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Classiques Garnier

Diversité des trajectoires de l’agriculture biologique au Cameroun

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Systèmes alimentaires / Food Systems
    2020, n° 5
    . varia
  • Auteurs : Bayiha (Gérard De La Paix), Temple (Ludovic), Mathé (Syndhia)
  • Résumé : Dans un contexte de renouvellement des enjeux technologiques de l’agriculture africaine, l’agriculture biologique représente une option de transition potentielle. Cette étude analyse les conditions de son développement au Cameroun. Elle mobilise le modèle multi-niveaux de la théorie des transitions sociotechniques. Elle est documentée par des enquêtes réalisées entre 2016 et 2018. Les résultats soulignent le rôle central des institutions dans l’activation des trajectoires de l’agriculture biologique.
  • Pages : 181 à 204
  • Revue : Systèmes alimentaires
  • Thème CLIL : 3306 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie de la mondialisation et du développement
  • EAN : 9782406110620
  • ISBN : 978-2-406-11062-0
  • ISSN : 2555-0411
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-11062-0.p.0181
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 09/11/2020
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : agriculture biologique, trajectoire, modèle multiniveau, innovation institutionnelle, Cameroun
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Diversité des trajectoires de lagriculture biologique au Cameroun

Gérard De La Paix Bayiha

Innovation, Univ. Montpellier, Cirad, Inrae, Institut Agro, Montpellier, France

Cirad, UMR Innovation, F-34398 Montpellier, France

Université de Yaoundé II, Faculté des Sciences Économiques
et de Gestion, Yaoundé, Cameroun

Ludovic Temple

Innovation, Univ. Montpellier, Cirad, Inrae, Institut Agro, Montpellier, France

Cirad, UMR Innovation, F-34398 Montpellier, France

Syndhia Mathé

Innovation, Univ. Montpellier, Cirad, Inrae, Institut Agro, Montpellier, France

Cirad, UMR Innovation, F-34398 Montpellier, France

International Institute of Tropical Agriculture, Yaoundé, Cameroun

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Introduction

Dans un contexte de fortes pressions alimentaires, environnementales et sociales, les pays africains doivent repenser les trajectoires de leurs modèles agricoles et alimentaires vers des modèles plus intégrateurs des préoccupations de durabilité et de résilience. Dans cette perspective, lagriculture biologique (AB) présente une option envisageable (Temple et De Bon, 2020). Elle répond potentiellement à des enjeux socio-économiques, environnementaux et agroécologiques locaux qui peuvent être plus controversés globalement comme sur les enjeux de sécurité alimentaire.

Selon lIFOAM (International Federation of Organic Agriculture Movements), lAB est « un modèle de production qui maintient et améliore la santé des sols, des écosystèmes et des personnes en référence au principe One Health. Elle repose sur des processus écologiques, la biodiversité et des cycles adaptés aux conditions locales » (IFOAM, 2009). Cette définition reconnait la pluralité de lAB en intégrant lAB certifiée et non certifiée. Au-delà de la définition de lIFOAM, dautres organisations se positionnent pour donner du contenu à lAB, notamment à travers des standards volontaires ou non (Union européenne, Japon ou États-Unis) institutionnalisant cette agriculture (Niggli et al., 2016).

Dans les pays africains, lAB est très peu institutionnalisée bien que des initiatives soient en cours. Ainsi des normes ont été développées dans le cadre de linitiative « Ecological Organic Agriculture » (EOA) de lUnion africaine (UA). Lobjectif de cette initiative est dintégrer lAB dans les politiques publiques des pays de lUA dici 2025 (UA, 2015).

LAB propose un paradigme technique (principalement axé sur labsence dintrants chimiques) et institutionnel dans une acceptation élargie qui se détache du paradigme productiviste. Les modèles agricoles productivistes, souvent qualifiés de non durables, sont fondés sur une intensification par lusage dintrants de synthèse (pesticides, antibiotiques) ou miniers (pétrole, phosphates) (Plumecocq et al., 2018). Ces modèles sont communément qualifiés dagriculture conventionnelle (AC). Cette AC, qui na été que partiellement adoptée dans les pays africains (Branchet et al., 2018), renvoie dans cette étude au sens donné 183dans les pays industriels. Par exemple, au Cameroun, cette AC est dans la politique agricole actuelle promue sous le vocable de « agriculture de seconde génération » dans le Document de stratégie pour la croissance et lemploi faisant référence à une agriculture mécanisée commerciale et intensive en intrants chimiques (MINEPAT, 2009). Pourtant, les limites de lefficacité (faible taux dadoption) et les controverses environnementales et sociales qui sintensifient renouvellent les prospectives sur les modèles agricoles en Afrique et le rôle que pourrait jouer lAB.

LAB en Afrique renvoie à une pluralité de modèles en termes de formes dorganisation et de production (Temple et De Bon, 2020). Par exemple, en Ouganda, les travaux de Hauser et Lindtner (2017) montrent quun producteur en AB produit sur une même parcelle des cultures dexportation, mais aussi dautoconsommation et des surplus vendus sur les marchés locaux. Au Cameroun, dautres travaux montrent différents types dAB : AB certifiée, AB naturelle et AB hybride (Bayiha et al., 2019).

