Comptes rendus
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Ædificare Revue internationale d’histoire de la construction
2017 – 1, n° 1. varia - Auteurs : Bernardi (Philippe), Carvais (Robert), Bologna (Alberto)
- Pages : 219 à 251
- Revue : Ædificare
Lino Traini, La lavorazione della calce dall’antichità al medioevo. Roma e le province dell’Impero, Rome, Scienze e Lettere, 2013, 132 p.
Ce petit ouvrage est écrit par un archéologue antiquisant qui a consacré son travail de tesi di laureato (l’équivalent du Master) à « La lavorazione della calce in età romana. Nuovi dati dalle pendici Nord-Est del Palatino » (diplôme soutenu en 2010). C’est de cette expérience de fouille dans la zone des thermes d’Elagabal, avec la mise au jour de deux installations (l’une antique – dynastie des Sévères 193-275 ap. – et l’autre médiévale – ixe siècle) illustrant la quasi-totalité du cycle productif de la chaux, qu’est né le présent ouvrage.
Constatant l’absence d’un manuel dressant un panorama général de la fabrication de ce matériau central pour l’économie et les techniques constructives antiques, l’auteur propose, avec ce volume, de pallier en partie au moins le manque et d’offrir un point de « référence pour les futures études sur ce matériau ».
Il ne s’agit pas, et le titre n’a rien d’ambigu de ce point de vue, de livrer une étude monographique sur telle ou telle unité de production mais bien de dresser un panorama large s’appuyant « préférentiellement » sur les sources antiques (littéraires, épigraphiques, juridiques, iconographiques et archéologiques) suivant le postulat qu’entre époques romaine et moderne « les modalités et instruments de production n’ont pas changé de manière substantielle ». Parmi les fonds les plus tardifs une attention a quand même été portée aux traités du xve siècle (qui renvoient beaucoup aux sources antiques).
L’ouvrage, illustré d’une vingtaine de figures, est articulé en 5 grandes parties. La première, introductive et générale, s’intéresse aux différents usages de la chaux (en architecture, bien sûr, mais aussi en agriculture, en médecine…) et à l’histoire de ce matériau, de son invention vers 10000 avant J.-C. jusqu’à ce qu’il soit supplanté par le ciment Portland, au xixe siècle.
Vient ensuite un rapide chapitre consacré au choix de la matière première, à son extraction et aux traces archéologiques que cette opération 220a pu laisser. Puis l’auteur aborde successivement, dans ce qui forme, en deux chapitres, le véritable corps de l’ouvrage, la question de la cuisson et de l’extinction de la chaux.
De manière très didactique, Lino Traini, présente les méthodes de cuisson qu’il divise en « cuisson en aire ouverte » (la plus rudimentaire, menée hors de toute structure fixe), cuisson en four à combustion périodique (qui voit alterner dans la même structure les périodes de cuisson et celles de défournement), cuisson en four à « flamme continue », enfin, dans laquelle la chaux est produite sans discontinuer et dont des exemples sont attestés à partir de la fin du xiie siècle. Les thématiques traitées dans ce chapitre sont variées. Certaines sont assez amples – à l’image de la question de la localisation des fours – d’autres regardent plus strictement le monde antique, comme les paragraphes portant sur les corporations de chaufourniers ou les productions dans le cadre militaire. La partie consacrée à l’encadrement juridique de la production et aux conditions de travail pèche, en ce qui concerne la période médiévale, par la méconnaissance de l’apport de sources statutaires pourtant bien mis en évidence par un article de François Bougard et Étienne Hubert édité en 19871.
Ce chapitre s’achève sur un catalogue, ici celui des témoins archéologiques de fours à chaux antiques et du haut Moyen Âge (plus d’une centaine, en Italie mais bien au-delà pour tout l’espace couvert par l’empire romain).
Le plan de l’ouvrage suivant le processus de fabrication, la question de l’hydratation de la chaux vive suit celle de la cuisson. Cinq modalités différentes d’hydratation sont envisagées puis Lino Traini évoque la phase, non indispensable, de ce qu’il désigne comme la maturation (stagionatura) de la chaux et les aménagements qui servent à cette macération comme à la préparation du mortier. Un catalogue des cuves à chaux retrouvées clôt le chapitre.
Le livre s’achève sur la préparation du mortier.
Une importante bibliographie est donnée à la fin de ce petit manuel qui n’a pas prétention à l’exhaustivité mais paraît être à tout le moins un bon point de départ. La place prépondérante accordée à l’Antiquité 221est-elle indue ? Espérons que l’entreprise stimulera les médiévistes et les modernistes pour le démontrer.
Philippe Bernardi
CNRS, LaMOP (UMR 8589 CNRS – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
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María Isabel Álvaro Zamora, Javier Ibáñez Fernández (dir.), La arquitectura en la Corona de Aragón entre el Gótico y el Renacimiento (1450-1550). Rasgos de unidad y diversidad, Saragosse, Departamento de Historia del Arte de la Universidad de Zaragoza-Fundación Tarazona Monumental, 2009, 384 p.
L’ouvrage La arquitectura en la Corona de Aragón entre el Gótico y el Renacimiento (1450-1550) rassemble les contributions des participants à une rencontre internationale organisée, sous le même titre, à Saragosse et Tarazona en février 2009 à l’initiative de deux professeurs du Département d’Histoire de l’Art de l’Université de Saragosse : María Isabel Álvaro Zamora et Javier Ibáñez Fernández. Ces actes, publiés dès le mois de juin 2009 dans la revue Artigrama de ce même Département d’Histoire de l’Art (Artigama, no 23, 2008), font ici l’objet d’une réédition sous la forme d’un livre. Rien dans l’introduction de ce volume comme dans les paginations données n’indique de changement entre les deux types de publication ; la double édition n’apparaissant liée qu’à une volonté de donner aux actes du symposium un peu plus d’autonomie et d’en assurer, ce faisant, une plus large diffusion. C’est, dans un cas comme dans l’autre, un volume de 384 pages, abondamment illustré, qui est livré à la communauté scientifique. Plus que d’une publication d’actes, il 222convient ici de parler, comme le font les curateurs, de recueils d’études ; certains des dix textes rassemblés dépassant une cinquantaine de pages.
Le point de départ ou l’argument de cet ouvrage est de proposer d’observer les manières dont s’effectua le passage de l’architecture gothique à celle de la Renaissance dans ce que Fernando Marías désigne comme des « périphéries européennes ». Le contexte régional choisi (celui de l’ancienne Couronne d’Aragon) s’offre comme une alternative, dans l’historiographie espagnole, à un discours trop longtemps « castillano-centré ». La riche histoire de la Couronne d’Aragon donne à ce contexte régional une dimension particulière puisque l’architecture des années 1450-1550 est alors envisagée tour à tour dans le domaine strictement aragonais, en Catalogne, à Majorque ou Valence, comme en Sicile, dans le royaume de Naples, à Malte ou dans les anciens comtés de Roussillon et de Cerdagne. C’est ainsi un panorama particulièrement vaste que nous permettent d’embrasser les études monographiques réunies dans ce volume. La démarche adoptée s’inscrit en cela dans le prolongement des relations et des travaux engagés depuis plusieurs années entre historiens de l’art italiens et espagnols et dont témoignent les ouvrages et les catalogues d’exposition publiés ces dernières années par Arturo Zaragozá2 ou Marco Nobile3 (deux des auteurs du présent ouvrage) sur le Gothique méditerranéen et l’architecture des xve et xvie siècles.
Le point de vue adopté offre l’opportunité de saisir le passage du Gothique à la Renaissance dans une complexité qui voit, autour de 1500, les vocabulaires se superposer, des hybridations se produire et les constructeurs faire montre de « bilinguisme ». Il ne cache pas certaines résistances apparues face au langage renaissant « a la romana ». Il met également en évidence des différences notables, d’un lieu à l’autre ou d’un contexte à l’autre, dans la pénétration des modèles renaissants, revenant ainsi de manière stimulante sur une vision un peu trop monolithique du phénomène.
La multiplicité des expériences richement décrites fait regretter l’absence d’une conclusion générale qui aurait pu reprendre de manière synthétique la question de l’unité et de la diversité du passage du 223Gothique à la Renaissance dans la Couronne d’Aragon, posée en sous-titre au volume. Si les aspects matériels de ces chantiers sont peu évoqués, c’est que la démarche adoptée est celle d’une histoire de l’art attentive aux mouvements des formes et des hommes qui unissent en partie les diverses régions envisagées. Les études rassemblées rendent parfaitement compte, par leur richesse et leur qualité, de la fertilité de cette période de transition. L’ouvrage, voulu par ses curateurs comme une base à de futures investigations, joue en cela pleinement son rôle, montrant à travers l’évocation de la carrière de quelques figures-clés (hommes de l’art ou commanditaires) ou la mise en évidence de l’impact de certaines entreprises éditoriales, le potentiel non encore épuisé de diverses pistes de recherche. Il se révèle aussi particulièrement original par le parti pris de se situer entre Gothique et Renaissance et prêter ainsi attention aux survivances comme aux nouveautés, rompant par là avec une périodisation académique par trop rigide quand il s’agit d’appréhender des manifestations humaines forcément complexes et ambivalentes.
Philippe Bernardi
CNRS, LaMOP (UMR 8589 CNRS – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
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Florian Meunier, Martin et Pierre Chambiges. Architectes des cathédrales flamboyantes, Paris, Picard, 2015, 359 p.
