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Classiques Garnier

Towards a better understanding of space allocation strategies of terroir products in grocery stores

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Systèmes alimentaires / Food Systems
    2017, n° 2
    . varia
  • Authors: Touiti (Takoi), Dekhili (Sihem)
  • Abstract: This article explores the space allocation strategies for terroir products in grocery stores. The results confirm the existence of the three kinds of allocations identified in the literature: on a dedicated shelf, on the shelves of their products categories, and double allocation. Moreover, our research suggests that determinants, objectives and constraints related to the space allocation decision are impacted by the branding strategy, store format and terroir products category.
  • Pages: 143 to 171
  • Journal: Food systems
  • CLIL theme: 3306 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie de la mondialisation et du développement
  • EAN: 9782406071969
  • ISBN: 978-2-406-07196-9
  • ISSN: 2555-0411
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07196-9.p.0143
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 11-17-2017
  • Periodicity: Annual
  • Language: French
  • Keyword: Terroir product, product layout, accessibility, ease of purchase, merchandising
143

Vers une meilleure compréhension
des stratégies dimplantation
des produits de terroir en GMS

Takoi Touiti
et Sihem Dekhili

Université de Strasbourg

Introduction

Face à la mondialisation de la production et aux différentes crises alimentaires survenues ces dernières années, les consommateurs sont de plus en plus à la recherche dinformations sur la provenance des produits (Feldmann et Hamm, 2015). Par conséquent, nombreux sont les consommateurs qui se sont tournés vers les produits alimentaires de terroir (cf. encadré), entrainant ainsi une croissance de ce marché en Europe (Lenglet, 2014).

La commercialisation des produits de terroir est restée durant plusieurs années limitée à la vente sur les marchés et dans les fermes. Cependant, depuis 2006, les grandes et moyennes surfaces (GMS) ont noué des partenariats avec les producteurs locaux et les PME pour développer lassortiment des produits de terroir dans les rayons. En France, par exemple, plus de 1 000 marques déposées ont intégré le terme « terroir » en 2012 (Lenglet, 2014).

Dun point de vue académique, plusieurs travaux en marketing ont exploré les motivations dachat des produits de terroir (Lenglet, 2014). Certains auteurs se sont intéressés à létude des effets de lorigine 144géographique sur la qualité perçue (Dekhili, 2010), sur la préférence (Van Ittersum et al., 2003) ou encore sur lévaluation globale des produits (Gabriel et Urien, 2006). Si une large littérature sur les produits de terroir a étudié le comportement des consommateurs, il ny a encore que peu de travaux menés sur la distribution de ces produits (Albertini et al., 2011). En marketing, les quelques rares recherches portées sur la distribution des produits de terroir ont montré que leur valorisation en GMS contribuait à améliorer la légitimité territoriale de lenseigne (Beylier et al., 2012). La question de laménagement des lieux de vente des produits de terroir a été complètement négligée, alors que les distributeurs sont de plus en plus confrontés au choix difficile de limplantation des différentes catégories de produits de terroir (Geismar et al., 2015) et aux problèmes dintégration de loffre régionale dans leurs stratégies (Albertini et al., 2011). À notre connaissance, seule une étude (De Ferran et al., 2014), appliquée au cas des produits équitables, a examiné empiriquement les choix dimplantation des distributeurs.

En outre, la commercialisation des produits de terroir en GMS semble aujourdhui sessouffler. En effet, une baisse des ventes a été enregistrée depuis 2009, et la part de la GMS a accusé une perte de 0.4 % en 2013 par rapport à 2012 au profit des autres circuits de distribution (vente directe à la ferme et vente sur Internet) (INAO, 2014).

Dans cette recherche exploratoire, nous étendons la réflexion sur les stratégies dimplantation en magasin aux produits de terroir en adoptant une approche inter-catégorielle, les clés dentrée pour ces produits étant différentes de celles des produits responsables. En effet, si les critères de choix se résument surtout au respect des travailleurs dans le cas des produits équitables et au respect de lenvironnement dans le cas des produits biologiques, ils couvrent en plus la satisfaction du sentiment régional dans le cas des produits de terroir (Dion et al., 2010). Mais les produits de terroir et les produits biologiques couvrent, tous deux, les mêmes dimensions de la qualité : minimale (générique), consensuelle (spécifiée) et spécifique (identification de lorigine géographique). Les qualités attribuées à ces produits sont assez proches et sorientent souvent vers la qualité liée à la sécurité alimentaire, les bienfaits santé et la qualité organoleptique (Raiffaud, 2010). Aussi les produits de terroir ainsi que les produits biologiques constituent-ils un levier daction pour construire un avantage concurrentiel pour les distributeurs (Fort et Fort, 2006).

145

Notre objectif est dapporter une meilleure compréhension des stratégies dimplantation des produits de terroir en GMS. Plus particulièrement, il sagit didentifier les types dimplantations adoptées par les enseignes, leurs objectifs, déterminants et contraintes.

En pratique, la majorité des enseignes de la GMS nadoptent pas de stratégies de distribution spécifiques aux produits de terroir et considèrent tous les produits typiques, en lien avec un lieu géographique (produits de terroir, produits régionaux, produits locaux) comme une seule offre à laquelle elles appliquent souvent les mêmes stratégies dimplantation (cf. fig. 1). Pour cette raison, et au vu de la nature exploratoire de notre recherche, nous considèrerons pour la suite de notre étude les produits de terroir affichant une indication géographique1 ainsi que les produits, non certifiés, mais reconnus dans leur lieu de production par un savoir-faire et/ou par une recette traditionnelle et artisanale. De plus, toutes les catégories des produits de terroir commercialisés en GMS seront prises en compte.

Notre contribution dans cet article peut se décliner sur deux plans.

Sur le plan théorique, notre recherche apporte un éclairage sur les différentes stratégies dimplantation des distributeurs et contribue ainsi à pallier le manque de travaux en marketing dans ce domaine.

Sur un plan opérationnel, ce travail offre aux manageurs un certain nombre de leviers permettant de mieux agencer les produits de terroir en GMS. Il fournit des pistes daction qui pourront aider les enseignes à redynamiser leurs ventes.