Cette pluralité interroge la connaissance des relations entre les trajectoires de développement de lAB et les facteurs qui conduisent à la transformation du système agricole en Afrique.

La capacité de lAB à répondre aux enjeux de la sécurité alimentaire est au cœur des débats politiques internationaux tels que la Conférence internationale sur lagriculture biologique et la sécurité alimentaire à Rome (2007) et les quatre conférences africaines sur lAB qui lont suivie respectivement à Kampala (2009), Lusaka (2012), Lagos (2015) et Dakar (2018). Si cette dynamique dinstitutionnalisation politique de lAB est très active en Afrique de lEst (Schwindenhammer, 2016), elle reste embryonnaire en Afrique centrale. Ainsi, malgré le potentiel de lAB, il nexiste pas au Cameroun ou dans lAfrique centrale de cadre législatif de reconnaissance de lAB. Or le rôle des institutions est majeur pour son développement, notamment en Afrique (Bendjebbar, 2018). Ces institutions aident à valoriser et à stabiliser les modèles de production (Lemeilleur et Allaire, 2018). Toutefois, dautres facteurs de développement de lAB peuvent aussi être pris en compte (Adebiyi et al., 2019).

Dans le secteur agricole et alimentaire, les trajectoires de développement de lagriculture sont différentes dun pays à lautre en fonction des politiques publiques et privées mises en œuvre, des filières, des zones 184agroécologiques, des modèles de production et des types de producteurs. Dans cette perspective, nous mobilisons le cadre théorique déconomie évolutionniste danalyse des transitions sociotechniques1 (Geels et Schot, 2007). Nous lactionnons pour comprendre la conjonction dinnovations technologiques et institutionnelles dans les processus de transformation des systèmes agricoles et alimentaires (Dumont et al., 2020), lobjectif étant focalisé sur une situation danalyse des trajectoires démergence et dévolution de lAB au Cameroun.

1. Transformations vers lAB : mobilisation du modèle multiniveau des transitions sociotechniques

Le cadre théorique des transitions sociotechniques englobe un ensemble doutils danalyse dont le modèle perspectif multiniveau (PMN) (Geels et Schot, 2007). Selon ce modèle, la transformation dun système sociétal résulte de linteraction entre trois niveaux de gouvernance :

Le paysage qui regroupe un ensemble déléments macroéconomiques tels que les politiques et des enjeux pour la sécurité alimentaire. Lévolution de ces éléments considérés comme exogènes produit des contraintes et opportunités qui influent sur les changements des trajectoires technologiques.

Le régime dit « sociotechnique » qui représente lensemble des institutions régulatrices, cognitives, normatives, qui orientent et coordonnent les activités et les perceptions des acteurs et favorisent la reproduction des différents éléments du système sociotechnique pour engendrer sa stabilité.

Les niches dites « dinnovations » qui sont considérées comme évoluant en dehors du régime sociotechnique. À la différence du régime, elles sont présentées comme instables du fait de linstabilité du système-acteurs et des institutions qui la composent.

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Dans les théories des transitions, les innovations de rupture naissent dans les niches. Ces innovations par effet dagglomération entre elles modifient ensuite les éléments du régime en fonction des contraintes et opportunités qui simposent de manière exogène. Cette dynamique est de plus en plus critiquée dans de récents travaux qui montrent les possibilités dapparition des niches dinnovations au sein même du régime (Belmin et al., 2018).

Ce cadre heuristique, en mobilisant une approche ex post et in itinere, est cependant utile pour appréhender de manière interdisciplinaire la façon dont un système peut évoluer. Dès lors, la transition sociotechnique dans le secteur agricole et agroalimentaire implique une coévolution à travers les interactions entre les institutions, la recherche, la culture, la politique, le marché, la société civile, les entrepreneurs et les producteurs autour dun ensemble dinnovations technologiques. La réflexion nest plus de penser cette transition seulement à partir du développement dun ensemble dinnovations technologiques, mais de prendre aussi en considération un ensemble de changements institutionnels (Dumont et al., 2020).

Les transitions sont structurées par des périodes charnières où se mettent en place des stratégies dadaptation ou de rupture. Durant ces phases, les innovations qui se développent au sein du régime sont souvent qualifiées dincrémentales et celles qui apparaissent dans les niches de radicales. Cependant, les processus dinnovation au sein du régime sont souvent « verrouillés » par des inerties institutionnelles, voire des rapports de forces politiques entre les groupes dacteurs aux intérêts divergents pour la captation de la valeur.

