[Introduction de la quatrième partie]
- Prix du musée d'Orsay 2019
- Publication type: Book chapter
- Book: À la conquête du marché de l’art. Le Pari(s) des enchères (1830-1939)
- Pages: 481 to 481
- Collection: Library of Economics, n° 36
- Series: 1, n° 14
Les années 1911-1913 furent l’apogée de ce système de valorisation à travers le « modèle Petit » : de façon conjoncturelle, cette période fut scandée par une série de ventes particulièrement prestigieuses, qui battirent tous les records de prix, et qui se tinrent dans la galerie Petit ou dans la galerie Manzi-Joyant – les successeurs de Goupil puis de Boussod et Valadon –, dotées de catalogues illustrés et luxueux. Si les années 1911-1913 marquèrent l’aboutissement d’un mode de valorisation, elles constituèrent également un double tournant, vers un modèle transnational et ouvertement spéculatif. En effet, la période 1911-1939 vit l’arrivée beaucoup plus massive d’acteurs étrangers dans l’arène des ventes parisiennes. Jusqu’en 1911, les collectionneurs étrangers achetaient principalement aux enchères par le biais d’intermédiaires, courtiers ou marchands disposant d’importantes réserves de liquidités et ayant implanté des succursales dans les différentes métropoles, comme Paul Durand-Ruel ou Roland Knoedler. L’analyse des procès-verbaux, à partir de 1911, témoigne d’une forte internationalisation des adjudicataires aussi bien que des vendeurs : les amateurs étrangers se portèrent eux-mêmes acquéreurs ou bien vendirent directement aux enchères.
Le « tournant spéculatif » est plus délicat à mesurer. Bien évidemment, il n’a pas fallu attendre 1911 pour que des amateurs particuliers achètent et/ou vendent aux enchères, en espérant réaliser une plus-value. Néanmoins, ces motivations restaient d’ordre individuel : à partir de 1911, commencèrent à émerger des structures collectives de spéculation, en particulier des dictionnaires ou des annuaires de cotes, permettant à tout néophyte d’acquérir une connaissance du marché, sans passer par la fréquentation assidue des ventes et l’annotation régulière des catalogues avec les prix d’adjudication. La comparaison des ventes aux enchères publiques avec une « Bourse des Arts1 » prit alors tout son sens : à partir de 1911, on observa une corrélation avec le marché financier, que ce soit pour le segment des tableaux, dessins et sculptures, et pour celui des objets extraeuropéens.
1 Bertall, « La Bourse des Arts, rue Drouot », art. cité, p. 1-5.