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Définitions des notions de « terroir »
et « produit alimentaire de terroir »

Un terroir est « un système au sein duquel sétablissent des interactions complexes entre un ensemble de facteurs humains (techniques, usages collectifs), une production agricole et un milieu physique (territoire). Le terroir est valorisé par un produit auquel il confère une originalité (typicité) » (INAO, 2002).

Un produit alimentaire de terroir est « un aliment dont lidentité est fondée sur le lien au lieu. Ce lien au lieu peut reposer sur des composants spécifiques du milieu physique (géologie, climat, relief), sur un savoir-faire particulier (système de production, de transformation) ou sur un savoir-faire singulier (commercialisation qui véhicule souvent une image à caractère régional) » (Giraud, 1997). Selon Fort et Fort (2006), trois dimensions caractérisent les produits de terroir à savoir : « lorigine de la matière première » qui est la caractéristique exigée dans les indications géographiques comme lAOC et lAOP ; « lorigine régionale ou locale de la recette ou du savoir-faire » qui constitue le lien avec le lieu, souvent basé sur lhistoire et la culture spécifique à une région ; « lhistoire de lentreprise et du chef dentreprise » ayant acquis un savoir-faire et une réputation depuis plusieurs années.

Mais le produit alimentaire de terroir est souvent confondu avec dautres notions proches telles que les produits régionaux ou encore les produits locaux. Il est important de souligner que la bi-dimensionnalité (facteur humain et naturel) semble commune aux produits dorigine et aux produits de terroir (Lenglet, 2014). Mais la congruence produit-terroir est requise par le consommateur qui perçoit la différenciation des terroirs par leur typicité et légitimité à fabriquer le produit (Trognon et al., 1999). En ce sens, Bérard et Marchenay (2004) associent la notion de « produit de terroir » à un lieu de fabrication. Ainsi, lhistorique du produit, la transmission dun savoir-faire et lexécution de la production dans une communauté semblent constituer une spécificité des produits de terroir. Toutefois, dans le cas des produits régionaux, le lien avec la région peut être plus ou moins « lâche » au sens de Albertini et al. (2005).

Le produit de terroir devrait également être distingué des produits locaux : tous les deux partagent la même caractéristique de lorigine géographique, mais la spécificité du produit local réside dans la proximité géographique entre producteurs et consommateurs (Merle et Piotrowski, 2012).

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Type
de loffre

Stratégie de marquage

Assortiments en magasin

Produits
de terroir

Indication géographique

AOP, IGP, STG, CCP

Marque commerciale

Bridel Terroir, Tomme du Beaujolais, Riz long de Camargue

MDD terroir

Reflets de France, Nos régions
ont du talent, Ça vient dici

Produits régionaux

Marque commerciale

Lentillon de la Champagne,
Biscuit rose de Reims

Marques collectives régionales

Saveurs en Or, Gourmandie, Nutrition méditerranéenne en Provence, Le panier de Bourgogne, Bravo lAuvergne, Savourez lAlsace – Produit du Terroir

Marques régionales

Saveurs dici, U dAlsace,
U de Vendée, U de Bretagne, etc.

Produits locaux

Marque commerciale

Produit en Bretagne, Saumon fumé de lAtlantique Maison Peneau

Fig. 1 – Caractérisation de loffre des produits liés
à un lieu géographique en GMS.

1. Les stratégies dimplantation
des produits en magasin

Lorganisation de loffre dans les points de vente alimentaires est restée depuis plusieurs années sensiblement la même dans lagencement des GMS alors que les comportements dachat des consommateurs ont considérablement changé (Mouton et Paris, 2012). Dans le cas des produits dorigine, la valorisation des marques régionales contribue à un ancrage régional de lenseigne et permet dinstaurer une relation de confiance avec les consommateurs (Albertini et al., 2011). Mais, faut-il répartir ces produits partout dans le magasin ou leur réserver des espaces dédiés ? Dans la littérature, rares sont les recherches académiques qui se sont intéressées à limplantation des produits en magasin. À notre connaissance, seuls les travaux dAlbertini et al. (2011) et De Ferran 148et al. (2014) ont abordé ce sujet dans le cas des produits régionaux et équitables.

Certains chercheurs ont souligné la complexité du choix dimplantation dans le cas de ces produits spécifiques (Van Herpen et Van Nierop, 2012). En effet, les produits biologiques et équitables renvoient à des motivations dachat diverses. En outre, Albertini et al. (2011) ont évoqué les difficultés de lintégration des marques régionales dans lassortiment des GMS, qui consistent essentiellement en la faible demande locale et lassortiment imposé dans le cas des enseignes centralisées. Pourtant, le choix dimplantation est déterminant, car il impacte directement laccessibilité et la facilité dachat des produits (Bouzaabia et al., 2013).

Ainsi, Albertini et al. (2011) suggèrent de valoriser loffre des marques régionales en magasin à travers une implantation dans un univers spécifique, conjuguée à la production dune expérience dachat gratifiante pour le consommateur. En ce sens, Lachaize et Lemarignier (2015) soutiennent lidée dun « merchandising régional ». Les auteurs soulignent la nécessité dune théâtralisation spécifique aux produits régionaux avec des règles propres, typiques dans les couleurs, lambiance et le mobilier. De plus, Mouton et Paris (2012) indiquent que la constitution dun espace dédié permet également de traiter la problématique de lintégration des références secondaires dans lassortiment du magasin. La majorité des enseignes favorise la mise en place dassortiments autour des marques nationales leaders pour la contribution au chiffre daffaires de la catégorie, des MMD classiques et thématiques pour la rentabilité et des produits premiers prix pour les volumes. Dans un tel contexte, laccès des marques régionales aux rayons gérés dans une logique catégorielle reste limité.

