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Classiques Garnier

When SME managers justify their professional pathway

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Socio-économie du travail
    2019 – 1, n° 5
    . Que font les organisations aux parcours professionnels ?
  • Authors: Bourgain (Marina), Gilson (Adeline)
  • Abstract: The article analyzes the justifications of executives who have joined an SME on their professional pathway. We mobilize the social “valuation” of the experience lived and “proximity” as a managerial specificity of SMEs. Our inductive analysis of 25 life stories leads to the emergence of arguments embedding work-related dimensions (autonomy, versatility, proximity to power) with space-related dimensions (affective-identity, economic security, living environment quality).
  • Pages: 135 to 173
  • Journal: Social Economy of Labor
  • CLIL theme: 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
  • EAN: 9782406095972
  • ISBN: 978-2-406-09597-2
  • ISSN: 2555-039X
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09597-2.p.0135
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 10-09-2019
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
  • Keyword: Justification, career, executives, SME, values
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De la justification des parcours professionnels des cadres en PME1

Marina Bourgain

Clermont Recherche Management (CleRMa)

Groupe ESC-Clermond

Adeline Gilson

VALLOREM –
Université Orléans-Tours

Dans le contexte actuel où les grandes entreprises ne créent plus autant demplois que par le passé, les attentes sont fortes à légard des petites et moyennes entreprises (ci-après PME2) en matière de croissance, demploi et de primo-insertion des jeunes (Bentabet, 2008). Pourtant, les dirigeants des petites structures indiquent avoir du mal à recruter et à retenir leurs salariés ; ils soulignent également un déficit récurrent en compétences managériales et commerciales (Payre, 2017 ; enquête OFER3, 2016 ; Bessy et al., 2014 ; Louart et Vilette, 2010 ; Bayad et Nebenhaus, 1993). En outre, les PME nont ni les mêmes besoins, ni 136les mêmes viviers de candidats que les grandes entreprises (Behrends, 2008 ; Barber et al., 1999). Notre contribution se propose détudier les principales justifications mobilisées dans le discours de cadres en PME qui sous-tendent leurs choix professionnels. Pour venir éclairer les ressorts individuels dans la durée et les expériences vécues, nous mobilisons lapproche par les récits de vie (Bertaux, 2016). Ces derniers donnent à voir les représentations du monde social de cadres en PME à travers leurs dimensions à la fois contextuelles, familiales, spatio-temporelles et économiques.

Les PME sont des contextes organisationnels singuliers qui présentent généralement une forte correspondance entre lespace organisé et lespace physique – par opposition aux entreprises multi-sites, généralement de grande taille, où la continuité organisationnelle se poursuit au travers de lespace géographique (Torrès, 2003). Excepti probant regulam, les jeunes entreprises à linternationalisation précoce et rapide (ou born global) restent un phénomène marginal (Cabrol et al., 2012 ; Rennie, 1993). Aujourdhui, plus de la moitié des cadres cotisants à lAgirc – Association générale des institutions de retraite des cadres – (soit 1,8 million de cadres) et 47 % des salariés en équivalent temps plein (Insee, 2018) exercent en PME, alors que les salaires y sont moins élevés et que les possibilités denchaîner les mobilités, notamment les postes (et les « titres » qui vont avec), tant verticalement quhorizontalement, sont moindres quen grande entreprise. À leur avantage, les PME sont perçues comme moins hiérarchiques et plus agiles.

Notre contribution suit une démarche exploratoire qualitative, à partir de 25 récits de vie professionnelle de cadres en PME, afin dexpliciter les arrangements pragmatiques de ces parcours sur la base déléments associés au travail et déléments liés au hors-travail.

Notre article est structuré en quatre parties. La première partie comporte la revue de littérature sur les spécificités des pratiques de gestion des hommes en PME marquées par les effets de la proximité interne, fonctionnelle, spatiale et temporelle. Notre cadre théorique sappuie sur la notion de « parcours » de Zimmerman (2011) et, suivant Sen (1999), lidée quil se trouve guidé par ce à quoi lindividu concerné attribue de la valeur (i.e. ce quil valorise ou ce qui compte à ses yeux). En deuxième partie, nous présentons notre méthodologie qualitative, inductive et exploratoire, fondée sur une collecte de récits de vie réalisée 137entre 2013 et 2016 auprès de cadres en poste en PME. La troisième partie analyse les arguments avancés par ces cadres pour justifier leurs parcours qui mêlent des éléments au-travail à dautres éléments hors-travail. La quatrième partie est dédiée à la discussion de nos résultats, en soulignant ses apports puis en traçant les limites de la recherche.

I. Les spécificités de fonctionnement des PME
et lapproche par les parcours

I.1. La proximité en PME : ses implications
pour les pratiques de gestion des hommes

Les pratiques de gestion des hommes sont plus difficiles à saisir en PME quen grande entreprise car elles sont généralement peu formalisées. Elles sont également appelées à sadapter à des situations particulières dans des entreprises singulières, sensibles à leur secteur dactivité, au degré de développement technologique du système productif et aux caractéristiques de leur environnement (Trouvé, 1995). Au-delà de cette hétérogénéité, les PME partagent une caractéristique commune : le principe de proximité fonde la spécificité de fonctionnement et de gestion des entreprises de petite taille (Torrès, 2003 ; Gilly et Torre, 2000). Cette spécificité sintensifie avec la petitesse de la structure organisationnelle où tout évènement représente de facto un « grand » changement (par exemple, un recrutement ou un licenciement dans une structure de cinq personnes), ce que Mahé de Boislandelle (1996) et Torrès (op. cit.) nomment « leffet de grossissement », corollaire de la petitesse de la structure.

On peut distinguer deux types de proximité : interne (voire fonctionnelle) et dans lespace-temps. Premièrement, la proximité interne est saisie à travers « le processus de distanciation ou de rapprochement résultant du nombre de relations dun individu avec son entourage de travail » (Mahé de Boislandelle, op. cit.). Plus le nombre des relations diminue, plus la connaissance individualisée de chacun aura des chances dêtre approfondie et inversement. De là découle une importance relative de chacun dans les petites structures et la plus grande visibilité des actions 138de chacun. La proximité fonctionnelle vient renforcer la proximité interne de deux façons : plus la taille est réduite, plus le cumul des fonctions est fréquent et, généralement, plus les salariés tendent à exercer plusieurs activités qui relèvent de fonctions différentes. Cela exige une certaine polyvalence et tend à lélargissement du périmètre de responsabilité. Le schéma organisationnel dans son entier ne devient-il pas prioritairement déterminé par les « individus porteurs de fonctions » plutôt que linverse ? Les descriptions de tâches sont généralement moins précises et les tâches peu décomposées ; la zone dincertitude créée est propice à des formes de « régulations conjointes » (Reynaud, 1997).

Deuxièmement, la proximité « dans lespace » (physique ou psychologique) et la proximité « dans le temps » (focus sur limmédiat) composent « leffet de microcosme » qui sexerce notamment dans les relations que lentreprise noue avec son environnement et dans ses pratiques de recrutement. De nombreux travaux soulignent que les modes de recrutement des PME sappuient sur des pratiques encastrées au sein dun réseau informel. Celui-ci sarticule autour du système de relations (personnelles et professionnelles) de lentrepreneur à lintérieur dun périmètre géographique réduit (Bessy et al., 2014 ; Barber et al., 1999) – on parle aussi de recrutements « de proximité ». En France comme à létranger, les canaux de recrutement les plus fréquemment mobilisés par les PME restent le réseau de contacts personnels (bouche-à-oreille, cooptation et référencement demployés) ou les candidatures spontanées (Wiesner et Innes, 2010). Bessy et al. (2014) montrent quau démarrage de lactivité des entreprises innovantes, le mode dembauche par relations privilégie les personnes qui habitent là où se trouve lentreprise.

En PME, le processus dembauche peut être rapide car il est peu formel, peu coûteux et fondé sur un besoin immédiat (Behrends, 2008 ; Cardon et Stevens, 2004). La centration sur le court terme induit une faible planification de lemploi (Bayad et Paradas, 1998). Par exemple, le temps limité de recherche de candidats est compensé par une familiarité avec leurs profils (Aldrich et Zimmer, 1986). La description demploi dans une fiche de poste pour le recrutement est peu répandue. Lentrevue individuelle dembauche, le plus souvent non structurée, y joue un rôle important. Les méthodes de sélection (recrutement externe ou promotion interne) y révèlent une absence de critères formels (Bergeat et Rémy, 2017) et un focus moindre sur le diplôme (Apec, 2013) compensé par 139des critères liés au comportement, à lexpérience et à la personnalité du candidat (Didierlaurent, 1998), un engagement sur un partage de valeurs communes et un lien personnel fort (Bessy et al. 2014) où la loyauté prime sur le diplôme. En PME, les temps dédiés à lintégration et à la formation sont généralement plus courts et les budgets consacrés y sont moins importants. En conséquence, la formation sur le tas (learning by doing) est largement plus répandue en PME (Marion-Vernoux, 2013 ; Dubois et al., 2016) que la formation externe, réservée à certaines catégories de salariés.