Pour analyser ces transitions, le modèle PMN considère une trajectoire de reproduction et quatre trajectoires de mutation dun système sociétal (Geels et Schot, 2007). Dans ce modèle, la notion de trajectoire renvoie à un sentier dévolution dun paradigme technologique structuré par des opportunités, des contraintes exogènes (le paysage), des éléments organisationnels et institutionnels qui structurent un régime (Laperche, 2020). Cette transformation seffectue en fonction de la coïncidence temporelle entre les pressions du paysage sur le régime et les niches dinnovations qui émergent. Dans la trajectoire de reproduction, le paysage ninfluence pas le régime. Le régime est stable. Les niches dinnovations némergent pas et restent des niches parfois volontairement du fait de lexistence 186de situations de rente. Dans la trajectoire de transformation, les changements modérés dans le paysage créent une pression sur le régime qui doit sadapter. Il y a une modification de la structure du régime qui diversifie les sentiers technologiques possibles qui favorisent lémergence des niches dinnovations. Ces niches rejoignent alors le régime sans pour autant perturber son architecture basique. Dans le cas de la trajectoire de désalignement et réalignement, le paysage exerce une pression sur le régime conduisant à un désalignement du régime. Face à ce désalignement, les niches dinnovations présentes sont instables et ne vont pas émerger vers le régime. Dans ce contexte, de nouvelles niches dinnovations se multiplient. Ces niches rentrent en concurrence entre elles jusquà lémergence dune niche dominante qui va imposer un réalignement du nouveau régime. Dans le cas de la trajectoire de reconfiguration, des niches dinnovations sont initialement adoptées dans le régime pour la résolution des problèmes locaux. Ces niches renforcent larchitecture de base du régime. Enfin, dans la trajectoire de substitution technologique, les pressions exercées par le paysage sur le régime sont tellement fortes quelles permettent un changement du régime. Celui-ci est alors activé par lagrégation de niches dinnovations qui sont stables. Nous mobiliserons cette grille danalyse pour documenter la compréhension des trajectoires de lAB au Cameroun.

2. Dispositif méthodologique denquêtes

Dans le cas du Cameroun, il nexiste pas de référencement statistique des entreprises autre que celui des acteurs sociaux (ONG) impliqués dans lAB. Nous avons effectué une exploration des bases de connaissances scientifiques et techniques par une revue de la littérature pour constituer une première identification du système-acteurs des entreprises, des organisations qui revendiquent une activité liée à lAB ou à la mention « bio » ou « naturelle ». Nous avons porté un focus sur les régions respectives du Centre et du Littoral polarisées par les deux principales villes du pays, respectivement Yaoundé et Douala. Ces villes structurent en effet les deux principaux marchés urbains qui concentrent la demande nationale de produits biologiques. Lidentification de ce système-acteurs 187a permis de structurer un dispositif denquêtes participatives qui sest déroulé en quatre phases entre 2016 et 2018.

Une première phase exploratoire dentretiens semi-directifs auprès de 12 experts clés en février et mars 2016 représentant trois communautés dacteurs :

la communauté scientifique : instituts de recherche agronomiques nationaux et internationaux, universités ;

la communauté de services publics et privés impliquée dans laccompagnement technique et la certification de la production biologique ou naturelle : ONG, structures de vulgarisation et de certification ;

la communauté des entreprises du secteur de la production, de la transformation et de lagrofourniture liée à lAB (biofertilisants, semences).

Ces entretiens ont permis de faire un premier état des lieux de lAB : produit et marché, certification et réseau dacteurs, technique de production et rendement, financement.

Le couplage entre la revue de la littérature et cette première phase dentretiens nous a permis, dans le cadre du projet Agriculture biologique et sécurité alimentaire (ABASS), de documenter une première grille collective danalyse des différentes formes dAB en Afrique. Cette grille organisée dans une logique de filière comprend les rubriques suivantes : le mode de production mettant en avant les différents éléments utilisés (semences, pesticides) ; le mode de transformation ressortant les types de production consommable directement et leurs types de transformation ; la consommation et les marchés cibles qui regroupent le mode de consommation des produits et les points de vente ; la certification qui regroupe les organes attestant de la qualité du produit ; les performances agronomiques de lAB par rapport à lAC ; et enfin les acteurs engagés.

Cette grille a été appliquée pour structurer une deuxième phase dentretiens collectifs pour construire une représentation typologique des normes de lAB à partir des connaissances mobilisables par différentes communautés dacteurs (scientifiques, professionnels, politiques, société civile). Pour cela, deux ateliers participatifs ont été organisés en avril 2016 à Yaoundé et à Douala. Ils ont réuni 43 participants issus des communautés dacteurs ayant structuré lenquête initiale. Ces ateliers avaient pour objectif de 188mutualiser les bases de connaissances sur lAB à partir, non plus des travaux publiés, mais des expériences concrètes des différents acteurs. Durant ces ateliers, la grille a été soumise pour validation ou amendements aux acteurs qui ont été répartis en cinq groupes (3 pour Yaoundé et 2 pour Douala). Le travail en groupe sest réalisé en deux temps : (i) lidentification des types dAB dans chaque groupe et leurs caractéristiques ; (ii) la restitution des typologies durant la séance plénière suivie dune discussion.

Ces ateliers ont permis de (i) valider collectivement la définition et la proposition de la typologie dAB afin (ii) détablir comment analyser les relations entre les différents types proposés et des indicateurs de réalisation dune sécurité alimentaire durable. Ce diagnostic a aussi permis lidentification partagée des principales opportunités et contraintes pour le développement de lAB au Cameroun (Temple et al., 2017).

Une troisième phase dentretiens semi-directifs a été menée auprès de 21 experts (catégorie dacteurs rencontrés dans les deux premières phases et la société civile) en mars 2018. Lobjectif était dapprofondir la recherche sur les éléments qui bloquent et qui pourraient favoriser le développement de lAB au Cameroun, en mobilisant les différents niveaux proposés par le modèle MNP.

