Éditorial Pour une « économie circulaire » des connaissances
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Ædificare Revue internationale d’histoire de la construction
2018 – 2, n° 4. Recyclage et remploi : la seconde vie des matériaux de construction - Auteur : Nègre (Valérie)
- Pages : 13 à 15
- Revue : Ædificare
Éditorial
Pour une « économie circulaire » des connaissances
Le quatrième numéro de la revue Ædificare consacré au réemploi des matériaux de construction voit le jour quelques mois après l’annonce par le gouvernement d’une série de mesures visant à sortir du « tout jetable » pour entrer dans une « économie circulaire ». Depuis une dizaine d’années, les mesures relatives au recyclage des matériaux de démolition se multiplient. En 2007, l’engagement 257 du Grenelle de l’environnement prévoyait la « mise en place d’un instrument économique pour encourager la prévention de la production de déchets du bâtiment et des travaux publics et leur recyclage ». Trois ans après, le code de l’environnement s’enrichissait d’un article (L541-14-1) rendant obligatoire l’élaboration d’un plan de gestion des déchets de chantier dont la compétence revenait aux Conseils généraux et pour Paris, à la région Île-de-France.
L’épuisement des ressources et l’accumulation de déchets font du réemploi un thème plus que jamais d’actualité. On ne compte plus les manifestations et les publications qui lui sont consacrées. Au printemps dernier, la Maison de l’architecture d’Île-de-France et le Conseil régional de l’Ordre des architectes invitaient les praticiens à « réfléchir aux pratiques et aux conséquences du réemploi des matériaux pour une architecture et un cadre de vie au service d’une économie circulaire, sociale et solidaire ». Au même moment, la Confédération Construction Wallonne, le Cluster Eco-Construction et leurs partenaires transfrontaliers organisaient un colloque sur le thème « Architecture et matériaux de réemploi ».
Les questions soulevées lors de ces manifestations portent sur la création d’une « filière de réemploi » à l’échelle du bâtiment, sur les types de matériaux à récupérer et sur la mise au point de nouveaux modèles de bâtiments. Les édifices expérimentaux réalisés à partir de matériaux provenant d’autres constructions sont de plus en plus nombreux. En 142016, à l’occasion de la COP 21, les Parisiens pouvaient admirer sur le parvis de l’Hôtel de Ville, un Pavillon de forme parallélépipédique, présenté comme un modèle d’économie circulaire, intégrant 180 portes issues d’une opération de réhabilitation de logements. Plus récemment, on pouvait voir à Paris dans l’exposition consacrée à l’architecte Junya Ishigami (Freeing architecture, Fondation Cartier, 30 mars au 9 septembre 2018) une résidence pour personnes âgées à Tohoku (Japon) composée d’une quarantaine de maisons en bois venues de différentes parties de l’île, réassemblées pour donner corps à l’institution. Les anciennes structures en bois étant avant tout exploitées pour leur valeur mémorielle et esthétique et non pour des considérations économique et environnementale.
Ce n’est sans doute pas un hasard si, parallèlement à ces projets et ces réflexions, les études archéologiques et historiques sur les pratiques anciennes de réemploi sont en plein essor. Le présent numéro, coordonné par Philippe Bernardi et Maxime L’Héritier, fait suite à une série de publications qui questionnent de manière large les pratiques de réemploi depuis l’Antiquité jusqu’au début du xxe siècle, qu’il s’agisse de matériaux visibles ou, ce qui est plus nouveau, de matériaux non visibles inclus dans les maçonneries.
Réutiliser les matériaux de construction issus de démolitions n’est pas une invention contemporaine, mais une pratique très ancienne bien documentée qui varie selon le contexte productif. Le numéro montre aussi que les questions traitées par les archéologues et les historiens ne sont pas si éloignées de celles que se posent aujourd’hui les spécialistes du bâtiment : comment s’organise la « filière » ou la chaîne du réemploi ? Comment s’articulent démolition et recyclage ? Y a-t-il un encadrement réglementaire ou juridique de ces pratiques ? Quels sont les matériaux récupérés ? Quel rôle – fonctionnel, économique, symbolique, esthétique – jouent-ils ?
Nous faisons le vœu que les « matériaux » présentés dans ce numéro puissent être réemployés par les spécialistes des bâtiments contemporains. L’un des objectifs de la revue Ædificare est d’œuvrer à la mise en place d’une « économie circulaire » des connaissances entre historiens et praticiens. Nous savons que pour favoriser ce dialogue, la revue doit donner plus largement la parole aux hommes de terrain, ce qui veut dire les solliciter. Nous comptons prochainement ouvrir une rubrique « Entretiens » pour aller à leur rencontre.
15Cela vaut la peine d’être souligné : le dossier présenté dans ce numéro est riche de nombreuses illustrations. Conscients de l’importance des représentations visuelles en histoire de la construction, la rédaction de la revue a souhaité augmenter la qualité des images. Depuis le no 3, elles sont désormais en couleurs et nous espérons que cet effort des éditions Garnier se poursuive.
Nous profitons de cet éditorial pour rappeler qu’un des objectifs de la revue est de faire connaître les travaux de jeunes chercheurs. Outre la publication d’articles, Ædificare se propose de réunir des comptes rendus de mémoires, de thèses ou d’habilitations à diriger des recherches sur l’histoire de la construction, soutenus dans différents pays. Nous invitons nos collègues français et étrangers à nous communiquer des résumés ou des recensions de ces travaux, individuels ou groupés par thèmes.
Valérie Nègre
- Thème CLIL : 3076 -- TECHNIQUES ET SCIENCES APPLIQUÉES -- Architecture, Urbanisme
- ISBN : 978-2-406-09276-6
- EAN : 9782406092766
- ISSN : 2649-177X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09276-6.p.0013
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 16/09/2019
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français