Limplantation par univers spécifique est celle qui contribue le plus, selon Albertini et al. (2011), à la valorisation de loffre régionale. Elle permet de mieux répondre aux attentes des consommateurs et de générer des ventes additionnelles. Dans le cas des produits équitables, cette stratégie dimplantation permet daccroître laccessibilité en magasin et la facilité dachat (De Ferran et al., 2014). En ce sens, Van Herpen et Van Nierop (2012) estiment que le regroupement des produits dans un seul endroit peut accroître lidentification de lélément responsable comme un attribut pertinent. En effet, lorsque les produits biologiques et/ou équitables forment un « bloc », les consommateurs peuvent les remarquer plus facilement. Par ailleurs, Albertini et al. (2011) indiquent que la double 149implantation permet également dassurer une visibilité de loffre régionale, en créant un effet de masse et de surprise. Cependant, limplantation directe de lassortiment dans le rayon génère une faible visibilité. Cette dernière implantation répond seulement à une logique de ravitaillement du consommateur dont le besoin dachat au niveau de la catégorie de produit est prépondérant par rapport à lattente en matière régionale. En droite ligne de cette idée, De Ferran et al. (2014) ont confirmé que limplantation des produits équitables dans leurs catégories de produits dappartenance nuisait fortement à leur accessibilité en magasin et freinait ainsi leurs achats tant pour les non-acheteurs que pour les acheteurs occasionnels de produits équitables. Les produits équitables ne peuvent pas être considérés comme une alternative aux produits conventionnels dautant plus que leur prix élevé reste le frein majeur à leur achat (Dekhili, 2016).

Contrairement à limplantation dans un élément dédié, les deux derniers types dimplantation (double implantation et implantation dans la catégorie des produits dappartenance) se prêtentpeu à une théâtralisation efficace en magasin.

Compte tenu de la complexité du choix dimplantation des produits dorigine géographique et de la diversité de produits sous marque « terroir », il semble important de sinterroger sur les pratiques dimplantation des différentes catégories des produits de terroir en magasin et sur leurs déterminants.

2. Approche méthodologique

Outre lobservation non participante (des visites denseignes qui avaient pour but de collecter des données préliminaires sur les produits de terroir commercialisés et sur les pratiques dimplantation), nous avons interviewé un échantillon de professionnels de la distribution. 62 personnes réparties sur toute la France ont été contactées. Après plusieurs relances par mail, téléphone et contact direct dans les enseignes, 17 ont accepté de répondre à notre requête.

Afin dobtenir les entretiens les plus riches possible, nous avons veillé à ce que léchantillon des professionnels interrogés (fig. 2) soit le plus diversifié possible en variant la fonction, lenseigne et la zone géographique. Ainsi, 150des entretiens semi-directifs en face à face ont été réalisés entre juin 2015 et février 2016 auprès de responsables occupant diverses fonctions concernées par la décision dimplantation des produits alimentaires en magasin : directeur marketing, directeur du merchandising, directeur du magasin, acheteur, chef de rayon, fournisseur, responsable régional des magasins, responsable qualité, dans des enseignes appartenant à des formules de distribution variées (hypermarchés, supermarchés, magasins de proximité). Lenquête a été conduite dans différentes villes françaises (Strasbourg, Paris, Nice, Saint-Étienne, Metz, Joux-la-Ville et Troyes), couvrant ainsi des régions ayant une identité culturelle forte (exemple de lAlsace) et dautres ayant un capital territoire (Chamard et al., 2013) moindre (exemple de lÎle-de-France).

Lors de notre enquête, nous avons mobilisé un guide dentretien, construit à partir de la revue de littérature et des visites sur le terrain lors de la phase dobservation. Il a essentiellement pour objectifs didentifier les stratégies dimplantation des produits de terroir, de préciser les objectifs de limplantation en magasin, dexplorer les déterminants et les contraintes liés au choix de limplantation ainsi que de définir les acteurs de la prise de décision. Les répondants ont surtout été interrogés sur le mode dimplantation des produits de terroir dans leurs magasins, sur les critères justifiant ce choix, les avantages et inconvénients associés au type dimplantation adopté, et sur la logique du positionnement de ces produits par rapport aux produits conventionnels dune part et aux produits biologiquesdautre part. Par ailleurs, les professionnels ont été questionnés sur les acteurs impliqués dans la décision de limplantation des produits de terroir, sur leurs différentes activités de collaboration avec les partenaires et sur les exigences de ces derniers en matière dimplantation.

Les entretiens ont débuté par une phase introductive qui avait pour rôle de clarifier ce que les professionnels entendent par « produits de terroir », en leur demandant de préciser les catégories et marques de produits de terroir développées dans leurs enseignes, et de se prononcer sur la question de la certification et sur les stratégies de développement de ces produits. Les interviews ont duré une heure en moyenne chacun et ont été enregistrés puis intégralement retranscrits. Au total, près de 200 pages de matériaux ont été récoltées et un travail danalyse thématique (Bardin, 2013) a été effectué manuellement. La structure de la grille danalyse a été construite sur la base des thèmes relevés dans la littérature sur lallocation despace et a été amendée à chaque lecture.

151

Fonction des répondants

Enseigne

Lieu denquête

Acheteur

Siège Cora

Paris

Chef de rayon épicerie salée

Hypermarché Carrefour

Troyes

Chef de rayon produits frais

Hypermarché Casino

Troyes

Responsable magasin

Hypermarché Casino

Troyes

Responsable régional
des magasins de proximité
de Champagne-Ardenne
et Yonne

Magasin de proximité Casino

Troyes

Responsable marketing

Siège Cora

Paris

Responsable qualité

Siège Casino

Saint-Étienne

Chef de rayon produits frais

Hypermarché Leclerc

Strasbourg

Chef de rayon épicerie salée

Hypermarché Carrefour

Troyes

Fournisseur des produits de terroir « Tour des Terroirs »

Joux-La-Ville

Chef de rayon épicerie salée

Hypermarché Auchan

Strasbourg

Gérant du magasin

Carrefour City

Strasbourg

Responsable merchandising

Magasin de proximité Casino

Troyes

Responsable détudes

Metz

Manageur produits frais

Simply

Strasbourg

Chef de rayon épicerie salée

Supermarché U express

Nice

Gérant du magasin

Supermarché U express

Strasbourg

Fig. 2 – Échantillon des professionnels interrogés.

3. Implantation des produits
de terroir en magasin

Lanalyse catégorielle des réponses a fait ressortir 856 idées qui se rapportent aux stratégies dimplantation des produits de terroir en GMS. Elles se regroupent en sept thèmes (voir fig. 3) : 1) lunivers des produits de terroir ; 2) la catégorisation de loffre terroir en grande surface ; 3) les types de stratégies dimplantation adoptées ; 4) les objectifs 152de limplantation ; 5) les déterminants et 6) les décideurs clés du choix de limplantation des produits de terroir ; et enfin 7) les contraintes de limplantation de ces produits en GMS.

