La place de l’asymétrie entre entrepreneurs et salariés dans quelques théories post-keynésiennes
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d'histoire de la pensée économique
2020 – 1, n° 9. varia - Auteur : Piluso (Nicolas)
- Pages : 155 à 174
- Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
La place de l’asymÉtrie entre entrepreneurs et salariÉs dans quelques thÉories post-keynÉsiennes1
Nicolas Piluso
Université Toulouse III
Paul Sabatier
L’asymétrie de statut entre entrepreneurs et salariés occupe une place centrale dans les travaux de Keynes. Dans le Traité de la monnaie (1921), elle est présente à travers les équations fondamentales qui définissent l’équilibre économique du seul point de vue des entrepreneurs. Elle est aussi exprimée à travers la métaphore de la « cruche de la veuve » (reprise par Kalecki), qui montre que les entrepreneurs gagnent ce qu’ils dépensent, alors que les salariés ne dépensent que ce qu’ils gagnent, ce qui n’est jamais qu’un symptôme de leur soumission monétaire. Dans la Théorie générale (1936), Keynes expose dès le chapitre 2 son refus du second postulat classique, en vertu duquel les salariés égalisent leur désutilité marginale au salaire réel. Pour Keynes, si les entrepreneurs peuvent maximiser leur profit (premier postulat classique), les salariés sont la plupart du temps dans l’impossibilité de maximiser leur satisfaction (second postulat classique). Le niveau d’emploi n’est pas déterminé par la confrontation des plans de décision des salariés et des entrepreneurs, mais par les seules décisions des firmes. Autrement dit, les entrepreneurs ont le contrôle de la contrainte budgétaire des salariés, ce qui aboutit au rejet de la loi de Walras. L’hypothèse d’asymétrie de statut entre entrepreneurs et salariés constitue la condition incontournable d’obtention 156d’un résultat d’équilibres de chômage involontaire, comme l’ont montré Glustoff (1968) et Cartelier (1995). L’hypothèse d’asymétrie entre entrepreneurs et salariés est donc tout à fait fondamentale, puisqu’elle permet à Keynes de remettre en question de façon radicale les théorèmes de l’économie du bien-être, qui affirment que l’équilibre général de l’économie est un optimum au sens de Pareto.
Pourtant, les postkeynésiens restent relativement muets sur cette hypothèse fondamentale qui permet de caractériser le rapport salarial. À titre d’exemple, l’ouvrage de référence d’Alain Barrère (1990), éminent postkeynésien français, ne met nullement en évidence le refus du second postulat classique de Keynes. Dans le Livre 1, intitulé « Keynes et l’orthodoxie », il est question d’économie réelle et d’économie monétaire de production. Dans le Livre 2, il est question d’incertitude et de comportements conventionnels. Enfin, le Livre 3 passe directement à l’exposé de la demande effective. Tout au plus, on trouve dans le Livre 2 une brève référence au « pouvoir des entrepreneurs », qui est spécifique dans l’économie, mais elle se situe sur le même plan que les hypothèses liées à la monnaie ou l’incertitude.
Dans le même ordre d’idée, l’ouvrage sorti récemment en France sur les théories postkeynésiennes (2018) sous la direction de Berr, Monvoisin & Ponsot ne consacre que huit lignes (page 29) au refus du « second postulat classique » sur les quatre cent cinquante-neuf pages de l’ouvrage. D’après Lainé (2018), le fondement de l’économie keynésienne est son traitement spécifique de l’incertitude et non la remise en cause de la conception néoclassique du rapport salarial. Cette thèse contraste avec les écrits de certains postkeynésiens tels ceux de Kalecki dans lesquels l’asymétrie de statut occupe une place fondamentale.
Keynes reproche à l’approche « classique » d’ignorer la réalité de l’économie capitaliste. Le principe de la demande effective, qui est au cœur de sa théorie du chômage involontaire, est dans la droite ligne de cette remise en cause. Le rejet du « second postulat classique » est étroitement lié à ce principe puisque dans un tel cadre, les entrepreneurs fixent l’emploi de façon unilatérale. Ainsi, la lecture que fait Jean Cartelier de Keynes n’est aucunement une explication mono-causale du chômage. Cartelier ne remet nullement en cause les développements réalisés par Keynes lui-même mais aussi par les postkeynésiens sur l’importance de la monnaie et de l’incertitude dans la théorie du chômage involontaire 157(Piluso, 2007). L’enjeu de la lecture de Cartelier est de démontrer rigoureusement que l’hypothèse d’asymétrie entre entrepreneurs et salariés ouvre la possibilité d’équilibres généraux avec chômage involontaire (voir le modèle que Cartelier présente dans son ouvrage de 1995, soit un modèle d’équilibre général standard où l’introduction de l’hypothèse d’asymétrie suffit à remettre en cause le résultat d’ajustement automatique des marchés vers le plein-emploi). Cette possibilité se mue en nécessité en enrichissant l’analyse par l’étude de la monnaie et de l’incertitude. L’hypothèse d’asymétrie explique l’apparition du chômage involontaire. La demande effective explique le niveau de ce chômage. Au sein de la grille de lecture de Cartelier, l’incertitude revêt d’ailleurs un rôle tout à fait central dans la relation salaire-emploi (Piluso, 2007). Autrement dit, Cartelier insiste sur le caractère fondamental de l’hypothèse d’asymétrie faite par Keynes parce qu’il est impossible d’obtenir un résultat de chômage involontaire d’équilibre sans elle. Pour autant, la richesse de l’analyse des postkeynésiens n’est nullement remise en cause par cet auteur puisque les grilles de lecture ne sont pas opposées mais complémentaires.
