L’esclavage public dans la pensée antique Perspective politique et questionnement économique
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d'histoire de la pensée économique
2020 – 1, n° 9. varia - Auteur : Dartigues (Laurent)
- Pages : 175 à 196
- Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
L’esclavage public
dans la pensÉe antique
Perspective politique et questionnement économique
Laurent Dartigues
CNRS
TRIANGLE – UMR CNRS 5206
Tant du côté des études comparées (ou globales) que de l’économie politique (historique), l’histoire de l’esclavage constitue un secteur de recherche éminemment dynamique. L’esclavage dit de plantation du Nouveau Monde, de l’Amérique du Nord au Brésil en passant par les Caraïbes, a reçu à ce titre une attention particulière. Et il a toujours été au cœur de l’histoire économique, au moment où l’Europe était agitée par la question de l’abolition de l’esclavage. Plus récemment, il constitue une des préoccupations majeures de la « Nouvelle histoire » du capitalisme américaine qui cherche à saisir ce que le développement du capitalisme doit à l’esclavage de plantation (commerce des esclaves, expropriation coloniale des terres comme processus primaires d’accumulation, productivité des plantations de coton noué aux violences physiques sur les esclaves, contribution des plantations de coton au PNB, etc.).
L’essai de Paulin Ismard sur l’esclavage public antique, dont j’ai rendu compte (Dartigues, 2019), donne l’occasion de découvrir un pan de l’esclavage assez mal connu, porteur d’un nouveau questionnement pour l’histoire de l’esclavage en général et pour son histoire économique en particulier. Cette dernière n’aurait-elle pas intérêt à s’emparer de la problématique de l’esclavage public afin, d’une part, d’enrichir ses propres analyses de l’esclavage, et, d’autre part, de lui permettre de dialoguer avec l’histoire économique plus quantitative en l’amenant sur un autre 176terrain ? Contrairement au vœu de Douglass North d’élever l’économie au-dessus du politique (Boldizzoni, 2016, p. 123), l’esclavage public invite à mettre le politique au centre du débat scientifique en renouvelant le questionnement sur les rapports entre la démocratie et l’expertise, notamment dans sa dimension, au risque de l’anachronisme, économique.
En quoi aujourd’hui l’héritage grec peut stimuler la réflexion sur les démocraties modernes nécessite de savoir de quoi on parle quand il est question de cet obscur objet de désir qu’est la démocratie grecque antique. Et donc de penser l’écart de notre présent à ce passé, de dissiper les malentendus qui accompagnent les rêves européens de l’Athènes ancienne. Nul ne peut ignorer que celle-ci marchait main dans la main avec l’esclavage. Ce qui apparaît évidemment totalement incompatible à nos yeux contemporains, et interroge, au-delà des esclaves publics du reste, la nature du politique dans la Grèce classique. Toutefois, et c’est par ailleurs un angle mort de l’essai d’Ismard, il semblerait intéressant de maintenir ou de soulever un questionnement économique1 à propos des dêmosioi, ne serait-ce par exemple que sur le coût de cette administration ou la manière dont elle est financée2.
Il s’agit dans cet article de penser la façon dont les Grecs anciens concevaient la servitude. Dans un premier temps, je présenterai quelques éléments de compréhension de l’esclavage public antique et déploierai la question des obstacles épistémologiques à la connaissance de ce type d’esclaves. Ensuite, j’examinerai ce que cet esclavage public nous dit de la nature de la démocratie antique et contemporaine. La transmission de l’héritage grec est peut-être une potion amère, mais elle inviterait au moins à ne pas reculer devant la dimension politique des sciences historiques. Enfin, dans un troisième temps, j’explorerai la manière dont l’histoire économique peut questionner l’esclavage public, en particulier à l’égard de la gestion de la monnaie confiée par la cité athénienne à ces esclaves si singuliers.
177I. Partir pour la GrÈce ?
Mais ce n’est pas sans risque…
Selon l’historien François Hartog, les voyageurs savants avaient et auraient encore de bonnes raisons de faire le voyage en Grèce qui à ses yeux demeure ce qu’il appelle son « arrière-pays ». On y voit toutefois ce qu’on y cherche, dit-il en substance, car le lien à la Grèce ancienne est un rapport de sens par lequel l’Europe s’est représentée elle-même dans la manière dont elle fabrique l’Antiquité et lui confère une « signification utile » (Hartog, 2015, p. 47, en reprenant Momigliano), changeante dans le temps. Rapport de savoir, mais aussi rapport de désir et de nostalgie3, la Grèce ancienne fut donc pour l’Occident un objet singulier travaillé par un équipement mental qui a déterminé les représentations que les savants, de Fustel de Coulanges et Durkheim à Vernant, en passant par Finley et Ricœur, s’en faisaient, les « objets » de connaissance qu’ils ont privilégiés.
Les esclaves publics (les dêmosioi), apparaissent en « creux » dans l’histoire de l’antique Grèce. Cela a bien sûr à voir avec les sources, il n’y en a que fort peu et la plupart ne l’évoquent qu’indirectement. On trouve ainsi des allusions aux dêmosioi dans la rhétorique civique, la poésie (Hésiode, Bacchylide), l’histoire (Diodore de Sicile) et la géographie (Pausanias) (Ismard, 2015, p. 15). Les esclaves publics restent néanmoins identifiables, essentiellement grâce à des sources épigraphiques, et, dans une moindre mesure, grâce à des bribes de textes divers dont il ne faut pas dissimuler les difficultés d’interprétation. Un seul exemple en donnera une idée. Pour évaluer leur nombre, on ne dispose que de deux données chiffrées, qui ne concernent en outre que la seule Athènes, et, qui plus est, s’avèrent délicates à analyser.
