Bernard, de GTM, après son entrée au capital d’Entreprise Jean Lefebvre, avec Entrepose, puis Dumez, enfin des deux groupes SGE et GTM dans Vinci en 2000) ; Bouygues (reprise de la Compagnie française d’entreprises et de sa filiale Boussiron, puis de SCREG et de ses filiales Dragages TP et Colas, enfin rachat du suisse Losinger) et Eiffage (rachat de SAE29 par Fougerolle), non sans quelques échecs (éclatement de Spie Batignolles entre 1992 et 1995). Ce n’est pas pour autant que les entrepreneurs ont disparu : ainsi Xavier Huillard à la tête de Vinci, Jean-François Roverato et Alain Dupont, respectivement à celles, d’une part, de Fougerolle, puis d’Eiffage, et, de l’autre, de Colas.
Le résultat est bien là. Aujourd’hui, les majors français demeurent non seulement de grands exportateurs (Vinci et Bouygues se situent respectivement aux troisième et cinquième rangs mondiaux, derrière l’espagnol ACS et l’allemand Hochtief), mais, surtout, ils dégagent, grâce à leurs concessions30 et à leur ingénierie propre, des marges bien supérieures à celles de leurs grands concurrents mondiaux, chinois y compris31. Pourtant, l’environnement n’a guère été favorable depuis la crise mondiale des années 2008-2009. Non seulement les grandes entreprises françaises ont dû faire face à l’ascension d’énormes firmes chinoises (les cinq plus grandes entreprises mondiales de BTP le sont), après avoir affronté celles japonaises, notamment dans les années 1970 21et 1980, à la concurrence des ingénieristes américains (Bechtel, Fluor, KBR, Foster Wheeler, etc.), brésiliens (Odebrecht), britanniques (Balfour Beatty Plc.), coréens (Samsung Engineering) ou italiens (Saipem) ainsi que les firmes allemandes (Hochtief, Bilfinger und Berger), scandinaves32 et, surtout, espagnoles (ACS Dragados, Ferrovial, Acciona, FCC). Aujourd’hui encore, le BTP demeure, notamment en France, un espace privilégié pour l’esprit d’entreprise, en particulier parce que le caractère peu capitalistique de ces activités valorise le rôle des hommes. Il n’est pas faux de dire, encore aujourd’hui, que la source de la valeur de ces entreprises réside dans les hommes qui les constituent.
Les hommes de la construction :
entrepreneurs, ingénieurs et ouvriers
Le rôle des hommes ne se limite pas au BTP. Dans l’industrie des matériaux de construction, pourtant très capitalistique, le rôle des hommes est également essentiel33. Tel est le cas chez Saint-Gobain, notamment depuis sa fusion avec Pont-à-Mousson, avec des présidents stratèges tels que Roger Martin, ingénieur des Mines et fondateur de nouveau groupe en 1970, Roger Fauroux, sorti de l’École normale supérieure et inspecteur des finances, Pierre-André de Chalendar, issu de l’ESSEC, puis inspecteur des finances, et, surtout Jean-Louis Beffa, doyen du corps des Mines. Une telle situation se retrouve aussi chez Lafarge, avec des personnalités aussi diverses que Marcel Demonque, ingénieur civil des Mines, Olivier Lecerf, passé par Sciences Po et l’université de Lausanne ou Bertrand Collomb, ingénieur des Ponts et chaussées34. Ces deux groupes doivent largement leur ascension au rang de leaders mondiaux 22à la qualité de de leur recherche-développement et à un recrutement massif d’ingénieurs de haut niveau : le centre de recherche de Lafarge à Rillieux-La Pape est ainsi les plus important au monde dans l’industrie cimentière, bénéficiant notamment d’une étroite collaboration avec le CNRS (nanotechnologies par exemple)35.