L’objet de cet article est ainsi d’analyser la place qu’occupe effectivement l’asymétrie du rapport salarial, pierre angulaire de l’économie de Keynes, dans les théories postkeynésiennes qui affichent d’une part certaine radicalité dans l’hétérodoxie, et d’autre part une grande fidélité à l’esprit des travaux de Keynes. Pour ce faire, nous passerons en revue la théorie du circuit, la théorie de la croissance postkeynésienne, le modèle canonique postkeynésien du marché du travail et enfin le modèle stock-flux cohérent de Lavoie & Godley (2001). Nous montrerons qu’elle occupe une place importante dans ces branches de l’économie postkeynésienne, sans pour autant faire toujours l’objet d’un exposé explicite. Cela semble pour nous problématique pour la raison évoquée ci-dessus : nul résultat de chômage involontaire d’équilibre n’est possible sans adopter cette hypothèse. En ce sens, il est indispensable d’expliciter cette dernière dans les différents modèles.
158I. LA THÉORIE POSTKEYNÉSIENNE DU CIRCUIT
Dans la mesure où il existe un certain foisonnement des approches par le circuit, nous nous bornerons à la présentation faite par Frédéric Poulon dans le dernier ouvrage français des postkeynésiens (2018), ainsi que dans ses ouvrages de 1982 et 2015. Nous ne perdrons cependant pas en généralité car nous ne nous limiterons qu’aux grands principes de la théorie générale du circuit. Cette dernière a connu des développements importants dans les années 80 grâce à des auteurs tels que Parguez, Vallageas, Graziani, Gnos et Lavoie.
Le schéma du circuit est fondé sur quatre fonctions définies par Keynes dans le chapitre 3 de la Théorie générale (Poulon, 2018) : une fonction d’emploi, qui lie le niveau d’emploi L mis en œuvre par les entrepreneurs aux anticipations de consommation D1 et d’investissement D2 ; une fonction de production, qui relie le niveau d’emploi L au revenu global R anticipé par les entrepreneurs ; une fonction de consommation, qui relie le revenu global R aux dépenses anticipées de consommation des ménages et des entrepreneurs D1 ; une fonction d’investissement, qui relie le revenu global R aux dépenses anticipées d’investissement D2.
Le système d’équations est donc :
L=f(D 1, D 2 ) (1a)
R=g(L) (2a)
D 1 =w(R) (3a)
D 2 =w ’ (R) (4a)
On remarque ici immédiatement que les relations fonctionnelles qui permettent la détermination de l’emploi et du revenu relèvent exclusivement des décisions des entrepreneurs. Contrairement à la théorie standard, il n’est nullement question d’une confrontation entre les décisions des entrepreneurs et les décisions des salariés. Ces derniers sont soumis aux décisions des entrepreneurs. La représentation graphique (Figure 1) du circuit en révèle le fondement : seuls les entrepreneurs du pôle E ont accès au financement F par le pôle banque B. La soumission monétaire des salariés (qui constituent une partie du pôle ménages M) est explicite. Ces derniers sont contraints d’offrir leur travail pour percevoir 159une partie du revenu global de l’économie Y sous forme de salaires et ainsi financer leur consommation (comprise dans C). S n’est jamais que l’épargne qui reflue vers le pôle banque. Le pôle E, outre la distribution du revenu Y, investit I et réalise des consommations intermédiaires U pour le bon déroulement de l’activité productive.
Fig. 1 – Le circuit économique dans la représentation de Poulon (2015).
On peut enfin souligner que l’asymétrie du rapport salarial et la « désactivation de l’offre de travail » (Cartelier, 1995) se lisent également dans l’analyse de la crise du système et du chômage, totalement indépendante du comportement des salariés en matière d’offre de travail (contrairement aux nouvelles théories du marché du travail et autres modèles WS-PS). Dans la théorie de Poulon, l’économie entre en crise à compter du moment où la valeur de l’investissement I devient inférieure au montant de l’emprunt contracté par les firmes F. Une telle situation est à mettre en lien avec l’intensification de la concurrence inter-firmes qui pousse ces dernières à accélérer la rotation du capital, induisant elle-même une augmentation de la consommation de capital fixe.