Enfin, une quatrième phase dentretiens complémentaires était dédiée à solidifier des éléments de caractérisation de lAB. Elle a ciblé un échantillon de 56 experts (producteurs et chercheurs) de septembre à octobre 2018 (région du Centre). Au total, 132 experts ont été rencontrés durant les quatre phases dentretiens.

3. Caractérisation et contraintes au développement de lagriculture biologique camerounaise

3.1. Un système-acteurs porté par le privé
et les organisations internationales

Ce dispositif denquêtes a conduit à la cartographie dun système-acteurs de structuration de lAB au Cameroun. Ce système nest pas encore stable à cause de labsence dinstitutions en lien avec lAB, validées par les pouvoirs publics (figure 1).

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Fig. 1 – Système-acteurs de lagriculture biologique au Cameroun en 2018.
Source : Compilation des auteurs sur la base du dispositif denquêtes.

Cette cartographie présente les interactions entre quatre sous-systèmes (le sous-système entrepreneurial, le sous-système de recherche et denseignement, le sous-système intermédiation et les agriculteurs) au sein desquels sest construite lactivité de recherche liée au développement de lAB. Ce système a permis : (i) la construction des différents types dAB au Cameroun et (ii) lélaboration des opportunités et contraintes de développement de ces types. Cette cartographie, dont principalement le sous-système entrepreneurial, a documenté les services du ministère de lÉconomie, de la Planification et de lAménagement du Territoire (MINEPAT)2 pour réaliser un exercice prospectif de lAB. Il a conduit à une note prospective sur lAB au Cameroun qui est le premier document ministériel de reconnaissance de lAB comme un levier possible de modernisation de lagriculture pour la croissance économique (MINEPAT, 2018)

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3.2. Pluralité des types
dagriculture biologique au Cameroun

Les résultats issus du dispositif denquêtes avec les niveaux du modèle PMN permettent de structurer les types dAB au Cameroun. Ces types sont décrits de manière détaillée dans lannexe 1.

Au niveau du régime sociotechnique au Cameroun, lagriculture promue par les pouvoirs publics est lAC. Mais, au sein de ce même régime, nous observons une coexistence entre AC et un type dAB qualifiée par le système-acteurs « dagriculture naturelle » (AN). Il sagit dun mode de production basé sur lassociation des cultures. Les intrants potentiels sont autoproduits sur lexploitation comme la cendre de bois utilisée comme pesticide. Les connaissances sont générées par les échanges entre agriculteurs. Les producteurs, en raison des contraintes de liquidités financières, évitent de recourir à lacquisition et à lusage de pesticides et engrais chimiques. Daprès lensemble du système-acteurs, lAN regroupe des milliers de petits producteurs en zone rurale, non répertoriés. Elle est, selon ces acteurs, le modèle de production dominant dans le système agricole au Cameroun. Il ny a pas de certification pour ces produits. En revanche, sur les marchés, la qualité naturelle des produits est reconnue par les consommateurs en fonction de lorigine comme, par exemple, les ananas provenant de la zone de Bafia dans la région Centre. Cette AN est très présente pour les cultures vivrières telles que le plantain et le manioc. Elle est de moins en moins présente à mesure que lon se rapproche des centres urbains, des centres de formation, de la recherche au profit de lAC. Nous lanalysons donc comme une niche dinnovation au sein du régime. Nos enquêtes révèlent que les principales contraintes au développement de ce type sont : labsence de bases de connaissances sur la performance (rendement, prix, quantité de travail) de lAN par rapport à lAC, le manque de formation des petits producteurs et le faible financement de lÉtat.

Le type dAB qualifié « dhybride » ou « dentrepreneurial » par les acteurs locaux a une dynamique pilotée par des entreprises du secteur agroalimentaire. Les acteurs de la production sont constitués de petits producteurs organisés qui signent des contrats formels ou informels avec ces entrepreneurs. Dautres plantations sont détenues par ces entrepreneurs. Les pratiques agricoles sont un peu plus intensives et technologiques que dans le cas précédent avec, par exemple, le recours à des engrais organiques et des biofertilisants à base de mycorhize. La dimension « biologique » 191du produit est mise en avant, par exemple sur les emballages par de lauto-certification. Ce type inclut des produits alimentaires transformés et de bio santé (plantes médicinales) visant le marché urbain. Ainsi, dans notre analyse, nous le situons entre le régime et la niche dinnovation. Le principal frein au développement de ce type est lutilisation abusive du label « bio » ou « naturel » par des opérateurs peu scrupuleux.

Le type de lAB « certifiée par tierce partie » dans lequel un opérateur privé indépendant (le « certificateur ») vient, contre paiement, contrôler la conformité de leurs pratiques au cahier des charges sinstitutionnalise via des formes de régulations publiques, celles des pays importateurs, et donc principalement comme opportunité de marché. Il sous-entend des coûts qui peuvent parfois ne pas être supportés par les petits producteurs. Les principaux produits exportés sont des fruits frais ou séchés (bananes, mangues). Mais nous retrouvons certains de ces produits sur le marché urbain dans des boutiques spécialisées comme Bionatura, Bibup et des supermarchés comme Carrefour ou Spar. Ainsi dans notre analyse, nous le situons au niveau de la niche dinnovation. La principale contrainte à son développement au Cameroun est le coût élevé de la certification.