Cette culture technologique se retrouve bien entendu dans les travaux publics. Beaucoup d’entrepreneurs ont été en même temps des ingénieurs exceptionnellement inventifs : Gustave Eiffel et son successeur Maurice Kœchlin36 ou Henri Daydé dans les constructions métalliques, François Hennebique, Edmond Coignet, Simon Boussiron, Alexis puis Louis-Pierre Brice pour le béton armé. Néanmoins, avec l’accroissement de la taille des entreprises et l’alourdissement des contraintes de gestion entraînées à la fois par la montée de l’inflation et l’aggravation des concurrences, peu à peu a émergé un modèle d’un nouveau type, l’association de l’entrepreneur et de l’ingénieur : Léon-Joseph Dubois et Marcel Caquot, Marcel Ballot et André Coyne, pour les grands barrages notamment ; Henry Lossier37 et les entrepreneurs Ferdinand Fourré et Fernand Rhodes, pour les structures à grande portée et les ponts ; bien sûr, Edme Campenon et Eugène Freyssinet, à l’origine d’une prééminence technique française dans le domaine du béton précontraint38, même si l’Allemagne a aussi beaucoup apporté avec Franz Dischinger, puis Ulrich Finsterwalder, directeurs techniques chez Dyckerhoff und Widmann, grâce aux Grands Travaux de Marseille (GTM) qui ont acquis, puis diffusé, en France et à l’étranger, les procédés de cette société germanique.
D’une manière plus générale, les entreprises qui ont réussi sont celles qui ont su attirer les meilleurs ingénieurs. Certaines ont recruté ou dû leur création à des polytechniciens (Ernest Gouïn39, Alexandre 23Lavalley, figures majeures de la première industrialisation française des années 1840 à 1880), des ingénieurs des Ponts tout à fait remarquables, à l’instar de la direction des travaux publics de Schneider et Cie, jusqu’en 1949, puis de CITRA, entre cette date et 1970 (Charles Laroche, Victor Benezit, Gérard Le Bel), des GTM (Charles Rebuffel, Marcel Chalos, Roger Gonon, Jean Charpentier, Maurice Craste, PDG successifs), SGE (Henri Laborde-Milaa, Jean Matheron, Raymond Soulas, Roger Lacroix) sans négliger de faire appel à des X-Génie maritime (André Berthon et Paul Royer, les fondateurs de SPIE, puis Spie Batignolles).
Beaucoup a été écrit sur la contribution majeure et massive des centraliens, qui ne se résume pas aux exemples canoniques de G. Eiffel, d’E. Coignet ou des ingénieurs de la Société de construction des Batignolles (Gaston et Ernest II Gouïn, Paul Bodin)40. Il est clair que la filière centralienne a joué et continue de jouer un rôle majeur dans la montée en puissance des entreprises françaises de génie civil, à l’instar de Francis Bouygues ou des frères Chaufour. Certaines entreprises sont même devenues des réservoirs de centraliens, comme Campenon Bernard ou, surtout, Dumez.
Beaucoup d’entrepreneurs ont cependant préféré diversifier leurs recrutements en France (ingénieurs des Arts et métiers, notamment les écoles de Châlons-sur-Marne – aujourd’hui Châlons-en-Champagne –, ou de l’École supérieure des travaux publics ou ESTP) et à l’étranger (Instituts polytechniques de Lausanne, à l’exemple de Maurice Cochard chez Chagnaud, et Zurich, à celui d’H. Lossier) Ces écoles d’Arts et métiers (Léon Chagnaud, Léon Ballot, L. J. Dubois) et l’ESTP (A. Dupont) ont d’ailleurs fourni aussi des entrepreneurs de premier plan, comme d’ailleurs des ingénieurs inventifs (S. Boussiron, Nicolas Esquillan chez Boussiron). Cependant la capacité à diversifier les formations a souvent ouvert la voie à des performances supérieures : ainsi chez SGE, Campenon Bernard et, plus encore, Bouygues. Cette entreprise a réussi à former d’excellents ingénieurs commerciaux, qui ont fait par exemple de la STIM, filiale promotion immobilière du groupe, le seul promoteur immobilier français à conserver sa profitabilité élevée dans le temps long.