Quoi qu’il en soit, que nous apprennent les sources documentaires ? Achetés pour l’essentiel sur les marchés aux esclaves, les esclaves publics sont la propriété collective de la cité. Si les citoyens font la politique de la cité, votent et décident, ces esclaves assurent de nombreuses tâches 178administratives, indispensables qui en découlent. Observons que ce fonctionnement est une sorte de reflet à l’échelle de la cité de l’organisation de la cellule familiale. De même que l’esclave-intendant administre le domaine, veille aux biens du maître et à ce que ces décisions soient appliquées, tient le compte de ses revenus, les dêmosioi administrent la cité. Selon la liste que dresse Ismard4, dans le domaine des écritures publiques, ils ont la responsabilité de l’inventaire des biens publics, classent, conservent, copient, rédigent des documents publics. Dans le domaine économique, ils collectent l’impôt et tiennent la comptabilité des grands chantiers, ils protègent l’activité commerciale et pour cela conservent les étalons fixant les poids et les mesures, garantissent le poids et l’aloi des monnaies et détiennent par ailleurs le pouvoir de retirer et cisailler la monnaie contrefaite5, font office de changeur de monnaie. Dans le domaine judiciaire, ils tirent au sort les héliastes6, décomptent les votes, quand dans le domaine de la police, ils sont en charge du maintien de l’ordre public, ou, dans le domaine de la vie religieuse, au côté parfois des esclaves sacrés, les dêmosioi assistent les prêtres, organisent les cultes, et peuvent même, exceptionnellement, officier comme prêtres. En tant qu’esclaves, ils sont dépourvus d’identité légale, mais bénéficient de privilèges sans commune mesure avec leur statut de corps-marchandise. Ismard rapporte, par exemple, que le dêmosios est rémunéré par la cité, à un niveau sensiblement analogue à ce que reçoit un magistrat, un « citoyen » ! De plus, la fonction du dêmosios est relativement permanente contrairement à la magistrature dont les titulaires sont renouvelés tous les ans – les sources à ce jour disponibles indiquent des durées comprises entre 2 et 17 ans. Les dêmosioi peuvent en outre posséder des biens dont des esclaves ! Ils disposent d’un droit de transmission patrimoniale et d’un « privilège de parenté », leur autorisant l’usage d’un patronyme accolé au nom personnel, sans toutefois obtenir le démotique propre aux citoyens7. Les fils de dêmosioi179peuvent en outre devenir citoyens sans passer par le statut d’affranchi. Des dêmosioi ont pu également être honorés par la cité, prendre la parole en leur nom propre devant les tribunaux.
On est en droit de s’étonner qu’au vu de l’importance de sa fonction, de son lien consubstantiel à la prospérité de l’Athènes du ve siècle souligné par Aristote (Ismard, 2015, p. 87), l’esclavage public soit si mal documenté.
Le fait que les esclaves publics ne constituent qu’une infime parcelle du monde des esclaves antiques, qui sont essentiellement les propriétés privées des hommes libres (1 000 à 2 000 esclaves publics à Athènes sur 50 à 200 000 esclaves privés), expliquerait-il que leur connaissance n’en soit pas aisée ? L’historiographie est en tout cas à la peine. Elle ne s’empare de la question qu’au tournant du xixe-xxe siècle. La première synthèse n’est réalisée qu’en 1928 (par l’historien belge Oscar Jacob), l’ouvrage de référence (mais pour la période impériale romaine ultérieure) ne date que de 2004 et il est en langue allemande (voir Weiss, 2004).
Mais plus décisif que la question des sources, Paulin Ismard pointe tout un ensemble d’obstacles épistémologiques qui font de l’esclavage public, soit un point occulté, soit un lieu de méconnaissance ou de malentendu.
Selon Paulin Ismard, les historiens de l’antiquité seraient en effet « sourds et empêtrés » face à ce sujet (Ismard, 2015, p. 22), d’autant plus aveugles que, chaussés des lunettes du grand historien de l’antiquité Moses Finley, l’esclavage public antique ne pouvait être considéré que comme une exception.
Il rappelle que Finley (1981) distinguait les sociétés à esclaves – l’esclavage y est un fait mineur cantonné à certaines sphères productives marginales – des sociétés esclavagistes – l’esclavage y est un fait majeur présent dans toutes les sphères sociales. Selon Finley, ces dernières ne forment qu’un très petit nombre de cas relatifs au Monde Antique (Grèce et Rome) et au Nouveau Monde (Amérique du Nord, Antilles, Brésil). Sauf que les études de plus en plus nombreuses depuis une trentaine d’années8 constatent que les sociétés esclavagistes sont d’une grande diversité et forment un phénomène de bien plus grande ampleur que ce 180que Finley imaginait9 : l’esclavage public serait en réalité la règle plutôt que l’exception. Le renouvellement historiographique met en exergue, d’une part, qu’il faut compter parmi les sociétés esclavagistes les grands royaumes d’Afrique, musulmans (Califat de Sokoto au xixe siècle) ou non musulmans (Royaume de Kongo au xve-xvie siècle), ainsi que ceux d’Asie. D’autre part, dans toutes les sociétés esclavagistes, les esclaves en tant qu’auxiliaires du pouvoir du souverain sont très répandus – à l’exception du Nouveau Monde. Mieux, le renouvellement de la recherche, en anthropologie surtout, révèle le rôle déterminant, à plus d’un titre, des esclaves dits de la couronne ou royal. Ou encore appelés les « presque-libres », comme les nommèrent les Portugais quand, à Malacca au xvie siècle, ils les découvrirent, non sans étonnement au vu des privilèges dont ils étaient pourvus.
Il n’y a pas que la doxa savante de l’esclavage qui fait obstacle à l’appréhension de l’esclavage public en Grèce ancienne. Paulin Ismard souligne également les représentations contemporaines qui concernent le fonctionnement de la démocratie moderne. Dit autrement, si « démocratie » est le même mot hier et aujourd’hui, il ne désigne pourtant pas la même réalité : il convient dès lors de se méfier de la (fausse) familiarité induite par le fait d’appliquer le même terme à la démocratie athénienne et aux démocraties modernes.
Paulin Ismard note que la cité athénienne désigne les activités des dêmosioi d’un terme paradoxal : le « service libre ». Que d’aucuns ont traduit par « service public10 ». Cette traduction éloigne de la compréhension de la notion grecque qui doit être référée à l’architecture singulière de la démocratie athénienne. La liberté n’y est en effet pas un droit individuel et naturel – c’est-à-dire antérieur à la formation politique du monde –, 181mais est identifiée aux choses publiques ou d’« utilité commune » ; et donc confondue avec le statut du citoyen (qui, du coup, ne relève pas non plus d’une qualité individuelle fondée en nature et protégée par le droit).
La liberté des citoyens de se consacrer librement à la cité sans avoir à assumer les tâches d’administration renvoie à l’expérience grecque singulière de la liberté politique. Celle-ci repose sur le travail des esclaves publics, ou comme l’auteur l’écrit : « pour qu’advinssent ces choses publiques sans lesquelles la citoyenneté ne saurait se concevoir, il fallut aussi qu’il y eût des esclaves » (Ismard, 2015, p. 92-93). Le fonctionnement de la démocratie athénienne où les charges politiques étaient tirées au sort et les titulaires des magistères remplacés à de courts intervalles, impliquait la mise en en place d’une modalité de fonctionnement de l’administration à même d’assurer une certaine continuité ou une certaine permanence. Cette tâche fut celle de l’institution de l’esclavage public.