Nos enquêtes révèlent que ces trois types sont confrontés simultanément à trois contraintes génériques. Il sagit de labsence dune politique publique sur lAB ; de labsence dun marché national dédié à lAB ; et de la dominance de politiques publiques orientées vers « lagriculture de seconde génération ».

4. Trajectoires des agricultures biologiques
au Cameroun : une perspective multiniveau

La construction des trajectoires des types AB au Cameroun sest faite selon une hypothèse danalyse transversale du modèle PMN. Cette hypothèse stipule que les niches dinnovations, qui sont les moteurs de la transition, créent progressivement une dynamique interne et némergent pas de façons autonomes. Elles sont structurées par les changements au niveau du paysage qui créent une pression sur le régime. La déstabilisation du régime crée des fenêtres dopportunité pour la diffusion des 192niches dinnovations qui salignent à lintérieur du régime conduisant à sa transformation. Ce processus de transition est défini dans la PMN comme le passage dun régime à un autre. Pour chaque type identifié, nous analysons les éléments susceptibles de stabiliser ou pas leurs trajectoires.

4.1. Dynamique des agricultures biologiques au Cameroun

La dynamique de construction de cette trajectoire se réalise suivant deux procédures interconnectées. Tout dabord, en appliquant la grille danalyse du modèle PMN sur les connaissances générées par le dispositif denquêtes. Elle nous conduit ainsi à représenter une analyse rétrospective des évènements en lien avec lAB au Cameroun à partir de la crise économique des années 1980 (figure 2). Cette crise a conduit les pays africains dont le Cameroun à mettre en place les programmes dajustement structurel (PAS) pour la libéralisation des économies africaines. Cette analyse rétrospective met en lumière un ensemble de facteurs explicatifs (annexe 2) ayant eu un impact sur les trajectoires de lAB : créer les conditions socio-politiques de reconnaissance par les politiques publiques du rôle de la coexistence de différents modèles agricoles et alimentaires incluant des modèles dits alternatifs pour la transformation du système agricole.

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Fig. 2 – Chronogramme des facteurs explicatifs dévolution de lagriculture biologique selon le modèle multi-niveaux de 1980 à 2019 au Cameroun.
Source : Compilation des auteurs sur la base du dispositif denquêtes
et de la recherche documentaire.

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4.2. Lagriculture naturelle, une trajectoire
de reconfiguration en émergence
par des mécanismes de certification 

Dans cette évolution, il y a deux déléments exogènes provenant du paysage. En premier lieu, les enjeux alimentaires comme la crise alimentaire de 2008 et la mise en cause des produits de lAC en termes de santé des populations (Baudry et al., 2018). En second lieu, des changements socio-institutionnels de lAB notamment à travers la série de conférences sur lAB en Afrique depuis 2009 et la mise en place de linitiative EOA de lUA en 2015. Ces éléments créent deux changements majeurs dans le régime.

Le premier est celui de lorientation des politiques vers les enjeux de sécurité alimentaire en légitimant la volonté daccroissements quantitatifs de la production agricole. Ces objectifs conduisent les pouvoirs publics au Cameroun depuis 2009 au sein du DSCE à renouveler la promotion dune agriculture productiviste pour aller vers « lagriculture de seconde génération ». Le régime structuré par cette orientation institutionnelle peut être perçu comme source de verrouillage institutionnel pour la reconnaissance et la valorisation de lAN. Le second est structuré par les inquiétudes de la société camerounaise sur les risques sanitaires engendrés par les pesticides issus de lAC. Ces demandes expliquent lémergence dun marché local pour la consommation de produits locaux « sains » qui associent la qualité sanitaire à labsence dusage de produits chimiques.

Au sein du régime, lAC coexiste avec lAN selon différentes modalités. Par exemple, selon le mode dorganisation de la production, lAN reste principalement un type proche de lagriculture familiale (AF). Dans cette AF, les petits producteurs exercent sur des parcelles dont la taille varie de 0.5 à 2 ha et ont un accès difficile à la formation (formation qui pourrait, par exemple, contribuer à lamélioration de la main-dœuvre, à la gestion des maladies, à la gestion des problèmes liés aux ravageurs). En revanche, lAC est le fait de producteurs souvent liés aux élites de gouvernance dont les parcelles sont supérieures à 2 ha. On se retrouve dans une situation paradoxale où lAN, dominante à travers le système productif, na aucune reconnaissance dans les institutions qui structurent le régime. Depuis 2016, deux leviers potentiels de reconnaissance institutionnelle, donc de déverrouillage, sont alors identifiés.

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En premier lieu, on voit émerger le développement dinstitutions privées à travers un réseau dacteurs. Il sagit par exemple du système participatif garanti (SPG) mis en place sur les produits maraichers dans la région de lOuest, porté par une ONG locale (GADD). Le SPG est un mode de certification alternatif à la certification par tierce partie. Il est défini comme un mécanisme de contrôle de la conformité des pratiques à un (ou des) cahier(s) des charges (Lemeilleur et Allaire, 2018).