Afin de mieux comprendre les justifications que mobilisent les cadres en PME pour expliquer leur choix professionnel dexercer dans ce type de structure, à la fois caractérisé par la proximité et linformalité, nous analysons leurs parcours qui engagent le pouvoir dagir tout en étant faits de non-choix et de contraintes.

I.2. Lapproche par les parcours

Dans notre recherche, nous mobilisons une approche par les parcours, quil convient de distinguer de la trajectoire, de la carrière ou encore de litinéraire (Zimmermann, 2013). La trajectoire, qui relève de la métaphore balistique, suppose un chemin prédéterminé dont le cap est maintenu par des dispositions sactualisant au fil du temps. La carrière intègre, quant à elle, le temps biographique et les changements selon un modèle séquentiel et hiérarchisé (progression en termes de fonction, de responsabilité ou de rémunération). Enfin, litinéraire indique le chemin qui mène dun endroit à un autre et la description des lieux traversés en mettant laccent sur les moments charnières. Contrairement à toutes ces notions, le parcours laisse la possibilité de sentiers transversaux et de changements de direction, quils soient voulus ou subis. Son caractère interactif (entre des ressources personnelles, familiales et collectives, et un environnement) favorise un travail réflexif de production de sens, de mise en cohérence et de justification (Zimmermann, op. cit.).

La notion de parcours suggère ainsi une continuité de lexpérience sans linéarité ou direction prédéterminée et la prise en compte de la totalité de la personne ainsi que des espaces quelle traverse. Lanalyse des parcours permet daborder les temporalités du vécu qui se réfèrent aux formes de valorisation sociale de lexpérience (capacité à formuler des projets). Ainsi, le parcours ne se limite pas à une succession dévènements, 140mais intègre leurs interstices et la production de continuité. Son analyse est redevable dune lecture et dune phénoménologie de lexpérience qui articulent différentes temporalités – professionnelle, familiale, sociale – dans le temps du récit biographique. Le parcours engage le pouvoir dagir mais ne se laisse pas réduire à des choix personnels ; il est aussi fait de non-choix et de contraintes. Il se déploie dans des espaces façonnés par des possibles et la latitude de choix individuels, comme le montre lapproche théorique par les capabilités (AC) dA. Sen (2000). Pour éviter toute confusion, nous retenons le terme de « capabilité » (utilisé par A. Sen) bien que Zimmerman (2011) lui préfère le terme de « capacité ». Selon Falzon et Mollo (2009), si les capacités relèvent du savoir-faire (être capable de), les « capabilités » sont fonction de la manière dont chacun peut convertir des opportunités et des ressources en réalisations effectives au moyen de libertés réelles actionnables (effective freedom), elle-même orientée par ce que valorise lindividu (Verd et Vero, 2011 ; Bonvin et Farvaque, 2007 ; Zimmermann, 2008). LAC fait ainsi une distinction fondamentale entre nos actes et notre « liberté réelle » de nous comporter de telle ou telle manière. Par exemple, favoriser laccès au diplôme (une ressource) en vue de développer lemploi mais sans agir sur les facteurs de conversion qui peuvent venir entraver la mobilisation de cette ressource (comme la prégnance de préjugés, labsence de moyens de transport, etc.)4 conditionnent la « liberté réelle » des individus daccéder à tel ou tel emploi. Dit autrement, les « capabilités » sont le résultat de capacités activées (soutenues ou encore non-entravées) par des « facteurs de conversion » (un ensemble de conditions organisationnelles, techniques et sociales) en vue dune action désirée.

I.3. Le processus de valorisation et de justification
dans le travail réflexif de construction du parcours

Le récit de vie favorise lexercice réflexif et restitue a posteriori une justification du chemin emprunté, des espaces traversés et des moyens avec lesquels lindividu a construit son parcours. Cette justification mobilise lintime et ce à quoi chaque individu accorde de la valeur ou, si lon préfère, montre comment laction sencastre dans un processus individuel de valorisation. Empruntant à Dewey (2011), Centemeri et 141Renou (2017, p. 61) soulignent que les jugements de valeur désignent lopération « par laquelle un acteur social met en relation des données dexpérience avec des manières socialement partagées de définir “ce qui vaut” ou “ce à quoi lon tient” ».

Pour comprendre le sens de choix professionnels apparemment identiques (candidater en PME ou sy stabiliser), il faut rendre compte de ce qui sous-tend ces choix en amont. LAC sinscrit dans cette perspective de choix et porte une attention particulière à la qualité de vie, au développement et à lépanouissement de lindividu. Ainsi, une personne a des raisons intrinsèques de valoriser un certain mode de vie (« the life that a person has reason to value ») (Sen, 1999, p. 10). Notre étude sintéresse à ces dimensions qui ont de la valeur (du latin « valere : être fort, puissant, vigoureux ») dans le parcours singulier de cadres en PME, à leurs propres yeux. Nous supposons que ces dimensions se manifestent dans les éléments du discours des personnes interviewées à partir dattitudes (latentes) et de représentations, car elles sont rarement directement observables.

Nous allons à présent préciser les éléments saillants de notre recherche qualitative, de la collecte au traitement des données, pour faire émerger les dimensions valorisées par les cadres en PME au cours de leur parcours professionnel.

I. Une analyse inductive de récits de vie

Notre recherche analyse les récits de vie professionnelle de 25 cadres exerçant en PME, récoltés entre 2013 et 2016 par voie dentretiens non-directifs, nimpliquant aucun focus particulier autre que le parcours. Les interviewés dâge médian (45 ans) ont une expérience professionnelle conséquente et sont, pour la plupart, mariés avec enfant(s). Lobjectif est ici dexplorer la façon dont les acteurs parlent de leur parcours professionnel, dont le fait de rejoindre une PME, en partant du sens quils donnent à leurs actions dans leur récit. Nous recherchons ainsi les interprétations personnelles des expériences vécues dans une posture constructiviste : « lactivité biographique accomplit ainsi une double et complémentaire 142opération de subjectivation du monde historique et social et de socialisation de lexpérience individuelle : elle est à la fois et indissociablement ce par quoi les individus se construisent comme êtres singuliers et ce par quoi ils se produisent comme êtres sociaux » (Delory-Momberger, 2003, p. 558). Le récit intègre ainsi la compréhension des logiques dacteurs en prise avec les contraintes familiales, sociales, économiques et résidentielles qui pèsent sur eux et, in fine, la compréhension de processus sociaux.

La méthode des récits de vie5 est une stratégie particulière daccès au réel puisque lindividu interrogé sélectionne et densifie lespace des faits informatifs en un ensemble de faits significatifs (Roussel et Wacheux, 2005). Cest ainsi que la personne donne à voir sa représentation du monde social et les dimensions contextuelles (aux niveaux familial, sexué, spatio-temporel et économique) qui vont éclairer à la fois les ressorts individuels et collectifs de laction mais aussi les résistances perçues. Lentretien narratif et compréhensif restitue le travail réflexif de lacteur sur son propre parcours professionnel (Bertaux, 2016). Si le discours est provoqué par le chercheur, linterviewé reste libre de la formulation des faits et des interprétations quil en donne. Le récit de vie est particulièrement adapté pour appréhender « laction dans la durée, de lintérieur et dans ses dimensions temporelles et personnelles » (Bah et al., 2015). La forme narrative incorpore les descriptions, les explications et lévaluation des acteurs, en situant les rapports entre eux, les événements et les actants. Ce sont justement ces interprétations qui nous intéressent. Le récit de vie reflète, en outre, la structure du monde social perçu par lindividu. En mettant en scène des décors, des personnages, des évènements, ils font émerger le rôle de certaines dimensions oubliées dans les enquêtes statistiques, ou de certains processus insaisissables par ce dernier type denquête (Bertaux, op. cit.).

La méthode des récits de vie prévoit deux entretiens, espacés de quelques semaines, pour favoriser la réflexivité chez linterviewé. Notre trame du premier entretien (annexe 1) comporte deux thèmes : la description de lenvironnement professionnel (activité, fonction, entreprise), le parcours et les aspirations (formation initiale, insertion, modalités daccès 143à la fonction, mobilités, aspirations). Le deuxième entretien recentre la discussion sur les bifurcations perçues (du moins par le chercheur), les continuités ou les failles dans le récit. Le travail denquête sinscrit donc dans un temps long. Les entretiens, de plus dune heure en moyenne, ont été menés hors du lieu de travail majoritairement, pour un total de 52 heures denregistrement (ou 900 pages retranscrites). Par ailleurs, les CV des enquêtés ont été systématiquement recherchés et analysés (sur Viadeo, LinkedIn ou déposés dans une structure de formation à laquelle nous avions accès).

