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Classiques Garnier

Éditorial Contribuer à la connaissance des systèmes alimentaires pour mieux les orienter et les (re)construire

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Systèmes alimentaires / Food Systems
    2016, n° 1
    . varia
  • Auteur : Rastoin (Jean-Louis)
  • Résumé : Cette nouvelle revue ambitionne de faire progresser la connaissance sur son champ sectoriel et fonctionnel en encourageant les approches multidisciplinaires originales et en les partageant par ses publications. En effet, pour relever les défis multiples (santé, environnement, économie, social et sociétal) que devront affronter les systèmes alimentaires dans le futur, une contribution majeure de la communauté scientifique est attendue.
  • Pages : 13 à 17
  • Revue : Systèmes alimentaires
  • Thème CLIL : 3306 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie de la mondialisation et du développement
  • EAN : 9782406068631
  • ISBN : 978-2-406-06863-1
  • ISSN : 2555-0411
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06863-1.p.0013
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 25/05/2017
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Systèmes alimentaires, prospective, analyse stratégique, recherche scientifique
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Éditorial

Contribuer à la connaissance des systèmes alimentaires
pour mieux les orienter et les (re)construire

Jean-Louis Rastoin

Montpellier SupAgro,
UMR 1110 Moisa

Créée en juillet 2016, la revue « Systèmes alimentaires/Food Systems » (SAFS) est une revue scientifique à comité de lecture qui sinscrit dans la continuité de la série « Systèmes agroalimentaires » de la revue « Économies et Sociétés » fondée en 1944 par François Perroux, professeur au collège de France, dans le cadre de lIséa (Institut supérieur déconomie appliquée), puis de lIsméa (Institut supérieur de mathématiques et déconomie appliquée)1.

Cette série, qui a publié 37 numéros de 1962 à 2015, a été référencée jusquen 20152 dans les bases de données bibliographiques « Econlit » et « IBSS » qui font autorité dans le domaine des sciences sociales et – pour la série « Systèmes agroalimentaires » – dans la catégorie « stratégie » de la Fondation nationale pour lenseignement de la gestion (Fnege), validée par la section 37 du CNRS dans la catégorie « Économie de lagriculture, de lenvironnement et de lénergie » et par le HCERES (Haut conseil de lévaluation de la recherche et de lenseignement supérieur) français.

La série « Systèmes agroalimentaires » de la revue « Économies et Sociétés », animée par Jean-Louis Rastoin, a succédé, en 2000, à la série 14« Développement agro-alimentaire », dirigée par Louis Malassis, Pascal Byé, Jean-Claude Lebossé et Roland Pérez de 1990 à 1999, qui elle-même prenait le relais de « Progrès et agriculture », dite AG (premier directeur : Michel Cépède, de 1962 à 1969, puis co-directeurs de 1970 à 1989 : Michel Cépède, Louis Malassis et Joseph Klatzmann).

La revue « Systèmes alimentaires/Food Systems » bénéficie du référencement FNEGE, CNRS et HCERES en 20163, au titre de lancienne série “AG/Système agroalimentaires”, avec demande de renouvellement pour 2017. Elle a pour ambition daccueillir des auteurs de disciplines scientifiques variées (économie, gestion, sociologie, anthropologie, histoire, géographie, etc.) sintéressant à un objet empirique commun, le système agroalimentaire, dans la perspective du progrès de la connaissance et de laide à la décision. Cette revue, éditée par les Classiques Garnier4 dans le cadre dune nouvelle collection « Économies, gestion et sociétés » est publiée en format électronique et sur papier.

De nombreuses thématiques sont proposées aux chercheurs travaillant sur les systèmes alimentaires et leurs acteurs. On peut citer, à titre dillustration : sécurité alimentaire et nutritionnelle, alimentation responsable et durable, configuration et modes de gouvernance des systèmes alimentaires, nouvelles fonctionnalités de lagriculture, de lindustrie et de la distribution alimentaire, dynamiques de la consommation, itinéraires technologiques et analyse des cycles de vie des produits, prix des aliments, partage de la valeur dans les filières, marques, normes et signes de qualité, fonctionnement et régulation des marchés, intermédiation dans les filières, performances et durabilité des chaînes de valeur alimentaires globales et territorialisées, configurations stratégiques des entreprises, relations entre territoires et acteurs privés et publics, politique agricole, politique alimentaire, etc.5

En poursuivant le travail scientifique entamé voilà plus de 50 ans par lécole francophone déconomie agroalimentaire dont le professeur Louis 15Malassis a posé les fondements et à laquelle il a donné une dimension nationale et internationale, la revue SAFS embrasse un vaste et très prioritaire sujet – le système alimentaire.

Un système alimentaire est « la façon dont les hommes sorganisent dans lespace et dans le temps, pour obtenir et consommer leur nourriture6 ». On peut également le définir comme un ensemble dacteurs en interrelations orientés vers la satisfaction des besoins alimentaires dune population. Cest aussi le résultat dune très longue histoire remontant au néolithique, avec aujourdhui une grande diversité de formes qui tend cependant à se réduire de façon accélérée sous linfluence hégémonique dun modèle agroindustriel concentré, spécialisé, globalisé et financiarisé. Les comportements mimétiques des pays émergents font que ce modèle, construit et sophistiqué depuis environ un siècle dans les pays occidentaux, alimente aujourdhui plus de la moitié de la population mondiale, tandis que 40 % de cette population reste dans un schéma traditionnel marqué par une faible productivité et une grande pauvreté, et 10 % dans des formes expérimentales que lon pourrait qualifier de « post-modernes ».