Poulon reprend ainsi à son compte les fondamentaux de la théorie keynésienne du circuit initiée par Schmitt (1960). Pour ce dernier, celui qui emprunte de la monnaie doit pouvoir anticiper que la monnaie lui reviendra pour pouvoir rembourser le crédit à échéance. Il doit avoir l’assurance que la monnaie qu’il dépense lui reviendra, donc que la monnaie suivra une trajectoire circulaire. L’emprunteur effectue grâce au crédit qui lui est octroyé une dépense à des fins circulatoires. Schmitt affirme que seuls les entrepreneurs peuvent effectuer ce type de dépense en rémunérant les facteurs de production. L’asymétrie de statut entre entrepreneurs et salariés est donc réaffirmée. Mais ce dernier va encore plus loin pour caractériser le rapport 160salarial. En effet, la monnaie créée pour les entrepreneurs est une disponibilité temporaire. Cette monnaie n’est pas appropriée par les capitalistes : ils n’en disposent que pour un certain temps. Mais cette monnaie créée subit une mutation lorsqu’elle arrive aux mains des salariés : ces derniers ne sont pas débiteurs de l’entrepreneur pour le montant de leur salaire. Ils peuvent librement choisir de dépenser leur salaire ou l’épargner. Ils sont désormais possesseurs de cette monnaie. La rémunération des salariés a donc investi la monnaie d’un véritable pouvoir d’achat. Dans la mesure où la monnaie est dépourvue de pouvoir d’achat au moment de l’embauche des salariés, Schmitt considère que l’embauche n’est pas un acte d’achat de facteur travail. L’économiste du circuit approfondit donc le concept d’asymétrie pour caractériser le rapport salarial, comme le fera plus tard Cartelier dans son ouvrage de 2016 sur la base d’une analyse différente. Dans la théorie du circuit économique, la place de l’asymétrie entre entrepreneurs et salariés est donc tout à fait centrale, et reste en ce sens tout à fait fidèle aux hypothèses et résultats de Keynes.
II. LA THÉORIE POSTKEYNÉSIENNE DE LA CROISSANCE
Pour cette présentation, nous nous bornerons à l’étude du modèle de croissance canonique postkeynésien kaleckien (Dutt & Lang, 2018 ; Dutt, 2011).
Ce modèle de croissance repose sur un certain nombre d’hypothèses usuelles (telles que la firme représentative, la production d’un unique bien pour la consommation et l’investissement, l’homogénéité des facteurs de production, le caractère fermé de l’économie), et des hypothèses plus spécifiquement keynésiennes (telles que la complémentarité des facteurs de production et la détermination de la production par la demande globale renvoyant au principe de la demande effective). L’offre de travail est supposée infinie2 : les entrepreneurs ne peuvent pas faire face à une pénurie de main d’œuvre. Par ailleurs, les entreprises 161fixent leurs prix par le biais d’un mark-up ajouté aux coûts salariaux. Enfin, les firmes sont en situation de sous-utilisation de leur capacité productive. Les trois principales variables endogènes du modèle sont le taux d’investissement, le taux d’utilisation des capacités productives et le taux de profit. L’équilibre de court terme est déterminé lorsque le marché des biens est équilibré, c’est-à-dire lorsque l’épargne est égale à l’investissement. L’ajustement du marché des biens se fait par l’intermédiaire du taux d’utilisation des capacités productives, lui-même déterminé par le taux de profit (pour un mark-up donné). Le salaire réel est quant à lui déterminé par le mark-up et la productivité du travail.
Le modèle canonique de croissance post-keynésien
Le modèle peut être décrit à travers cinq équations.
La première équation PY=WL+rPK (1b) désigne le partage du revenu global YP (avec Y le revenu réel et P le niveau des prix) entre la masse salariale WL (avec W le salaire nominal et L la quantité de travail utilisée dans l’économie) et la masse des profits rPK (avec r le taux de profit, P le prix du capital et K le stock de capital).
La seconde équation L=aY(2b) montre comment est déterminé l’emploi L dans l’économie en fonction du revenu réel Y et de la productivité moyenne du travail a.
La troisième P=(1+z)aW(3b) décrit le comportement de fixation de prix P par les entreprises : elles appliquent une marge z à leurs coûts variables.
La quatrième g=I/K=i0+i1u(4b) donne le taux d’investissement g comme fonction des « esprits animaux » keynésiens i0et du taux d’utilisation des capacités productives u.