En raison de labsence danalyses ciblées sur la population des cadres en PME6, nous avons cherché à constituer un panel contrasté sans ambition dexhaustivité ou de représentativité. Le recueil sest fait progressivement afin dassurer à la fois la diversité des entreprises, des profils et des parcours (Bertaux, 2016 ; Bah et al., 2015 ; Sanséau, 2005). La moitié des cadres interviewés exerce dans des PME de moins de 50 salariés. Ces dernières relèvent essentiellement du secteur des services (bureaux détudes, activité spécialisée du web et de la formation, commerce, construction-BTP et transport-entreposage). Lautre moitié travaille dans des PME industrielles, généralement de taille plus grande (50 à 249 salariés).

La formation initiale de la moitié des interviewés est inférieure à un Master 2 et un quart détient uniquement un CAP, un BEP ou un Baccalauréat professionnel. Ces derniers, qui entrent dans la vie active six à dix ans plus tôt que les plus diplômés, mettent plus de temps à accéder au statut de cadre. Ils cumulent et valorisent souvent plus dune dizaine dannées dexpérience professionnelle pour accéder au statut de cadre – typiquement au cours de la trentaine. À linverse, les plus diplômés (bac+4/+5, ingénieurs, docteurs) accèdent généralement au statut de cadre avant trente ans. Mais des exceptions notables existent avec des disparités daccès au statut de plus de dix ans, même pour les plus diplômés, notamment lorsque la filière du diplôme est éloignée du cœur de métier de lentreprise (Doctorat de Volcanologie pour une reconversion dans une PME du transport, DESS Mathématiques pour une société de développement web).

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Nous sommes passés par divers canaux pour contacter ces personnes : suite à des recherches-actions en PME ou des modules de formation continue, par lexploitation dune base des PME de la Chambre de Commerce et dIndustrie dAuvergne et une structure de mise en relation entre PME et diplômés, ainsi que grâce au réseau des premiers répondants par effet boule de neige. Les informations sociodémographiques sont rassemblées dans le tableau 1 et lannexe 2.

Les données collectées ont été analysées par une approche inductive en vue de construire des données fines sur les dimensions opérantes dans les choix de parcours. Pour chaque cas, nous avons dabord cherché à identifier les évènements (fin de la formation initiale, insertion, bifurcations dans le parcours) et les actions des interviewés face à ces évènements. À partir de ce premier travail, nous avons cherché à identifier les dimensions opérantes dans les choix de parcours, par lesquelles les interviewés légitimaient leur action (cf. annexe 3 : Données de 1er ordre représentatives). Ce codage a été poursuivi par une analyse pour identifier les points communs entre ces codes et les assembler (Strauss et Corbin, 1998 ; Gioia et al., 2012). Ce codage fait émerger des concepts, dont certains sont fréquemment cités dans la littérature sur la GRH en PME (comme lautonomie) et dautres plus rarement (comme lattache affective ou identitaire à un territoire). La dernière étape a consisté à agréger les concepts danalyse, dun côté les dimensions liées au travail, de lautre les dimensions hors-travail. La synthèse de ce travail de codage est présentée en annexe (cf. Concepts de second ordre et Dimensions agrégées). La comparaison des interviews a permis de confronter et renforcer lensemble de lanalyse en montrant les lignes de force dun entretien à lautre.

Tab. 1 – Données sociodémographiques des personnes interrogées.

Âge

(min - max – médiane)

33 ans - 58 ans - 44 ans

Sexe

15 hommes, 10 femmes

Ancienneté chez le dernier employeur

(min – max - médiane)

5 ans - 38 ans - 11 ans

Secteur dactivité de lentreprise actuelle

Industrie (9)

Services (16)

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Taille de lentreprise actuelle

TPE de moins de 10 salariés (2)

PE de moins de 50 salariés (10)

ME de 50 à 249 salariés (12)

GE de plus de 250 salariés (dont une PE passée à 300 salariés en 12 ans) (1)

Diplômes :

CAP-BEP-Bac pro (4)

Bac+2/3 (4)

Bac+4 (4)

Master 2 (8)

Doctorat en sciences (5)

Source : enquête des auteurs.

I. Des justifications « travail »
et « hors-travail » enchâssées

Nous avons opéré une synthèse des principaux arguments développés par les cadres pour expliquer leur choix de rejoindre une PME. Nous avons ainsi dégagé les six dimensions les plus récurrentes dans leurs discours que nous présentons ici de façon synchronique. Ces dimensions découlent de la nature du travail dans une structure de petite taille où le peu de niveaux hiérarchiques et de procédures préétablies rend possible une forte autonomie des cadres interviewés, où limbrication fonctionnelle (un cadre ayant plusieurs fonctions) implique une polyvalence quils perçoivent comme stimulante. De même, la « proximité au pouvoir », cest-à-dire la proximité par rapport au lieu où se situe et sexerce le pouvoir au sein de lentreprise, est valorisante. Parmi les critères de décision, dautres dimensions « hors-travail » (liens affectifs, économiques et qualité de vie) sont simultanément évoquées. Pour faciliter la présentation des résultats, nous avons choisi de développer chaque dimension de manière séparée – sans perdre de vue que, dans les logiques discursives des individus, cest la combinaison de dimensions « hors-travail » et « au-travail » qui fonde, de manière singulière, la latitude de choix et daction du parcours des cadres interviewés.

III.1. Les dimensions liées au travail

Invités à présenter leur fonction actuelle, les cadres interviewés soulignent ce quils/elles ont recherché et apprécient dans la petite structure 146où ils travaillent, à savoir lautonomie, une polyvalence stimulante et une proximité au pouvoir valorisante.

III.1.1 Lautonomie et la latitude décisionnelle

Les travaux de Mahé de Boislandelle (1996) ont montré que la « proximité interne » des PME implique une connaissance individualisée favorisant la confiance dans un environnement où les processus apparaissent peu formalisés. Ces deux éléments réunis (confiance et faible formalisation) savèrent généralement porteurs dautonomie pour les cadres en PME. Rien détonnant à ce que ces derniers valorisent la faculté dagir par eux-mêmes en se donnant en large partie leurs propres règles – ce qui nest pas toujours possible en grande entreprise. Lautonomie en PME prend, à leurs yeux, la forme concrète dune liberté dorganisation, de décision – en matière opérationnelle mais aussi souvent en matière stratégique pour la petite structure – sans chercher à les faire valider préalablement par différents niveaux hiérarchiques.

À mon niveau, jai une autonomie que jaurais difficilement vu mon âge et mon parcours dans un grand groupe, autant sur les décisions opérationnelles, sur les décisions dinvestissement, sur les projets de recherche, sur les orientations au niveau stratégique. (E4, Djamel, Docteur et Ingénieur, 18 ans dancienneté dans le bureau détudes où il a réalisé sa thèse Cifre, encadre 18 salariés).

Jai quasiment limpression quon peut faire comme on veut. Pas ce quon veut mais au moins comme on veut. Jaime travailler dans cet état desprit. On a beaucoup dautonomie. (E11, Karl, Licence Pro, 10 ans dancienneté dans une seule ME, encadre 6 salariés).

Honnêtement, il y a le côté confort de mon travail qui me permet de morganiser comme je veux. (E16, Patrick, DESS Mathématiques appliquées, 21 dancienneté dans la TPE agence web où il a réalisé son stage de fin détudes).

Autonomie et responsabilité de A à Z sur mon poste et ma définition de poste. Quelle que soit la décision, on ne viendra pas membêter…Les commerciaux, on leur donne les clefs de la boutique, ils connaissent les prix dachat, ils ont leur autonomie totale. (E17, Quentin, BEP-mécanicien, 23 ans dancienneté dans la même ME, encadre 8 commerciaux).

[Dans cette start-up] il nexistait rien : la terre brulée. Mon profil leur a plu parce que je navais fait que de la TPE et que jétais habituée à me débrouiller seule pour mettre en place les choses. (Ariane, E1, Maîtrise de Droit, 16 ans dancienneté dans sa 6e TPE, encadre un salarié).

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Lexpérience professionnelle vécue en PME permet de construire une compétence (ici lautonomie) qui acquiert une valeur forte dans la suite du parcours. Le parcours, en tant que liberté de choix (rester ou partir) et de pouvoir dagir au sens dA. Sen, suppose la possibilité effective de développer une expérience dotée dune valeur à la fois professionnelle et sociale. Lautonomie apparaît comme un critère important de sélection dAriane par sa dernière TPE. Elle met systématiquement en avant cette dimension lors de mobilités professionnelles. Elle ne candidate dailleurs plus en grande entreprise où lautonomie serait associée à une forme dinsoumission à la structure bureaucratique, vécue comme très inconfortable dans la durée.