Avec cet ouvrage, Florian Meunier nous livre une très belle démonstration de ce qu’une histoire de l’art attentive aux formes, bien sûr, mais également à la matérialité des œuvres et aux sources écrites qui 224les documentent peut apporter à notre connaissance de la construction médiévale. Le plan de l’ouvrage reflète le parti pris par l’auteur d’aborder la figure de ces « architectes de cathédrales flamboyantes » sous plusieurs angles : « le métier d’architecte » (1re partie) ; « les monuments » (2e partie) ; « Le style des Chambiges et sa postérité » (3e partie).
Les Chambiges, à savoir Martin, Pierre Ier, son fils, et Pierre II, son petit-fils, tous trois architectes de renom, sont connus pour avoir dirigé des constructions insignes. Mais c’est sur les deux premiers que porte essentiellement le travail de Florian Meunier et plus particulièrement sur leurs œuvres flamboyantes, c’est-à-dire sur leur participation aux constructions des cathédrales de Sens, Beauvais, Troyes et Senlis.
Si Florian Meunier affine la biographie de ces personnages, l’objet du livre est avant tout l’architecture flamboyante, longtemps négligée ou minorée et qui suscite légitimement un grand intérêt de la part des chercheurs français, comme en témoignent les travaux de Denis Cailleaux, Agnès Bos et Étienne Hamon. Les Chambiges sont une porte d’entrée dans le monde de la construction des décennies qui entourent le passage du xve au xvie siècle.
La première partie de l’ouvrage, consacrée au Métier d’architecte, est l’occasion d’aborder des questions majeures comme celles de la formation de l’architecte ou des rapports avec les commanditaires. C’est l’occasion pour l’auteur de souligner l’implication rarement relevée des chanoines dans les chantiers cathédraux et de consacrer quelques pages bien documentées à la question du financement. Cette première partie est également l’occasion de revenir sur le mot et la fonction d’architecte et de se livrer à une analyse du vocabulaire employé qui met, par exemple, en évidence un usage sélectif du qualificatif magister comme marque de respect des chanoines de Troyes à l’égard de Martin Chambiges mais aussi un recours plus fréquent au terme architectus démarquant Martin et Pierre Chambiges des maîtres maçons troyens. Le métier d’architecte y est abordé sous tous ses aspects ; le cas des Chambiges permettant de souligner l’importance revêtue par les dessins et les plans qui font de Martin Chambiges « le premier maître maçon dont on ait la preuve qu’il commandait sans lui-même mettre la main à l’ouvrage » (p. 88).
La deuxième partie, consacrée aux monuments, est l’occasion d’une confrontation entre textes et bâti et propose une analyse remarquable 225des chantiers des quatre cathédrales retenues. Si le plan choisi, chronologique, voit se succéder une série de monographies, la lecture de cette partie centrale du volume apporte des précisions sur des processus de construction non dénués de repentirs et d’hésitations, comme à Troyes où, en 1511, il fallut choisir entre jeter les fondations de la seconde tour de façade dès l’année suivante ou poursuivre la construction de la tour nord une année de plus. Cette partie est riche de multiples considérations sur les chantiers flamboyants des Chambiges et souligne, à juste titre, l’importance des reprises d’éléments inachevés, dont Martin Chambiges semble se faire une spécialité. Cette pratique, qui a sans doute marqué la carrière de plus d’un architecte de l’époque, mériterait assurément d’être envisagée à une large échelle tant du point de vue des techniques auxquelles elle impose de recourir que du rapport au projet qu’elle implique.
La troisième partie du livre porte sur le style des Chambiges que l’auteur s’applique à caractériser à partir des éléments datés et étudiés dans les parties précédentes. Ce faisant, au vu de l’influence des Chambiges, c’est à une définition du flamboyant que s’attèle Florian Meunier. Dans cette centaine de pages encore plus richement illustrée que les précédentes, l’auteur expose des traits communs aux architectes flamboyants qui « semblent avoir perfectionné la science géométrique de leurs prédécesseurs pour parvenir à l’élaboration – voire à une représentation mentale – d’un emboîtement de volumes » (p. 188). C’est dans ce contexte que l’originalité du style des Chambiges est envisagée à travers l’analyse des « motifs chambigiens » tels que le trilobe déformé ou rampant que l’on trouve au portail sud de Sens dès les années 1490. Dans un paragraphe qui rend bien compte de sa démarche Florian Meunier conclut ainsi que « la qualité de mise en œuvre qu’exigeait le style de Martin Chambiges sous peine de perte complète de sens permet d’entrevoir quel lien pouvait exister entre la technique de l’architecte qui est documentée par les archives des chapitres cathédraux et son style dont le détail se lit sur les monuments » (p. 194). L’analyse du style des Chambiges est aussi l’occasion, pour Florian Meunier, de réfléchir à la question de la transmission. Si la figure de Martin est de loin dominante, celle du fils (Pierre Ier) intrigue, ouvre des perspectives, donne une profondeur historique.
226Ce livre n’est en rien un manifeste et il n’en a que plus de force, démontrant par l’exemple l’intérêt d’un échange entre histoire, histoire des techniques, histoire de l’art et archéologie.
Philippe Bernardi
CNRS, LaMOP (UMR 8589 CNRS – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
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Susan Verdi Webster, (College of William and Mary), « Masters of the Trade. Native Artisans, Guilds, and the Construction of Colonial Quito », Journal of the Society of Architectural Historians, 2009, 68, no 1, p. 10-294.
La ville de Quito est la première ville mondiale à avoir été classée au patrimoine de l’humanité en raison de son exceptionnelle concentration de bâtiments coloniaux du xviie siècle. Le fameux « cloître des Andes », comme on la surnommait, conserve pas moins de douze monastères et couvents, sept églises et une cathédrale, plusieurs retraites, ermitages et chapelles indépendantes, ainsi que 5 000 maisons de cette époque.
Dans un article programmatique5, Susan Verdi Webster, professeur d’histoire de l’art au College of William and Mary (Williamsburg, Virginie) 227en étudiant la construction de la ville coloniale de Quito, aujourd’hui capitale de l’Équateur, entre 1580 et 1720, remet radicalement en question un certain nombre d’idées reçues et de façon magistrale.
–Tout d’abord, l’auteur conteste l’idée selon laquelle, à la suite de toute conquête coloniale, le travail se répartit entre le labeur manuel exercé par les autochtones et l’activité intellectuelle de conception et de direction réservée aux colons européens (invenit versus fecit). En effet, l’étude des registres notariaux, de ceux de l’administration de la ville et d’autres archives spécifiques démontre avec force l’omniprésence des maîtres de métiers indigènes sur cet immense chantier urbain et surtout leur haut niveau de compétence et de contrôle tant sur la fabrica que sur la ratiocinatio architecturale.
–Ensuite, l’auteur remet en cause l’idée selon laquelle les métiers étant dirigés par le conseil de la ville composé principalement de colons, tout travail était entre les mains de professionnels espagnols ou tout au moins de la hiérarchie coloniale. Or, même si la structure et les règlements des métiers reflètent souvent des tensions sociales et racistes à l’égard des indigènes et même si les gens de métiers européens se battent pour conserver leurs secrets de fabrique à l’encontre des indigènes, 228–des structures professionnelles parallèles strictement indigènes se sont constituées pour travailler librement à l’instar des métiers composés de colons, sans toutefois être contrôlées par ces derniers.
–Enfin, Susan Webster se révolte contre l’idée selon laquelle la participation au travail des natifs était anonyme. La littérature ne reconnaîtrait que des auteurs espagnols ou européens dans toutes les manifestations de la production architecturale coloniale (conception de plans, traités), ne réservant à la population indigène en bloc que la main d’œuvre anonyme qualifiée, voire non qualifiée. Si un nom de natif est parfois cité, il ferait figure d’exception. Pourtant les traces laissées dans les archives notariales et les livres de comptes prouvent le contraire.
Bien sûr, l’auteur ne revient pas sur la participation de la population native aux travaux de construction proprement dits, aux durs labeurs d’extraction des pierres, à la confection des matériaux, à l’élévation des ponts qui nécessitent une main d’œuvre nombreuse et corvéable.
Susan Webster organise et expose sa recherche en deux temps :
Dans une première partie, elle démontre ses hypothèses susvisées en trois points.
–Elle explique d’abord le rôle des métiers en matière de contrôle professionnel. Le système corporatif est assez tardif, pas avant 1690. Les corporations du bâtiment ne possèdent pas de statuts. Les archives notariales ne révèlent aucune trace d’apprentissage dans le domaine de la construction. Le métier de bâtisseur se transmettait traditionnellement de façon informelle en raison d’une part de l’existence d’une sorte de « corvée » locale (la mita) couplée avec la tradition inca des yanaconas (serviteurs natifs payés qui servaient de main d’œuvre) et d’autre part de la tradition datant de l’occupation inca selon laquelle certains groupes indigènes se constituaient en spécialités professionnelles et partageaient leur savoir de génération en génération sans toutefois faire l’objet de ladite mita (par exemple, les charpentiers indiens de la ville de Quero).
229–Ensuite, elle s’attelle à présenter les acteurs qui s’occupaient du champ constructif. Elle prouve l’existence de communautés autochtones de gens du bâtiment. Davantage, elle démontre que celles-ci ont contrôlé l’ensemble de l’industrie de la construction organisée dans un cadre hiérarchique administratif indigène et durant deux siècles.
–L’auteur s’attache enfin à la question du contrôle officiellement réservé aux indigènes élus par le chapitre espagnol à partir de 1690.