La cinquième équation I/K=S/K (5) donne la condition d’équilibre du marché des biens ; un tel équilibre est réalisé lorsque le taux d’investissement I/K est égal à l’épargne S rapportée sur le stock de capital K. En combinant les précédentes équations, il est possible d’obtenir :
– la relation entre le taux de profit et le taux d’utilisation des capacités productives, à savoir r=(z/1+z)*u (6) ;
– la relation positive entre le taux d’investissement g et le taux de profit r, soit g=I/K=i0+i1[(1+z)/z]r (7) ;
– la relation positive entre le rapport épargne capital et le taux de profit, soit S/K=s*r (8).
Les principaux résultats du modèle sont les suivants :
–un choc positif de confiance des entrepreneurs entraîne un accroissement du taux de croissance économique d’équilibre, du taux d’utilisation des capacités productives et du taux de profit ;
162–une hausse du taux d’épargne des ménages réduit les valeurs d’équilibre du modèle, illustrant le « paradoxe de l’épargne » de Keynes ;
–une baisse du mark-up entraîne l’augmentation du salaire réel, de l’investissement et du taux d’utilisation des capacités productives ; le taux de profit s’accroît également (paradoxe des coûts de Rowthorn, 1983) ;
–il existe toujours du chômage involontaire dans l’économie, même si le marché des biens est équilibré.
Ce dernier résultat, le plus fondamental à nos yeux, signifie qu’implicitement, la loi de Walras est rejetée : le marché des biens peut être équilibré alors même que l’offre est supérieure à la demande sur le marché du travail. Il y a donc bien ici asymétrie du rapport salarial qui se traduit par le contrôle de la contrainte budgétaire des salariés par les décisions d’emploi des firmes. Par ricochet, les décisions en matière d’offre de travail des salariés n’ont aucune influence sur les variables endogènes du modèle, et notamment le taux de croissance économique d’équilibre. Il s’agit cependant d’une hypothèse qui n’est pas clairement explicitée, même si les auteurs font bien la distinction entre la classe des salariés et celle des entrepreneurs pour mettre en avant les conflits de répartition des richesses. Pourtant, cette hypothèse d’asymétrie est centrale puisque c’est grâce à elle que le résultat de chômage involontaire est obtenu, indépendamment des hypothèses de complémentarité des facteurs de production, du rôle de la confiance et de l’incertitude, ou encore de la production tirée par la demande.
Pour illustrer notre position, présentons brièvement le modèle de croissance keynésien exposé par Cartelier dans son ouvrage de 2018. Cartelier reprend à son compte l’ensemble des hypothèses traditionnelles des modèles néoclassiques de croissance : fonction de production Cobb-Douglas avec substituabilité des facteurs de production, parfaite flexibilité du prix sur le marché des biens, équilibre de l’épargne et de l’investissement réalisé par la flexibilité du taux d’intérêt (théorie des fonds prêtables), demande de travail fonction décroissante du taux de salaire réel… La seule hypothèse des modèles néoclassiques que Cartelier remet fondamentalement en cause est celle affirmant l’égalité de statut entre entrepreneurs et salariés. Il reprend donc à son compte le refus 163keynésien du « second postulat classique » et rejette la loi de Walras puisque le marché du travail en est exclu. Il obtient alors un résultat général d’état stable avec chômage involontaire. La croissance équilibrée de plein-emploi de Robert Solow est réduite à un cas particulier du modèle plus général de Cartelier. Ce résultat n’est pas dû à la rigidité du salaire nominal (qui ne produit aucun résultat dans un modèle d’équilibre général à compter du moment où les autres prix sont flexibles) mais bien à l’hypothèse d’asymétrie. Dans un modèle d’équilibre général, la rigidité du salaire nominal n’empêche aucunement l’ajustement spontané du marché du travail puisque cet ajustement peut être réalisé via les prix des biens qui ramènent le salaire réel à son niveau d’équilibre (en situation de concurrence parfaite).
Il faut ajouter que Cartelier obtient un résultat d’instabilité de la croissance économique. En supposant que l’accumulation du capital dépende du profit et qu’elle est d’autant plus forte que le profit réalisé excède le profit attendu, il montre que tout écart par rapport au sentier d’équilibre s’amplifie au cours du temps, validant la thèse du « fil du rasoir » bien connue dans le modèle de Harrod.
Le caractère asymétrique du rapport salarial est de nature à remettre en cause radicalement les conclusions de l’analyse standard : « ce qui oppose l’économie de Keynes à l’économie néoclassique n’est pas l’adjonction de rigidités quelconques, ni dans les prix, ni dans le salaire, ni dans la combinaison productive, mais plutôt dans le traitement des salariés qui se lit dans les différentes contraintes budgétaires auxquelles ils sont soumis » (Cartelier, 2006, p. 89). Le traitement des salariés dont parle Cartelier est le fait que les entrepreneurs contrôlent leur contrainte budgétaire lorsqu’on fait l’hypothèse d’asymétrie.