Toutefois, le service dit libre renvoie de fait, comme nous l’avons vu, à des privilèges qui sembleraient dessiner un statut intermédiaire entre le citoyen libre et l’esclave. Ou, plus précisément, entre le métèque ou l’affranchi – un homme libre mais non citoyen – et l’esclave comme propriété privée. La question est cependant plus compliquée. Paulin Ismard souligne qu’il faut se départir de l’idée d’une structure homogène. Athènes ne s’ordonne pas selon une échelle continue (unitaire) et ordonnée (hiérarchisée) des statuts. Notamment parce que les sociétés grecques de l’époque classique fonctionnent sur un principe d’inclusion et d’exclusion. Ainsi, « le statut servile ne consiste pas en une position d’infériorité qui qualifierait une catégorie hiérarchiquement inférieure à la dernière catégorie censitaire athénienne, celle des thètes » (Ismard, 2015, p. 102), dans la mesure où, ajoute-t-il pour exemple, si le dêmosios possède des biens, le métèque qui est pourtant un homme libre ne le peut. En fait, par-delà les « vastes statuts génériques » (de citoyens à esclaves en passant par affranchis et métèques), le statut des dêmosioi éclaire le « kaléidoscope » (Ismard, 2015, p. 128) des statuts qui ne sont ni des rangs de prestige, ni des positions dans l’appareil de production, mais des « capacités légales » dont l’auteur dit qu’elles sont difficiles à définir rigoureusement. Il les rapproche du reste des timê, une notion qui veut dire tout à la fois l’honneur/le droit/la capacité civique et qui désignent un composite de capacités et droits variés, attachés aux différentes catégories de la population, et se rapportant soit aux affaires 182de la cité, soit aux affaires privées. L’espace social de la cité à l’âge classique se caractérise donc par sa pluri-dimensionnalité, mais aussi son haut degré de clôture tant il offre de faibles chances de s’extraire des déterminations statutaires.
L’hypothèse centrale de Paulin Ismard est donc que « notre représentation spontanée de l’esclavage, habitée par les images des sociétés coloniales du Nouveau Monde, peine à admettre que certains serviteurs, tout en étant des esclaves, aient pu détenir des positions de pouvoir et jouir d’une condition privilégiée » (Ismard, 2015, p. 97)11. Ce faisant, il vise l’histoire. Que ce soit l’histoire comparée de l’esclavage et il analyse à ce sujet la revue majeure des études comparées Slavery and Abolition (fondée en 1980) : il constate effectivement que son horizon demeure obstrué par la référence coloniale de l’univers de la plantation (Ismard, 2017, p. 12). Ou que ce soit l’« histoire globale » émergeant dans les années 2000 : si elle se veut une nouvelle histoire de l’esclavage qui a certes permis, par exemple, de faire apparaître l’océan Indien comme un espace majeur de traite ou d’ancrer l’idée que l’esclavage est une forme parmi d’autres de travail non libre qui n’est pas réservé au monde colonial, elle ignore l’Antiquité gréco-romaine (id., p. 17 sq.). Dans les deux cas, l’absence de l’esclavage public plane sur leur réflexion au sujet du phénomène esclavagiste.
Ce faisant, la question politique que soulève l’esclavage public, hier mais aussi aujourd’hui, ne pouvait émerger. Revenons donc à celle-ci avec Paulin Ismard afin de poursuivre notre « voyage en Grèce ».
II. Une leçon grecque ?
Mais elle est en partie TROMPEUSE…
Un long extrait me semble nouer la question historique posée par Paulin Ismard au sujet des tensions que révèle l’esclavage public quant 183aux fondements de la cité athénienne et son questionnement politique actuel sur la crise de la démocratie contemporaine. Le voici :
Un planteur de l’Alabama ou un « béké » martiniquais auraient été stupéfaits de voir dans l’Athènes classique des esclaves experts réalisant quotidiennement des tâches publiques qu’une partie des citoyens étaient incapables de remplir. Or, loin d’être une anomalie, cette expertise servile était le produit de l’idéologie démocratique de l’Athènes classique (…) L’expérience athénienne rencontre ici l’une des questions les plus brûlantes de notre présent démocratique. Le statut politique de l’expertise est en effet au cœur du « désenchantement » contemporain à l’égard de la démocratie représentative (…) L’idéal démocratique de participation du plus grand nombre à la chose publique serait incompatible avec le principe d’efficacité que réclame le gouvernement des États (Ismard, 2015, p. 133).
Le constat contemporain le plus fréquent en matière de décision est, d’une part, que l’expertise doit précéder la décision et, d’autre part, que, sans être hors du champ politique, l’expertise pour être fiable doit être relativement indépendante du pouvoir politique. Les Athéniens pensaient autrement. En déléguant les compétences spécialisées et spécifiques12 nécessaires au fonctionnement démocratique de la cité à l’esclavage public, ils mettaient, selon Ismard, l’expertise hors de l’espace de délibération généralisée qui drainait toute la vie politique de la cité13 : « À Athènes, le savoir ne détermine en rien la participation à la vie politique : dans les assemblées démocratiques, le premier venu, quel que soit son savoir, peut prendre la parole. » (Ismard, 2015, p. 147-148). Cette expertise propre à la gestion de la cité n’était pas indépendante du politique, elle était maintenue sous contrôle car assurée par des esclaves spécifiques, attachés non à des particuliers mais à la cité elle-même.
L’institution de l’esclavage public signale l’idéal civique athénien qui refuse que la possession d’un savoir spécialisé relatif à la gestion des affaires quotidiennes de la cité puisse légitimer la détention d’un pouvoir sur la cité14. En d’autres termes, ces savoirs experts feraient 184planer une telle menace pour l’ordre démocratique que la communauté civique confie certaines tâches aux esclaves publics15. Ces derniers, en outre, sont sans cesse renouvelés par les marchés aux esclaves. Il s’agit là d’éviter qu’ils puissent par transmission des charges former progressivement un ordre suffisamment autonome pour défendre ses intérêts propres. La méfiance du discours civique apparaît générale vis-à-vis des savoirs spécialisés. Elle irait jusqu’à taire leur importance. C’est ce que suggère le fait qu’un citoyen n’est « jamais » (mais vu l’état de la documentation… « jamais » n’est jamais certain) loué pour les habiletés techniques dont il a pu faire bénéficier la cité, mais pour son courage ou son sens de la justice.