Thèmes

(en % par rapport à la masse totale des idées)

Catégories

(en % par rapport
à leur thème)

Sous catégories

(en % par rapport
à leur catégorie)

Univers des produits de terroir (2 %)

Associations liées aux produits de terroir (54 %)

Certification des produits
de terroir (29 %)

Qualité (9 %)

Origine géographique (8 %)

Catégorisation
de loffre terroir
en GMS (2 %)

MDD de terroir (69 %)

Marque régionale et locale (31 %)

Types de stratégies dimplantation des produits de terroir en magasin (16 %)

Limplantation dans
un élément dédié (51 %)

Limplantation dans leur catégorie dappartenance (36 %)

La double implantation (13 %)

Objectifs de limplantation en magasin (21 %)

Accessibilité (26 %)

Mettre en avant le produit (54 %)

Trouver rapidement le produit (40 %)

Valoriser le produit (6 %)

Visibilité (18 %)

Modification du comportement dachat (18 %)

Au niveau de tous les consommateurs (18 %)

Cas des acheteurs réguliers (35 %)

Cas des acheteurs occasionnels (15 %)

Cas des non-acheteurs (32 %)

Performance du magasin (15 %)

Chiffre daffaires (26 %)

Ventes par pied carré (52 %)

Bénéfices bruts par pied carré (22 %)

153

Objectifs
de limplantation
en magasin (21 %)

(suite)

Facilité dachat (12 %)

Permettre de mieux choisir entre les produits (43 %)

Donner envie dacheter
le produit (43 %)

Commodité (14 %)

Satisfaction du consommateur (3 %)

Renforcement de limage
de lenseigne (3 %)

Différenciation par rapport aux autres enseignes (2 %)

Déterminants du choix de limplantation en magasin (29 %)

Lassortiment potentiel
à référencer (21 %)

Quantité des produits (45 %)

Cohérence entre produits (33 %)

Rapport qualité-prix (12 %)

Catégorie du produit (10 %)

Les tendances du marché (21 %)

La demande du client (80 %)

Lévolution de lassortiment (20 %)

Implantation géographique
du magasin (13 %)

Région à forte identité culturelle (61 %)

Région à fort potentiel touristique (39 %)

La surface disponible
en magasin par rapport
à la taille du magasin (13 %)

La rentabilité du produit (12 %)

Les clés dentrée du magasin (7 %)

Clé dentrée produit (67 %)

Clé dentrée marque (22 %)

Clé dentrée variété (11 %)

La saison (7 %)

Le parcours client (5 %)

154

Décideurs du choix de limplantation (21 %)

Les distributeurs (51 %)

Le plan dimplantation / planogramme (73 %)

Des études consommateurs (16 %)

Les « merch » du magasin (11 %)

La coopération entre producteurs et GMS (43 %)

Mise en complémentarité
des processus organisationnels (recommandations dimplantation, logistique) (47 %)

Opérations de communication auprès des consommateurs (PLVi, ILVii) (36 %)

Réflexion sur le positionnement de loffre (choix de segments et de linéaires) (17 %)

Les fabricants (6 %)

Des études fournies par
des industriels (80 %)

Des modèles développés
via des panels (20 %)

Contraintes de limplantation (9 %)

Contraintes des distributeurs à développer un assortiment spécifique (46 %)

Enseignes dindépendants (58 %)

Enseignes intégrées (42 %)

Contraintes physiques (34 %)

Contraintes de coûts (15 %)

Rotation de produits (91 %)

Matériel supplémentaire (9 %)

Contraintes de sécurité (5 %)

i. Publicité sur le lieu de vente.

ii. Information sur le lieu de vente.

Fig. 3 – Implantation des produits de terroir en magasin.

Lors des entretiens, nous avons remarqué que certains professionnels interrogés (chefs de rayon, responsables magasin, fournisseurs) utilisent dune façon interchangeable les termes de « produit de terroir » et « produit régional ». Ce constat est différent dans le cas des professionnels des sièges (responsables marketing, acheteurs, responsables qualité) 155qui distinguent un produit régional et un produit de terroir par deux dimensions : la présence ou non dune certification et létendue de la commercialisation du produit (échelle nationale et/ou régionale). Selon ces derniers, un produit de terroir est spécifique à un lieu géographique. Ce lien est souvent attesté par une appellation dorigine exigeant le respect de cahiers des charges et une reconnaissance institutionnelle telle que lAOP, lIGP et la CCP. De plus, les produits de terroir sont diffusés partout à léchelle nationale. En revanche, le produit régional nest généralement pas soumis à une réglementation et est souvent commercialisé dans sa seule région de production.

Limplantation des produits de terroir en magasin fait intervenir trois types dacteurs qui sont la petite et moyenne entreprise (PME) régionale, lenseigne et le magasin. Les PME réalisent des études de marché et utilisent des modèles doptimisation despace comme Assortman2 pour promouvoir le développement de leurs catégories en magasin. Les distributeurs utilisent de leur côté des outils daide à lagencement des magasins comme Apollo et Spaceman3, des plans dimplantation et des études shopper.

Les discours récoltés indiquent que lenseigne peut collaborer avec la PME pour une meilleure implantation des produits de terroir. La collaboration concerne premièrement les processus organisationnels, notamment la logistique. Les PME régionales peuvent fournir aux distributeurs du personnel, du mobilier, des affiches ainsi que des recommandations dimplantation. Deuxièmement, lenseigne et la PME peuvent mettre en commun des efforts de communication auprès des consommateurs, par exemple de la publicité et de linformation sur le lieu de vente. Troisièmement, la collaboration peut concerner la réflexion sur le positionnement de loffre, surtout le choix du segment et du linéaire en GMS.

En interrogeant les répondants sur limplantation des produits de terroir en GMS, trois types de stratégies émergent. Tout dabord, les professionnels interrogés citent limplantation dans un élément dédié :

156

Les produits de terroir sont implantés dans ce quon appelle un espace dédié à ces produits-là, dans un univers spécifique (chef de rayon épicerie, hypermarché Casino, Troyes).

Ensuite, ils indiquent limplantation dans la catégorie des produits dappartenance :

On va implanter les produits de terroir dans la famille, on ne fait pas dunivers proprement dit terroir, on va dispatcher un petit peu dans tout le magasin (gérant du magasin Carrefour City, Strasbourg).