Dans les théories de la croissance postkeynésienne, l’hypothèse d’asymétrie est bien présente mais contrairement à la théorie du circuit, elle est implicite : elle se déduit de la coexistence de l’équilibre du marché des biens et du déséquilibre du marché du travail. Il en va de même pour le modèle canonique du marché du travail postkeynésien.
164III. LE MODÈLE CANONIQUE DU MARCHÉ DU TRAVAIL
DES POSTKEYNÉSIENS
Dans cette section, nous nous référons à la présentation de Lavoie (2004) et de Lavoie & Lang (2018).
Le modèle postkeynésien du marché du travail repose sur une critique explicite de l’hypothèse de maximisation du profit des firmes d’où découle le « premier postulat classique » d’égalisation de la productivité marginale du travail et du salaire réel :
plus les entreprises produisent et vendent, plus le profit par unité sera élevé – en raison des coûts fixes en capital et en travail – et plus les profits réalisés par chaque firme seront élevés. La contrainte de maximisation du profit ne joue plus. La contrainte cruciale est celle relative aux ventes. C’est la contrainte de demande effective. Ainsi, si le salaire réel des travailleurs augmente, l’entreprise souhaite continuer produire autant qu’elle peut vendre à un prix donné, car elle augmente ainsi ses profits (Lavoie & Lang, 2018, p. 227-228).
En posant d’un côté que l’offre de bien est régie par une fonction d’utilisation kaleckienne (Y=A.L avec Y la production réelle, A un paramètre de productivité et L la quantité de travail utilisée) et que la demande globale de biens comprend la dépense de consommation des salariés (égale à la masse salariale wL, avec w le salaire monétaire) et la dépense autonome (comprenant notamment l’investissement) ap (avec a la dépense réelle et p le niveau du prix), l’équilibre du marché des biens est atteint lorsque tout le revenu créé est dépensé, ou, de façon équivalente, lorsque la valeur de la production est égale à celle de la demande : AL=(w/p)L+a. De cette condition d’équilibre, il est possible de déduire l’expression de la demande de travail des firmes L=a/A-(w/p). La fonction de demande de travail est donc construite à partir de la condition d’équilibre du marché des biens3 ; l’augmentation de la demande de travail augmente la production, c’est-à-dire l’offre de biens, puisqu’un accroissement du facteur travail utilisé permet d’obtenir un supplément de produit ; le salaire réel augmente le niveau de la demande 165globale. Les postkeynésiens considèrent que cette courbe de demande de travail des firmes exprime la contrainte de débouchés à laquelle elles sont soumises. Le résultat obtenu est alors radicalement opposé à celui de la théorie standard : toute hausse du salaire réel entraîne une augmentation de la demande de travail, si l’on considère la dépense autonome constante. Si l’offre de travail est considérée comme une donnée et que l’économie est en situation de chômage involontaire, ce n’est pas une baisse du salaire réel mais une augmentation de ce dernier qui permettra de résorber le chômage dans la mesure où la hausse du salaire alimente la hausse de la consommation et donc de la demande effective. De la même façon, le chômage peut être réduit par une augmentation de la dépense autonome, dans laquelle peuvent être inclus la dépense publique et l’investissement. Le rôle bénéfique de la politique monétaire de bas taux d’intérêt peut alors aussi être mis en évidence.
Lorsqu’on introduit dans le modèle une courbe d’offre de travail coudée, croissante avec le salaire réel pour des faibles niveaux de salaire, les propriétés du modèle se modifient de façon substantielle. En effet, il apparaît la possibilité d’équilibres multiples du marché du travail : un équilibre « haut » avec un fort niveau d’emploi et un salaire réel élevé, et un équilibre « bas » avec un faible niveau d’emploi et un salaire réel peu élevé. Vers quel équilibre l’économie tend-elle spontanément ? Les postkeynésiens pensent que le salaire réel est essentiellement déterminé par des facteurs institutionnels4 (Lavoie, 2004). Mais si quelqu’un croit que les forces du marché dominent dans une telle économie, alors celle-ci va se diriger inévitablement vers l’équilibre bas du marché du travail et non vers l’équilibre haut. En effet, le modèle à équilibres multiples exhibe deux courbes croissantes : l’offre de travail (concave) et la demande de travail (convexe). Lorsque le salaire diminue, offre et demande convergent vers un équilibre « bas » de plein-emploi. C’est pourquoi l’intervention de l’État est indispensable.
Deux remarques peuvent être formulées à l’égard du modèle.
Le « premier postulat classique » fait l’objet d’une remise en cause explicite par les auteurs. La remise en cause du second postulat n’est pas mise en avant de façon particulière, mais il n’existe pas de différence 166fondamentale entre le modèle du circuit de Poulon et le modèle du marché du travail des postkeynésiens : dans les deux cas, la demande de travail détermine la quantité de travail disponible. La confirmation de ce rejet du « second postulat » se lit également implicitement dans le déséquilibre du marché du travail qui coexiste avec l’équilibre du marché du bien ; la loi de Walras n’est que restreinte.