Le discours civique à l’âge classique postule donc une rupture entre la technè et la capacité politique16 qu’il fait relever d’une « théorie associationniste » (Ismard, 2015, p. 151). Pour Athènes, la compétence politique résulte en effet de la circulation entre les citoyens de (ou des ?) savoirs, de fait inégalement distribués mais dont la confrontation permanente dans les multiples assemblées produit un savoir public. Ce que l’auteur appelle l’épistémologie démocratique de la cité se supporte donc d’un savoir entièrement délibératif, c’est autrement dit « de la délibération politique entre citoyens “non spécialistes” ou “amateurs” [que] pouvaient surgir un savoir collectif utile à la cité » (Ismard, 2015, p. 133). C’est ainsi que, à titre d’exemple, l’exercice du droit n’est pas conçu en termes de science, mais de pratique relevant « de la sphère de la souveraineté du dêmos et de la compétence de tous les citoyens » (Ismard, 2015, p. 145).
Ismard invite à comprendre l’esclavage public dans le cadre de cette spécificité grecque de la représentation de l’État. Il fait cas favorablement de la conception d’inspiration clastrienne17 qui verrait le dêmosios comme 185« la marque d’une résistance de la polis à l’émergence d’un appareil d’État » (Ismard, 2015, p. 176). Il s’extrait toutefois d’une analyse en termes d’alternative polarisée entre société sans État et État moderne et lui préfère la thèse, plus inspirée je crois par Nicole Loraux dans La cité divisée. L’oubli dans la mémoire d’Athènes (1997), que « l’État ne s’est jamais incarné autrement que dans la pure négativité du corps-esclave du dêmosios » (Ismard, 2015, p. 179). Si je le dis autrement, le dêmosios serait donc à voir en quelque sorte comme la projection de la part maudite de l’idéal démocratique, il prendrait en charge la violence et la dépossession qu’implique la construction de la cité démocratique.
Et de cela, au fond, la cité ne veut rien savoir, c’est en quelque sorte son refoulé. Il est à ce sujet significatif de noter que Paulin Ismard ne peut s’appuyer sur les traités politiques qui occultent la question des rapports de la cité à l’esclavage public, mais doit la chercher « dans le clair-obscur d’étranges scénographies qui placent des figures d’esclave public ou royal au centre de leur dispositif » (Ismard, 2015, p. 179). Il repère en effet ces « héros secrets de l’État grec » (Ismard, 2015, p. 180) notamment dans deux documents à partir desquels il formule l’hypothèse, inspirée de Pierre Legendre (2001), que l’horizon de vérité de la cité s’énonce depuis des figures d’exclusion18. Ces étranges scénographies sont, d’une part, la dernière scène du Phédon de Platon où l’on voit Socrate converser avec un dêmosios institué par là même comme le dépositaire de l’enseignement socratique au détriment des jeunes citoyens qui entourent leur maître peu avant sa mort, d’autre part, en mettant ses pas dans ceux de Michel Foucault qui souligne que le rapport entre savoir, vérité et pouvoir est au cœur de la tragédie de Sophocle19, la scène d’Œdipe-roi où ce rapport se manifeste dans un jeu de miroir entre Œdipe et le berger qui se trouve être un esclave royal et dont le savoir sur les origines d’Œdipe va destituer le pouvoir de ce dernier qui est littéralement « celui qui sait » (oida).
186Le fondement de la démocratie athénienne résiderait donc à la fois dans le refus politique de l’État – la cité exclut un certain nombre de tâches administratives du champ politique – et le refus d’une séparation de l’État – les esclaves publics demeurent soumis à la communauté des citoyens. Ce problème épineux de l’État en Grèce ancienne s’éclaire quelque peu à partir donc de la figure de l’esclave public.
Les historiens ont apprivoisé les « mystères20 » de l’organisation étatique grecque en traduisant, au xixe siècle, la polis par le vocable de « cité-État ». Mais depuis les travaux notamment de Hansen (1998), cette analogie ne tient plus au regard des spécificités de la polis grecque, athénienne principalement : elle ignore l’idée d’un corps de fonctionnaires détenteur de la puissance publique, elle congédie l’idée d’un corps de citoyens faisant profession politique (elle lui substitue les fameux tirages au sort annuels), elle n’admet pas le principe d’un corps politique de représentants du peuple (ce sont des mandataires sous contrôle permanent des citoyens qui peuvent à tout moment les révoquer). À ce sujet, la représentation est considérée comme une aliénation ou une servilité, personne ne pouvant dans la conception grecque agir au nom d’un autre.
La leçon grecque serait donc quelque peu amère. Alors que peu de débats actuels sur la crise de la démocratie représentative font l’impasse sur les vertus de la démocratie directe de l’ancienne Athènes, Paulin Ismard montre que, derrière la scène idéalisée où s’active en toute transparence une ribambelle d’assemblées délibératives assurant la publicité du processus de décision et l’intervisibilité des citoyens, existe une coulisse habitée par des êtres anonymes doués de savoirs et dotés de quelques privilèges, mais frappés d’aphasie et d’incapacité politique afin de conjurer toute forme de représentation.
Amère, mais peut-être aussi réjouissante d’une certaine manière. L’anachronisme n’est pas sans productivité, dans la mesure où il alerte sur le fait que la démocratie athénienne ne peut être une « ressource de sens » aujourd’hui que « sur le fond d’un écart radical avec notre propre condition politique » (Ismard, 2015, p. 214). Un peu comme Max Weber invitait à ne pas s’étonner que les Chinois soient « si » Chinois, Paulin Ismard enjoint à considérer que l’Athènes classique est vraiment « classique ». Autrement dit, qu’elle constitue un monde ancien tout « autre », ce qui dresse de nombreux obstacles épistémologiques à la 187compréhension contemporaine aussi bien de cette forme spécifique d’esclavage que des fondements de la démocratie athénienne. Mais, par ailleurs, le détour par la Grèce antique, même si elle ne représente pas comme la Chine ancienne une « pensée d’un dehors », une altérité radicale chère au sinologue François Jullien (2000), a des effets d’ébranlement de notre présent : l’esclavage grec dans sa composante publique, numériquement mineure mais absolument décisive pour saisir la nature de la démocratie antique grecque, constitue à n’en pas douter des « pousse-à-penser » les impasses et les impensés de nos démocraties occidentales modernes.