Dans des entreprises obéissant à une logique de chantier, les ingénieurs doivent être aussi d’excellents directeurs de chantier. Mais pour y parvenir ils ne peuvent pas s’appuyer que sur des masses ouvrières peu 24qualifiées. Au xixe siècle, il est bien connu aujourd’hui que les progrès techniques ont été portés par des ouvriers qualifiés, notamment des maçons, requis pour réaliser les magnifiques ponts Séjourné ou les quais des ports. Mais, à côté de ces généralistes, se sont affirmées des métiers nouveaux : ainsi les charpentiers métalliques, qui ont édifié les viaducs Maria Pia, sur le Douro, au Portugal, et de Garabit ou la fameuse Tour de 300 mètres, selon des procédés de montage standardisés admirés par les anglo-saxons eux-mêmes. La promotion de nouveaux procédés (fondations par caissons à l’air comprimé) ou de nouveaux matériels (les dragues à godets puis aspirantes-refoulantes, les excavateurs, type Couvreux ou Hersent, puis la pelleteuse, introduite en France par Gaston Deschiron, enfin le bulldozer Caterpillar, promus par la société Razel, qui l’a introduit en Europe) a engendré aussi de nouvelles professions (ainsi les tubistes travaillant sous air comprimé ou les mineurs travaillant au moyen de marteaux-piqueurs mus à air comprimé dans les grands tunnels alpins du milieu du xixe siècle à aujourd’hui).
Certes la pénurie de main-d’œuvre engendrée par la longue dépression des années 1883 à 1904-1905 a provoqué des fuites importantes de main-d’œuvre bien formée vers d’autres professions, certes la dénatalité du dernier tiers du xixe siècle a obligé à un recours massif aux travailleurs immigrés (belges, puis italiens), mais il ne s’agissait pas toujours d’ouvriers non qualifiés (maçons piémontais41). Toutefois, c’est la Première Guerre mondiale qui a marqué le tournant décisif. En effet, les professions du BTP comptèrent alors des taux de décès et de mutilés de guerre particulièrement élevés : la réduction du nombre d’actifs y fut nettement plus forte en proportion que pour l’agriculture, souvent citée en exemple42. Il s’ensuivit une accélération de la substitution du capital au travail et une déqualification de la main-d’œuvre des chantiers, bien visible dans l’industrie routière. A contrario cependant, l’introduction de matériels de chantier toujours plus élaborés a fait naître de nouvelles compétences (conducteurs d’engins, mécaniciens, gestionnaires de parcs de pièces de rechange et de matériels). D’abord sensible dans les travaux 25publics, l’évolution s’est accélérée avec l’américanisation des années 1950 et 196043 et l’appel massif à une immigration de plus en plus diversifiée (Portugais, Maghrébins, Yougoslaves et Turcs, ressortissants des pays d’Afrique subsaharienne, etc.), puis s’est étendue au bâtiment, à son tour affectée par des gains importants de productivité.
Les métiers du bâtiment et, dans une moindre mesure, des travaux publics, constituent un conservatoire de traditions corporatives (maîtres, compagnons et apprentis) et compagnonniques (tour de France)44. S’il est vrai que l’évolution du marché du travail a eu tendance à remettre en cause ces traditions, elle a aussi affaibli une combattivité ouvrière très forte au moins jusqu’à la Première Guerre mondiale et identifiée jusqu’à nos jours à la CGT. La déqualification des tâches y est pour beaucoup. Toutefois, celle-ci s’est heurtée et se heurte encore à des limites. C’est ce que montre l’expérience française des grands ensembles. Certes la préfabrication lourde a permis de construire rapidement en réponse à la pénurie de logements de l’après-guerre. Cependant l’application du modèle automobile (ou fordiste) à l’industrie de la construction a conduit à une impasse en matière de cadre de vie, sans parvenir à des gains de productivité aussi élevés qu’attendus, suite notamment à l’appauvrissement du contenu du travail45.
Des groupes tels que SAE ou Bouygues, au contraire, ont construit leur leadership sur des méthodes plus traditionnelles consistant à miser d’abord sur la qualification de la main-d’œuvre (substitution des coffrages-outils à la préfabrication lourde en usine)46. Associant pratique de hauts salaires et retour à une organisation corporative (compagnons du Minorange, jeunes constructeurs du bâtiment), F. Bouygues a introduit 26un mode d’organisation plus motivant à la fois pour les ouvriers et pour les cadres (chefs de chantier, conducteurs de travaux, ingénieurs d’études, etc.) et, partant, plus efficace. Ces méthodes nouvelles de management ont innervé l’ensemble du groupe (adaptation réussie au sein du groupe Colas) et, même, la profession. Elles ont aussi tendu à rapprocher les performances des travaux publics et du bâtiment.