III.1.2 La polyvalence stimulante

Une autre particularité des PME, on la dit, est la proximité fonctionnelle en raison de la faible décomposition des tâches. Elle implique que les cadres y exercent des activités qui relèvent de fonctions différentes, voire quils cumulent plusieurs fonctions simultanément. Ce « savoir tout faire » pourrait revêtir une connotation négative, voire péjorative, car il ne fait pas référence à une fonction précise. Au contraire, les cadres interviewés valorisent la polyvalence, une certaine autonomie ou flexibilité qualitative au-delà de lintitulé de leur poste venant élargir et/ou enrichir leurs tâches.

Si je devais décrire mon poste, je dirais lhomme à tout faire de la maison. Le poste, cest Directeur technique. Dans la réalité, vue lancienneté, cest du développement, de la gestion de projets, du relationnel client… Cest chouette, je suis partant pour tout. (…)

[Commentaire de lenquêtrice : Ayant postulé dans une GE concurrente locale il y a deux ans, il découvre quil ne possède pas les codes de cet univers (métier, clients, process, logiciels, diplôme).]

Cest pas allé plus loin parce quon fait pas le même métier, on na pas le même profil client, on a pas les mêmes process. Là-bas, tout est très formaté (E16, Patrick, DESS Mathématiques appliquées, 21 dancienneté dans la TPE agence web où il a réalisé son stage de fin détudes).

Je cherchais [du travail dans] une PME. Je ne voulais pas finir ma carrière cantonnée dans un domaine comme secrétaire comptable dans une grosse structure. Quand on a eu lhabitude de prendre en charge des projets [pendant et après la thèse et la création dentreprise], je pense quon les cherche. Dans une PME, il faut être polyvalent. Je naime pas mennuyer, donc je voulais 148vraiment faire un peu de tout. (E18, Romane, Docteur en Volcanologie, 13 ans dancienneté dans une PE de transport).

[Ce Cabinet expert-comptable sur Lyon] me permettait de travailler en Audit et en Expertise, les deux, alors quen Big [elle recevra par la suite une proposition dembauche de KPMG et dE&Y] je naurai pas pu. Cétait un choix. Jai choisi la proximité [avec ma famille et des déplacements moins éloignés]. (E25, Violaine, ESC, 8 ans dancienneté dans ME dexpertise comptable).

Ce côté diversité des sujets, ça jadore, découvrir un petit peu de management et puis plein de sujets techniques. (E21, Thérèse, ESC post-bac, 8 ans dancienneté en PE bureau détudes).

Ainsi, dans les discours des cadres, le cumul des fonctions (et lesdites compétences) est un facteur de motivation car cela leur apporte une vision transversale de lorganisation, plus de responsabilités et in fine plus de pouvoir et/ou de contrôle sur les activités. Dans le cas de Patrick, la polyvalence se construit dans lexpérience et lancienneté – cest une marque de confiance du dirigeant de sa TPE – elle lui donne un poids important en interne et semble être un facteur dépanouissement (aussi cité par Thérèse). Par contre, cette polyvalence nest guère appréciée lors de son entretien dembauche en grande entreprise (concurrente locale) où il est éconduit puisque selon lui « on na pas les mêmes métiers / là-bas tout est très formaté ». Pour Violaine et Romane, lobjectivation de la décision de rejoindre une PME sappuie sur cette « polyvalence ». Toutes les deux disent redouter une « carrière cantonnée » en grande entreprise.

III.1.3 La proximité au pouvoir valorisante

Troisièmement, la « proximité interne » hiérarchique et spatiale entre le dirigeant et le cadre est plus forte en PME quen grande entreprise. La proximité au pouvoir est un élément de reconnaissance sociale valorisante pour le cadre. À lopposé de la grande entreprise où la sphère de décision est bien souvent éloignée et désincarnée, la direction de la PME sincarne au quotidien. Cela permet, selon les interviewés, de construire la confiance, de parer aux urgences et de mieux coordonner lactivité.

[Face au choix entre un poste ATER éloigné, un CDI cadre chez un prestataire pour une GE éloignée ou un poste cadre en PE locale de 25 personnes] et là on me proposait immédiatement un poste de numéro trois dans la boîte. De toute façon, je ne voulais pas quitter Montpellier. (E13, Marc, Docteur en Statistiques, 6 ans dancienneté dans une PE délagage, encadre quatre salarié).

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Le patron, cétait toujours le bureau dà côté – on se parle. Je ne suis pas très tentée par le fait de dépendre dune hiérarchie écrasante [en grosse structure]. (E1, Ariane, Maîtrise de Droit, 16 ans dancienneté dans sa 6e TPE de Conseil, encadre un salarié).

Je monte dans le bureau [du directeur général] si jai deux trucs à lui dire. Et pouvoir juste dire « on peut se voir cinq minutes » sans barrière, sans secrétaire qui filtre, cest vraiment précieux. (E10, Jamila, Docteur en Chimie, 10 ans dancienneté dans ME industrielle, encadre 28 salariés).

Ici [en clinique privée, en comparaison aux deux grands hôpitaux où jai travaillé précédemment comme technicienne] pas de lourdeur. Pouvoir appeler directement mon directeur et lui demander quon prenne une décision en cinq minutes. (E15, Olivia, ESC, 11 ans dancienneté dans une ME clinique privée).

Les dimensions au travail les plus citées par les cadres pour justifier le fait de rejoindre une PME (lautonomie, la polyvalence stimulante et la proximité au pouvoir valorisante) forgent une identité professionnelle positive. Le travail est présenté comme source de développement humain et personnel. Le récit imbrique toutefois de façon quasi-systématique dautres dimensions « hors-travail » dans un temps long. Cela révèle un réel supplément de sens. Les dimensions « hors-travail » peuvent être accolées aux dimensions « travail » sans explication ou raison apparente : par exemple, « japprécie la polyvalence en PME ; cest mon choix / jai choisi la proximité avec ma famille » (E25) ou « une place de numéro trois, cest important / de toute façon je refusais de quitter la région » (E13). Ces dimensions reçoivent ici une égale considération que les autres critères de décision. Lemploi est alors évalué à travers son impact professionnel et social. Nous présentons ci-après ces dimensions « hors-travail » qui ont toutes un lien fort à lespace.

III.2. Les dimensions liées au hors-travail

Les dimensions « hors-travail » mobilisées par les cadres en PME interviewés sont spatialement situées. Comme laffirmait Castells (1999, p. 155-156), « la plupart des expériences humaines restent locales et ce qui fait sens pour les êtres humains le demeure aussi ». Elles appartiennent à trois registres distincts : les liens affectifs et identitaires ancrés spatialement (les « racines »), léconomique (à travers la rapidité dembauche, le support local), et la qualité du cadre de vie local.

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III.2.1 Les liens affectifs et identitaires ancrés spatialement

La valorisation des liens identitaires et affectifs est particulièrement prégnante dans le récit du parcours professionnel de Sandrine et Vadim (diplômés respectivement de lESC Clermont et de lÉcole des Mines de Paris, occupant tous deux la fonction de directeur financier en PME). Ils ont mis en place une stratégie explicite afin de rester sur, ou rejoindre, « leur » territoire dorigine.

Ma famille est implantée ici, on est de la région [de Thiers] et jai toujours eu cet attachement à la région. [Mon mari] a tout de suite adhéré à cette culture thiernoise, donc on a une volonté tous les deux de rester ici. Ça peut expliquer mon parcours et pourquoi je suis venue travailler dans une PME thiernoise. Je nai jamais eu dambition dêtre mobile, ce nétait pas un critère pour moi. (E19, Sandrine, 18 ans dancienneté dans une 1e ME locale quittée après le rachat par une grande entreprise, puis 10 ans dans une 2e ME locale).

La chose qui me tient à cœur cest de ne plus déraciner mes enfants. Je suis très angoissé à lidée de les déraciner de nouveau. Je voudrais quils restent dans la même école pendant au moins 5 ou 6 ans : quils se sentent attachés, quils plantent leurs racines. Quils se disent “ici cest chez nous ; et chaque fois que je reviendrai, je me sentirai chez moi de nouveau”. (E22, Vadim, École des Mines, 20 ans de vie active en grande entreprise, rejoint en 2015 une startup en Île-de-France).

