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Classiques Garnier

Introduction Ancrage des systèmes agricoles et formes de valorisation des biens alimentaires : des effets contrastés sur le développement des territoires

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Systèmes alimentaires / Food Systems
    2017, n° 2
    . varia
  • Auteurs : Olivier (Valérie), Frayssignes (Julien), Guibert (Martine)
  • Résumé : L’ancrage socio-spatial des systèmes de production agricoles et alimentaires se fait selon des configurations variées, à différentes échelles de gouvernance. Leurs acteurs peuvent s’appuyer sur le dispositif institutionnel des indications géographiques à l’aide de formes de coordination plus ou moins achevées internes, et souvent externes aux systèmes considérés. Il en résulte des valorisations de produits attendues par les consommateurs, mais aux effets différenciés sur les territoires.
  • Pages : 51 à 55
  • Revue : Systèmes alimentaires
  • Thème CLIL : 3306 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie de la mondialisation et du développement
  • EAN : 9782406071969
  • ISBN : 978-2-406-07196-9
  • ISSN : 2555-0411
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07196-9.p.0051
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 17/11/2017
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Système alimentaire, ancrage territorial, indication géographique, différenciation des produits, développement des territoires
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Introduction

Ancrage des systèmes agricoles
et formes de valorisation des biens alimentaires :
des effets contrastés sur le développement des territoires

Valérie Olivier

ENSAT, UMR INRA AGIR

Julien Frayssignes

EI PURPAN, UMR LISST/Dynamiques rurales

Martine Guibert

UT2J, UMR LISST/
Dynamiques rurales

Lancrage socio-spatial constitue une dimension évolutive des systèmes de production de biens agricoles et alimentaires, que ce soit en France ou ailleurs dans le monde. Il peut être considéré en effet comme un processus continuel de réinvention du triptyque homme-production-territoire, ce qui oblige à adapter les éléments danalyse de ses caractéristiques, de ses ressorts et des effets contrastés quil peut avoir sur le développement des territoires ruraux.

Dans la seconde moitié du xxe siècle, lancrage des systèmes agricoles et la valorisation des biens alimentaires se pensaient notamment en termes de terroir, de retour au pays, de développement local (Perrier-Cornet et Sylvander, 2000 ; Rautenberg et al., 2000). Il y avait mise en avant des aménités et des ressources locales comme autant datouts et 52de qualités territoriales et socio-culturelles à valoriser dans un processus affiné et complexe de différenciation et de certification. Le système des indications géographiques (IG) et des signes de qualité était alors une sorte de contrepoint à la modernisation agricole qui avait fait perdre identité et caractère aux filières, à leurs produits et à leurs acteurs (Allaire et Boyer, 1995 ; Rieutort, 2009) et comme éléments de patrimoines ruraux (Bessière, 2000).

Au tournant du troisième millénaire, lancrage local des filières de production sinscrit dans un contexte de système alimentaire mondialisé. De plus, la crise de 2008 a saisi les acteurs des systèmes alimentaires qui ont pris conscience de linterdépendance des filières et des espaces productifs et de consommation. Les dynamiques de terroir sinstitutionnalisent, les modes de valorisation des produits agricoles locaux se déclinent sous différentes valeurs (Pouzenc et al., 2007) et lancrage des productions dans les territoires ruraux appelle des modes de gouvernance à plusieurs échelles (Torre et Traversac, 2011). Lalternative à lindustrialisation se repère davantage dans les rapports de proximité entre des producteurs et des consommateurs. Lancrage des activités agroalimentaires révèle ainsi des proximités spatiales sources de coopération et de conflit dusage des ressources locales et, plus encore, entre espaces ruraux et péri-urbains. Cest donc davantage dans un rapport dialectique entre le « local » et le « global » que lancrage des systèmes de production agricole et alimentaire est perçu et analysé (Campagne et Pecqueur, 2014). On passe de létude des terroirs à celle de pôles régionaux de spécialisation productive (Frayssignes, 2008), de létude des territoires polarisés et de leurs productions différenciées à celle des systèmes alimentaires localisés dits SyAL (Requier-Desjardins et Carimentrand, 2007), puis à celle de systèmes alimentaires territorialisés (SAT) intégrant les différentes composantes du développement durable (Rastoin, 2015). De plus, les questions environnementales sont posées en dehors des modèles terroirs et les circuits courts se renouvellent (Traversac, 2011) tandis que le lien est fait entre ancrage, environnement et multifonctionnalité des espaces ruraux.

Quen est-il aujourdhui de lancrage ? Cest le thème autour duquel un groupe de chercheurs se sont réunis, à loccasion des journées annuelles de la Commission nationale de géographie rurale et des 25 ans de léquipe de recherche UMR LISST/Dynamiques rurales qui ont eu lieu en mai 532016 à lUniversité Toulouse 2 – Jean Jaurès. Ce dossier thématique intitulé « Ancrage des systèmes agricoles et formes de valorisation des biens alimentaires : des effets contrastés sur le développement des territoires » présente une sélection darticles qui invitent à réfléchir aux dynamiques à lœuvre au sein des systèmes alimentaires, en interrogeant aussi bien les formes organisationnelles que les modalités dinteraction de ces systèmes avec leur espace de production, en termes dimpacts locaux et de développement.