Dans la seconde partie de son article l’auteur présente, contrairement à l’anonymat habituel de cette population d’entrepreneurs natifs, trois biographies de maîtres indigènes du bâtiment pour leur redonner une identité et une place dans l’histoire (Diego Vega de Santiago ; Juan Benítez Caňar et Francisco Tipán). Nous constatons que la documentation est riche à leur sujet.
Ce remarquable travail stimulant et innovant renoue avec la tradition initiale d’un Auguste Choisy, cet ingénieur historien Français qui, il y a plus d’un siècle, dans une œuvre considérable avait su coupler habilement l’histoire technique et l’histoire économique, juridique et sociale romaine pour devenir un des premiers historiens de la construction. Nous attendons avec impatience de lire les publications à venir de cet auteur, comme nous recommandons la lecture de ses travaux qui ont le mérite d’offrir des informations riches et nouvelles sur des espaces géographiques lointains mais dans le cadre d’un modèle colonial qu’a bien connu le vieux continent.
Robert Carvais
CNRS, CTAD
(UMR 7074 CNRS –
Université Paris-Nanterre)
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Claudia Murray, « The regulation of Buenos Aires’ Private Architecture during the late Eighteenth Century » in Architectural History. Journal of the Society of Architectural Historians of Great Britain, vol. 51, 2008, p. 137-160.
Qui prétend que les recherches sur le droit en histoire de la construction sont délaissées et rarement renouvelées ? Si nous sommes relativement peu à y travailler en France6, il ne faut pas mésestimer ce champ de recherche à l’étranger7. Claudia Murray, chercheur à la School of Real Estate and Planning (École d’immobilier et d’urbanisme) de l’Université de Reading/Henley, y contribue par exemple en livrant cette passionnante étude sur la réglementation de l’architecture privée de Buenos Aires à la fin du xviiie siècle.
Cette recherche se situe sur le terrain colonial en Amérique latine. La fin de la dynastie des Habsbourg en 1700 laisse l’empire espagnol en ruine. Le nouveau siècle voit arriver celle des Bourbons qui promet une importante influence française. La restructuration économique de cette colonie qu’est l’Argentine, et particulièrement sa capitale Buenos Aires, a déjà donné lieu à de multiples recherches8. Cet article entend dans ce contexte culturel retracer comment l’urbanisme – et à travers lui la construction – a été l’objet de grandes réformes qui, au-delà des volontés esthétiques purement architecturales, n’avaient d’autres buts que de contrôler la population locale constituée de citoyens « porteños9 » 231qui ont très vite compris dans ces réformes leur propres intérêts en se constituant des gains inespérés en matière immobilière.
Une nouvelle administration s’est installée avec les Bourbons enclenchant des réformes de toute nature : concernant la marine déterminante pour le commerce transatlantique, la réorganisation des bureaux administratifs autour de structures importées de France, comme la création d’intendances au service de la vice-royauté, dont celle à partir de 1778 dénommé Superintendente de Real Hacienda = Superintendant of the Royal Estate, autrement dit la surintendance des bâtiments royaux en charge de l’administration économique et donc des questions de propriété terrienne et de la construction sur celles-ci. Par ordonnance du 28 janvier 1782 Buenos Aires est rattachée à cette nouvelle administration. La surintendance régit en quelque sorte la police urbaine (qui formerait un pléonasme si l’on fait référence à la polis grecque), bref ce qu’un Nicolas Delamare entend dans son Traité de la police qui date du début du xviiie siècle, rappelons-le : c’est-à-dire la construction et l’urbanisme toujours dans leurs rapports avec l’ordre public privilégiant à cette époque surtout la sécurité et la salubrité, à travers l’organisation de la santé (hôpitaux, cimetières), du commerce, de l’alimentation et de l’industrie (approvisionnement des marchés, accès à l’eau, récolte des déchets, dangerosité des fabriques) et de la voirie (organisation de la voie publique, des transports, des bâtisses, des carrières et des fours à chaux et à plâtre).
Le second surintendant des bâtiments de Buenos Aires, Francisco de Paula Sanz (1783-1788) opère une transformation capitale en matière de construction et d’urbanisme par le biais d’une ordonnance du 4 février 1784 en instaurant un permis de construire. Ainsi aucune construction, aucune fondation, aucun mur, pas même un simple changement de porte d’entrée, ne pourront être effectués sans la permission du gouvernement. Pour établir ces nouvelles règles, cet administrateur s’adjoindra le concours et la participation d’un ingénieur royal et de plusieurs entrepreneurs de bâtiment10, comme maestros mayores de la cuidad. Les propriétaires terriens furent contraints de délimiter matériellement leur propriété pour obtenir leur permission de bâtir et de cesser de construire de manière anarchique. Cette obligation permettait au gouvernement de poursuive trois objectifs :
232–faire reconnaître la propriété du sol auprès des accédants à la propriété et encourager les citoyens à investir dans la construction, en confirmant un rôle déterminant au statut de propriétaire et à la preuve de la propriété.
–Augmenter les impôts locaux en taxant dorénavant les propriétaires et donc s’assurer de revenus conséquents.
–Restaurer la structure matérielle urbaine dans la grille initialement prévue de découpage de la ville en parcelles régulières et ainsi contrôler davantage la population.
L’auteur en dépouillant ces permissions de bâtir conservées aux Archives nationales d’Argentine (Archivio General de la Nacion Argentina) parvient à dégager deux conclusions significatives : d’une part, cette réforme a eu pour effet de restreindre les choix esthétiques constructifs auprès des maîtres d’ouvrage et d’autre part, d’accroître sur le plan économique les avantages financiers des bâtisseurs.
L’organisation des constructions selon une planification régulière n’est ni nouvelle, ni limitée à l’Argentine. Elle est dominante dans toutes les cités espagnoles au cours du xviiie siècle, si l’on en croit le témoignage célèbre de l’abbé Antonio Ponz dans son Viaje de Espana11. Ce dernier estime que chacun doit pouvoir construire selon ses moyens mais qu’une façade doit respecter le bon goût12 et ne pas afficher les caprices des propriétaires. Ainsi, entrent dans le contrôle prévu la manière de bâtir, les proportions et le style architectural. Les maîtres mots du style à suivre furent ceux du néo-classicisme : unité et ordre, tranchant avec le style baroque de la période antérieure. La procédure d’obtention du permis de construire est constituée principalement pour contrôler la régularité des façades. La requête est déposée auprès du bureau compétent de la surintendance avec plans et description du projet ; des experts sont dépêchés sur place pour mesurer la ou les parcelles concernées et apprécier avec les voisins le projet envisagé. Ils rendent un rapport qui détermine la décision du surintendant. L’auteur constate que les projets concourants à une uniformité des façades sont systématiquement favorablement 233accueillis. Cette réforme s’opère dans un contexte culturel favorable : traduction espagnole du Vitruve en 1761, personnification du style classique dans le souvenir de Juan de Herrera (1530-1593), bâtisseur de l’Escorial (Madrid), de la Cathédrale de Valladolid et de la Bourse de Séville. L’auteur fournit des exemples frappants de restructuration de projets constructifs non conformes (déséquilibre des façades) mais les lacunes des archives l’empêchent de conclure avec certitude sur la pertinence ou l’altération des principes de l’architecture classique. Elle conclut cependant sur une nette tendance à l’adhésion des maîtres d’ouvrage à ce système contraignant.
Cette procédure a-t-elle provoqué un nouvel ordre social ? En Amérique latine, au xviiie siècle, la situation économique semble prospère. Les villes coloniales espagnoles s’organisent en quartiers (cuarteles) pour faciliter le rapprochement et le nivellement social. La densité des blocs d’habitation varie selon les quartiers de Buenos Aires. Et la répartition de la population n’est pas anodine. Moins il y a d’habitants dans un quartier, davantage celui-ci est contrôlable. Cependant, la véritable hiérarchie sociale s’affiche à travers les variantes du style néo-classique retenues par le Gouvernement. Davantage la façade présente de l’originalité, davantage celui qui y habite est reconnu comme faisant parti de l’élite. Les éléments de décoration même simples (balustrades interrompant la stricte régularité) et/ou la multiplication de la verticalité des fenêtres qui accentuent l’effet d’optique de l’allongement des bâtisses vers le haut, sont des moyens de distinction sociale. En plus de la façade, la profondeur et le nombre de patios de chaque maison concourent également à définir le niveau social.
La troisième découverte de l’auteur permet de comprendre comment les maîtres d’ouvrage de l’époque recomposent, en raison des réformes administratives, le marché de la propriété et profitent financièrement de cette contrainte policière. Les parcelles attribuées à l’origine aux conquistadors se démultiplient par la division. Les commanditaires acceptent de construire des habitations plus petites sur les mêmes surfaces, ce qui permet de décupler les transactions. L’auteur regrette seulement de ne pas avoir pu trouver les qualifications juridiques exactes des destinataires de ces nouvelles constructions. Sont-ils propriétaires ou locataires ? Sous quelles formes de propriété agissent-ils ? Les archives notariales locales, si elles existent, devraient pouvoir la renseigner et fournir d’autres 234pistes de recherches sur le lien potentiellement existant entre la taille de l’habitat et le type de contrat d’occupation. Finalement, la construction dans la capitale argentine est devenue à cette époque un investissement financier très attractif, comme d’ailleurs dans d’autres villes d’Espagne, comme Barcelone dont on connait l’expansion tardive13. Une comparaison avec les villes européennes s’imposerait. Les méthodes de découpage des parcelles varient pour parvenir aux mêmes finalités. Une parcelle en coin permet de démultiplier encore plus les petites habitations avec entrée directe sur la rue, en érigeant deux rangées de constructions, des patios communs et des boutiques d’encoignure. On commence même à développer l’habitation collective à plusieurs étages, mais cette dernière demeure rare. Les constructions se développent progressivement sur les parcelles ajoutant les bâtiments les uns aux autres, les pièces mêmes les unes aux autres, au fur et à mesure de l’investissement possible. Cette situation se développe auprès de toutes les strates de la société. L’auteur nous donne pourtant l’exemple d’une ancienne esclave affranchie qui a pu se faire construire une maison toute simple. La frénésie de l’activité constructive aboutit inévitablement à la spéculation qui entache davantage la réforme gouvernementale. En effet, à force de construire de plus en plus petit, les espaces de respiration et de lumière en pâtissent : les patios ont tendance à disparaître. Mais, comme le souligne l’auteur, cela importe-il encore aux autorités, puisque seules les simples façades régulières sont retenues par les récits de voyage des étrangers. L’honneur de l’Argentine coloniale était ainsi sauf.