En second lieu, on note aussi lémergence dindications géographiques protégées (IGP). Ces IGP sont considérées dans les PED comme une façon de valoriser les produits dorigine et de renforcer les systèmes agroalimentaires localisés en améliorant laccès au marché des petits producteurs. Elle se développe sur des spéculations comme le poivre « de Penja » et le miel « dOku ».

Ces leviers pourraient conduire à : (i) de nouveaux ajustements institutionnels dans larchitecture de base du régime pour contribuer à résoudre les problèmes qui sy déroulent ; (ii) une intention élevée dachat des produits biologiques par rapport aux produits conventionnels par les consommateurs (Loyem et al., 2020). Cette niche dinnovations initialement adoptée par de nombreux agriculteurs dans le régime renforce larchitecture de base du régime. Ainsi, sa trajectoire sapparente à une reconfiguration progressive du régime.

4.3. Lagriculture biologique entrepreneuriale,
une trajectoire de réalignement et de désalignement
de linnovation (auto-labellisation) par rapport au régime

Dans cette évolution, nous prenons en compte deux éléments majeurs issus du paysage : dune part, la croissance du marché international des produits biologiques « certifiés par tierce partie » dans le monde depuis 2002 (Crowder et Reganold, 2015) et, dautre part, le développement de la grande distribution en relation avec lurbanisation qui depuis les années 2000 structure une demande dapprovisionnement en produits biologiques transformés dans les supermarchés (Reardon et al., 2003) dont le nombre augmente au Cameroun ces dernières années.

Ces changements ont une conséquence majeure sur le régime. Lenjeu pour les entrepreneurs de gagner des parts de marché à léchelle nationale liées à deux clientèles : une clientèle de classe moyenne ou délite intéressée par des produits « bio » et une seconde, diverse, intéressée 195par lachat des produits naturels ou biologiques (Loyem et al., 2020). Ce contexte documente une trajectoire de réalignement de ce type qui va shybrider avec lAN au sein du régime dans lequel le marché se réalise suite à cette demande. Ces entrepreneurs utilisent le label « bio » ou « naturel » car ils ont un meilleur accès aux innovations techniques de transformation et de conservation, comme par exemple lentreprise Fruitscam et le Groupement dinitiative commune (GIC) Sondason. Des institutions telles que lAgence des normes et de la qualité (ANOR), ou lInstitut Pasteur peuvent attester de la qualité des produits, mais sans fournir un label au niveau national. Cette absence de label et la non-reconnaissance de lAB par la politique agricole sont deux sources de verrouillage institutionnel au sein du régime. Les consommateurs ont en effet des doutes sur la qualité sanitaire des produits biologiques. Ce contexte documente une trajectoire de désalignement dans laquelle le marché ne se réalise pas malgré la demande potentielle des consommateurs. Ainsi, sa trajectoire sapparente à celle de réalignement et de désalignement de cette niche par rapport au régime.

4.4. Lagriculture biologique certifiée par tierce partie,
un processus de reproduction dans une niche
sans impact sur le régime

La trajectoire de ce type est influencée par deux éléments majeurs : la mise en place des PAS à partir des années 1985 et la croissance du marché international biologique en 2002. Ces éléments créent deux changements au sein du régime.

Les PAS ont en effet entrainé une libéralisation du secteur public dans le secteur agricole à partir des années 1990 et donné naissance à des dispositifs de certification privés de lAB et des associations (ASPABIC et AVEGRO). Les acteurs associés à la production dans ce type sont des petits producteurs qui signent des contrats formels ou informels avec les entrepreneurs certifiés. Les petits producteurs qui sont issus de lAN ne peuvent sengager directement dans ce modèle de production à cause du coût élevé de la certification. Léchec de cette libéralisation a conduit le gouvernement camerounais à mettre en place le DSCE dans les années 2009 pour relancer léconomie.

La croissance du marché international bio dans les années 2002 a conduit la FAO à soutenir en 2005 au Cameroun un projet didentification 196des opportunités dexportation des produits tropicaux biologiques. Ce projet a permis la rédaction, en 2009, dun projet de loi sur lAB dont linstitutionnalisation a échoué. En effet, ce processus initié par quelques acteurs a émergé dans une situation de niche qui na pas pu changer larchitecture du régime pour deux raisons : (i) labsence dinclusion dacteurs représentant les productions animales et (ii) la délégation de la certification à des acteurs privés au détriment dune régulation par le ministère de lAgriculture et du Développement rural (MINADER). Ce deuxième point a conduit à une fracture du consensus politique permettant de porter ce projet de loi à lAssemblée nationale. En 2016, la création dune interprofession (BIOFIL) par environ 8 exportateurs (Biotropical, Africa bio) renouvelle progressivement la demande sociétale de législation nationale sur la reconnaissance de lAB. Cette interprofession reste cependant pour linstant au stade de niche à une échelle micro. Ainsi, sa trajectoire sapparente à celle de reproduction dune niche qui ninfluence pas le régime.