La seconde remarque concerne la radicalité du résultat d’équilibres multiples. Il est possible à cet égard de confronter le modèle postkeynésien avec le modèle de Cartelier.
Le modèle postkeynésien montre qu’une baisse de salaire permet à l’équilibre d’atteindre le plein-emploi (ou du moins un taux d’emploi « bas ») ; ce taux d’emploi est « bas » et sous-optimal, mais il s’agit malgré tout d’une situation de plein-emploi. On parle de sous-optimalité du niveau « bas » de plein-emploi car dans une situation d’équilibres multiples, il existe un autre équilibre de plein-emploi associé à des niveaux d’emploi et de salaire réel plus élevés. La rigidité à la baisse du salaire reste un obstacle au retour au plein-emploi, comme dans le modèle standard WS-PS (qui peut exhiber également des équilibres multiples liés à des défauts de coordination, voir Piluso (2018) et Zajdela (1999)). Le modèle postkeynésien reste cependant opposé à la thèse standard puisque :
–la demande de travail des firmes augmente avec le salaire,
–le chômage n’est pas imputable au comportement des travailleurs comme dans le modèle WS-PS,
–la libre flexibilité du salaire n’engendre que des situations sous-optimales.
Dans les modèles de Glustoff et de Cartelier qui ont pour cadre d’analyse la théorie de l’équilibre général et la concurrence parfaite, il existe une multiplicité d’équilibres de chômage involontaire paramétrés par le salaire nominal. Cependant, la baisse du salaire nominal agit sur l’efficacité marginale du travail et ses effets sont indéterminés : elle peut résorber le chômage comme elle peut l’aggraver. Il nous semble que les modèles de Cartelier (2015), Glustoff (1968) et Piluso (2011), pourtant beaucoup plus proches du modèle standard, remettent en cause de façon tout aussi radicale que les postkeynésiens les résultats de l’approche 167néoclassique du marché du travail : la baisse du salaire monétaire ne permet pas toujours d’atteindre le plein-emploi. La rigidité à la baisse du salaire n’est plus une explication de la persistance du chômage. Cela montre bien que la seule remise en cause du second postulat classique amène à une critique radicale de l’orthodoxie, même lorsque les autres hypothèses standard sont respectées (concurrence parfaite, rémunération des facteurs à leur productivité marginale, flexibilité des prix ajustant les marchés, etc.).
IV. L’asymÉtrie dans le modÈle stock-flux cohÉrent de Lavoie & Godley
Les modèles stock-flux cohérents développés initialement par Lavoie & Godley (2001), en application des principes énoncés notamment par Tobin, sont présentés par les postkeynésiens comme une alternative au modèle d’équilibre général d’Arrow-Debreu (Caverzasi & Godin, 2015). Ce dernier décrit le fonctionnement d’une économie fictive peuplée d’agents représentatifs qui maximisent leur fonction-objectif sous contrainte. Dans cette approche néoclassique, la monnaie est totalement absente, les agents économiques sont homogènes, les ajustements des marchés sont réalisés grâce à la flexibilité des prix et les effets de stock sont ignorés. Dans les modèles stock-flux cohérent, les agents économiques sont hétérogènes, la monnaie est intégrée à l’économie, les ajustements macroéconomiques se font par les quantités et les prix, et la trajectoire des stocks est impactée par la dynamique des flux (Nikiforos & Zezza, 2017).
Le principe fondateur de ce type de modèle est que tout flux vient de quelque part et doit aller quelque part. Il ne doit y avoir aucun « trou noir ». Ainsi l’articulation entre les flux et les stocks doit être parfaitement cohérente. En outre, comme l’indique Le Héron (2015, 2018), la dynamique temporelle du modèle doit tenir compte du décalage pouvant exister entre les différents types d’opérations, la modélisation doit contenir plusieurs actifs et taux de rendement et enfin la loi de Walras doit être vérifiée.
168Les postkeynésiens, par souci de réalisme, remettent aussi en cause l’hypothèse d’agent maximisateur dont la rationalité est substantielle, pour lui substituer l’hypothèse d’un agent cherchant seulement à atteindre un certain niveau de satisfaction. Les modèles stock-flux respectent également la tradition keynésienne d’un niveau de production tiré par la demande et d’une offre de monnaie endogène (Lavoie & Godley, 2007).
La construction d’un modèle de type stock-flux suit systématiquement trois étapes : l’écriture des matrices de stock et de flux ; la vérification du nombre de variables et d’identités comptables issues des matrices ; la définition de chaque variable endogène par une équation comptable ou de comportement. Une fois le modèle construit, le modélisateur donne des valeurs précises aux paramètres à la lumière des enseignements donnés par les faits stylisés ou des résultats des régressions économétriques. Il cherche ensuite à obtenir un état caractérisé par le fait que les grandes variables endogènes du modèle croissent à taux constant. L’économiste peut alors simuler des chocs sur les variables exogènes pour en étudier les effets macroéconomiques. L’accumulation de stocks d’invendus, le déficit budgétaire de l’État, le déficit de la balance commerciale ou encore le chômage constituent dans le modèle des amortisseurs de conjoncture.