Robert Carvais
CNRS, CTAD
(UMR 7074 CNRS –
Université Paris-Nanterre)
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Laurent Baridon, Jean-Philippe Garric et Gilbert Richaud (textes réunis par), Les leçons de la terre. François Cointeraux (1740-1830), professeur d’architecture rurale, Paris, INHA / Les éditions des cendres, 2016, 348 p. ill. coul.
Cet ouvrage fait suite au colloque « François Cointeraux, pionnier de l’architecture moderne en terre », organisé à Lyon en mai 2012, par les directeurs susvisés auxquels était joint Louis Cellauro14. François Cointeraux est bel et bien un personnage emblématique dans le domaine de l’histoire française de la construction. Redécouvert et classé parmi les utopistes depuis une vingtaine d’années seulement – trente-cinq années selon Gilbert Richaud et Louis Cellauro – il est considéré comme l’un des précurseurs du béton et le premier prosélyte de l’emploi de la terre crue sous forme de pierres factices ou de briques crues (sortes de parpaings de ciment) ou nouveau pisé. Cet homme paradoxal à plus d’un titre et au parcours exigeant propose également des solutions en matière de charpente (à propos des volumes sous comble), en matière de chauffage. Sa longue vie se déroule à cheval, entre les xviiie et xixe siècles, ce qui lui permet de connaître la montée en puissance de la Révolution, traversant ainsi plusieurs régimes politiques : royauté, république, 236empire. Sa biographie tumultueuse reflète beaucoup cet environnement politique et social d’inventivité, d’expérimentation, d’énergie créatrice, pourrait-on dire. Il a également le temps d’exercer plusieurs métiers, entrepreneur maçon, expert juré, architecte, professeur d’architecture rurale, inventeur de procédés constructifs…
Né à Lyon, il s’installe à Paris et conservera tout au long de sa vie et de son œuvre une position clé entre l’urbain et le rural, défendant une architecture naturellement familière de la campagne et « les hommes des champs plus rapprochés de la nature ». Tantôt optimiste, tantôt pessimiste, il apparaît avant tout homme de conviction. Artisan constructeur, il partagera sa vie entre une certaine idée de la pratique et une volonté de développer une théorie. Il construit et nombre de ses œuvres font l’objet d’une analyse dans l’ouvrage. Mais il écrit aussi une littérature pléthorique. Si son œuvre n’est pas soutenue, ni reconnue en France, elle sera lue et pratiquée à l’étranger.
Si François Cointeraux est un héritier des Lumières, en raison de sa volonté extrême de servir l’ensemble des citoyens (grâce à des inventions au service de l’intérêt général) et le monde rural en particulier, convaincu de devoir enseigner cette nouvelle architecture rurale qu’il prône, il se révèle aussi un tantinet égocentrique, voire paranoïaque, parce que ses écrits sont expressément autobiographiques et qu’il y exprime parfois un fort sentiment de persécution.
L’histoire de ce personnage, enfin, s’écrit au croisement de plusieurs champs au rang desquels figure l’histoire de la construction (voir plus haut), mais aussi de l’histoire de l’édition, en raison de l’ampleur et de la variété de sa production imprimée (70 brochures, entre 1788 et 1826, sous formes de « leçons, traité, prospectus, almanach, journal, réflexions, fascicules, modèles, conférences, cours, instructions ») ou encore de l’histoire de l’architecture parce qu’il incarne une extension de la discipline à de nouveaux terrains (l’architecture rurale ou « agritecture15 » – terme paraissant en 1797, mais aussi l’économie constructive) et de nouveaux acteurs (le monde intermédiaire entre les maçons et les architectes : toiseurs, contrôleurs, inspecteurs, vérificateurs, conducteurs, etc.), bref il participe à l’écriture d’une histoire culturelle et sociale des arts.
237Les contributions de l’ouvrage sont réparties en quatre parties :
1. Il est toujours essentiel dans l’étude d’une œuvre quelle qu’elle soit de la mettre en contexte et de rechercher les moyens mis en place pour la fabriquer, en déceler les stratégies de l’auteur. Jean-Philippe Garric replace l’œuvre de Cointereaux dans l’environnement contemporain des écrits sur l’architecture rurale qui ne réussit pas à convaincre puisque ne correspondant pas aux politiques nationales de modernisation de l’agriculture, ni à celles des élites puisque ne retenant pour ainsi dire pas la dimension artistique de l’architecture. Laurent Baridon s’intéresse à sa culture scientifique et aux réseaux savants dont il a pu bénéficier, soulignant son réel intérêt pour les théories scientifiques baroques, tout en préfigurant des analogies romantiques entre cosmos et architecture. Valérie Nègre examine son utilisation communicationnelle de la presse dans sa participation au Journal des bâtiments civils et des Annales de l’architecture et des arts ou comment un type d’artisan se place comme intermédiaire entre les métiers du bâtiment et l’architecture et devient militant pour une finalité d’intérêt général. Christine Demeulenaere décode ses stratégies pour obtenir protections et financements afin de développer ses inventions à une époque où il était difficile de se faire reconnaître comme inventeur, surtout si l’on se trouvait dans une situation financière difficile.
2. L’œuvre bâtie de Cointereaux et ses procédés de construction, malgré leur part d’innovation, constituent le plus souvent des échecs. Nathalie Mathian traite de la technique du décor peint sur enduit destiné à conférer au pisé une certaine noblesse d’aspect susceptible de pallier sa rusticité naturelle. L’entrepreneur-architecte renouvelle ainsi une tradition lyonnaise en lui prêtant toutes sortes de vertus (morales, sociales) sans jamais lui faire atteindre le succès. Jean Dubois examine le cas de l’immeuble de rapport moderne, ambitieux et prestigieux qu’il bâtit pour les Dominicains. Malgré ses tentatives pour modérer le coût de l’opération et l’esprit de conciliation qu’il développa à l’égard des commanditaires, il dut se résoudre à n’en être que l’architecte sans en conserver la maîtrise d’œuvre. Jean-Louis Leguay retrace encore l’échec de Cointereaux dans la réalisation de modèles de maisons incombustibles, procédé pour lequel pourtant l’Académie des sciences, belles-lettres et arts d’Amiens lui avait décerné le premier prix d’un concours lancé à cet effet. Martine Plouvier analyse enfin sa participation ratée à la 238construction dans la nouvelle ville de la Roche-sur-Yon de bâtiments civils et militaires en pisé. Les ouvriers qu’il emploie se montrant peu qualifiés, la ville est ainsi couverte de boue. Son expérience discrédita ainsi pour longtemps, la technique du pisé.
3. La réception, les diffusions et l’influence de l’œuvre de François Cointereaux à l’étranger constituent des transmissions réussies. Mauro Bertagni traque l’influence de son traité sur l’italien Del Rosso qui publia dès 1793 Dell’Economia Costruzione delle case di terra, profitant de la présence française en Toscane. L’auteur cherche également à mesurer l’impact de cette œuvre en Italie à l’époque des Lumières. Carlos Alberto Cacciavillani s’intéresse lui aux relations peu documentées mais évidentes entre le directeur de l’école d’architecture de Madrid, Juan de Villanueva et Cointereaux ? La seule, mais importante, différence de leur approche de la technique du pisé réside dans la volonté du maçon français de la promouvoir à grande échelle à la différence de Villanueva qui ne fera que révéler une vieille tradition. Miles Lewis assure que l’emploi du pisé en Grande-Bretagne et dans ses colonies trouve son origine dans l’œuvre de Cointereaux mais aussi dans des pratiques africaines du Nord et espagnoles via la Californie. Henry Holland – le traducteur de Cointereaux – développa cette méthode avec succès, sans toutefois la concrétiser. D’ailleurs, nombre de contributions en Australie et en Nouvelle-Zélande provinrent davantage de Rondelet que de Cointereaux. Jessica Richardson démontre l’influence de ce dernier aux États-Unis sans toutefois transiter par Thomas Jefferson. Elle y découvre les preuves de sa diffusion intellectuelle, comme de la réalisation de ses pratiques dans le patrimoine architectural des États de Virginie et de Caroline du Sud.