Discussion et conclusion

Dans la situation actuelle où les agricultures familiales en Afrique sont confrontées à plusieurs enjeux environnementaux, socio-économiques et politiques, lAB représente une voie de développement potentielle. La mobilisation de la grille danalyse des trajectoires du modèle PMN sur des enquêtes participatives (individuelles, collectives via deux ateliers participatifs) à travers une analyse ex post et in itinere contribue à révéler les facteurs explicatifs qui structurent les trajectoires de lAB au Cameroun. Elle documente comment lAB peut y être un levier de transition du système agricole.

Les résultats sont à considérer sur deux plans. Au plan théorique, ils montrent que les changements qui activent la transition ne se situent pas toujours au niveau dune « niche dinnovation » située à une échelle micro, qui serait le moteur supposé de la transformation du régime sociotechnique. Ces changements ne se situent donc pas toujours à une échelle portée par des acteurs micro-économiques. Ils apparaissent aussi au sein des institutions et organisations qui structurent lexistence 197même du régime. Au plan empirique, ces résultats mettent en évidence les facteurs explicatifs (contraintes et opportunités) de trois trajectoires possibles dévolution des types dAB qui ont été caractérisées : reconfiguration ; réalignement et désalignement ; reproduction.

La trajectoire de reconfiguration portée par lAN est structurée principalement par la mise en place dun mécanisme de certification alternatif (SPG et/ou IGP) à la certification par tierce partie (CTP). Cette trajectoire est en adéquation avec dautres travaux (Tung, 2018) qui suggèrent que le développement de lAB en Afrique passe par ce type de certification. Ce mécanisme de certification est en loccurrence reconnu par le ministère de lÉconomie camerounais (MINEPAT) comme favorable pour le développement de lAB. La raison principale invoquée est que les surcoûts de certification générés sur les produits biologiques sont faibles ce qui est favorable à la démocratisation de la consommation donc à lextension du marché intérieur.

La trajectoire de réalignement et désalignement portée par lAB entrepreneuriale est principalement structurée par limportance de la mise en place dun label public pour réduire lasymétrie dinformation entre les consommateurs et les producteurs afin de favoriser le réalignement de ce type dans le régime pour le développement de lAB. De plus, limportance dun label pour le développement de lAB a aussi été mise en avant par les pouvoirs publics au Cameroun qui invoquent deux raisons : une prise de conscience des consommateurs sur les produits bio et la concurrence sur le marché local qui ne se joue plus sur les prix, mais plutôt sur le label. Cependant, des travaux en Afrique, notamment au Kenya (Tankam et al., 2019), nuancent les enjeux dun label national. Ils montrent en effet que la mise en place dun label national, si elle a permis de contenir lasymétrie dinformation, ne permet pas de réduire lincertitude portant sur la production locale des produits biologiques sur les marchés dédiés.

La trajectoire de reproduction portée par lAB certifiée est structurée principalement par la CTP pour le développement de lAB au Cameroun. Elle est suggérée comme un mécanisme pour le développement de lAB en Afrique (Pophiwa, 2012). Cette trajectoire est peu référencée dans les scénarios prospectifs actuels. Les deux raisons principales invoquées sont : les coûts élevés des 198produits qui vont exclure les consommateurs et les marchés qui sont tournés vers lextérieur. À cela sajoute que cette certification, principalement établie dans et à partir des normes des pays industriels, tend à exclure une partie des petits producteurs des communautés dorigine dans lincapacité de sacquitter de son coût daccès élevé (Lemeilleur et Allaire, 2018).

Parmi ces trajectoires, notre étude suggère que la trajectoire de reconfiguration portée par lAN semble à même de conduire au développement inclusif de lAB.

Les connaissances générées par la conceptualisation des conditions de développement de lAB finalisent trois recommandations stratégiques aux politiques publiques qui gouvernent les processus dinnovation institués dans différents ministères (MINEPAT, MINADER, MINRESI3) et aux acteurs sociétaux liés à lAB dans le contexte du Cameroun.

La première recommandation est la valorisation de lAN à travers la mise en place de certifications nationales du type SPG, mieux adaptées au contexte socio-économique du Cameroun. Plus spécifiquement, cette certification devrait prendre en compte, à une échelle territoriale, les spécificités des cinq grandes zones agroécologiques du Cameroun. La deuxième recommandation, en synergie avec les exercices de prospectifs en cours au sein du MINEPAT (MINEPAT, 2018), argumente le besoin dinstitutionnaliser par une loi la reconnaissance de lAB au sein du régime sociotechnique. Cette institutionnalisation est aussi suggérée dans dautres travaux en Afrique (Hauser et Lindtner, 2017). Dans le contexte du Cameroun, cette institutionnalisation de lAB a échoué une première fois en 2009 en relation avec labsence des productions animales dans le projet de loi. Elle bute aussi sur le manque de données fiables permettant de caractériser les situations dAB au regard de leurs contributions aux enjeux du développement. Il sagit donc, dans une troisième recommandation, de contribuer à réduire les asymétries de connaissance au niveau de la recherche, des pouvoirs publics, des acteurs professionnels et de la société civile sur lanalyse des performances comparées entre lAB et lAC (rendement, productivité du travail, prix) dans leurs capacités à répondre à des enjeux de sécurité alimentaire et nutritionnelle à long terme.