Puis, avec une moindre importance, ils soulignent lexistence de la double implantation des produits de terroir :

On peut les double implanter en fait, cest-à-dire quon les a dans un espace dédié pour ce qui est des lentilles par exemple, et il y a aussi dans le rayon des lentilles (chef de rayon épicerie, hypermarché Carrefour, Troyes).

Les trois stratégies dimplantation sont approfondies dans ce qui suit en analysant les objectifs, déterminants et contraintes liés à chaque type dimplantation. Lanalyse prend en considération la stratégie de marquage4, le format du magasin et la catégorie des produits (cf. annexe 1 pour une synthèse des résultats obtenus).

Stratégie 1 : Limplantation dans un élément dédié

La plupart des responsables des GMS qui proposent une offre large de catégories de produits régionaux privilégient une implantation dans un élément dédié, cest souvent le cas des super et hypermarchés, en particulier dans les régions touristiques et à fortes identités culturelles comme lAlsace et la Lorraine. Daprès les professionnels interviewés, les produits implantés dans un élément dédié concernent en particulier les produits issus de la région ; les produits dappellation dorigine ne font pas lobjet de cette stratégie dimplantation. On peut noter ici lexemple des magasins de Troyes qui ont implanté dans un élément dédié des produits issus de la région de Bourgogne (la gamme Tour des Terroirs : 157biscuit de Bourgogne, pain dépices, terrine bourguignonne, miel de Bourgogne…) et de Champagne-Ardenne (pain dépice de Reims, biscuit rose de Reims, gâteau mollet des Ardennes, lentillon de Champagne, miel de Champagne…).

À Auchan Strasbourg, le chef de rayon épicerie salée a souligné limportance de la création dun univers autour de la spécialité régionale pour valoriser lAlsace. Il a indiqué que lhypermarché avait un projet en cours pour la création dune boutique pour les produits de terroir frais. Leclerc Strasbourg privilégie aussi cette stratégie dimplantation :

On a vraiment voulu faire un espace dédié aux produits de terroir à lentrée du magasin et ne pas les remettre dans le rayon (chef de rayon des produits frais, hypermarché Leclerc, Strasbourg),

et cela afin daccroître la visibilité des produits dorigine géographique en magasin, augmenter leur vente, satisfaire la demande des clients locaux et celle des touristes, et renforcer limage de lenseigne en tant quacteur de proximité :

Quand les gens tombent sur des produits de terroir, ça montre une certaine image comme quoi nous sommes attachés aux produits de la région.

En ce sens, le responsable marketing Cora a noté que le regroupement des produits régionaux dans un élément dédié permet de montrer leur soutien aux producteurs locaux et un réel ancrage dans la région. Dans cet hypermarché, le chef de rayon condense les produits régionaux à lentrée du magasin pour les mettre en avant, les valoriser et les rendre plus accessibles aux clients :

Les produits régionaux sont placés à lentrée du magasin pour que les clients trouvent ce quils recherchent.

Dans la même lignée, les hypermarchés Casino pratiquent limplantation des produits régionaux dans un élément dédié. Cette stratégie dimplantation est élargie par lenseigne à dautres produits spécifiques comme les produits biologiques, ethniques et diététiques, à travers une tête de gondole ou un élément spécifique sur une gondole basse, et cela afin de créer un « effet de gamme » pour ces produits. En effet, cette stratégie dimplantation permet de valoriser la largeur de loffre et de 158faciliter les achats des consommateurs réguliers de produits typiques. Pour les professionnels de ces magasins, laccroissement de la visibilité de loffre peut engendrer des achats dimpulsion.

Par ailleurs, limplantation dans un élément dédié semble faciliter lidentification de loffre notamment pour les clients non habitués au magasin :

Même un touriste, il vient en vacances dans un coin, il sait que la spécialité cest ça (responsable qualité, siège Casino, Saint-Étienne).

Au-delà des hypermarchés, ce type dimplantation peut parfois être appliqué dans des supermarchés. Cest le cas de Simply Strasbourg qui vise à travers cette implantation à répondre à la demande des clients qui cherchent les produits de leur région, et qui prend en compte le facteur de la saisonnalité :

En été, on met en avant la tarte flambée, on utilise le thème et les saisons, la choucroute ne se vend pas en été, mais se vend en hiver (manageur des produits frais, Simply, Strasbourg).

Les déterminants du choix de la stratégie dimplantation dans un élément dédié sont surtout limplantation géographique du magasin et la typologie des consommateurs. Selon lacheteur Cora, lespace dédié est souvent adopté par des magasins implantés dans des endroits à fort potentiel touristique comme lAlsace et cela afin dattirer les touristes, alors que pour les clients réguliers, limplantation dans la catégorie dappartenance est privilégiée : limpact touristique peut modifier éventuellement le type dimplantation. Le cas du magasin dAuxerre, une région peu touristique, confirme cette idée puisque les produits de terroir sont automatiquement implantés dans la catégorie dappartenance :

On implante surtout par rapport à la spécificité de la région, touristique ou non, culturelle ou non (responsable détudes, Metz).

Mais la stratégie dimplantation dans un univers dédié représente une contrainte particulièrement dans le cas des produits de terroir haut de gamme commercialisés à des prix élevés ou encore dans le cas des régions qui ne bénéficient pas dune identité culturelle forte, à cause de la faible 159rotation des produits. Ainsi, lincohérence de lunivers « régional » qui est due au nombre réduit de lassortiment des produits de terroir et le manque de flexibilité au niveau de limplantation des marques de terroir nationales (MDD de terroir et marque de terroir commercialisée à léchelle nationale) constituent une contrainte à une implantation dans un univers dédié. En effet, dans le cas des enseignes intégrées telles que Carrefour, Auchan et Casino, les responsables des magasins ont le choix de limplantation seulement dans le cas des produits spécifiques à leurs régions. Limplantation des marques de terroir nationales est imposée aux magasins par le siège et se fait dans la famille dorigine.

Stratégie 2 : Limplantation dans la catégorie
des produits dappartenance

Le chef de rayon épicerie salée de lhypermarché Carrefour Troyes indique que cette stratégie dimplantation est en particulier adaptée aux produits frais en raison du coût du matériel réfrigéré supplémentaire quimplique limplantation dans un élément dédié. En revanche, pour lépicerie, limplantation dans un élément dédié est tout à fait possible parce quil sagit de produits secs :

Le frais cest un problème parce quil faut du froid, il faut un matériel supplémentaire alors que lépicerie, vous pouvez linstaller où vous avez de la place.