Réjouissante encore, même s’il me semble qu’on serait bien en peine de savoir quel événement du passé il faudrait changer pour qu’advienne cette uchronie dont Paulin Ismard dessine avec humour les contours :
Imaginons un instant que le dirigeant de la Banque centrale européenne (…), les inspecteurs du Trésor public (…) soient des esclaves, propriétés à titre collectif du peuple français (…). Transportons-nous, en somme, au sein d’une République dans laquelle certains des plus grands « serviteurs » de l’État seraient des esclaves. Quelle serait l’allure de la place de la Nation au soir des grandes manifestations parisiennes, si des cohortes d’esclaves devaient en déloger les derniers occupants ? Supposons que l’une de ces manifestations ait pour objet l’austérité budgétaire imposée par les traités européens : la politique monétaire de l’Union serait-elle différente si le directeur de la Banque centrale était un esclave que le Parlement pouvait (…) fouetter, s’il s’acquittait mal de sa tâche ? (Ismard, 2015, p. 205-206).
C’est là où « comparer l’incomparable » (Detienne, 2000) peut avoir vertu de penser. On comprend ainsi que le contrôle financier, par exemple, ne pourrait être confiée dans la Grèce antique à des hauts-fonctionnaires œuvrant sous les radars du contrôle démocratique, et dans une certaine proximité avec les milieux financiers comme en témoignent les « pantouflages » entre le public et le privé.
Le mérite de l’essai de Paulin Ismard repose donc sur la réflexion proposée au sujet de la question politique que pose l’esclavage public. Elle se fait logiquement au détriment de la question économique, qui n’est point oubliée (avec Aristote ou Xénophon par exemple) mais n’est simplement pas au cœur des préoccupations de l’auteur21. Et ce d’autant 188plus que la cité grecque attire « naturellement » la lumière sur le politique, l’économique restant dans l’ombre.
III. RETOUR SUR L’ÉCONOMIQUE
À TRAVERS LA QUESTION DE LA MONNAIE
L’histoire économique fut partie prenante de la question de l’esclavage (Hilt, 2017) et, « logiquement » dirais-je, c’est l’esclavage colonial qui est au centre des préoccupations des économistes de l’époque. L’économie a joué en effet un rôle dans le changement de perception de l’esclavage au cours du xviiie siècle, dans la mesure où elle fit entrer le problème du coût du travail dans un débat dominé par l’argument moral.
Si certains économistes soutiennent le point de vue esclavagiste en affirmant la consubstantialité de la production sucrière et de l’esclavage (noir) afin d’assurer la rentabilité de l’affaire (Dockès, 2002, p. 114), s’il semble acquis par exemple chez Turgot ou Cantillon que le coût du travail libre est supérieur à celui du travail servile, il revient à Adam Smith de changer la donne. En intégrant la question de la productivité, Adam Smith inverse en fait la causalité, c’est la prospérité des colonies qui leur permet de supporter le coût de l’esclavage (Herland, 2002, p. 38 sq.). Si aux yeux de Smith, l’esclavage n’est donc pas efficace d’un point de vue économique et constitue en outre un frein à l’innovation, il faut 189noter qu’il ne sépare pas son raisonnement de la question morale22. Le cadre d’analyse de Smith fixe la pensée économique pour le xixe siècle. Avec cependant bien des nuances. Pour Jean-Baptiste Say, le coût du travail servile est plus faible mais ce sont les frais globaux du système colonial de la plantation (une domesticité pléthorique, la dégradation des sols, l’entretien des esclaves) qui en font un mode de production moins rentable. S’il s’oppose à l’esclavage tout en défendant une exception antillaise en raison du climat (Arena, 2002, p. 81), c’est en vertu d’une autre argumentation économique : Say invoque le droit de propriété de chacun sur sa propre personne ou le viol de la relation d’échange marchand par le vol des fruits du travail journalier de l’esclave, ou bien encore les distorsions économiques sur le marché du sucre (id., p. 75 sq.)23. Dans tous les cas, le primat de l’esclavage colonial est incontestable au sein d’une histoire économique qui, au xviiie et xixe siècle, est bien sûr prise dans les rets de son temps.
Plus récemment, l’histoire économique de l’esclavage a été dominée par les méthodes quantitatives. Le renouveau cliométrique de l’histoire économique aux États-Unis n’a pas non plus conduit à intégrer l’esclavage public, antique en particulier, dans ses études, alors que depuis les années 2010 elle couvre l’histoire de l’Antiquité à nos jours (Boldizzoni, 2016, p. 119). Il est vrai, elle semble moins préoccupée par la connaissance économique du passé que par la construction de « récits du passé compatibles avec l’économie néolibérale » (id.). Ici aussi, c’est l’esclavage des plantations qui fait l’objet de ses enquêtes. Stanley Engerman et le futur prix d’économie de la Banque de Suède (en 1993), Robert Fogel, ont consacré à ce sujet un ouvrage, Time on the Cross, qui fit grand bruit à sa sortie en 1974. S’intéressant à l’esclavage dans le Sud des États-Unis, les auteurs, fidèles à un postulat de lois universelles du comportement humain identifiables a priori, professent que le rapport 190esclavagiste dérive en quelque sorte de conventions contractuelles : il serait fondé sur un accord entre des maîtres capitalistes bienveillants soucieux de maximiser leurs profits et des esclaves responsables désireux de maximiser leurs revenus. Surtout, à partir de l’analyse de trente plantations en Virginie, ils plaident que l’agriculture esclavagiste est plus productive que l’agriculture du Midwest. Ce qu’ils quantifient avec précision, affirmant qu’au-delà de 16 esclaves, le système de la plantation présente une productivité de 35 % supérieure aux fermes où les travailleurs libres assurent la production. Si la riposte ne s’est pas fait attendre pour, derrière les chiffres, extraire la dimension idéologique de l’étude24, il n’en demeure pas moins que la cliométrie impose aujourd’hui (de nouveau) le calcul de la rentabilité au cœur de la compréhension de l’esclavage. Elle contraint en retour et en partie la nature par trop technique des critiques. C’est par exemple la faiblesse mathématique qu’Eric Hilt oppose aux trois ouvrages majeurs25 qui, au sein de la Nouvelle histoire du capitalisme, ont noué l’esclavage dans les plantations de coton du Sud des États-Unis au développement du capitalisme américain (Hilt, 2017, p. 515-521). La grande controverse qui depuis les années 2010 secoue cette nouvelle histoire du capitalisme américaine à propos du lien entre le développement du capitalisme et l’esclavage états-unien témoigne d’une divergence majeure entre l’histoire et une économie historique convertie aux abstractions mathématisées qui postule que la pensée économique fonctionne à part du champ politique26.