Lusage des termes « implantée, attachement, adhéré, volonté, rester, tient à cœur, déraciner, angoissé de déraciner à nouveau, se sentent attachés, plantent leurs racines, chez moi, chez nous » sont des marqueurs de liens affectifs et identitaires forts. Sandrine, qui a par ailleurs fait un semestre détudes aux États-Unis, montre une certaine fierté à faire vivre cette tradition et cette culture thiernoise. Elle revendique cette dimension « identitaire-affective » pour guider ses choix professionnels jusquà aujourdhui. Dans son refus de la mobilité hors de sa région, elle choisit de prendre ses distances par rapport à un comportement attendu pour un cadre : elle associe la mobilité géographique hors-région, à une « ambition de carrière » qui ne saccorde pas avec ce quelle est, ni ce quelle veut. Quant à Vadim, il nexclut pas de repartir un jour, mais après un temps de cinq à six ans de stabilité géographique. Limportance de cette stabilité géographique intervient dans un contexte particulier, après un burn-out à létranger et le besoin de repères affectifs stables pour ses enfants qui changent de pays, décole et damis, tous les quatre 151ans. Vadim rejoint une ME en Île-de-France (où il est né et où réside sa mère récemment hospitalisée) plutôt que daccepter un énième poste en grande entreprise en Suisse. Vadim négocie avec le dirigeant de la ME un temps partiel sur le poste de Directeur financier. Il présente sa décision de rejoindre une petite structure sur sa région de naissance comme un nouveau souffle professionnel et personnel (notamment pour sa santé) et un ressourcement identitaire en vue de créer enfin un fondement identitaire familial (« être de quelque part »).

Dautres récits font écho à cette association « rester à un endroit et accepter une moindre évolution professionnelle » : « on mavait proposé un poste à Lyon, mais jai privilégié ma vie privée, mon futur mari de lépoque ne souhaitait pas quitter Clermont… Par ailleurs, je nai jamais été tentée par la vie parisienne. Mais jaurais peut-être préféré grimper haut, monter haut tout de suite » (E1, Ariane, Maîtrise de Droit, 16 ans dancienneté dans sa 6e TPE de Conseil).

Ainsi, il arrive que le refus de se couper de ses attaches personnelles et familiales, formes dentraide, de solidarité et didentité, comptent autant que lemploi. Parfois, la nécessité économique dune transition rapide entre les études et lemploi ou entre deux emplois resserre également lespace géographique de la recherche demploi.

III.2.2 Léconomique, la reconnaissance de lexpérience
et de la formation continue diplômante

La nécessité de trouver du travail rapidement (dans le mois, voire la semaine) et le manque de moyens limitent parfois les opportunités de candidater « loin » – un périmètre qui varie suivant les individus et leur situation. Le bouche-à-oreille, leffet « microcosme » jouent particulièrement dans les réseaux de proximité, notamment pour la reconnaissance de lexpérience et de la formation continue diplômante.

Isabelle souligne quelle serait bien restée dans la petite librairie où elle a fait son apprentissage mais que cette dernière navait pas les moyens de lemployer : la transition étude-emploi sest faite en une semaine, suite à une seule candidature dans une librairie indépendante voisine.

Moi je suis de lAllier et je suis arrivée à Clermont javais dix ans. On na pas de maison de famille, on na pas dattaches particulières, du tout. Mon père était militaire et ma mère ne travaillait pas. Une famille de six enfants, 152mais je suis la seule grande lectrice. Dès le départ, je ne voulais rien faire dautre [que libraire]. Moi je voulais travailler à temps plein. [En 1980] il y a eu une semaine entre la fin de mon contrat dapprentissage et mon nouveau travail, donc ça sest fait très vite. Dailleurs jai postulé quà cet endroit-là. En 1994, le nouveau directeur a souhaité sentourer dune équipe. Ceux qui ont été nommés cadres en même temps que moi, on voit bien que cétait des gens qui avaient une certaine ancienneté et qui maîtrisaient bien leur périmètre. Je prenais des initiatives, jétais plutôt à organiser les choses quà me laisser vivre. Cest moi qui ai mis en place le service [de réception des marchandises]. Jai fait voir que je savais faire les choses.

Cette librairie de moins de 50 salariés ouvre une opportunité inédite à la jeune Isabelle (par manque de candidats ?) en la plaçant immédiatement sur un poste à responsabilités. Après être passée dans deux services, elle monte un nouveau département, la réception des marchandises. En 2008, il y a eu un premier un plan social qui entraine la fermeture de ce département :

Jai dû me poser la question : « Est-ce que je me recycle sur le magasin ou je change totalement de métier ? » « Eh bien, jai toujours pas trouvé ce que je pourrais faire à côté, donc je suis toujours là. » « Je ne veux pas partir sur un coup de tête …Parce que moi il faudrait que je repasse par une formation sans doute longue. Même si la librairie cest une formation permanente. Moi je peux pas partir… Jai pas envie de partir nimporte où non plus. Jirai pas travailler à Paris par exemple, ça cest clair. » (E9, Isabelle, CAP-libraire, 36 ans dancienneté dans la même PE).

La « vocation » de libraire dIsabelle prime sur le salaire. Par contre, elle déclare ne pas vouloir, ni pouvoir « rebondir » hors de cette PME locale. En organisant la reprise de la librairie en Scop, elle a sauvé la PME autant que son emploi. Nous rappelons ici que le parcours, en tant que liberté de choix (rester ou partir) et de pouvoir dagir, au sens sénien, suppose la possibilité effective de développer une expérience dotée dune valeur à la fois professionnelle et sociale.

La sécurité économique prime également dans le discours de Stéphane, diplômé dun DUT en 1999 et en couple depuis la terminale. Accepter un poste éloigné de 160km, même avec une promotion, cela signifie plus de coûts (transport, peut-être un second logement) et moins de présentiel. Refusant de séloigner, il vit alors une période de chômage, quil espérait courte mais qui se prolonge huit mois, avant de retrouver un poste dans une TPE de conseil et sécurité industrielle à Clermont en 2002, comme technicien.

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Jai été voir les boites dintérim et je leur ai dit que je men foutais de ce que vous me donnerez mais moi je veux travailler. Un an plus tard, E. voulait membaucher, pour être assistant ingénieur sur la région dAurillac, mais là, pff, ça ne le faisait pas trop. Ça ne plaisait pas du tout à ma femme à lépoque. Ça faisait que je ne voulais pas partir. Elle travaillait sur Clermont et soccupait de sa mère, je nallais pas la laisser comme ça. [commentaire de lenquêtrice : Il met néanmoins huit mois avant de retrouver un poste sur Clermont]. Et là, jai regretté quand même.

Dans cette TPE, Stéphane évolue rapidement, il encadre deux techniciens et devient de facto responsable de lentité qui propose des solutions de conception complète aux clients. Pour cela, il se forme sur le tas. Parallèlement, il recherche une formation diplômante :

Rapidement, lactivité saccroit, mais on na pas les compétences. Donc il faut quon se forme, quon sauto-forme. (…) Comme cest moi qui moccupe de tout, jai tout fait tout seul. Il a fallu que je me renseigne au niveau des fournisseurs de matériel…Dans lentreprise, jai pas de référent, je fais tout, tout seul. Donc il y a eu toute une phase dapprentissage. En 2006-2007 jai passé des modules pour passer Agent de maîtrise. (…) Mais pour moi, il y a aucun intérêt à obtenir un Bac+3, jembauchais déjà des techniciens en Licence pro. Cétait pas cohérent. Moi je visais plutôt Bac+5. (E8, Stéphane, DUT en 1999, formation continue dingénieur 2014-2015, 16 ans dancienneté dans la même TPE).

À la fin de son parcours dingénieur, Stéphane a, un moment, envisagé une mobilité organisationnelle et géographique. Mais le pas à franchir semblait trop important pour le couple pour quil engage des démarches. Alors que la TPE va très mal, il ne voit pas dautre issue, pour le moment, que de sauver son activité, même si cela ne lenchante pas : « si la boîte ferme, on fera quelque chose. Au pire, on reprend la boîte. On crée une nouvelle structure avec moins de charges, pour repartir dans un petit local. »

Stéphane et Isabelle, cadres autodidactes et loyaux aux salaires modestes, valorisent la stabilité de lemploi « connu », la maitrise dun environnement local. Aller « au-delà » semble représenter un bouleversement dhabitus familial. La crainte de la non-reconnaissance de lexpérience professionnelle acquise en petite entreprise (Isabelle), ou du diplôme obtenu en formation continue (Stéphane) est explicite. Un autre argument pour justifier de ne pas postuler hors de la région est la qualité du cadre de vie très présente dans les discours de cadres interrogés.