À Carrefour City Strasbourg, limplantation dans la catégorie des produits dappartenance est privilégiée pour recruter de nouveaux acheteurs de produits de terroir parmi les acheteurs des catégories des produits dappartenance. En particulier, le distributeur a pour objectif de faire connaitre la MDD terroir « Reflets de France » et de la positionner comme une alternative aux produits conventionnels par unité de besoin. De même, lacheteur Cora indique que lenseigne adopte cette stratégie dimplantation dans le but de faire connaitre sa propre marque « Patrimoine gourmand ».

La commodité est un autre objectif qui a été souvent cité pour justifier le choix dune telle stratégie :

Notre but est de simplifier le parcours client dans le magasin en organisant les implantations par familles, par groupes de familles (chef de rayon épicerie salée, hypermarché Carrefour, Strasbourg).

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Limplantation dans la catégorie des produits dappartenance permet au consommateur de garder son circuit habituel et limite la perte de temps induite par la recherche de produits dans un autre endroit du magasin. De plus, ce type dimplantation offre au consommateur la possibilité de comparer plus facilement entre les produits. Le témoignage du responsable marketing de Cora est en ce sens intéressant. Lenseigne a été amenée à changer sa stratégie dimplantation au fil du temps. Au départ, lors du lancement des produits de terroir, Cora a opté pour une implantation dans un élément dédié en espérant plus de lisibilité de loffre auprès des consommateurs. Mais lenseigne sest rapidement rendu compte que la clé dentrée des consommateurs restait le produit, cest-à-dire lunité de besoin, et a décidé de situer les produits de terroir dans leurs catégories de produits, permettant ainsi au consommateur de découvrir au même endroit lensemble de loffre disponible du produit.

Dans le même sens, le magasin U express opte pour limplantation des produits de terroir dans la catégorie des produits dappartenance pour recruter de nouveaux consommateurs de produits de terroir et créer ainsi une dynamique favorable à lensemble de la famille des produits :

Cest pour séduire les clients, lorsquils vont acheter un produit conventionnel, ils vont tomber sur lautre à côté, cest pour faire connaitre le produit de terroir (gérant du magasin, supermarché U express, Strasbourg).

Souvent, lallocation de lespace pour les produits de terroir se fait sur la base dun arbitrage qui prend en compte lexistence en magasin dautres produits spécifiques comme loffre biologique. Selon le responsable du magasin Carrefour City, le nombre des consommateurs des produits de terroir reste faible si on le compare à celui des consommateurs des produits biologiques. Il se limite souvent à des voyageurs qui ont gardé des souvenirs des endroits visités ou à certains consommateurs très attachés aux produits de leurs régions, contrairement à un marché de produits biologiques en plein essor. Par conséquent, et face à la contrainte despace, le magasin Carrefour City et le magasin U express ne consacrent pas déléments dédiés pour les produits de terroir et préfèrent les accorder aux produits biologiques :

Pour le produit bio, ça fait des années et des années quon le travaille et quil y a une clientèle qui va directement au rayon alors que les produits de terroir, 161sils ne sont pas dans le même endroit, les clients ne vont pas les acheter (gérant du magasin, supermarché U express, Strasbourg).

Ainsi, lenseigne Casino varie sa stratégie dimplantation selon le format du magasin. En effet, dans les magasins de proximité, lenseigne pratique limplantation des produits de terroir dans la catégorie dappartenance à cause de la taille réduite du magasin et de la limitation de lassortiment. Selon le responsable merchandising Casino, cette stratégie ne permet pas de mettre en valeur les produits de terroir même si certains magasins apposent des leaflets5 sur ces produits. Pour contourner cette contrainte, lenseigne a recours à la technologie deye-tracking pour attirer lattention du consommateur sur les produits de terroir et augmenter leur visibilité. Cette technologie sappuie sur létude du comportement oculaire des clients. Elle aide les distributeurs dans le référencement des produits et la mise en avant des informations permettant aux consommateurs de trouver les produits quils recherchent au niveau des rayons.

Stratégie 3 : La double implantation

La double implantation est préconisée surtout dans le cas des produits de terroir à forte rotation et seulement durant des périodes courtes (exemple des promotions). Elle dépend également de la demande des clients, de lemplacement géographique du magasin et de sa taille. Ainsi, faute despace, il est peu courant de pratiquer la double implantation dans les magasins de proximité. Selon le responsable merchandising des magasins Casino, le principal déterminant du choix de la double implantation est en lien avec la demande client. Celle-ci saccroît souvent pendant la période des fêtes – Pâques et Toussaint, par exemple – marquée par un pic dactivité pour les produits de terroir notamment dans les régions ayant une forte identité culturelle. Il sagit doccasions où les consommateurs achètent des produits typiques pour leur propre consommation, mais aussi pour les offrir.

À Carrefour Troyes, la double implantation concerne certains produits qui ont une forte rotation comme les lentilles. Selon le chef de rayon épicerie salée du magasin, lobjectif de la double implantation 162est de mieux faire connaitre les produits régionaux et daccroître leurs ventes :

Cest la demande client, il y a des produits vraiment spécifiques locaux, les lentilles on ne se dit pas tout de suite que cest un produit local, ce qui fait quil ny a pas une recherche du client pour ce produit-là, mais sil voit dans le rayon habituel quil y a des produits de la région, il achètera (chef de rayon épicerie salée, hypermarché Carrefour, Troyes).

En comparaison avec les produits biologiques, les produits de terroir dans leur globalité semblent moins se prêter à la double implantation. En effet, selon le responsable marketing de Cora Paris, les produits biologiques bénéficient dune lisibilité plus forte aux yeux des consommateurs et des distributeurs. Il est par conséquent plus facile de construire un univers bio cohérent quun univers terroir cohérent. En outre, les produits biologiques bénéficient dune rotation extrêmement élevée et peuvent constituer une clé dentrée pour les consommateurs, ce qui nest pas le cas des produits de terroir.