Faire l’histoire des entreprises de construction ne peut donc se limiter à l’étude des dimensions techniques ou architecturales, néanmoins nécessaire. Elle doit se fixer un objectif plus large incluant aussi les dimensions économique et financière, sociale et juridique, politique et culturelle. Cela suppose cependant de préserver les archives, le patrimoine et, de façon plus large, la mémoire de ces mêmes entreprises. Aujourd’hui à une époque où les structures productives se transforment en profondeur, le défi est immense pour les historiens de la construction.
Dominique Barjot
Professeur émérite
à Sorbonne Université
Membre de l’Académie
des sciences d’outre-mer
1 Voir sur ce point l’incontournable Antoine Picon (dir.), L’art de l’ingénieur constructeur, entrepreneur, inventeur, Paris, Le Moniteur-Centre Georges Pompidou, 1997 ; Dominique Barjot (ed.), “The Construction Industry in the 20th Century : an International Interfirm Comparison”, Revue Française d’histoire économique – The French Economic History Review, no 1, septembre 2014.
2 Cf. Notre « introduction » dans Dominique Barjot, La Grande Entreprise Française de Travaux Publics (1883-1974), Paris, Economica, 2006, p. 9-31.
3 Dominique Barjot (ed.), “Holcim : from the Family Business to the Global Leadership : an International Interfirm Comparison”, in Barjot (Dominique) (ed.), “The Construction Industry in the 20th Century : an International Interfirm Comparison”, Revue française d’histoire économique, op. cit., p. 56-85.
4 Dominique Barjot, « Lafarge : de l’internationalisation à la firme mondiale, une résistible ascension ? (1947-2014) » in Champroux (Nathalie A.) et Torres (Félix) (dir.), « Les entreprises françaises face à la mondialisation ». “French companies facing globalisation”, Revue Française d’histoire économique – The French Economic History Review, no 15 (no 1 – 2021), p. 38-60.
5 Dominique Barjot, « Un leadership fondé sur l’innovation, Colas : 1929-1997 », in Laurent Tissot, Béatrice Veyrassat (éds.), Trajectoires technologiques, Marchés, Institutions. Les pays industrialisés, 19e-20e siècles, Bern, Peter Lang, 2001, p. 273-296.
6 Dominique Barjot, La trace des bâtisseurs : histoire du Groupe Vinci, Vinci, 2003.
7 Dominique Barjot, Fougerolle. Deux siècles de savoir-faire, Paris, Éditions du Lys, 1992.
8 Dominique Barjot, Bouygues. Les ressorts d’un destin entrepreneurial, Paris, Economica, 2013.
9 Dominique Barjot et Hubert Loiseleur des Longchamps (dir.), Penser le monde de demain. Livre du centenaire de l’Académie des sciences d’outre-mer, Paris, Éditions du Cerf, 2021, p. 47.
10 Dominique Barjot (dir.), « Les entreprises françaises d’ingénierie face à la compétition internationale », Entreprises et Histoire, juin 2013, no 71.
11 Dominique Barjot, « Aux origines d’une vocation mondiale : la précontrainte de la STUP à Freyssinet International (1943-2000) », in Barjot (Dominique) (dir.), « Les entreprises françaises d’ingénierie face à la compétition internationale », Entreprises et Histoire, op. cit., p. 83-99.
12 Marie de Laubier et Maurice Hamon (dir.), « Saint-Gobain 350 ans : histoire et mémoire de l’entreprise ». “Saint-Gobain 350 years : History and Memory of the Company”, Revue Française d’histoire économique – The French Economic History Review, no 6 (no 2), novembre 2016 ; Maurice Hamon, Du Soleil à la Terre. Une histoire de Saint-Gobain, Paris, Jean-Claude Lattès, 2012.
13 Dominique Barjot, « Alcan et Pechiney : une comparaison des processus de multinationalisation en période de croissance instable des marchés (de 1971 à la première moitié des années 1990) », dans Dominique Barjot (dir.), « L’internationalisation de l’industrie française de l’aluminium », Cahiers d’histoire de l’aluminium, vol. 63, no. 2, 2019, p. 56-75.