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III.2.3 La qualité du cadre de vie local

La qualité du cadre de vie émerge des récits de vie et semble guider le parcours de nos interviewés, du sobre « je suis très bien là » à une plus grande expressivité esthétique :

Je suis attaché plus que jamais à la région et jinsiste, je suis heureux quand je revois le Puy de Dôme, ya rien à faire. Autant je peux me déplacer dans le monde entier, autant je suis content de revenir et dy vivre. Et ça, en fait, ça a guidé tous mes choix depuis le départ. (E3, Cédric, Maîtrise mécanique des fluides en 1993, 10 ans dans une ME locale puis 13 ans dans une PE locale – « chassé » par une grande entreprise concurrente en 2003, il refuse loffre dun poste plus important à Aubervilliers).

Ariane, quant à elle, valorise rétrospectivement la qualité de vie de sa région. De famille ouvrière, diplômée dune Maîtrise de Droit quelle finance elle-même suite au décès de son père, elle trouve rapidement un emploi cadre dans une TPE de service en 1985.

Deux ans après, ils ont souhaité fermer lagence, on a été mis en règlement judiciaire. On mavait proposé un poste à Lyon que, pour des raisons personnelles, jai commis lerreur de ne pas accepter, puisque mon futur mari de lépoque ne souhaitait pas quitter Clermont, et jai privilégié ma vie privée, ce qui nest pas une bonne idée, mais ça on le sait après (…) Jai pas été cadre tout le temps… et là aussi cest peut-être dû à un tempérament qui fait que javais pas les moyens de rester sans travail… Quand on na personne derrière, pour assurer et tout, il fallait bosser (…) Lâge aidant, je ne suis pas triste de ce que je fais parce que jai eu la chance de pouvoir rester toujours ici [en Auvergne], moi je trouve que cest très important compte tenu de la qualité de vie que nous avons à Clermont-Ferrand… Jai la chance de monter sur les côtes de Clermont, je nai pas besoin de voiture pour aller à la campagne, je sors de ma maison, je monte un peu derrière et je suis à la campagne… Lété, on entend les chevaux hennir, je trouve que cest une qualité de vie extraordinaire. Je nai jamais été tentée par la vie parisienne ou, euh…des choses comme ça… donc ça mallait très bien. (E1, Ariane, Maîtrise de Droit en 1985, six mobilités organisationnelles subies en TPE, 14 ans dancienneté dans une TPE locale de conseil).

Le cadre de vie et les attaches affectives semblent également jouer un rôle prépondérant dans le parcours de Marc. Docteur en bio-statistiques, il a accompli son parcours scolaire et ses études supérieures sur la région. Il doit choisir entre trois propositions pour son premier emploi en 2006. Il se livre alors à un exercice de comparaison qui conjugue stabilité demploi 155et distance géographique perçue. Au final, il choisit un poste à forte responsabilité en petite entreprise délagage « juste à côté » de chez lui.

Marc fait beaucoup de sport, il pense même reprendre avec un associé le complexe sportif où il sentraîne. Pour se faire une opinion sur le bilan comptable du complexe sportif, il rencontre le beau-frère dune connaissance, dirigeant dune petite entreprise délagage. Pendant leur discussion, le dirigeant lui indique quil recherche un Directeur adjoint et lincite à envoyer son CV. À cette époque, Marc envisageait une carrière universitaire, mais le seul poste dATER ouvert est à la fois trop éloigné (160 km de son logement en couple) et sans débouché futur. Il décroche puis refuse un CDI en grande entreprise à Toulouse, à 250 km. La dimension spatiale subjective semble ici décisive car il y a, dune part, la distance perçue pour aller travailler (250 km), distance qui lui semble dautant plus grande quil ne se projette quen salarié pendulaire (« faire 250 km tous les jours »). Marc établit clairement limpossibilité de déménager ou de faire ces trajets. De plus, il y a la crainte dautres missions, peut-être plus lointaines encore. La stabilité économique du CDI ne saurait faire oublier linstabilité géographique inhérente à la situation de prestataire de services. Finalement, il préfère lancrage géographique que lui propose une TPE délagage où il entre comme numéro 3 de lentreprise.

Pour faire des stats chez S. via un prestataire de services : il fallait être sur place déjà et le faire tous les jours – ces 250 kms, je ne le sentais pas très bien et puis je passais par un prestataire de service qui était à Paris, il y avait cette instabilité… Je navais pas postulé à beaucoup de postes comme je ne voulais pas partir de Montpellier. (E13, Marc, Docteur en Statistiques, 5 ans dancienneté dans une PE délagage où il est directeur adjoint).

I. Discussion

Face à des enjeux forts en termes dattractivité et de rétention de compétences managériales, commerciales, financières et techniques dans les PME, notre recherche analyse ce que valorisent les futurs cadres qui postulent en leur sein.

Le premier apport de notre étude consiste en une nouvelle compréhension et une analyse systématique de la nature des valeurs qui 156orientent les choix de parcours de cadres en PME. À notre connaissance, il nexiste pas, en effet, de travaux sur ces questions. Ces dernières sont « ce à quoi les interviewés accordent de la valeur » et qui entraînent laction – telles quelles figurent dans le cadre sénien – bien quelles soient peu discutées par le courant des « capabilités » en général. Une exception figure dans les travaux de B. Zimmermann (2011) qui interroge « ce que travailler veut dire » dans un groupement demployeurs. Lenjeu théorique est dinterroger laction individuelle par la liberté de choix et du pouvoir dagir qui, au sens de Sen, suppose la possibilité effective de développer une expérience dotée de valeurs professionnelle et sociale. Pour les cadres interviewés, la décision de rejoindre une petite structure, de refuser un poste en grande entreprise ou de ne pas (ou plus) candidater ailleurs, relève dune combinaison singulière de préférences de dimensions au-travail et hors-travail qui orientent laction individuelle.

Notre analyse permet en outre de mettre au jour les dimensions au-travail significatives dans le choix dexercer en PME. Ces représentations chez les interviewés de la présente étude nont pas émergé de la seule expérience en PME. Les étudiants du supérieur perçoivent la polyvalence et la proximité interne comme les attributs principaux des PME et, dans une moindre mesure, la vision globale de lactivité et la facilité daccès7 (Chatelin et al., 2012).

La polyvalence est, pour les cadres interviewés, connotée positivement, au contraire des salariés peu ou pas qualifiés qui expriment une vision plus critique de la polyvalence et lassimilent à un système néo-taylorien où les individus deviennent interchangeables (Everaere, 2014). Le cumul de fonctions est généralement associé à un contrôle élargi sur des activités connexes qui entraîne plus de responsabilités et consolide, in fine, une autonomie élargie. La diversité des tâches favorise aussi une vision transversale qui donne du sens au travail et de la valeur aux actions entreprises (Hackman et Oldham, 1980) et la proximité au pouvoir développe la latitude décisionnelle. Un prolongement de cette étude pourrait analyser plus avant cette combinaison « polyvalence + autonomie + proximité au pouvoir » à travers la notion dintrapreneuriat – lintroduction dune gestion entrepreneuriale au sein dune organisation 157– forme dengagement différente mais aussi de distance par rapport à lorganisation (Hatchuel et al., 2009).

Notre étude est congruente avec dautres travaux antérieurs qui soulignent des formes de valorisation de lautonomie plus fréquentes en PME et son rôle sur la satisfaction des salariés (Arnold et al., 2002), voire son effet modérateur sur la perception de linsécurité dans les entreprises de moins de 25 salariés en Europe (Barel et al., 2010). La prégnance de cette dimension chez nos interviewés nest pas anodine puisque les enquêtes SUMER et CT-RPS8 de 2016 ont mis en évidence un recul de lautonomie et des marges de manœuvre chez les salariés depuis une vingtaine dannées (Beque et Mauroux, 2018). Le fait de pouvoir organiser sa journée de travail de manière autonome permet de « sapproprier le travail », cest-à-dire dêtre à lorigine de laction et la « cause personnelle » de ses comportements (DeCharms, 1981). Le fait de pouvoir initier et réguler ses propres actions est une source « daccomplissement » (McClelland, 1975) et « dautodétermination » (Deci et Ryan, 1985). En PME, lautonomie reste la marque de confiance émanant directement du dirigeant. On peut dailleurs se demander si le modèle du salariat de confiance, à savoir lautonomie et la délégation de responsabilité en échange dun engagement et dune implication dans lentreprise (Bouffartigue, 2001 ; Fonrouge, 2005), sapplique de la même manière dans une grande entreprise et dans une PME (Allouche et Amann, 1998).