Les professionnels interrogés insistent en revanche sur le fait quune telle stratégie dimplantation suppose la gestion de deux linéaires plutôt quun seul pour les mêmes produits et peut induire des coûts supplémentaires. La contrainte sexplique par une lourdeur sur le plan logistique. De plus, dans le cas des régions à faible identité culturelle, lassortiment des produits de terroir est réduit, ce qui contraint la mise en place de la double implantation :

Comme on nest pas une région avec un terroir très développé, ça se limite quand même à une dizaine de produits (chef de rayon épicerie salée, supermarché U express, Nice).

4. Discussion

Dans leur distinction entre produits de terroir et produits régionaux, il est intéressant de noter que les professionnels interrogés associent souvent les produits régionaux à une zone de commercialisation limitée à la seule région de production. Ce résultat semble éloigné de ce que 163nous apprend la littérature à ce sujet. En effet, la commercialisation des produits régionaux peut se faire à différents niveaux stratégiques. Ainsi, une option consiste à commercialiser ces produits dans leurs lieux de production pour satisfaire le consommateur local. Une autre orientation possible vise à les commercialiser à léchelle nationale et cela afin de faire connaitre plus largement le savoir-faire de la région. Cette dernière orientation est réalisable notamment dans le cas de PME avec un potentiel de développement important (Albertini et al., 2011).

Les résultats de notre recherche ont permis didentifier les stratégies dimplantation des produits de terroir en GMS et dapporter un éclairage nouveau sur les objectifs, déterminants et contraintes qui leur sont associés. Il ressort que limplantation dans un espace dédié ou corner, limplantation dans la famille du produit, et la double implantation sont les trois stratégies dimplantation appliquées en magasin. Ce résultat confirme les conclusions dAlbertini et al. (2011) qui ont relevé ces trois implantations possibles en magasin et, de plus, met en évidence les objectifs de chaque stratégie dimplantation. En effet, limplantation dans un espace dédié contribue à assurer laccessibilité, la visibilité ainsi que la facilité dachat en magasin, notamment pour les consommateurs réguliers des produits de terroir. Limplantation des produits de terroir dans leurs catégories dappartenance permet également de garantir la facilité dachat, mais vise surtout les non-acheteurs des produits de terroir. Elle semble présenter un atout majeur, le lien avec la commodité qui a un effet positif sur lexpérience dachat (Bouzaabia et al., 2013). Les clients dans ce cas ont plus de facilité à comparer entre les produits. La double implantation présente les avantages des deux autres types dimplantation (dans un élément dédié, dans la catégorie des produits) et contribue ainsi à renforcer la visibilité et laccessibilité de loffre terroir. Ces résultats vont dans le sens des conclusions de De Ferran et al. (2014) appliquées au cas des produits équitables et confortent les résultats obtenus par Van Herpen et al. (2012) confirmant que le regroupement des produits dans un « bloc » accroît leur visibilité, déterminant considéré comme crucial pour booster les ventes. Dautres chercheurs (Albertini et al., 2011) ont montré, par ailleurs, que la double implantation génère une réaction détonnement chez les consommateurs et favorise plus de visibilité au niveau de loffre en comparaison avec les deux autres stratégies dimplantation. En revanche, la double implantation est très 164consommatrice de temps et présente souvent le risque dune rupture des produits au niveau de lun des deux rayons (Mouton et Paris, 2012).

En outre, les résultats de notre recherche indiquent que limplantation dans un espace dédié conduit au renforcement de limage de lenseigne et de sa position concurrentielle. Ce constat conforte les travaux antérieurs (Beylier et al., 2012) qui ont souligné limportance de lintégration des marques régionales dans lassortiment des magasins, en termes dancrage régional et de possibilités de différenciation. En ce sens, les travaux de Fort et Fort (2006) ont indiqué que la présence, dans les hypermarchés de la région, de produits de terroir fabriqués dans des entreprises à forte notoriété locale présentait lavantage de fournir des leviers pour les ventes et doffrir des marges de manœuvre sur les prix.

Les résultats de notre étude ont aussi permis didentifier les déterminants du choix de limplantation des produits de terroir en magasin. Il sagit surtout des tendances du marché, de limplantation géographique du magasin et de la surface disponible. Les distributeurs sont souvent amenés à sadapter à la demande, surtout dans les régions avec une « carte alimentaire » spécifique et dans les régions touristiques, ce qui nécessite un emplacement spécifique de loffre régionale en magasin (Albertini et al., 2011). Lallocation despace obéit à la fois à des critères quantitatifs comme la rotation et la rentabilité du produit et à des critères qualitatifs liés au comportement du consommateur comme les clés dentrée, la typologie des acheteurs et lévolution prévisible de loffre et de la demande (Renaudin, 2010).

Les démarches développées par la grande distribution vont du simple fait de proposer un assortiment de produits locaux dans les linéaires à une offre de produits locaux clairement identifiée en magasin, voire à laménagement dun espace de vente spécifique animé par des producteurs.

Recommandations, limites et perspectives

Les diverses contraintes liées aux stratégies dimplantation, identifiées dans cet article, peuvent réduire lefficacité de lagencement des produits de terroir en magasin ou encore amener les distributeurs à faire 165des choix peu adaptés par rapport au type des produits concernés, au format du magasin et au type de lenseigne. Quelques préconisations managériales sont formulées pour permettre aux manageurs doptimiser leurs choix dimplantation.

Stratégie 1 : Limplantation dans un élément dédié

Les enseignes implantées dans des régions peu connues par les produits typiques présentent souvent un univers « régional » souffrant dincohérence au vu du nombre réduit de lassortiment des produits de terroir. De la même façon, faute despace, les magasins de petite taille ne peuvent souvent pas profiter dun « effet de gamme ». Pour accroître la visibilité et laccessibilité de loffre dans ces enseignes, il serait intéressant dopter pour la commercialisation dune gamme « terroir » qui offre un large choix de produits aux consommateurs. Cest ce que Tour des Terroirs, une entreprise spécialisée dans le commerce des produits régionaux sous la marque « Tour des Terroirs » devrait mettre en place. Lentreprise offre à la grande distribution des produits originaux et dexcellente qualité. Elle a fondé la biscuiterie de Bourgogne et fabrique également des terrines et des plats cuisinés. Il serait intéressant pour Tour des Terroirs de lancer une gamme variée et étendue, jusquà une quarantaine de références terroir, allant du frais à lépicerie afin quelle puisse installer un corner dédié dans les hypermarchés de la région.