14 Dominique Barjot, Travaux publics de France. Un siècle d’entrepreneurs et d’entreprises, Paris, Presses de l’École des Ponts et Chaussées, 1993, 288 p. ; (dir.), « Entrepreneurs et entreprises de BTP », HES, no 2, 1995.
15 Dominique Barjot (dir.), « Où va l’histoire des entreprises ? », Revue économique, vol. 58, no 1, janvier 2007.
16 Dominique Barjot (ed.), Catching up with America. Productivity missions and the diffusion of American Economic and Technological Influence after the Second World War, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2002.
17 Dominique Barjot, Marie-Françoise Berneron-Couvenhes (dir.), « Concession et optimisation des investissements publics », Entreprises et Histoire, juin 2005, no 38. ; Dominique Barjot, Sylvain Petitet et Denis Varaschin dir.), « La Concession, outil de développement », Entreprises et Histoire, no 31, 2002.
18 Dominique Barjot, « L’entreprise Hersent : ascension, prospérité et chute d’une famille d’entrepreneurs (1860-1982) », in Jean-Claude Daumas, Le capitalisme familial : logiques et trajectoires, Presses Universitaires franc-comtoises, 2003, p. 133-160.
19 Dominique Barjot, « Contraintes et stratégies : les débuts de la Société des Grands Travaux de Marseille (1892-1914) », Provence historique, fasc. 162, 1990, p. 381-401.
20 Dominique Barjot, « L’analyse comptable : un instrument pour l’histoire des entreprises. La Société Générale d’Entreprises », HES, 1982, no 1, p. 145-168.
21 Rang-Ri Park-Barjot, La Société de Construction des Batignolles : des origines à la première guerre mondiale (1846-1914), Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2005.
22 Bertrand Lemoine, L’architecture du fer : France xixe siècle, Champ Vallon, coll. « Milieux », Seyssel, 1986.
23 Dominique Barjot, « Innovation et travaux publics en France (1840-1939) », in Dominique Barjot, Emmanuel Chadeau, Michèle Merger, Girolamo Ramunni (dir.), « L’Industrialisation », HES, no 3, 1989, p. 403-414 ; « L’Innovation dans les travaux publics : une réponse des firmes au défi de la demande publique », HES, 1987, no 2, p. 403-414.
24 Dominique Barjot, Rang-Ri Park, « SPIE : de l’entreprise multidivisionnaire à l’ingénierie de haute technologie », Les bureaux d’études, Entreprises et Histoire, no 58, avril 2010, p. 101-128.
25 Dominique Barjot, « L’ascension d’un entrepreneur : Francis Bouygues (1952-1989) », xxe siècle, no 35, juillet-septembre 1992, p. 42-59.
26 Dominique Barjot, « L’ascension d’une firme familiale : Dumez (1890-1990) », Culture Technique, no 26, spécial Génie civil, 1992, p. 92-99 ; « À la recherche des clés de la compétitivité internationale : la Société Dumez », in Jacques Marseille, Les Performances des entreprises françaises au xxe siècle, Paris, Le Monde Éditions, 1995, p. 130-149.
27 Dominique Barjot, « Performances, stratégies, structures : l’ascension du groupe SCREG (1946-1974) », in Pierre-Jean Bernard, Jean-Pierre Daviet, Culture d’entreprise et innovation, Paris, Presses du CNRS, 1992, p. 171-187.
28 Compagnie industrielle de travaux.
29 Société auxiliaire d’entreprises.
30 Dominique Barjot,, “Public utilities and private initiative : The French concession model in historical perspective”, in Business History, vol. 53, no 5, August 2011, p. 782-800 ; Barjot (Dominique), « Services publics et initiatives privées : le modèle français de concession en perspective historique (xixe-xxie siècles) », « La concession : un outil pour la relance ? », Revue politique et parlementaire, 122e année, no 1097, octobre-décembre 2020, p. 3-22.
31 Dominique Barjot, “Why was the world construction industry dominated by European leaders ? The development of the largest European firms from the late 19th to the early 21st centuries”, Construction History International Journal of the Construction History Society, vol. 28, No.3 (2013), p. 89-114.