Nonobstant la variété des approches d’histoire économique de l’esclavage, quelles questions une approche économique aurait-elle à adresser à cet esclavage public qu’elle méconnaît ? Le problème de la monnaie concentrera mon propos, et plus précisément celui des pièces métalliques qui sont devenues progressivement dans la Grèce antique le principal support monétaire après leur apparition vers le viie et vie siècles (av. J. C., je ne le préciserai plus), sachant que les pratiques monétaires en Grèce sont très mal connues avant le viiie siècle27 et qu’Athènes, 191principalement, serait concernée par cette généralisation de la pièce métallique comme monnaie vers le ve siècle. À peu près au moment où, notons-le, semble se développer l’esclavage public et peut-être cela n’est-il pas qu’une coïncidence. Le dêmosios expert des monnaies possède en tout cas une compétence rare dont Ismard signale qu’on ignore les arcanes en ce qui concerne les modes de reconnaissance de la fausse monnaie, vraisemblablement par le son ou le poids, voire l’odeur. L’affaire semble en réalité bien plus complexe.
Au sujet du poids, le doute n’est pas permis. Servet rappelle que les noms des pièces sont étymologiquement liés à l’idée de poids : le talent dérive de l’étymon grec talenton (plateau de balance ou balance) et le sicle en usage dans l’Orient ancien, emprunté à l’hébreu biblique sheqel, renvoie à une certaine quantité d’orge. Le fait de pouvoir définir la pièce par son poids en fait bien évidemment une unité de compte pratique pour les échanges marchands que le dêmosios garantit en déterminant la quantité de métal à l’aide du système de poids qu’il conserve. Ismard indique qu’il est sous la surveillance de contrôleurs du peuple qui observent s’il respecte les procédures inscrites dans la loi au risque de châtiment (Ismard, 2015, p. 138). Il ne nous fournit pas les instructions législatives, peut-être simplement parce qu’elles ne sont pas connues. Mais ceci informe sur la portée de cette fonction, d’autant que, vu la multiplicité des émissions par des cités différentes dont nous parle Jean-Michel Servet, la pesée apparaît nécessaire au développement des transactions marchandes par la vérification de l’identité des valeurs. Incidemment, ceci renseigne aussi sur les risques de corruption qui existent au niveau de cette interface avec les marchands28. Toutefois, il convient de tempérer quelque peu l’intensité des échanges marchands dans lesquels peuvent opérer les esclaves publics. D’une part, de nombreuses transactions interviennent sans intermédiaires. D’autre part, selon Servet, jusqu’au ve siècle le poids d’argent (ou d’électrum) excède le plus souvent et de très loin le prix au détail des marchandises. Jusqu’à l’apparition des pièces de bronze au faible pouvoir d’achat vers le ive siècle, l’utilisation des pièces apparaît donc peu pratique 192et donc d’un usage probablement peu généralisé. Toutefois, il est possible que s’effectue un versement périodique en lieu et place d’un règlement à chaque transaction marchande. Ce qui pour le coup redonnerait une place aux compétences scripturaires des dêmosioi pour tenir les comptes de ces échanges. En revanche, le fait que certaines pièces étrangères sont interdites de circulation dans la cité athénienne, ouvre à certaines tâches dont on peut soupçonner qu’elles relèvent des compétences des dêmosioi. Il s’agit de les reconnaître, en particulier quand elles sont des imitations, et à ce sujet Paulin Ismard indique qu’ils doivent les rendre à l’étranger. Mais Jean-Michel Servet informe que des pièces étrangères peuvent néanmoins être contremarquées pour devenir valides et acquérir une valeur par la même occasion. Les dêmosioi auraient-ils pu avoir aussi cette responsabilité ? On aurait pu le soupçonner, tout en se demandant si par exemple ils disposent de plusieurs types de contremarque pour attribuer un cours légal à cette monnaie en fonction de critères de poids et d’alliage, mais cette responsabilité incombe en réalité aux changeurs de monnaie.
Car la pièce de monnaie se caractérise aussi par son aloi, ce qui demande l’estime des métaux précieux dont elle est composée29. L’opération est délicate en raison des différentes techniques de fusion du métal et de frappe des pièces, informe Jean-Michel Servet. Il apporte en outre une donnée supplémentaire : il semblerait que l’aloi n’a pu être déterminé avec précision qu’à partir du iiie siècle. L’échange reposerait-il dès lors sur une acceptation fiduciaire adossée à la garantie apportée par le sceau de la cité dont le dêmosios aurait par là-même un usage moins réglé ? Ce dernier intervient-il dans la négociation ou bien ne vient-il qu’entériner celle-ci ? De quelle marge de manœuvre dispose-t-il, qui amorcerait peut-être de petits actes de corruption ? La complexité pratique de cette fonction de médiation des échanges marchands expliquerait en tout cas que cette charge soit placée sous la surveillance de « contrôleurs du peuple » en charge de faire respecter des procédures inscrites dans la loi, sous peine de châtiments30.
193Plus largement, la difficulté des opérations de pesage d’une pièce composée de deux métaux et le fait que les pièces de monnaie ne portent nulle inscription donnant leur estime – tout élément que note Servet – posent la question de la praticabilité des interventions des dêmosioi et supposeraient que les transactions marchandes sous forme de pièces de monnaie ne soient pas trop nombreuses. Le fait que ces dernières soient de moins en moins pesées pour être simplement comptées allaient en tout cas alléger le travail des esclaves publics !
Le problème de l’effectivité de l’expertise monétaire du dêmosios illustre l’intérêt d’une coopération entre l’historien économique et l’historien spécialiste de l’antiquité gréco-latine. Elle inviterait ce dernier à multiplier les tâches empiriques, à mettre certes à l’épreuve de sources rares, qu’elles soient connues (et donc à revisiter peut-être) ou à venir grâce à de nouvelles découvertes épigraphiques (et donc à interroger avec un autre équipement mental). Mais assurément, elle serait utile afin d’allonger le questionnaire, par exemple vers le problème de la gestion des dêmosioi, et donc celui de leur logement, de leur nourriture, de leur rémunération31, même si Ismard indique que la cité, pour rentabiliser les esclaves publics, pouvaient les louer à des particuliers en exigeant une garantie en cas de perte (Ismard, 2015, p. 122). La gestion publique des dêmosioi demeure quoi qu’il en soit une vaste page à compléter, voire à écrire.