Par ailleurs, pour surmonter la contrainte des coûts supplémentaires liés à limplantation des produits frais dans un univers dédié, les hypermarchés peuvent mettre en place un équipement permettant la réduction de la consommation dénergie à linstar de lenseigne Système U de Toulouse qui a installé en 2016 un système déconomie dénergie en utilisant des meubles froids fermés avec un éclairage en partie naturel, ce qui permet au final une économie dénergie de 30 % en comparaison avec un magasin classique.

Dans les supermarchés et magasins de proximité, le distributeur peut installer des mobiliers réfrigérés à taille réduite permettant de répondre aux exigences des magasins du point de vue économie et espace. Dans cette optique, lentreprise Epta Bonnet Névé a mis en place la gamme Aeria Up Open, des meubles semi-verticaux ouverts, à température positive qui permettent de mettre en valeur les produits 166frais dans les magasins. De plus, la flexibilité dAeria Up permet de contribuer à la théâtralisation du point de vente à travers la création de vitrines promotionnelles au look moderne, ce qui permet doptimiser la présentation de la marchandise.

Stratégie 2 : Limplantation dans la catégorie
des produits dappartenance

La stratégie dimplantation dans la catégorie des produits dappartenance ne permet pas de mettre en valeur les produits de terroir. Pour dépasser cette contrainte et accroître en particulier la visibilité de loffre des produits de terroir frais, il serait opportun que les magasins de proximité et supermarchés adoptent un balisage efficace avec des stickers ou des panneaux aimantés portant le logo « terroir » et apposés sur les lieux de référencement de lassortiment. Un tel dispositif a été mis en place au Carrefour de La Ville-du-Bois, dans lEssonne, depuis le 12 janvier 2015 dans le cas de loffre sans gluten en surgelés. La mise en place dun balisage spécifique permet aux consommateurs de repérer facilement la gamme de produits terroir.

Dans le cas des produits de terroir non frais, les magasins de petite taille ont tout intérêt à adopter le Shelf-Facer. Il sagit dun concept de carton prêt-à-vendre qui permet une visibilité ininterrompue des produits à lavant du rayon. Dès quun article a été acheté, lespace libéré à lavant du rayon est immédiatement occupé par larticle suivant. Selon une étude réalisée par lentreprise Smurfit Kappa en 2015, le Shelf-Facer accroît la visibilité des produits sur les rayons à hauteur de 50 %.

Stratégie 3 : La double implantation

La double implantation présente linconvénient lié à la gestion de deux linéaires et le risque de rupture de produits dans lun et/ou lautre des deux endroits. Les enseignes devraient ainsi renforcer les compétences dans la gestion des linéaires en profitant des apports des nouvelles technologies (digitalisation, Big Data, Machine Learning, etc.) qui offrent à ce titre des solutions essentielles. Le Machine Learning est un système dintelligence artificielle utilisé dans le cadre du marketing digital pour faciliter les tâches difficiles de lenseigne, et cela grâce à des moyens algorithmiques puissants. Ce système constitue un exemple particulièrement 167pertinent ici, car il est capable de cartographier, segmenter et regrouper des produits sur la base de critères discriminants tels que le type de produits et la visibilité marketing. De plus, il permet de préconiser le stock optimal qui prend en compte des historiques de ventes expliqués et re-contextualisés (Metivier, 2016).

Les résultats obtenus ont permis dapporter une meilleure compréhension des stratégies dimplantation des produits de terroir en GMS et de formuler des préconisations pour améliorer lagencement de ces produits en magasin et redynamiser leurs ventes. Cependant, cette recherche nest pas exempte de limites. Tout dabord, elle a considéré les produits de terroir dans leur globalité, sans distinction entre différentes catégories de produits et marques régionales. Les professionnels ont indiqué que les logiques dimplantation pouvaient varier dun produit à un autre –spécificité des produits frais, par exemple. Il serait alors pertinent, lors de nouvelles recherches, de prendre en compte la catégorie de produits. Ensuite, cette recherche sest limitée à lavis des professionnels de la grande distribution. Pour mieux explorer les stratégies dimplantation des produits de terroir et mesurer leur efficacité en matière de visibilité et de facilité dachat, par exemple, une voie prometteuse consiste à mener une étude expérimentale auprès des consommateurs. Enfin, nous estimons quune recherche focalisée sur la seule dimension cognitive serait très réductrice et quil convient dintégrer la dimension émotionnelle en lien avec lexpérience dachat des produits de terroir.

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Annexe

Différenciation des stratégies dimplantation
des produits de terroir : une synthèse des résultats obtenus

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1 Indications géographiques de type AOP (appellation dorigine protégée : signe européen qui désigne un produit dont les principales étapes de production sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même aire géographique et qui donne ses caractéristiques au produit), AOC (appellation dorigine contrôlée : désigne des produits répondant aux critères de lAOP et protège la dénomination sur le territoire français), IGP (indication géographique protégée : ce signe identifie un produit agricole, brut ou transformé, dont la qualité, la réputation ou dautres caractéristiques sont liées à lorigine géographique), CCP (certification de conformité de produit : atteste quune denrée alimentaire ou un produit agricole non alimentaire et non transformé est conforme à des caractéristiques spécifiques ou à des règles préalablement fixées portant notamment sur la fabrication, la transformation ou le conditionnement du produit), STG (spécialité traditionnelle garantie : correspond à un produit dont les qualités spécifiques sont liées à une composition, à des méthodes de fabrication ou de transformation fondées sur une tradition).

2 Il sagit dun modèle doptimisation développé par les pénalistes comme Nielsen et qui permet de fournir des préconisations dassortiment et dallocation despace de la catégorie à la référence.

3 Ce sont des logiciels daide à lagencement du magasin. Il sagit dinterfaces graphiques qui réalisent des liens dynamiques entre les planogrammes réalisés pour les différentes familles de produits et le plan densemble du magasin.

4 La stratégie de marquage permet la contribution de la marque à lindividualisation du produit dune part, et à lauthentification de lenseigne ou de lentreprise dautre part (Heilbrunn, 2014).

5 Leaflets : étiquettes de petite taille qui ont pour objectif de permettre aux consommateurs de repérer facilement les produits au niveau des rayons.