4. Quel fut matériellement le devenir de la technique du pisé ? Quelles en sont les traditions conservées et les nouvelles perspectives dans le monde contemporain ? L’architecte Dorothée Alex procède à une analyse du patrimoine lyonnais de l’architecture en pisé, dont elle est la spécialiste16, patrimoine qui n’est pas négligeable en nombre mais qui se révèle être totalement en péril. Nicolas Reveyron montre 239comment les leçons de Cointereaux se sont développées en milieu rural au xixe siècle dans un souci philanthropique, social et économique à partir de l’exemple de la ferme Larue construite en Saône-et-Loire et agrandie au fur et à mesure du temps et des besoins, parfois en en ignorant le matériau d’origine au xxe siècle. Les chercheurs de l’équipe Craterre de Grenoble, spécialistes du pisé, les architectes Hubert Guillaud et Patrice Doat, achèvent l’ouvrage sur une mise en perspective contemporaine de l’œuvre de Cointereaux. Ils estiment qu’il n’a en réalité que revalorisé la technique sans y apporter de grandes innovations techniques qui ne verront le jour qu’au milieu du xxe siècle par l’emploi de coffrages intégraux dérivés du béton ou par la préfabrication d’éléments de murs déposés à la grue. Si la faisabilité économique de la technique reste à démontrer, elle conserve un potentiel à développer. Enfin, si elle est traditionnellement conservée dans certains pays, elle s’oriente de plus en plus vers les bétons en terre coulée.
Cet ouvrage richement illustré en couleurs, de facture exceptionnelle et exemplaire sur plan formel avec un apparat critique important (bibliographie chronologique de et sur Cointeraux ; index des lieux, des personnes et des institutions) dresse un portrait quasi complet sur ce personnage curieux et attachant que fut François Cointereaux autour de cette période emblématique de la Révolution, riche en innovation17. Nous regretterons cependant deux aspects insuffisamment traités, le premier concernant son rôle en matière d’économie constructive et le second sur son activité d’expert de province. Ces deux thèmes auraient pu faire l’objet d’articles à part entière. Enfin, il est dommage que la littérature grise ne soit pas reprise dans la bibliographie18.
Robert Carvais
CNRS, CTAD
(UMR 7074 – CNRS,
Université Paris Nanterre)
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Stéphanie Van de Voorde, Inge Bertels et Ine Wouters (ReUse-Ae-lab) (dir.), Post-War building Materials in Housing in Brussels 1945-1975 / Matériaux de construction d’après-guerre dans l’habitation à Bruxelles 1945-1975, Vrije Universiteit, Bruxelles, décembre 2015, 455 p. ill. couleurs.
Yvan Delemontey, Reconstruire la France. L’aventure du béton assemblé. 1945-1955, Préface de Bruno Reichlin, professeur honoraire de l’université de Genève, Paris, Éditions de la Villette, 2015, 398 p. ill. couleurs.
Le premier ouvrage est issu du projet de recherche « RetroCo : Connaissance et sauvegarde des logements d’après-guerre à Bruxelles sur la période des Trente Glorieuses », avec ce sous-titre engagé « Rénover pour garantir un patrimoine durable ». Il est original à plus d’un titre.
–D’abord parce qu’il est intégralement trilingue ;
–Réalisé à la fois sous forme papier mais aussi sous forme numérique ;
–Richement illustrée mais fondée sur une démarche scientifique ;
–Enfin parce qu’il est structurellement parlant et utile, davantage un catalogue-dictionnaire qu’un essai.
Alors que l’après-guerre est considéré comme la période de renouveau dans le domaine de la construction, l’économie occidentale connaît – en raison de divers évènements politiques et sociaux – des difficultés à poursuivre ce mouvement à partir des années 1980. Bien que la nécessité de logements fut toujours aussi vivace, les différents pays européens se sont aperçus que le parc d’habitats tant résidentiels que sociaux vieillissait et qu’il deviendrait indispensable de le rénover. Mais alors « comment rénover ou transformer convenablement un immeuble d’après-guerre sans perdre l’élégance et l’allégresse – euphorie – de sa conception d’origine ? » Pour répondre à un tel défi, il fallait évaluer les qualités architecturales, socio-culturelles, économiques et environnementales 241du patrimoine. Pourtant l’histoire de cette période connaît de sérieuses lacunes. Depuis peu néanmoins, l’architecture d’après-guerre est pris en compte dans des inventaires et dans des monographies, cependant il convient aussi de noter que ces œuvres bâties remarquables ont donné lieu à de nombreuses controverses et débats sur l’utilité ou non, voire l’intérêt, de les conserver. Il était devenu impératif de se pencher sur la nature des matériaux et des processus constructifs de cette période, d’autant que notamment entre 1945 et 1975 les nouveautés ont été pléthore19. Il convenait d’« évaluer cette architecture d’après-guerre » par la documentation et l’analyse de ces innovations. Ce projet constituait un des éléments clés pour comprendre la valeur esthétique, sociale, scientifique et historique de cette architecture jusqu’alors délaissée.
Telle est la finalité du livre et du site qui lui est rattaché : constituer des outils de base pour éclairer le développement et la mise en œuvre des matériaux et techniques de construction innovantes dans la construction résidentielle belge – spécifiquement bruxelloise – entre 1945 et 1975 pour des communautés variées allant de l’historien de l’architecture et de la construction aux praticiens restaurateurs et rénovateurs, en passant par les administrateurs et propriétaires que l’on qualifierait bien d’amateurs au sens noble du terme. Cette histoire matérielle doit permettre une mise en perspective des matériaux et de leur utilisation afin qu’elle puisse servir à fonder des stratégies de rénovation « durable », telle que « construire démontable » ou « recycler et réutiliser ». Les auteurs de cet important travail souhaitent inciter à la poursuite de telles recherches dans d’autres zones géographiques et sur des projets architecturaux différents20.
Les sources de cette recherche sont, hormis la littérature technique nationale et internationale (manuels, règlements et littérature grise), les catalogues d’entreprise et quatre revues belges emblématiques de l’époque : La Maison (1945-1970), Bouwen en Wonen (1953-1962), Architecture (1952-1970) et Habiter/Wonen (1957-1984).
242Le cœur de l’ouvrage est structuré en huit chapitres traitant chacun d’un matériau ou élément du bâti spécifique ayant été inventé ou utilisé de manière novatrice pendant la période dans le secteur résidentiel bruxellois :
–Le béton léger
–L’isolation thermique et acoustique
–Le verre et les vitrages
–Les systèmes de plancher préfabriqué
–Les châssis de fenêtres
–Les panneaux de revêtement et sandwich
–Les panneaux de façade en béton préfabriqué
–Les systèmes de préfabrication lourde
Pour chaque innovation, sont délivrés les caractéristiques, les marques et des exemples d’utilisation.
Le site numérique complémentaire (www.materiauxdeconstructiondapresguerre.be) donne accès à davantage d’illustrations, de références de mises en œuvre, de publicités publiées mais également un outil de recherche pratique qui ne figure pas naturellement dans le livre papier, avec index des marques et produits ainsi qu’un lexique de termes techniques. L’ouvrage s’achève par une copieuse bibliographie, la liste des cas étudiés, les copyrights et la liste des abréviations utilisées.
Les vœux des auteurs de ce dictionnaire belge des innovations en matière de matériaux et de processus constructifs semblent avoir été exhaussé à travers la publication d’Yvan Delemontey qui, même si ce deuxième ouvrage adopte le parti pris d’une démonstration scientifique de fond – il s’agit d’une thèse – sur un autre terrain (la France) et une période légèrement plus courte et différente incluant la période de la 2de Guerre mondiale (1940-1955), constitue autour de la seule question matérielle du « béton assemblée » une recherche complémentaire du premier travail se basant sur le même type de sources : archives de la reconstruction au sens large du terme (celles des architectes ayant participé à l’aventure et celles déposées à la Cité de l’architecture et du patrimoine, mais aussi dans de très nombreux autres établissements nationaux : Ministère de la construction, Arts décoratifs, Centre Pompidou, Archives nationales, Centre scientifique et technique du bâtiment, Institut national de la propriété intellectuel, mais encore provinciaux comme les 243archives municipales du Havre, départementales du Loiret, les archives de la société académique de Lyon, les archives du monde du travail de Roubaix, celle de l’université de Genève et quelques archives privées) et périodiques phares de l’époque (Les Annales de l’Institut technique du bâtiment et des travaux publics, L’Architecture d’aujourd’hui, L’Architecture française, Les Cahiers du CSTB, Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment et Techniques et Architecture).
L’auteur retrace ici l’« épopée de la préfabrication » en France à partir de l’histoire du béton, matériau dominant, flexible, économique, mais surtout donnant la possibilité à la fabrication de pièces en série prêtes à être assemblées sur le chantier, facilitant le travail de la main d’œuvre. Pourtant la préfabrication existe depuis longtemps et elle n’est pas de même nature selon les pays (métallique en Grande-Bretagne, traditionnelle en Italie). Dans les années 1940, le débat porte sur les agglomérés, puis sur les panneaux lourds et enfin dans les années 1960, les composants modulables. La spécificité française du béton assemblé durant ces années d’après-guerre est l’occasion d’une inventivité constructive sans précédent donnant lieu à une prolifération de procédés nouveaux d’un grand raffinement. Si la politique de la Reconstruction, ainsi que les grandes figures héroïques de cette période, ont donné lieu à des études historiques, la plupart des techniques inventées à cette époque dans ce cadre sont largement ignorées. Si le béton, matériau de tous les possibles, fascine c’est davantage pour ses capacités plastiques et sculpturales de son aspect extérieur que sur ses capacités à régler facilement les problèmes de logement par le biais de la préfabrication de panneaux. La construction devient après-guerre un terrain d’expérimentation dans lequel les méthodes et les techniques se renouvellent, indissociables d’une certaine qualité architecturale. Il est pour le moins étonnant – sans doute en raison de la mauvaise presse à l’égard des Grands ensembles – que l’on ne se soit pas intéressé davantage à la préfabrication de cette époque ni à la période de la Reconstruction qui n’a suscité jusqu’à présent que des visions fragmentées. Pourtant les bouleversements dans le champ constructif sont radicaux. Vers 1945, on passe d’une préfabrication métallique à une préfabrication en béton en raison de la possibilité d’assemblage de pièces, ce qui incite à une réorganisation complète des modes de production en plaçant au centre le processus constructif au détriment du seul résultat. La conception même du projet est ainsi revisitée.