Tout dabord, les dynamiques qui touchent les systèmes alimentaires donnent lieu, aussi bien au Nord quau Sud, à des configurations variées du point de vue de leur organisation et de leur valorisation. En effet, du produit standard présent sur un marché mondialisé au produit spécifique diffusé sur un marché de proximité, en passant par le produit sous indication géographique, reviennent de manière récurrente :

des tensions et rapports de force entre les acteurs (agriculteurs, entreprises) quant à lappropriation de la valeur ajoutée,

des processus de construction de règles et de normes dans le cadre dinstitutions spécifiques, en particulier les produits sous IG,

laction des pouvoirs publics, quil sagisse de lÉtat ou des autorités locales, qui peut savérer déterminante dans la régulation des systèmes de production (contrôle, mise en œuvre dune stratégie économique).

Or, aujourdhui, la construction socioéconomique de la différenciation liée à lancrage territorial nentre plus seulement en résonance des démarches de qualité portées par des acteurs locaux, de la proximité revendiquée ou de la gouvernance publique. Il y a également lentrée en jeu dacteurs privés qui définissent des normes et des valeurs, qui peuvent faire appel à des considérations sociales, environnementales et culturelles, et qui sont ensuite revendiquées sur des marchés globalisés. La valorisation de lidentité locale des productions passe alors par le respect de ces normes, largement reprises dans les stratégies commerciales des entreprises qui animent ces filières.

Le second aspect, logiquement articulé au précédent, renvoie à la manière dont les systèmes alimentaires, à lancrage revendiqué, 54contribuent à structurer les espaces de production avec, dune part, des modalités spécifiques dimplication des activités agricoles dans les bassins de production et, dautre part, des inégalités socio-spatiales qui peuvent en découler. Par ailleurs, lanalyse des impacts des filières agroalimentaires sur les dynamiques de développement des territoires permet de mettre en lumière des trajectoires originales de construction/spécification de ressources. Elles sont fondées sur des coordinations avec dautres types dacteurs que ceux directement liés au secteur agricole (tourisme, culture, restauration, etc.), coordinations susceptibles daboutir à des formes originales de valorisation, telles que des paniers de biens (Pecqueur, 2001). Ces jeux dacteurs et ces jeux de territoires produisent des effets contrastés sur le développement des espaces locaux, des systèmes agricoles et des formes de valorisation des biens alimentaires. Au travers de régulations qui leur sont propres, mais également des impulsions des marchés extérieurs, ils sefforcent de répondre aux demandes plurielles des consommateurs et de pérenniser ainsi leur existence, tout en étant le ressort dun développement inégal de leurs espaces dinscription.

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Références bibliographiques

Allaire G., Boyer R., 1995, La grande transformation de lagriculture, Paris, INRA/Economica.

Bessière J., 2000, Valorisation du patrimoine gastronomique et dynamiques de développement territorial. Le haut plateau de lAubrac, le pays de Roquefort et le Périgord noir, Thèse de doctorat détudes rurales, mention sociologie, Université Toulouse 2 – Le Mirail.

Campagne P., Pecqueur B., 2014, Le développement territorial : une réponse émergente à la mondialisation, Paris, C. L. Meyer.

Frayssignes J., 2008, « Lanalyse des dynamiques de développement rural liées aux activités agricoles et agroalimentaires de qualité : quels apports pour la géographie rurale ? » Géocarrefour, numéro spécial Géographie(s) Rurale(s) en question(s), vol. 83-4, p. 295-305.

Pecqueur B., 2001, « Qualité et développement territorial, lhypothèse du panier de biens et de services territorialisés », Économie Rurale, no 261, p. 37-49.

Perrier-Cornet P., Sylvander B., 2000, « Firmes, coordinations et territorialité. Une lecture économique de la diversité des filières dappellation dorigine », Économie rurale, no 258, p. 79-89.

Pouzenc M., Coquart D., Pilleboue J., Olivier V., Guibert G., 2007, « Diversification des modèles de qualité territorialisée des produits agroalimentaires : risque ou opportunité pour les terroirs ? », Méditerranée – revue géographique des pays méditerranéens, no 109, p. 31-40.

Rastoin J.-L., 2015, « Les systèmes alimentaires territorialisés : considérations théoriques et justifications empiriques », Économies et Sociétés, Tome XLIX, (11/2015), Série Systèmes agroalimentaires, AG, no 37, p. 1155-1164.

Rautenberg M., Micoud A., Bérard L., Marchenay P. (éds), 2000, Campagnes de tous nos désirs : patrimoines et nouveaux usages sociaux, Éditions de la MSH.

Requier-Desjardins D., Carimentrand A., 2007, « Processus de qualification et structuration des filières agroalimentaires : quels impacts sur le développement rural en Amérique latine ? » Cahiers des Amériques latines, no 54/55, p. 31-51.

Rieutort L., 2009, « Dynamiques rurales françaises et re-territorialisation de lagriculture », LInformation géographique, no 1, p. 30-48.

Torre A., Traversac J.-B. (éds), 2011, Territorial Governance. Local Development, Rural Areas and Agrofood Systems, Heidelberg & N. York, Springer Verlag.

Traversac J.-B. (éd.), 2011, Circuits courts : contribution au développement régional, Paris, Educagri éditions.