Nous présentons brièvement dans cette section le modèle de base de Godley & Lavoie (2001) pour saisir les problèmes posés par ce type de modélisation.
Dans la matrice de stocks, chaque colonne représente le bien d’un secteur institutionnel ou d’un « pôle d’agents ». Les lignes représentent une catégorie particulière d’actif. Les actifs sont affectés d’un signe positif et les passifs d’un signe négatif. La richesse nette est égale à la différence entre les actifs et les passifs. La matrice est ici empruntée à Le Héron (2015).
Fig. 2 – La matrice des stocks.
169Les ménages disposent de dépôts bancaires monétaires (M) qui sont un passif pour les banques. Les crédits accordés par les banques (L) constituent leur actif. Les firmes possèdent un capital productif (K), émettent des actions (e) au prix (pe) qui sont détenues par les ménages, et demandent des crédits (L) aux banques.La quantité de monnaie détenue par les ménages augmentée de la valeur des actions constitue la richesse nette des ménages. Celle des firmes est la différence entre le capital productif détenu (actif) et la somme des crédits contractés et des actions émises (passifs).
La matrice des flux du modèle de Godley & Lavoie (2001) est également présentée par Le Héron (2015) et est la suivante :
Fig. 3 – La matrice des flux.
Chaque colonne représente le compte d’un secteur institutionnel, c’est-à-dire sa contrainte budgétaire, et chaque ligne représente un compte d’opération. Tout flux reçu est affecté d’un signe positif, tandis qu’un flux versé a un signe négatif. Chaque colonne a un solde nul : cela signifie que la contrainte budgétaire des agents économiques est respectée, mais aussi que chaque flux a une affectation et une provenance. C’est un impératif pour que le modèle soit stock-flux cohérent. Concernant le compte des opérations, chaque enregistrement d’opération nécessite une inscription en ressource et une inscription en emploi (ou bien une inscription en variation d’actif et une inscription en variation de passif).
170Le circuit monétaire que traduit le modèle stock-flux de Lavoie & Godley est en fait fidèle à la théorie keynésienne du circuit traditionnelle présentée plus haut. Le circuit s’ouvre ainsi par le crédit bancaire qui finance l’activité productive des firmes (financement initial), à savoir le versement des salaires W, le versement des dividendes sur les profits de la période précédent Pd, l’investissement I, et les intérêts sur la dette accumulée lors de la période précédente iL.L-1. La monnaie est endogène car elle est induite par l’activité de production.
Les ménages peuvent utiliser leur revenu pour la consommation C ou l’épargne S. L’épargne constituée constitue une fuite pour les entreprises car il s’agit d’une quantité de monnaie qui ne reflue pas vers elle. Les firmes tentent de récupérer cette monnaie via l’émission d’actions en fin de période (∆e.pe). C’est ce que les post-keynésiens appellent le « financement final » des entreprises. Si les ménages investissent l’intégralité de leur épargne sous forme d’actions, les firmes peuvent rembourser la totalité de leur crédit contracté auprès des banques et donc toute la monnaie créée est détruite : ∆L=0. Dans le cas où une partie de l’épargne des ménages est thésaurisée sous forme de dépôts bancaires (∆M), ces derniers correspondent au besoin de financement final des firmes (∆L).
La modélisation stock-flux cohérente appelle plusieurs questionnements. Tout d’abord, quelle place occupe l’asymétrie entre entrepreneurs et salariés, qui constitue le fondement de ce que Cartelier (2018) appelle « la conjecture de Keynes », à savoir la possibilité d’équilibres généraux de chômage involontaire en situation de prix et salaire flexibles ? Lorsque l’on observe la matrice des flux, on pourrait penser que la contrainte budgétaire des ménages est rigoureusement contrôlée par les ménages eux-mêmes : leur revenu salarial Ws est le produit du salaire paramétrique et de leur offre de travail, par opposition aux revenus versés par les entreprises Wd qui est le produit du même salaire paramétrique et de la demande de travail. En réalité, les sigles Ws et Wd n’ont pas la signification traditionnelle. La demande de travail est déterminée par la demande effective, tandis que l’offre de travail doit s’y ajuster : c’est ce que disent les équations (10) et (12) de Lavoie & Godley (2001). Ainsi, l’offre et la demande de travail ne sont pas égalisées par la variation du salaire nominal ou du salaire réel. En ce sens, on peut dire que le niveau d’emploi résulte bien d’une hypothèse d’asymétrie du rapport 171salarial5. De façon équivalente, Lavoie & Godley affirment que « there is assumed to be an infinitely elastic supply of labor » (2001, p. 284), ce qui leur permet de supposer que la quantité d’emplois que les entrepreneurs sont prêts à créer sera exactement la quantité qui sera prise par les travailleurs6.