244L’auteur s’efforce de répondre à trois questions :
1. Quelle préfabrication et pour quels enjeux ? Ces interrogations permettent de faire ressortir, à propos de la préfabrication, la controverse idéologique entre le système français et américain, comme finalement de nouveaux rapports de force entre les professions d’architectes et d’ingénieurs.
2. Où le dynamisme de la préfabrication prend-t-il ses sources ? Dans la réelle pénurie de logements, de matériaux, mais également de la main d’œuvre due à la guerre. De fait, soit sont réutilisées et perfectionnées de vieilles techniques et des matériaux oubliés, soit de nouvelles méthodes et processus sont mis au jour dans une finalité de rationalisation du travail de chantier par une production préparée en usine.
3. Enfin quel est le rôle de la préfabrication sur l’évolution du logement ? Du béton dans l’ossature, on passe dans les années 1950 à l’introduction du voile de béton porteur qui se développe en même temps que la préfabrication lourde par la technique du béton banché, coulé à pied d’œuvre à partir de 1945. Le coffrage revient alors à investir l’outil plutôt que le bâtiment lui-même.
En choisissant cette période incluant la guerre, l’auteur insiste pour expliquer que la préfabrication se prépare dans les années 1930 et que l’Occupation est l’antichambre de la Reconstruction. Quant au terminus ad quem, 1955 représente le moment symbolique de la mise en service de l’usine de préfabrication Camus.
Cette histoire de la préfabrication durant la période choisie opère un changement de paradigme pour les historiens de l’architecture, celui de réinvestir leur discipline comme dépendante des considérations matérielles de chantier, ce qu’elle a souvent eu tendance à oublier lorsqu’elle ne s’intéresse qu’à l’élaboration du projet.
Yvan Delemontey répartit son ouvrage en quatre parties :
La première partie s’intéresse à la Reconstruction et ses engagements constructifs. L’auteur y dresse le contexte historique, statistique et institutionnel rappelant la politique technique volontariste menée par le Ministère de la reconstruction urbaine (MRU) à travers la création de plusieurs institutions (Commissariat à la Reconstruction, Service des 245études de la Reconstruction, Centre scientifique et technique du bâtiment), la mise en place de concours nationaux pour susciter l’invention et les nouveaux procédés de construction.
La seconde porte sur le choix de la « préfabrication » (terme introduit en France vers 1945) et ses enjeux. Alors que les États-Unis pensent cette question comme devant aboutir à une réalisation de la construction dans son intégralité, la France opte pour un système de préfabrication par éléments, utilisant principalement le béton. Cependant, il faut construire vite, beaucoup et au moindre coût. Cela nécessite une organisation rationnelle efficace. Si les États-Unis servent de modèle pour leur réflexion et leurs expériences de productivité, la France voit la question se déplacer vers une opposition professionnelle entre architectes et ingénieurs.
Les deux parties suivantes, plus denses et richement illustrées, proposent une chronologie du phénomène de la préfabrication en deux étapes :
De 1940 à 1949, à partir des pénuries constatées lors de cette période trouble, des innovations sont élaborées à tout va. La situation catastrophique dans laquelle la guerre mondiale entraine les pays européens pousse ces derniers à trouver des solutions de remplacement là où les manques se font sentir. Quel que soit le domaine abordé, soit il fallait faire avec moins, soit il fallait faire avec un produit à bon marché : dans le champ constructif, dans un pays où la normalisation est règlementée strictement et pour la première fois (création et organisation de l’Association française de la normalisation ou AFNOR), ces deux voies (la redécouverte et le perfectionnement de matériaux et de procédés classiques de maçonnerie au titre de la substitution et la mise au points de procédés économes au titre de la restriction) ont stimulé l’innovation : le béton de terre, la brique crue, les rondins de bois, la pierre pré-taillée, le plâtre structurel, la « fusée céramique » mais aussi de nouveaux procédés structurels pour les planchers, pour les façades. Les éléments de montage du Lego constructif sont repensé : blocs de béton aggloméré de toutes sortes (homogènes avec Rouzeaud, hétérogènes avec Forestier, composites avec Coignet), dalles planes (par Gutton), nervurées (ERIES) de grande hauteur (Mopin). Certains systèmes vont plus loin, soit qu’ils soient mixtes associant une structure en acier avec une enveloppe en béton (procédé La Lorraine, celui des 246Maisons Phénix, la Maison Isotherme de Raoul Decourt), soit qu’ils soient tout en béton, comme les procédés SAMCA (utilisé par Henri Sauvage), JEEP (breveté par Blache et Galloy) et Inotro (mis en œuvre par André Hermant). Si cette période est inventive, elle privilégie l’ossature et elle est, avant tout, expérimentale. À la vue des nombreuses sources photographies des chantiers de la Reconstruction du MRU, de nombreuses villes comme Orléans, Saint-Malo, Beauvais, Argenteuil, Blanc-Mesnil, Noisy-le-Sec, font office de chantiers tests pour tel ou tel procédé21.
De 1949 à 1955, les objectifs initiaux de la préfabrication sont reconsidérés. L’économie se redresse. Les grandes entreprises du BTP se développent pour répondre à une offre de logement pléthorique. Les procédés ont tendance à s’uniformiser et on se focalise alors sur la mise en place du panneau lourd et du béton banché, privilégiant davantage le voile porteur plutôt que l’ossature. En trois chapitres efficaces, Yvan Delemontey nous brosse cette transformation radicale de la construction. Le premier concerne le chantier emblématique du port et de la ville du Havre commandé à Auguste Perret. L’auteur montre comment l’architecte modulaire va se faire violence dans l’usage de ses méthodes initiales de construction privilégiant l’ossature poteau/poutre lorsque son programme concernera des grandes opérations de logement (Place de l’hôtel-de-ville, la Porte Océane et le Front de mer). Il nous montre les étapes qui contraindront Perret à adopter la préfabrication totale, poussée par l’orthodoxie technicienne du MRU, qui voit dans la préfabrication lourde le meilleur moyen de diminuer les coûts de production. Le second chapitre est consacré au procédé Camus et aux recherches auxquelles il va donner lieu à travers une expérimentation intensive sur un temps très court de quelques années (1949-1952) au Havre, à Strasbourg, à St Germain-en-Laye et à Fontainebleau. Malgré des débuts difficiles et une critique architecturale forte à l’encontre de la production des Grands ensembles, du fait de sa hardiesse et de l’intervention de Jean Dubuisson, le préfabrication lourde sera définitivement lancée. Le troisième et dernier chapitre, 247au-delà des éléments fabriqués porte sur l’outil qui permet d’y accéder : le béton banché. Yvan Delemontey en dresse l’historique des premières expérimentations et théorisations par François Cointereaux à la fin du xviiie siècle à leur renouveau après-guerre, en passant par le procédé de moulage de maison d’un seul tenant mis en avant par Thomas Edison. Les perfectionnements porteront sur les coffrages. Le système sera mis en expérimentation sur trois chantiers emblématique : le concours pour 200 logements à Chartres lancé par le MRU, le SHAPE village de Saint-Germain-en-Laye, qui associe Dubuisson et Dumail, perçu comme un manifeste discret pour le béton banché et l’unité de voisinage de Bron-Parilly, près de Lyon, qui exprimera le triomphe du voile porteur dans une opération gigantesque de 2607 logements, menée entre 1951 et 1959.
Cette publication, richement illustrée avec pertinence et élégance, comme la précédente d’ailleurs, nous permet de concilier, outre une histoire précise et précieuse des techniques, des procédés, des matériaux et des outils, une histoire des hommes par le biais de l’élite, ceux qui dessinent, conçoivent les projets architecturaux et ceux qui inventent les procédés qui seront expérimentés dont on parlent dans les revues, mais aussi par le biais de la main d’œuvre corvéable que l’on aperçoit en plein effort sur les chantiers et dont les traces nous parviennent par le biais des reportages photographiques de ces années phares pour la construction que sont celles d’après-guerre. Cette histoire nous apparaît complète car elle s’associe à une autre histoire politique incontournable qui ouvre les portes de la grande Histoire à celle de la construction.
Robert Carvais
CNRS, CTAD
(UMR 7074 CNRS –
Université Paris-Nanterre)
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Franz Graf, Giulia Marino (a cura di), Les dispositifs du confort dans l’architecture du xxe siècle : connaissance et stratégies de sauvegarde – Building Environment and Interior Comfort in 20th-Century architecture : Understanding Issues and Developing Conservation Strategies, Lausanne, Presses polytechniques et universitaire romandes, 2016.