Un troisième apport majeur de notre recherche réside sans doute dans limportance accordée aux multiples facettes de lattachement à lespace dans le parcours desdits cadres. Notre recherche soulève ainsi la question cruciale du rôle du territoire dans le parcours des cadres en PME, au sens « des diverses formes de rapport à lespace que les individus produisent comme sidentifier à des lieux ou dy nouer des liens » (Alphandéry et Bergues, 2004). Nous avons identifié une déclinaison de ce thème sous trois registres. Le registre « identitaire et affectif » est le reflet de lattachement au « lieu » des racines et de la culture familiale, ou au lieu affectivement investi. Le registre de « sécurité économique » correspond au coût global perçu pour sextraire de son milieu. Enfin, le registre de qualité du cadre de vie intègre les éléments symboliques et pragmatiques dun lieu. Lhypothèse dun lien à lespace des cadres est dailleurs congruente avec la proposition 158de typologie de L. Boltanski (1982, p. 392-393), qui distingue les « ingénieurs de recherche en grande entreprise (secteur concentré) plus souvent parisiens » des cadres « petits patrons : en petite entreprise de moins de 100 salariés (secteur dispersé) dans les villes de moins de 200 000 habitants ».

Notre étude enrichit sous deux aspects les précédents travaux sur les éléments de la PME pouvant susciter la préférence de jeunes diplômés (Barber et al., 1999 ; Chatelin-Ertur et Nicolas, 2012) : notre panel se compose de cadres expérimentés et notre analyse intègre des arguments hors-travail. Lattachement à lespace exprimé par les cadres en PME implique, dune part, le refus de « la-géographie » professionnelle qui prévaut chez les cadres supérieurs en grande entreprise multi-sites (Ravelli, 2008), et dautre part, le refus des désagréments des « carrières familiales ». Concernant ces dernières, Bonnet et al. (2006) ont montré que la mobilité professionnelle dun des conjoints modifie les ajustements de parcours des individus et engendre des situations de stress, de tensions, ou encore de frustrations liées à la poursuite (ou à labandon) dobjectifs pluriels familiaux et professionnels. À ce sujet, il semblerait utile de creuser le fait que le territoire ne donne pas lieu à une représentation homogène. Par exemple, Thiers est un même lieu de vie, de travail et de culture indissociable, alors que dans les grandes métropoles, ces lieux sont plus souvent disjoints.

Un seul interviewé (E3) dont le poste implique de nombreux déplacements refuse une proposition dune grande entreprise à forte notoriété qui obligerait son couple à déménager sur Aubervilliers, alors même quil venait de se marier, davoir un enfant et que sa maison était en construction. Labsence générale de référence à la propriété du logement dans les récits de vie provoque une certaine perplexité. Le logement « ancre » généralement les liens et, par répercussion, le parcours professionnel, à lespace. Diverses hypothèses seraient à explorer : (a) les interviewés ne sont pas propriétaires9 ; (b) laccession à la propriété serait intervenue tardivement (à 43 ans pour E13) ou serait non corrélée avec les temporalités de bifurcation du parcours, relativisant son impact ; (c) les enquêtés jugent largument moins recevable (auprès de lenquêteur) que certaines valeurs didentité ou de qualité de cadre de vie (Heinich, 2017).

Nous soulignons enfin que le discours des cadres interviewés et ce, quel que soit leur genre, ne permet pas, lors dune décision, de hiérarchiser 159les dimensions « au-travail » et celles « hors-travail ». Au contraire, un processus denchâssement de ces deux dimensions majeures semble être à lœuvre, au point quelles se renforcent les unes les autres dans un « tout » qui nest pas leur simple somme. Sur ce point, nous navons pas perçu de différence notable entre les femmes et les hommes interviewés.

Autrement dit, les dimensions « au-travail » (lautonomie, la polyvalence et la proximité au pouvoir) se trouvent renforcées par et mises en cohérence avec les dimensions sociales, économiques et humaines plus personnelles et vice-versa. Lexpérience professionnelle vécue est évaluée à laune de dimensions « au-travail » et « hors-travail », ces dernières étant inscrites dans un temps plus long que celui de lexpérience professionnelle stricto sensu. Nous montrons que si les valeurs au travail semblent légitimer laction de rejoindre ou de rester en PME de manière explicite, les valeurs hors-travail dattachement à lespace contraignent finalement laction, telles des raisons qui existent de manière diffuse et qui peuvent se manifester à tout moment. Ces dimensions débordent du cadre de lentretien focalisé sur la vie professionnelle.

Conclusion

Nous avons montré que le processus réflexif à travers lequel les cadres en PME construisent et restituent leur parcours mobilise à la fois des considérations sur la nature du travail en son sein (autonomie, polyvalence, proximité au pouvoir) et des considérations de rapports à lespace en lien avec un projet de vie personnel (liens identitaire et affectif, de sécurité économique et de qualité du cadre de vie). Notre étude « donne la parole » aux cadres en PME, peu traités par la recherche académique, leur rendant ainsi une visibilité. Elle contribue à la réflexion sur les « nouveaux » parcours professionnels des cadres (Bouffartigue, 2000 ; 2001). La presse grand public se fait lécho de reconversion vers lartisanat et lentrepreneuriat de cadres de grande entreprise en recherche de sens10. Il pourrait, à ce titre, être utile de sonder les jeunes très diplômés sur les 160valeurs qui sous-tendent leur attirance vers les petites structures agiles (mais fragiles et pressurisées) de la net-économie. Il nous paraît essentiel pour cela dintégrer les dimensions au-travail et hors-travail dans les questionnements. Les parcours des cadres se sont profondément transformés, diversifiés et complexifiés ces dernières décennies (Zimmerman, 2013). Malgré linterrogation qui subsiste au sujet de la banalisation du statut et de léclatement de cette classe sociale du fait de lhétérogénéité des profils et des parcours (Bouffartigue, 2011), la frontière cadres-non cadres est toujours consistante (Amossé, 2011).

Une des limites méthodologiques de lanalyse de discours est justement que « le dire sur le fait » nest pas « le fait ». Cest le produit dune interaction entre un enquêteur et un enquêté, postérieure à laction, dans laquelle ce dernier juge ce quil est valable de dire ou non. Toutefois, la mise en cohérence à travers le processus réflexif est précisément ce qui permet de faire ressortir les dimensions peut-être moins conscientes au moment initial des choix. On peut ainsi sinterroger sur le besoin de ces cadres de justifier le fait de rejoindre une PME ou de ne pas envisager de mobilité. Linjonction à la mobilité est finalement de facture récente et, selon certains auteurs, serait loin de garantir une qualité de carrière (Pralong et Peretti, 2014). Lanalyse du discours nous amène à cette dimension particulière de la communication de (ou sur) nos affects, de la complexité du ressenti et de ce quil convient den dire (ou de nen rien dire), face à un enquêteur. Cette question de la communication de nos affects est généralement absente, à notre connaissance, des analyses dans le domaine qui nous occupe. Pourtant, la lecture attentive des verbatim cités ici laisse apercevoir en plusieurs lieux une charge émotionnelle notamment associée à lespace géographique. La dimension émotionnelle dépasse ici la dimension cognitive stricte et fait partie du processus dévaluation de nos expériences. Ainsi, les valeurs que nous portons et leur résonnance avec les normes sociales, ont une matrice émotionnelle. Notre étude participe ainsi à enrichir lanalyse du parcours professionnel en prenant en compte le vécu émotionnel11 qui nous lie à lespace géographique, une problématique nouvelle et rarement abordée par la littérature.

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165

Annexe I

La trame dentretien compréhensif

Introduction 

1. Environnement professionnel

Descriptif de lactivité et de la fonction occupée

Descriptif de lentreprise et des rapports avec la direction/les autres salariés (attachement/détachement)

2. Trajectoire et aspirations

Formation initiale (spécialité, niveau, choix ou non ?) / formation continue

Insertion dans la vie active (modalités, description des emplois occupés précédemment…)

Modalités daccès à la fonction/ niveau cadre (dès le recrutement, après période +/- longue, après formation…intérêts, difficultés)

Mobilités interne(s), externe(s), géographique(s)

Aspirations, représentations de lavenir, projets professionnels et personnels

3. Environnement social et familial

Biographie professionnelle et sociale ; généalogie familiale depuis les grands-parents.

Quelle(s) expérience(s) ou représentations de la grande entreprise pour lexercice de la fonction de cadre ?

4. Récapitulatif des données sociodémographiques et date du prochain RDV

166

Annexe II

Données sociodémographiques des cadres enquêtés
(nd= non disponible)

Code et nom demprunt

Année de naissance

Fonction

Diplôme

Age entrée vie active

Age accès au statut cadre

Entreprises précédentes

[ancienneté PME actuelle]

Secteur dactivité

Situation familiale (profession conjoint)

Mobilité géogr. études ou prof.

Localisation

Arguments

E1-

Ariane

1961

Resp. Admin. Fin.

Maîtrise de droit

22

25

6 TPE = 14 ans /

[TPE=16 ans]

Autres services

divorcée

1 enfant

(employé)

NON

Clermont

(63)

Autonomie, Polyvalence

Proximité pouvoir

Liens affectif,

écon., cadre de vie

E2-

Benoît

1968

Resp. Admin. Fin.