Conclusion
Je conclus mon point de vue en commençant par citer ce long extrait issu de l’Avant-propos de La démocratie contre les experts que je trouve particulièrement frappant :
Pour tout individu né à la fin des années 1970, il est rare que la politique ait été le lieu des grands accomplissements de sa vie personnelle. (…). Et, 194de même que le théâtre de la vie politique a cessé depuis fort longtemps de l’intéresser, il en est venu peu à peu à contester les formes traditionnelles de participation politique, voire à récuser le principe de toute représentation. (…). Il lui apparaît pourtant que l’une des manifestations du déni quotidien de l’idée démocratique tient dans cette musique lancinante, qui exalte le règne de l’expertise et répète à l’envi que le gouvernement de la chose publique ne saurait reposer que sur un ensemble de savoirs, dont la nature exigerait qu’ils soient élaborés à l’écart des passions publiques (Ismard, 2015, p. 9).
L’expérience de la lointaine Athènes aiderait-elle à affronter la désillusion politique que porte le mot de représentation aujourd’hui ou que suscite le règne des savoirs experts ?
Je ne sais, mais force est de constater que les sources de la désillusion sont plus que jamais actives. Sur au moins deux aspects.
Le premier a trait à la question du nouage entre le savoir et la démocratie. Là où les Athéniens faisaient reposer la démocratie sur l’extériorisation de la fonction d’expertise qui la prive ainsi de toute légitimité par rapport à la fonction politique, les politiques libérales actuelles affirment au contraire le primat de l’administration des choses sur le gouvernement des hommes jugé trop long, trop conflictuel, peu opérant. Au fond, le gouvernement des hommes serait un archaïsme quand la modernité exige tout autrement agilité, efficacité, technicité informée par les experts. Le rôle en particulier que des économistes jouent dans le pilotage des « choses » ne devrait-il pas inciter à rappeler à l’histoire économique qu’elle ressortit aussi à une histoire politique critique ?
Le second renvoie à la question de la mémoire. François Hartog se demande en quoi l’apprentissage de « langues mortes au caractère élitiste » peut soutenir « des sociétés qui se soucient pour l’heure davantage de mémoire et d’identité que d’histoire, tout en s’interrogeant, avec plus ou moins d’ardeur ou d’inquiétude, sur la globalisation et sur les façons d’y répondre dans les cursus scolaires ? » (Hartog, 2015, p. 52-53). Faisant référence à l’idée de supprimer dans le secondaire l’enseignement des humanités gréco-latines en France, il admet qu’on puisse renoncer à transmettre la longue chaîne de savoirs qui lie, au-delà des effets d’hypnose et des malentendus engendrés, notre présent à la Grèce antique. Il n’y a d’héritage que ce qu’on décide d’en faire, mais encore faut-il prendre conscience du coût culturel d’une telle rupture. Dans tous les cas, dans une société démocratique, convient-il au moins d’en débattre.
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1 Paul Veyne à propos de lui-même estimait « qu’il était indigne d’un historien, fût-il spécialiste de l’Antiquité, de n’avoir pas quelques lueurs sur l’économie politique, ou du moins sur la partie générale et théorique de cette science, seule partie réutilisable » (Veyne, 2014, p. 153). L’argument, évidemment, se retourne en ce qui concerne l’économiste politique qui travaille sur l’esclavage des plantations. On peut d’ailleurs lire cet article comme un plaidoyer pour des fécondations entre ces deux disciplines.
2 Ismard rapporte que Xénophon au milieu du ive siècle proposa un « projet de rentabilisation » par location des dêmosioi à des particuliers. Ce projet d’un revenu de location pour financer l’investissement dans un bien « public » avorta au regard du trop grand nombre d’esclaves publics que cela impliquait (Voir Ismard, 2015, p. 84).
3 Maurizio Bettini fait le constat que la composante nostalgique est souvent passée sous silence au profit de la dimension anthropologique et politique des usages de la tradition, de la mémoire et des racines (Voir Bettini, 2017).
4 Ce qui pose d’emblée le problème de la maîtrise de la langue et de l’écriture grecques.
5 Pour imaginer l’importance de cette fonction de « gardien » de la monnaie octroyée à l’esclave public, il faut se rappeler que l’altération de la monnaie constitue le summum des pratiques scandaleuses prônées par le mode de vie cynique (Foucault, 2009, p. 222).
6 Les membres d’un tribunal athénien.
7 Le citoyen de la Grèce antique était désigné par un nom tripartite qui indiquait tout à la fois son identité (nom personnel), son ascendance familiale (le nom du père) et son lieu d’enregistrement (appelé dème).
8 Voir, dans le champ français, les ouvrages aujourd’hui classiques de : Meillassoux, 1975 (consultable sur Gallica) et Condominas, 1998.
9 On se rappellera qu’Émile Benveniste a mis en évidence cette constante des sociétés « indo-européennes » (toujours historiquement situées chez Benveniste), à savoir la distinction (et l’opposition) entre les hommes libres et les esclaves, qui sont toujours des « gens du dehors ». Le grec doûlos pour les désigner génériquement est d’ailleurs très probablement un emprunt à une autre langue, d’Asie mineure. Voir Benveniste, 1969, p. 321 et p. 355 sq.
10 Il faut observer que l’expression « service libre » pour désigner cette fonction administrative est attestée par une unique inscription découverte à Athènes. L’auteur souligne que la philosophie politique grecque ne s’est point intéressée à cette forme de « fonctionnariat ». Et si on en trouve mention chez Platon ou Aristote, Ismard souligne que leur théorisation, loin de donner une définition positive de l’ordre de l’administration de la cité, ne cherche qu’à contraster, dans les termes du service ou de la fonction subalterne, la sphère d’activité des esclaves publics d’avec la sphère d’exercice du pouvoir politique.
11 Il convient toutefois de nuancer le propos. Il existe une savante hiérarchie au sein des esclaves du Nouveau Monde, selon le lieu de logement dans la plantation notamment, en fonction du genre également, et certains esclaves occupent ainsi des positions de pouvoir (Voir Dockès, 2009).
12 Si j’ai bien compris, le terme renverrait à l’univers de la technè.
13 Vincent Azoulay fait remarquer que des nouvelles sources épigraphiques montrent que la cité athénienne se caractérise moins par la centralité de l’assemblée que par le contrôle des élites qui passe par des procédures draconiennes. Est-ce que du coup le fait de placer l’expertise au lieu de l’esclavage public, absolument contrôlable, relèverait de cette logique ? Voir Azoulay, 2016.