“Il modo di scrittura ‘tecnica’ dell’architettura va esaminato da capo, in maniera contraddittoria, forse scandalosa”22: con questa frase estrapolata da uno scritto di Marco Zanuso del 1969 Franz Graf e Giulia Marino introducono il saggio d’apertura alla raccolta di scritti da loro curata, dal titolo Les dispositifs du confort dans l’architecture du xxe siècle : connaissance et stratégies de sauvegarde – Building Environment and Interior Comfort in 20th-Century architecture : Understanding Issues and Developing Conservation Strategies, che rappresenta la maturazione critica delle tematiche esplorate nel corso di due giornate di studio svoltesi il 12 e 13 settembre 2012 presso la École polytechnique fédérale de Lausanne.
In coerenza col pensiero espresso da Zanuso quasi mezzo secolo fa, è proprio la narrativa legata agli effetti del Tempo in architettura la protagonista indiscussa di questo volume. Un Tempo contraddistinto dall’alterazione dello spazio architettonico dovuto sia alla tanto “ingombrante” quanto talvolta “invisibile” presenza degli impianti, sia alla vetustà materiale e funzionale dei vari edifici oggetto di studio specifico presentati all’interno dell’opera. Il Tempo si rivela dunque il principale nemico delle tecniche costruttive impiegate per la costruzione dell’architettura dello scorso secolo, capace di rendere inadeguati tanto i volumi esistenti (che diventano obsoleti per le esigenze odierne) tanto i materiali (che ne subiscono gli effetti) e contro il quale i progettisti s’impegnano per trovare rimedi per allungare o dare nuova vita ad edifici altrimenti destinati a rappresentare, molto spesso, solo più il simbolo di una modernità ormai lontana.
249L’evoluzione tecnica e formale dell’architettura dello scorso secolo viene esposta secondo una chiave di lettura, se non del tutto inedita, certamente ancora minoritaria nel panorama critico legato alla storiografia della tecnica costruttiva23: gli interpreti della narrazione sono gli apparati tecnici e le buone pratiche sviluppate per fare fronte a fenomeni immateriali quali la qualità dell’aria, della luce o agli agenti atmosferici. Per questo, l’intero volume può essere interpretato come un vero e proprio omaggio al lascito intellettuale di Rayner Banham, i cui scritti costituiscono la base teorica sulla quale si fondano molte delle letture critiche presentate, oltre che all’interno dell’introduzione dei curatori, nei ventidue ricchi saggi (presentati in lingua francese e inglese) che compongono le due sezioni dell’opera: la prima è intitolata La place des équipements dans l’architecture moderne et contemporaine, la seconda Du projet du confort à l’amélioration énergétique. Al di là delle citazioni operate dai vari autori, quella di Banham è una presenza ingombrante ed imprescindibile e i suoi volumi, The architecture of the Well-tempered Environment e The new brutalism, oltre a sintetizzare nei loro titoli i principali concetti chiave che agiscono come un filo rosso all’interno dei saggi che compongono le due sezioni del volume, costituiscono la spina dorsale teorica sui quali si fondano le riflessioni di Eduardo Prieto, Ignacio Paricio, Dean Howkes, Heinz Müller, oltre che degli stessi Graf e Marino24. A sostegno di questa interpretazione, è utile sottolineare la presenza, all’interno della prima sezione, di un saggio specifico scritto da Virginie Picon-Lefebvre dedicato alla nozione di comfort e alla relazione tra condizioni ambientali e società nell’opera di Banham: secondo l’autrice, “Banham pose une question essentielle, celle de la possibilité d’une architecture qui intègre la notion d’environnement comme élément central sans pour autant s’effacer sous prétexte de la mise en œuvre d’une technologie”25.
250La prima sezione del volume è infatti dedicata ad una serie di scritti che legano nozioni quali il comfort domestico, l’igiene e la qualità dell’aria alla configurazione dello spazio architettonico e al tipo d’individui che lo popolano sotto un aspetto prevalentemente teorico, con brillanti riferimenti a casi studio specifici. Centrale, risulta l’evolversi del rapporto concettuale instauratosi nell’ultimo secolo tra progettazione architettonica e progettazione impiantistica – “mais nous les architectes, nous ne nous décidons pas à donner aux réseaux l’importance qu’ils ont de toute évidence”26. Relazioni di progetto, brevetti, disegni tecnici, schizzi, fotografie d’epoca provenienti da svariati archivi europei ed americani, immagini tratte da pubblicazioni e pubblicità di prodotti commerciali, estratte sia dalla stampa generalista che da quella del settore, diventano le fonti primarie attraverso le quali è esplorata tanto l’opera di conclamati Maestri dell’architettura dello scorso secolo quanto di personaggi cui la storiografia non ha ancora reso giustizia, come nel caso dei progettisti degli impianti. Nei vari saggi s’incrociano così le storie di Franco Albini e Balbino Del Nunzio (nell’occasione della progettazione de La Rinascente a Roma), di Le Corbusier, Lucio Costa, Oscar Niemeyer e Carlos Stroebel (che progetta gli impianti elettrici per l’edificio del Ministero dell’Educazione e della Sanità Pubblica a Rio de Janeiro), del pragmatico approccio alla forma architettonica dell’edificio del Banco de Bilbao di Francisco Javier Sáenz de Oiza reso possibile anche grazie a Benedicto Aguilera (responsabile del progetto impiantistico), oppure spiccano le figure di Giovanni Canesi e Antonio Cassi Ramelli capaci, nel 1934, di dare una lettura critica all’architettura del loro Tempo a partire dall’impiego dei sistemi artificiali d’illuminazione27.
La seconda sezione del volume raccoglie saggi redatti, nella maggior parte dei casi, dai professionisti che hanno dovuto affrontare problematiche imposte proprio dagli effetti del Tempo sull’architettura, legate al restauro, al riuso, al miglioramento energetico o acustico, all’ampliamento o all’adattamento a nuove esigenze, o al risanamento 251da materiali divenuti desueti o proibiti (come nel caso dell’amianto) di edifici costruiti principalmente in Svizzera negli ultimi quarant’anni: una “missione” rivelatasi “urgente”28 tanto per edifici in calcestruzzo armato faccia-vista come la simbolica Siedlung Halen a Kirchlindach (divenuta un’icona del brutalismo proprio grazie a Banham), quanto per quelli in acciaio come avvenuto per l’edificio principale del complesso dell’Office Fédéral du sport a Macolin, “un exercise sur la corde raide entre conservation et transformation de l’existant”29.
Il risultato di queste riflessioni critiche e documentative è quindi un volume di notevole interesse, riccamente illustrato, capace di porsi con estrema originalità a cavallo tra un manuale di storia e tecnica dell’architettura e la raccolta di una serie di buone pratiche legate alla conservazione e al riuso: una raccolta di scritti capace, oltretutto, di aprire innumerevoli nuovi fronti di ricerca teorica ed applicata grazie al suo saper rivolgersi tanto agli studiosi dell’arte del costruire quanto ai professionisti che, sempre più spesso, si trovano a prendere decisioni non solo dal punto di vista materiale e procedurale ma anche da quello prettamente concettuale, dalle quali dipende la trasmissione della memoria e la futura funzionalità di edifici costruiti nell’ultimo secolo con materiali e tecnologie nate per essere innovative ed oggi bisognose di inevitabili cure.
Alberto Bologna
Politecnico di Torino, DAD
– Dipartimento di Architettura
e Design
1 François Bougard, Étienne Hubert, « Nivibus concolor, spongiis levior. La fabrication de la chaux en Italie centrale au Moyen Âge », Mémoires de la commission départementale d’histoire et d’archéologie du Pas-de-Calais, t. XXV et Revue du Nord, hors-série no 3, 1987, p. 57-64.
2 Eduard Mira, Arturo Zaragozá (dir.), Una arquitectura gótica mediterránea, Valence, Generalitat Valenciana, Conselleria de Cultura i Educació, 2003, 2 vol.
3 Marco Nobile (dir.), Matteo Carnilivari, Pere Compte 1506-2006, due maestri del gotico nel Mediterraneo, Palerme, Caracol, 2006 ; Emanuela Garofalo, Marco Nobile (dir.), Gli ultimi architetti del gotico nel Mediterraneo tra xv e xvi secolo, Palerme, Caracol, 2007.
4 Cet article a été récompensé en 2010 comme meilleur article publié en 2008-2009 par le Harold Eugene Davis Prize from the Middle Atlantic Council on Latin American Studies.
5 Depuis la parution de l’article dans lequel un livre (The Conquest of European Architecture : Andean Masters and the Construction of Colonial Quito) et un dictionnaire des entrepreneurs (Diccionario de artífices en el Quito colonial) sont annoncés, l’auteur a publié nombre de travaux en rapport avec son sujet comme Quito, Ciudad de Maestros : Arquitectos, edificios y urbanismo en el largo siglo XVII. Quito, Ecuador : Editorial Abya Yala, Comisión Fulbright del Ecuador, Universidad Central del Ecuador, 2012, mais aussi « La misteriosa vida del arquitecto José Jaime Ortiz antes de su llegada a Quito, s. XVII » and « Maestros indígenas y la construcción del Quito colonial. » In Alfonso Ortiz Crespo (éd.), Las artes en Quito en el cambio de los siglos XVII al XVIII Quito, FONSAL, 2009, p. 11-25, 27-51 ; « Art, Identity, and the Construction of the Church of Santo Domingo in Quito » Hispanic Research Journal, 10, no 5 December 2009, p. 417-438 ; « La presencia indígena en el arte colonial quiteño » In Ximena Carcelén (éd.), Esplendor del Barroco Quiteño / Himmel aus Gold : Indianischer Barock aus Ekuador, p. 36-50. Catalogue d’exposition, Quito and Hamburg, FONSAL and Museum für Völkerkunde, 2010. Version révisée et augmentée en anglais publiée sous le titre de « The Indigenous Presence in the Colonial Art of Quito, » in Ximena Carcelén (éd.), Esplendor del Barroco Quiteño / The Splendor of the Baroque Quiteño, p. 32-46, Quito, FONSAL, 2011 ; « La voz del anonimato : Andean Artists and the Construction of Colonial Quito. » In Donna Pierce (éd.), The Arts of South America, 1492-1850, Norman and Denver, University of Oklahoma Press and the Denver Art Museum, 2010, p. 57-88 ; « La desconocida historia de la construcción de la iglesia de San Francisco en Quito », Procesos : revista ecuatoriana de historia, 35, no 1 2012, p. 37-66 ; « Vantage Points : Andeans and Europeans in the Construction of Colonial Quito. » Colonial Latin American Review, 20, no 3 2011, p. 303-330, réimprimé et édité dans une version révisée sous le titre de « The Secret Lives of Buildings in Colonial Quito, » Journal of Construction History, 28, no 3 2013, p. 21-39.