DESCF

24

31

ME=9ans /

[ME=13ans]

Industrie

marié

1 enfant

NON

Saint-Beauzire

(63)

Autonomie

E3-

Cedric

1970

Directeur commercial

Maîtrise mécanique des fluides

25

28

ME= 10ans/

[PE=13ans]

Industrie

marié

2 enfants

(infirmière)

NON

Issoire

(63)

Proximité pouvoir

Lien affectif

Qualité cadre de vie

167

E4-

Djamel

1979

Chef dunité

Géologie

+ École ingé

26

26

[PE>ME= 15ans]

Autres services

marié

1 enfant

OUI études

Riom

(63)

Autonomie

Qualité cadre de vie

E5-

Éric

1985

Formateur

Stats appliquées

27

27

[PE=6ans]

Commerce

marié

(prof. lycée)

OUI études

Lyon

(69)

Autonomie

E6-

Frédéric

1981

Ingén. technico-ccial Resp. division industrie

DUT génie des procédés

22

27

GE-7ans/

[PE-10ans]

Commerce

marié

(techn. > cadre GE)

NON

Noyarey

(38)

Autonomie

Lien affectif

E7-

Géraldine

1984

Chargée daffaires

M1-

hydrogéologie

25

26

TPE-3ans/

[ME=15ans]

Autres services

mariée

(nd)

OUI pendant études

Riom

(63)

Polyvalence

E8-

Stephane

1977

Resp. dunité

DUT mainten. industrielle

22

34

intérim / 8 m. chôm.

[TPE = 16 ans]

Conseil-ingenierie

marié

1 enfant

(ménage)

NON

Clermont

(63)

Autonomie

Polyvalence

Lien affectif

lien écon.

E9-

Isabelle

1963

Respons. dpt

CAP libraire

17

31

[PE=38 ans]

Commerce

mariée

1 enfant

(technicien GE)

NON

Clermont

(63)

Autonomie

Polyvalence

lien écon.

Qualité cadre de vie

E10-

Jamila

1982

Responsable de prod.

Chimie

26

26

[ME-10ans]

Industrie

nd

OUI études et prof.

Clermont

(63)

Proximité pouvoir

E11-

Karl

1986

Resp. mainten. et travaux

Licence Pro Maintenance

24

27

[ME=10ans]

Industrie

marié / 1 enfant

(empl. CAF)

NON

Clermont

(63)

Autonomie

168

E12-

Luc

1974

Chargé daffaires

Bac pro électric

23

38

GE-15ans

[PE=8ans]

Industrie

marié

2 enfant

(infirmière lib.)

NON

St-Étienne

(42)

Autonomie

E13-

Marc

1973

Responsable des opérations

Stats appliquées

24

33

[PE>ME=6ans]

formation_Univ

Autres services

marié

(Resp. Dpt GE-conseil)

NON

Montpellier

(34)

Proximité pouvoir

Lien affectif

E14-Nathalie

1983

Resp. RH

ESC CLR

26

28

2 ME= 5ans

[ME-7ans]

Industrie

mariée

(commercial)

NON

Vichy

(03)

Polyvalence

Proximité pouvoir

E-15

-Olivia

1978

Resp. Qualité, Gestion des risques

ESC CLR

26

29

2 GE = 4ans

[ME-11ans]

Autres services

mariée

3 enfant

(commercial)

OUI prof.

Dax

(40)

Proximité pouvoir

Lien affectif

E16

-Patrick

1973

Directeur technique et des projets

DESS-maths

26

40

[TPE>PE

=21ans]

Autres services

divorcé

1 enfant

NON

Montpellier

(34)

Autonomie

Polyvalence

Lien affectif

E17-Quentin

1961

Chef des ventes

BEP mécanicien

(à 25 ans)

19

31

3 GE=7 ans

[ME=23ans]

Commerce

mariée

1 enfant

(secrétaire)

Oui avant insertion

Montpellier

(34)

Autonomie

E18-Romane

1965

Resp. Admin. Fin.

Géologie

26

45

Postdoc_crééTPE=7ans

[PE=13ans]

Commerce

mariée

2 enfant

(prof. univ.)

OUI études

Cournon dAuvergne

(63)

Autonomie Polyvalence

Lien affectif

E19-Sandrine

1966

Resp. relations clients ; Trade marketing

ESC CLR

22

25

ME-18ans

RachatGE [ME_11ans]

Industrie

mariée

(nd)

NON

Thiers

(63)

Proximité pouvoir

Lien identitaire

169

E20-Théophile

1983

Lead Game Design

Licence Éco-Math-Comp.

23

27

[PE>ME=14ans]

Autres services

mariée

1 enfant

(dirigeante TPE Jeux Vidéo)

NON

Lille

(59)

Polyvalence

Lien affectif

E21-

Thérèse

1980

Directrice Générale Adjointe

ESC Postbac

Lille

23

26

2GE= 5ans/

[PE>ME= 8ans]

Autres services

mariée

2 enfant

(chef projet)

OUI études et prof.

Riom

(63)

Polyvalence

Lien affectif

E22-

Vadim

1973

Chiel Fin. Officer

École Ingé.

(Mines de Paris)

24

25

4 GE=16 ans

[ME=5ans]

Commerce

marié

3 enfant

(prof. Lycée)

OUI prof.

St-Germain
-en Lay (78)

Autonomie

Polyvalence

Lien identitaire

E-23-William

1968

Resp. bureau détudes

École Ingé.

(Saint-Et.)

26

26

PE rachat GE=19ans

[PE>ME=8ans]

Industrie

marié

4 enfant

(pharmacienne)

NON

Roanne

(42)

Autonomie

Lien affectif

E24-

Xavier

1962

Directeur logistique

CAP cuisine

17

48

TPE-3ans /GE-3ans/

[ME=34ans]

Industrie

marié

(nd)

NON

Monbrison
(42)

Polyvalence

E25-Violaine

1977

Auditeur

ESC CLR

24

24

[ME=10ans]

Services

mariée

1 enfant

(architecte)

OUI études

Lyon (69)

Polyvalence

Lien affectif

Source ; Enquête des auteurs.

170

Annexe III

Structure des données – Analyse exploratoire

171

172

173

1 Ce texte naurait pas vu le jour sans laide précieuse de Josiane Vero et Jean-Paul Cadet, ainsi que la Convention de recherche avec lApec ETU-58.

2 Les PME sont définies comme des structures financièrement indépendantes de moins de 250 salariés avec un chiffre daffaires nexcédant pas 50 M€ ou 43 M€ de total bilan. 97 % sont des micro-entreprises de moins de 10 salariés. Les PME hors microentreprises comptent en moyenne 27 salariés équivalent temps plein et la moitié emploient entre 10 et 19 salariés. Dans la suite du texte, le terme TPE renvoie à un effectif de 1 à 9 salariés, les PE de 10 à 49 salariés, les ME de 50 à 249 salariés.

3 Enquête Offre dEmploi et Recrutement du Ministère du Travail.

4 Ou une crise économique (facteurs environnementaux), ou encore une timidité exacerbée (facteur individuel).

5 Différents termes existent pour désigner cette méthode : récit de vie, entretien biographique, histoire de vie, récit de pratique, autobiographie. Le choix du terme est essentiellement lié aux différentes utilisations possibles de la méthode et à ses différentes finalités. Nous retenons ici le « récit de vie professionnelle » qui sinspire de la perspective ethnosociologique bien établie en France.

6 Une difficulté des données statistiques est la donnée déclarative sur le nombre de salariés de létablissement (éventuellement lexistence de plusieurs établissements), ce qui ne permet pas didentifier correctement les PME selon les critères conjugués de taille, de total bilan et dindépendance financière.

7 Par ailleurs, les étudiants de Licence voient les PME avant tout comme une structure accueillante sur le plan relationnel, alors que seul lattribut de notoriété caractérise la grande entreprise pour les étudiants optant pour ce type de structure.

8 SUMER (Surveillance Médicale des Expositions aux Risques Professionnels) et CT-RPS (Conditions de Travail et Risques Psycho-Sociaux) sont des enquêtes du Ministère du Travail.

9 Seuls 58 % des personnes qui souhaitent accéder à la propriété y parviennent (Étude BVA pour Foncia, « Les jeunes et le départ du foyer parental », 2016).

10 Lenoir L-A. [2017], « Cadres en crise : la tentation de lartisanat », Le Figaro, le 4 août 2017. URL : www.grand-angle.lefigaro.fr/236789

11 Farrow K., Grolleau G. et N. Mzoughi N., « Il faut comprendre les émotions pour changer les comportements », Tribune du Monde.fr publiée le 21.12.2018.