Le fait que les modèles stock-flux respectent la tradition du circuit postkeynésien qui entérine la soumission monétaire des salariés (seules les firmes ont accès au financement bancaire) implique logiquement l’inégalité de statut des entrepreneurs et des salariés : la soumission monétaire engendre nécessairement l’asymétrie du rapport salarial.
Conclusion
Dans cet article, nous défendons la thèse que la « révolution keynésienne » a pour fondement la conjecture de Keynes, qui consiste à démontrer la possibilité d’équilibres de chômage involontaire en situation de prix et salaire flexibles. Cette conjecture est directement liée au refus du « second postulat classique » permettant de caractériser le rapport salarial, fondamentalement asymétrique. La conjecture de Keynes constitue une critique radicale de l’approche orthodoxe car elle remet en question la thèse selon laquelle il existe un équilibre général de l’économie qui est optimal au sens de Pareto. Cartelier l’a clairement démontré dans ses ouvrages de 1995 et 2018. C’est pourquoi nous avons tenté d’étudier la place qu’occupe l’hypothèse d’asymétrie de statut entre entrepreneurs et salariés dans quelques-unes des branches les plus importantes du courant postkeynésien qui affiche une grande fidélité aux travaux de Keynes. 172L’objet de cet article n’a pas été de présenter le modèle de Cartelier (1995) ; en revanche, celui-ci fonde notre argumentation. Ainsi, nous affirmons avec Cartelier que l’hypothèse d’asymétrie est beaucoup plus fondamentale qu’il n’est habituellement supposé. Cette hypothèse mérite d’être exposée et développée explicitement dans l’énoncé des hypothèses d’un modèle mais aussi dans l’analyse de ses résultats.
La place de cette asymétrie de statuts dans le courant postkeynésien apparaît importante mais malheureusement souvent implicite. Dans la théorie du circuit, elle est incontournable. Dans les théories de la croissance et du marché du travail, elle reste importante mais n’est pas explicitement mise en avant comme ont pu le faire Keynes (chapitre 2 de la Théorie générale) et Cartelier (2018). Enfin, le modèle stock-flux cohérent de Lavoie et Godley intègre cette asymétrie, bien que la présence de l’offre de travail dans la matrice des flux puisse porter à confusion.
Beaucoup de postkeynésiens insistent sur le rôle de la monnaie, de l’incertitude et de l’insuffisance de la demande dans la détermination du niveau d’emploi. La thèse défendue dans cet article est qu’il ne faut pas oublier trop vite que dans la Théorie générale, le chapitre 2 qui traite des postulats de l’économie classique reste le fondement de la démonstration des équilibres de chômage involontaire.
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1 Je remercie les rapporteurs qui ont contribué à une discussion constructive sur le sujet débattu et ont permis une amélioration significative de l’article.
2 Cela implique que le niveau d’emploi se fixe au niveau souhaité par les entrepreneurs. Cela exprime bien l’idée d’asymétrie entre entrepreneurs et salariés, puisqu’une telle asymétrie ne signifie pas que l’offre de travail n’existe pas.
3 Chez Keynes, le niveau d’emploi ne résulte pas de relations d’équilibre mais des anticipations des entrepreneurs. Ce modèle postkeynésien, dans lequel les anticipations sont absentes, s’éloigne donc de la Théorie générale.
4 La législation, celle sur le SMIC par exemple, impose un certain degré d’indexation sur les prix déterminés en dehors du marché du travail. Il existe donc un lien institutionnel entre prix des biens et salaire monétaire.
5 Le modèle de Lavoie & Godley contient l’hypothèse d’asymétrie mais sous une autre forme que celle de Cartelier. Ce dernier fait en effet de cette hypothèse une clé générale pour rendre intelligible le chômage involontaire dans toutes les conceptions des rapports économiques.
6 Dans son ouvrage de 2018, Jean Cartelier affirme au contraire que les modèles SFC font l’impasse sur l’hypothèse d’asymétrie entre entrepreneurs et salariés et que par conséquent, ils sont incapables de produire un véritable résultat de chômage keynésien. L’un des deux rapporteurs de cet article a expliqué en quoi ce type de modèle contient bien implicitement l’idée d’asymétrie et de soumission monétaire des salariés. Par conséquent, nous avons modifié dans l’article l’argument de ce paragraphe.
- Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- ISBN : 978-2-406-10602-9
- EAN : 9782406106029
- ISSN : 2495-8670
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10602-9.p.0155
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 27/05/2020
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Asymétrie, circuit, chômage, croissance, loi de Walras, rapport salarial