6 Par exemple, Catherine Saliou, Julien Dubouloz, Anne-Sophie Condette-Marcant et Julien Puget.
7 En particulier dans les pays anglo-saxons qui sont sensibles à l’histoire sociale, voir par exemple Howard Davis, The Culture of building, New York / Oxford, Oxford University Press, 2006 ou Katie Lloyd Thomas, Tilo Amhoff, Nick Beech, (éd.), Industries of Architecture, London and New York, Routledge, 2016.
8 John Lynch, Spanish Colonial Administration, 1782-1810. The Intendant System in the Viceroyalty of the Rio de la Plata, New York, 1969 ; Susan M. Socolow, The Merchants of Viceregal Buenos Aires : Family and Commerce. 1778-1810, Cambridge, 1978 ; Susan M. Socolow, The Bureaucrats of Buenos Aires, 1769-1810 : amor al real servicio, Durham, North Carolina, 1987 ; Susan M. Socolow, « Recent Historiography of the Rio de la Plata : Colonia and Early National Periods », Hispanic American Historical Review, 64 (1984), p. 105-120.
9 Cette expression désigne les habitants de certaines villes portuaires, notamment Puerto de Nuestra Señora de los Buenos Aires, autrement dit Buenos Aires. Les porteños, enfants d’émigrants, s’opposent aux indigènes natifs à l’origine de ses terres.
10 Sur les métiers de la construction, voir Ramon Gutiérrez, Arquitectura colonial teoria y praxis. Maestros, arquitectos, gremios, academias y libros (s. XVI-XIX), Argentina, Resistencia, 1979.
11 Antonio Ponz, Viaje de Espana. En que se da noticia de las cosas mas apreciables, y dignas de saberse, que hay en ella, Madrid, 1774, 18 vol. Sur ce témoin important, lire Ana Isabel Frank, El viaje de Espana de Antonio Ponz, Berlin, 1995.
12 Le bon goût à cette époque se définit dans la distinction entre l’exclusif et l’ordinaire.
13 Nous pouvons nous en apercevoir en comparant, pour Barcelone, les cartes des premières villes en Europe selon leur taille entre le xvie et le début du xixe siècle, dans Jean-Luc Pinol (dir.), Histoire de l’Europe urbaine, t. I. De L’Antiquité au xviiie siècle, Paris, Éd. du Seuil, 2003, p. 601, 604, 613, 618 et 619.
14 Il est à noter que les directeurs de l’ouvrage ont déjà beaucoup publié sur François Cointereaux. Par exemple, Louis Cellauro et Gilbert Richaud, « Le système du Pisé décoré et sa diffusion à l’époque de la Révolution et l’Empire » in Giovanni Rotondi Terminiello, Farida Simonetta (éd.), Facciate Dipinte. Conservazione e Restauro, Gênes, Sagep Editrice, 1986 ; « Thomas Jefferson and François Cointereaux, Professor of Rural Architecture in Revolutionary Paris », Architectural History. Journal of the Society of Architectural Historians of Great Britain, vol. 48, 2005, p. 173-206 ; « François Cointereaux’s École d’Architecture Rurale (1790-1791) and its Influence in Europe and the Colonies », Architectural History. Journal of the Society of Architectural Historians of Great Britain, vol. 49, 2006, p. 129-148 ; « Architecture et physiocratie au siècle des Lumières : les ateliers et les écoles d’architecture rurale de François Cointereaux, 1785-1809 », Zeitschrift für Kunstgeschichte, 75, no 1, 2012, p. 51-74. Jean-Philippe Garric (éd.), « De l’Art de bâtir aux champs à la ferme moderne », In Situ. Revue des patrimoines, no 21, 2013, en ligne https://insitu.revues.org/10012 (consulté le 9 mars 2017). Laurent Baridon, « Le Pisé de François Cointereaux (1740-1830) : la terre pour utopie » in Robert Carvais, et al. (dir.), Édifice & Artifice : histoires constructives, Paris, Picard, 2010, p. 101-108.
15 Sur ce sujet, lire Jean-Philippe Garric, Vers une agritecture. Architecture des constructions agricoles (1789-1950), Bruxelles, Mardaga, 2014.
16 Elle a rédigé, dans le cadre de son mémoire de master à l’École nationale supérieure d’architecture de Lyon, un Petit guide des architectures en pisé à Lyon, sous la direction de Rainer Hodde en 2010-2011, édité en 2012, sur le site de l’Association nationale des professionnels de la terre crue (AsTerre) http://www.asterre.org/formation/memoires-theses-d-etudiants (consulté le 9 mars 2017), mais aussi sous forme papier (Grenoble, éditions CRAterre/ENSAG, mai 2012, 37 p.).
17 Comme nous le suggère Valérie Nègre dans L’art et la matière. Les artisans, les architectes et la technique (1770-1830), Paris, Classiques Garnier, 2016.
18 En particulier, Catherine Bruant (dir.), François Cointereaux, 1740-1830. Architecture de terre, Ministère de l’Urbanisme et du Logement, 1981-1983, 2 vol.
19 Pour une comparaison utile plus générale avec tous les matériaux, lire David Yeomans, Construction Since 1900 : Materials, London, Batsford Architecture and Building Books, 1997.
20 Les auteurs de ce programme de recherche ont, depuis, fait paraître deux études de cas complémentaires richement documentées dans la collection « Post-War housing in Brussels ». Voir Stéphanie Van de Voorde, Ine Wouters and Inge Bertels (dir.), Student homes by Willy Van der Meeren on the VUB campus in Elsene, 1971-1973, Vrije Universiteit Brussel, september 2016, 64 p. ; Stéphanie Van de Voorde and Tristan Boniver (dir.), Miramar building by Claude Laurens in Sint-Joost-ten-Node, 1956-1957, Vrije universiteit Brussel, october 2016, 48 p.
21 Photographies à l’œuvre. Enquêtes et chantiers de la Reconstruction, 1945-1958, catalogue d’exposition éponyme sous la direction de Didier Mouchel avec David Benassayag et Daniel Coutellier, Tours/Paris, Jeu de Paume / Le Point du Jour / Ministère de l’écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, 2011.
22 Marco Zanuso, « I nuovi atteggiamenti della progettazione in rapporto al cambiamento delle condizioni tecnologiche », L’industria del mobile. Rivista di arte, tecnica, industria, artigianato e commercio del mobile, Anno XI, no 103, dicembre 1969, p. 530.
23 Si veda Giulia Marino, ‘Some Like it Hot !’. Le confort physiologique et ses dispositifs dans l’architecture du xxe siècle : histoire et devenir d’un enjeu majeur, Tesi di Dottorato, École polytechnique fédérale de Lausanne, 2014.
24 Si vedano Reyner Banham, The New Brutalism. Ethic or Aesthetic ?, New York, Reinhold Publishing Corporation, 1966 e Reyner Banham, The Architecture of the Well-tempered Environment, London, Architectural Press, 1969.
25 Virginie Picon-Lefebvre, « La notion de confort chez Reyner Banham : une nouvelle lecture de la modernité architecturale / Reyner Banham’s Idea of Comfort : a New Look at Architectural Modernity », in Franz Graf, Giulia Marino (a cura di), Les dispositifs du confort dans l’architecture du xxe siècle : connaissance et stratégies de sauvegarde – Building Environment and Interior Comfort in 20th-Century architecture : Understanding Issues and Developing Conservation Strategies, Lausanne, Presses polytechniques et universitaire romandes, 2016, p. 149.
26 Ignacio Paricio, « Les attitudes des architectes face à l’expansion des installations / Architects’ Attitudes to the Expansion of Utlities », in Franz Graf, Giulia Marino (a cura di), op. cit., p. 97.
27 Giovanni Canesi, Antonio Cassi Ramelli, Architetture luminose e apparecchi per illuminazione, Milano, Ulrico Hoepli Editore, 1934.
28 Reto Mosimann, « Construction métallique revisitée. Reconversion et rénovation du bâtiment principal de l’OFSPO, Macolin / Metal Construction Revisited : Conversion et Renovation of the Main Building of the OFSPO, Macolin », in in Franz Graf, Giulia Marino (a cura di), op. cit., p. 411.
29 Ibidem.
- Thème CLIL : 3076 -- TECHNIQUES ET SCIENCES APPLIQUÉES -- Architecture, Urbanisme
- ISBN : 978-2-406-07092-4
- EAN : 9782406070924
- ISSN : 2649-177X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07092-4.p.0219
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 14/09/2017
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français