Avec plus de la moitié des habitants de notre planète en situation de malnutrition par carence (environ 1,5 milliard) ou excès (également 1,5 milliard), soit au total 40 % de la population actuelle du globe et le lourd fardeau des maladies infectieuses et chroniques dorigine alimentaire qui laccompagne, le bilan est celui dun échec collectif aussi consternant que dramatique tant pour le système agroindustriel que pour le traditionnel. Des avancées ont été accomplies, notamment grâce au progrès scientifique et technologique, mais elles se heurtent aujourdhui à de lourdes externalités négatives aggravées par la crise multiforme – sociale, économique et environnementale – que traverse le monde et les défis géopolitiques et climatiques redoutables à relever.

Il est donc indispensable dadopter une vision prospective pour imaginer un futur alimentaire souhaitable. Le premier scénario est dit tendanciel. Il combine filières longues intensives, verticalisation de la production et recours à lartificialisation et à la « personnalisation » des aliments en associant biotechnologies, génomique et big data, dans le cadre de firmes globales. Ce scénario se caractérise par la généralisation dune gouvernance actionnariale par les marchés financiers de lensemble 16des acteurs du système agroindustriel et en particulier de lagriculture (avec 5 millions dentreprises agricoles capitalistes dans le monde en 2050 contre 500 millions dexploitations agricoles familiales aujourdhui). Pour des raisons dès aujourdhui perceptibles – destruction massive demplois, réduction de la biodiversité et forte érosion des ressources naturelles que sont la terre et leau – ce scénario suscite de nombreuses réserves et appelle une autre vision du système alimentaire.

Le scénario alternatif est fondé sur un objectif dalimentation responsable et durable et des filières courtes et équitables, à gouvernance territoriale. Selon le principe de la souveraineté alimentaire, les territoires (en France, les régions) ont vocation à augmenter leur auto-approvisionnement. Dans ce scénario, lagriculture retrouve ses spécificités nourricières, sociales et environnementales sur la base dexploitations agricoles familiales connectées à des TPE et PME agroalimentaires. Elle remplit ainsi son rôle dans le développement des espaces ruraux qui nauraient pour avenir que la désertification en cas de disparition des activités agricoles. Litinéraire technologique est celui de lagroécologie, de léco-conception artisanale et industrielle, de la bioéconomie circulaire décentralisée et des réseaux numériques. Ainsi, au Nord comme au Sud, le développement de « systèmes alimentaires territorialisés » contribuerait à la santé des consommateurs, au bon usage des ressources naturelles et à lemploi.

La réalité à une ou deux générations sera probablement faite dun scénario hybride voyant cohabiter de manière plus ou moins conflictuelle deux schémas stratégiques dinspirations différentes. Dune part émergera un système agroindustriel techniquement mieux adapté à lapprovisionnement de mégalopoles de plus en plus grandes et peuplées qui rassembleront, à lhorizon 2050, plus du quart de la population mondiale. Ce système, structuré par des hyperfirmes, activera des stratégies de domination par les investissements matériels et immatériels et les coûts. Il sera ajusté à la marge par des normes publiques prenant en compte les impératifs de durabilité, notamment en termes de santé publique. Dautre part devraient se développer – sur la base de stratégies de différenciation qualitative à ancrage territorial – des systèmes alimentaires de proximité, portés par de nouvelles aspirations des consommateurs et des citoyens et mis en place par des néo-entrepreneurs. Ces systèmes dun troisième type pourraient constituer une solution pertinente pour les ¾ de lhumanité 17qui, en 2050, résideront en zone rurale, dans les espaces rurbains et dans des villes de moins dun million dhabitants7. Entre le modèle agroindustriel et le modèle territorialisé prendront place de multiples formes intermédiaires dont la robustesse stratégique nest pas assurée.

Une telle perspective sinscrit dans un contexte de profonds changements des comportements des acteurs privés et publics, des politiques alimentaires des collectivités publiques et des coordinations internationales. Pour la communauté épistémique, il y a là un chantier stimulant sur lequel tous les chercheurs intéressés par la question alimentaire sont conviés… dans la perspective de publications originales dans la revue SAFS.

1 http://www.ismea.org

2 Les archives des séries AG et SAA de la revue « Économies et Sociétés », constituées grâce au soutien de lIsméa et de lArea sont accessibles sur le site de la chaire Unesco en alimentations du monde de Montpellier SupAgro : http://www.chaireunesco-adm.com/spip.php?rubrique120

3 Cf. CNRS, Section 37, 2016, Catégorisation des revues en Économie et gestion, Économie de lagriculture, de lenvironnement et de lénergie, p. 4 https://docs.google.com/viewer?a=v&pid=sites&srcid=ZGVmYXVsdGRvbWFpbnxzZWN0aW9uMzdjbnJzfGd4OjUxOGExZTJmN2E1YjYxM2I

4 https://www.classiques-garnier.com/editions/

5 Différents types de textes sont publiés, avec des modalités dévaluation interne (par les membres du comité de rédaction) et externe sous anonymat en double aveugle (membres du comité de lecture), conformément au standard académique ambitionné par la série (Cf. détail dans lappel à contribution figurant en fin de volume).

6 Malassis L., 1994, Nourrir les Hommes, Paris, Flammarion, 126 p. (Dominos).

7 Sources bibliographiques disponibles sous le lien : http://www.chaireunesco-adm.com/spip.php?page=recherche&recherche=rastoin