32 Dominique Barjot, “Skanska (1887-2007) : The rise of a Swedish Multinational Company [Skanska (1887-2007) : l’essor d’une multinationale suédoise]”, in « De l’idée d’Europe à la construction européenne dans les pays nordiques et baltes (xixe-xxe siècle) », Revue d’Histoire Nordique, Nordic Historical Review, no 8, 2009, p. 225-256.
33 Dominique Barjot, « Imprenditori e autorità imprenditoriale : il caso dei lavori pubblici in Francia (1883-1974) », Annali di Storia dell’impresa, 9, 1993, p. 261-286.
34 Dominique Barjot,, « Lafarge : l’ascension d’une multinationale à la française (1833-2005) », Les mondialisations, Relations internationales, no 124, hiver 2005, p. 51-67.
35 Ibid.
36 Bertrand Lemoine, Gustave Eiffel, Paris, Ed. Fernand Hazan, 1984.
37 Dominique Barjot, « L’ingénieur et l’entrepreneur, un mariage fécond. L’exemple de Henry Lossier et Entreprises Fourré et Rhodes (début du xxe siècle-milieu des années 1960) », in Philippe Pâris et Dominique Barjot (dir.), Le hangar à dirigeables d’Écausseville. Un centenaire plein d’avenir, Rennes, Éditions Ouest-France, 2021, p. 192-209.
38 Dominique Barjot, « Le rôle de l’entreprise et de l’entrepreneur dans l’introduction du béton précontraint : Eugène Freyssinet et les Entreprises Campenon ou l’histoire d’une rencontre (1920-1939) », in Michel Lette et Michel Oris (dir.), Technology and Engineering, Proceedings of the XXth International Congress of History of Science (Liège, 20-26 July 1997), vol. VII, Brepols, Turnhout (Belgique), 2000, p. 185-191.
39 Dominique Barjot,), « Un grand entrepreneur du xixe siècle : Ernest Goüin (1815-1885) », Revue d’Histoire des Chemins de Fer (RHCF), no 5-6, automne 1991, p. 65-89.
40 Dominique Barjot, Jacques Dureuil (dir.), 150 ans de génie civil : une histoire de centraliens, PUPS, 2008.
41 Dominique Barjot, Mariela Colin (dir.), « L’émigration-immigration italienne et les métiers du bâtiment en France et en Normandie », Cahier des Annales de Normandie, Caen, Musée de Normandie, no 31, 2001.
42 Dominique Barjot, « Travaux publics et biens intermédiaires 1900-1950 », in Maurice Lévy-Leboyer (dir.), Histoire de la France industrielle, tome 2. Les trente glorieuses, Paris, Larousse, 1996, p. 296-319.
43 Dominique Barjot, Isabelle Lescent-Giles, Marc de Ferrière le Vayer (dir.), L’Américanisation en Europe au xxe siècle : Économie, Culture, Politique, 2 vol., Centre de Recherche sur l’Histoire de l’Europe du Nord-Ouest, Université Charles-de-Gaulle-Lille 3, 2002.
44 Dominique Barjot, « Apprentissage et transmission du savoir-faire ouvrier dans le BTP aux xixe et xxe siècles », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 40-3, juillet-septembre 1993, p. 480-489 ; « Entreprises et patronat du bâtiment (xixe-xxe siècles) », in Jean-François Crola et André Guillerme (dir.), Histoire et métiers du bâtiment aux xixe et xxe siècles, Ministère de l’Équipement, du Logement, des Transports et de l’Espace, Séminaire de Royaumont, 28-29-30 novembre 1989, Paris, CSTB, 1991, p. 9-37.
45 Dominique Barjot « Les industries d’équipement et de la construction 1950-1980 », in Maurice Lévy-Leboyer (dir.), Histoire de la France industrielle, tome 2. Les trente glorieuses, op. cit., p. 412-433.
46 Pierre Jambard La Société Auxiliaire d’Entreprises et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment, PUR, 2008.
- CLIL theme: 3076 -- TECHNIQUES ET SCIENCES APPLIQUÉES -- Architecture, Urbanisme
- ISBN: 978-2-406-12945-5
- EAN: 9782406129455
- ISSN: 2649-177X
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-12945-5.p.0013
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 04-20-2022
- Periodicity: Biannual
- Language: French