14 Notons qu’il est loisible de voir une analogie entre le « lieu vide de loi », inappropriable et constitué en un extérieur qui fait sa force structurante lui permettant d’articuler le lien politique entre les citoyens et le « lieu » de l’esclavage public qui du fait de son extériorité autorise notamment l’échange économique.
15 Notons toutefois que les savoirs techniques détenus par les esclaves publics ne semblent pas tous constituer un péril au même titre. On le conçoit tout à fait pour un certain Nicomachos qu’évoque Paulin Ismard : ce fils de dêmosios est en effet chargé de réviser et republier à la fin du ve siècle avant notre ère l’ensemble des lois de la cité athénienne. On le conçoit moins pour ces esclaves publics qui sont les petites mains des tribunaux ou fournissent la main d’œuvre des grands chantiers de construction.
16 Sa thèse porte justement sur le rôle primordial des associations dans la formation et le fonctionnement de la cité athénienne, que ce soit des communautés sacerdotales, des groupes civiques ou des associations cultuelles (Voir Ismard, 2010).
17 Voir Clastres, 1974.
18 Il propose d’ailleurs d’ajouter l’esclave public aux quatre types antiques de sujets d’énonciation de la vérité que distinguait Michel Foucault (le sage, le philosophe, le prophète, le technicien) dans son ultime cours au Collège de France de 1984, Le courage de la vérité.
19 Michel Foucault est souvent revenu sur la tragédie de Sophocle, depuis ses premiers écrits de psychologie dans les années 1950 jusqu’aux cours au Collège de France des années 1980. Paulin Ismard s’appuie pour sa part sur le cours au Collège de France de 1970-1971(la partie intitulée Le savoir d’Œdipe), et celui de 1979-1980 portant sur les actes de vérité comme techniques de soi dans le christianisme primitif.
20 C’est le titre de l’ultime chapitre de l’ouvrage de Paulin Ismard.
21 La réflexion philosophique venue de l’Antiquité est surtout soucieuse du problème de la légitimité. Dans la Politique (Livre Premier), Aristote conçoit l’esclavage comme un donné de la nature mais rappelle que c’est aussi un statut légal dont on peut contester le bien-fondé en ce qu’il entérine le droit du plus fort. On ne sait si le rappel qu’il fait de la position d’Euripide qui remettait en cause l’idée de nature justifiant le partage ceux qui seraient voués au commandement ou aptes à la vie civique et ceux qui seraient doués pour l’obéissance lui sert à condamner ou défendre au contraire l’esclavage. Toutefois, dans le Livre septième, Aristote fait de l’affranchissement le terme souhaitable de l’esclavage. Partant de la nécessité de l’esclavage, Platon s’intéresse à la manière de les gouverner pour prévenir les révoltes et recommande de prendre des esclaves de langues différentes, de les bien traiter, pour eux-mêmes » et « encore plus pour ses intérêts » (Voir Platon, Lois, 776 b, c, d, e). Il en est de même pour Xénophon qui énonce des recommandations afin de rendre les esclaves plus ou mieux obéissants et qu’ils veuillent rester, ce qui nécessite d’en prendre soin ou encore de reconnaître le bel ouvrage tant « certaines natures ont tout autant besoin de louanges que de boire et de manger ». Voir Xénophon, Économique, V, 16 (et notamment le chapitre xiii). Ces livres ont tous été consultés sur Gallica.
22 Démontant l’explication de l’esclavage en termes économiques, Adam Smith met en avant la jouissance de la domination (Voir Lapidus, 2002, p. 47-72). Smith s’oppose ainsi à l’argumentation purement contractualiste formulée notamment par un Hobbes qui met en avant la dimension de consentement mutuel entre le maître et l’esclave, liée à leurs droits et obligations réciproques, au détriment d’une analyse en termes de système de pouvoir par lequel l’échange de la liberté n’a pas de réelle contrepartie (Voir Schmidt, 2002, p. 15-27).
23 Les physiocrates, dont les positions sur l’esclavage sont plurielles, soulignaient également les effets néfastes d’un monopole colonial de la production du sucre (Voir Le Masne, 2016, p. 101-112).
24 Voir en particulier la critique « cliométrique » effectuée par Gutman, 1975. Pour une critique du modèle de l’homo œconomicus qui sous-tend le calcul de rentabilité effectué par Fogel et Engerman, voir Oudin-Bastide & Steiner, 2015.
25 Il s’agit des livres de Sven Beckert (2015), Walter Johnson (2013) et Edward Baptist (2014).
26 Voir Barreyre & Blin, 2017, p. 135-148.
27 Je m’appuie pour les considérations exposées dans ce paragraphe principalement sur Servet, 1984. La référence est certes ancienne, ce qui par ailleurs ne la disqualifie en rien. Notons en outre que peu d’économistes se sont intéressés au fait numismatique en Grèce ancienne. En l’état, l’étude de Servet convient tout à fait pour porter mes interrogations, sans avoir à passer par une discussion quant à sa thèse sur l’origine non commerciale de la pièce de monnaie.
28 Le dêmosios pouvait s’enrichir, mais le fait qu’il y ait un contrôle par la cité le limite, alors que s’il appartenait à un maître, il enrichirait ce dernier.
29 Si contrairement à la Perse qui a choisi l’or, la Grèce a privilégié l’argent (extrait des mines du Laurion par Athènes qui a pu ainsi imposer sa monnaie comme référence), les pièces sont toutefois le plus souvent des alliages de métaux, l’électrum désignant l’alliage d’or et d’argent. Servet précise que l’or doit son succès au fait qu’il sert pour les paiements entre les États et non pour les échanges internes aux États.
30 Ismard ne semble pas avoir d’autres données à sa disposition permettant de préciser le travail de ces contrôleurs (ni qui ils étaient), les procédures législatives ou les types de châtiment encourus.
31 Servet stipule dans Nomismata qu’il n’existe pas de budget global en Grèce antique. Chaque dépense est ainsi couverte par un financement particulier. La cité ne peut donc avoir des « salariés » remplissant les fonctions assumées par les dêmosioi. La question des fonds permettant d’acheter les esclaves publics se posent donc aussi. Sur le modèle de l’évergétisme, les riches feraient-ils des dons d’esclaves publics à la cité ?
- Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- ISBN : 978-2-406-10602-9
- EAN : 9782406106029
- ISSN : 2495-8670
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10602-9.p.0175
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 27/05/2020
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Esclavage public, société esclavagiste, démocratie athénienne, expertise, gouvernement, esclavage de plantation, capitalisme, démocratie représentative, démocratie directe, pièces de monnaie