199

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201

Annexe 1

Les types dagriculture biologique au Cameroun

AB certifiée

AB naturelle

AB hybride, entrepreneuriale

Mode de production

Nature des semences et plants

Semences locales et améliorées

Semences locales

Semences locales et améliorées

Nature des fertilisants

Engrais organiques (fientes de poules) et composts dorigine animale ou végétale

Engrais organiques produits sur la ferme ou achetés (fientes de poules)

Engrais organiques (fientes de poules) et biofertilisants (à base de mycorhizes)

Mode de transformation

Type de produits et filière dominante

Produits finis, produits exportables/fruits (ananas, mangue), vivrier (banane-plantain)

Produits finis/vivrier (manioc, igname, plantain), fruits, pomme de terre, légumes

Fruits, certains maraichers (tomate, piment)

Type de transformation

Familiale et industrielle (jus, pulpe, purée)

Familiale et par micro entreprises (chips, « bobolo », jus)

Agro-industrie et par des micro-entrepreneurs (jus, farine, séchage solaire, pasteurisation)/jus naturels, purée de produits maraichers)

Consommation et marches ciblés

Type de marché visé

International (mais certains produits écartés peuvent se retrouver sur le marché national)

Autoconsommation, local et de proximité, régional voire national

Autoconsommation, national, voir régional

Certification

202

Type de certification

Par une tierce partie (Ecocert, IMO, Control Union, AgroEco),

Non certifiée,

Niche de certification (système participatif de garantie, indication géographique protégée)

Auto-certifiée (avec parfois un contrôle de la qualité des produits par lANOR ou lInstitut Pasteur)

Performances agronomiques par rapport à lagriculture conventionnelle

Rendement

Peu de statistiques (rendements parfois plus forts, parfois plus faibles)

Pas de statistiques

Peu de statistiques (parfois des impasses techniques)

Acteurs

Acteurs

Ecocert, Biotropical, Africa BIO, GIC Terrespoir, Marah, Tam Tamsoleil, lobbying (Isofar, Afronet, Groupement dappui pour le développement durable), interprofession BIOFIL

Pas de réseau, mais porté par les petits producteurs ayant des parcelles entre 0.5 et 2 ha

Entrepreneurial et non organisé (Fruitscam, Agrocamersarl, réseaux dacteurs pour le développement durable)

Source : Compilation par les auteurs à partir des ateliers du projet agriculture biologique et sécurité alimentaire au Cameroun en 2016.

203

Annexe 2

Facteurs influençant la trajectoire des types dagriculture biologique au Cameroun

Niveaux

AB certifiée

AB entrepreneuriale

Agriculture naturelle

Paysage

La libéralisation du secteur privé en 1990, croissance du marché international bio à partir de 2002

Croissance du marché international bio à partir de 2002, crise alimentaire de 2008

Série de conférences sur lAB en Afrique à partir des années 2009, crise alimentaire de 2008, plan stratégique de linitiative EOA de lUA

Régime socio-technique

La politique agricole tournée vers « lagriculture de seconde génération » à partir de 2009 ; la restructuration du cadre institutionnel ; sécurité alimentaire, absence dune loi en AB ; échec dun projet de loi sur lAB en 2009 ; absence dun marché national sur lAB

La politique agricole tournée vers « lagriculture de seconde génération » à partir de 2009 ; cahier de charges flou, attestation de la qualité (ANOR ; Institut Pasteur) ; absence dune loi en AB ; absence dun marché national sur lAB

La politique agricole tournée vers « lagriculture de seconde génération » à partir de 2009 ; absence dune politique nationale en AB ; pas de statistiques (prix, rendements, quantité de travail) ; manque de formation des producteurs, pas de financement de lÉtat ; note danalyse prospective sur lAB élaboré par le MINEPAT en 2018 ; absence dune loi en AB ; absence dun marché national sur lAB

204

Niche dinnovation

Acteurs (Biotropical, Africabio, Gic Terrespoir, Marah, Tam Tam soleil, Unapac), bionatura, carrefour market, Bibup ; rôle de la recherche et de laide au développement (exemple dun projet porté par la FAO à travers le cabinet Inter Agri Afric en 2009 ; le projet ABASS du Cirad en 2016), interprofession BIOFIL

Acteurs non mis en réseau (Fruitscam, Gic Sondason)

Lobbying (Afronet) ; ONG (Groupement dappui pour le développement durable) ; niche de certification (système participatif de garantie et indication géographique protégée) ; plateforme de vente en ligne des produits biologiques au Cameroun (https://eatbio.org/)

Source : Compilation des auteurs sur la base de la collecte de données de terrain (2016, 2018) et du Document de stratégie pour la croissance et lemploi au Cameroun de 2009.

1 Le terme « sociotechnique » indique que ces systèmes sont constitués de composantes tant technologiques quinfrastructurelles, mais aussi de politiques et dune variété dacteurs (producteurs, distributeurs et consommateurs, législateurs).

2 Ministère de la Planification qui structure lorientation des politiques publiques au Cameroun.

3 Ministère de la Recherche scientifique et de linnovation.