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Classiques Garnier

Centralisation des offres d’emploi et « transparence du marché du travail » Un paradigme de l’action publique à l’épreuve du numérique

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Socio-économie du travail
    2017, n° 2
    . Le marché du travail comme objet de croyances et de représentations
  • Auteur : Fondeur (Yannick)
  • Résumé : En matière d’action publique, le paradigme de la « transparence du marché du travail » s’est jusque-là appuyé sur trois piliers : la mise en offres d’emploi de la demande de travail, la centralisation de leur collecte et de leur diffusion et la figure du candidat autonome. Mais se développe dans le contexte de la numérisation du marché du travail une représentation de la « transparence » sans gestion centralisée des offres d’emploi.
  • Pages : 71 à 99
  • Revue : Socio-économie du travail
  • Thème CLIL : 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
  • EAN : 9782406080626
  • ISBN : 978-2-406-08062-6
  • ISSN : 2555-039X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08062-6.p.0071
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 25/05/2018
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Transparence du marché du travail, offres d’emploi, services publics de l’emploi, Internet, numérique
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Centralisation des offres demploi
et « transparence du marché du travail »

Un paradigme de laction publique
à lépreuve du numérique1

Yannick Fondeur

Cnam – Lise UMR CNRS 3320

Centre dÉtudes de lEmploi
et du Travail

INTRODUCTION

La question de limperfection de linformation sur le marché du travail, qui justifie dans léconomie mainstream lexistence dintermédiaires (Stigler, 1962), a été au cœur des premières conceptualisations de lintermédiation publique sur le marché du travail au milieu du xixe et au début du xxe siècle. Elle a également été centrale dans les travaux préparatoires à la création en France de lAgence Nationale pour lEmploi.

Cette question sest régulièrement incarnée dans lexpression de « transparence du marché du travail ». Cette métaphore, qui véhicule intrinsèquement un jugement positif (la « transparence » est une bonne chose en soi), a été associée à une autre image appréciative, celle de la « fluidité », utilisée pour décrire la mobilité et les appariements qui résulteraient dune meilleure information sur le marché du travail.

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La thèse défendue ici est que les politiques en faveur de la « transparence du marché du travail » ont été construites autour dune représentation cohérente de ce que doit être laction publique en matière dinformation sur le marché du travail, un paradigme reposant sur trois piliers : la mise en offres demploi de la demande de travail, la centralisation de leur collecte et de leur diffusion et la figure du candidat autonome.

Pour autant, cest le second volet de la thèse, ce modèle se trouve aujourdhui altéré, dans le contexte de la numérisation du marché du travail, par le développement de politiques publiques dagrégation a posteriori des offres demploi éparpillées sur le web. Ces nouveaux dispositifs remettent en effet en cause lun des piliers du paradigme : la centralisation de la collecte et de la diffusion des offres demploi.

En France, Pôle emploi met en œuvre depuis quelques années une stratégie de ce type que lopérateur désigne justement par lexpression « Transparence du Marché du Travail » (et son acronyme, TMT). Des dispositifs publics dagrégation apparaissent également au niveau infranational comme au niveau européen. Assiste-t-on ainsi, dans le champ de laction publique, à lémergence dune nouvelle représentation de la « transparence » davantage fondée sur la circulation de linformation que sur sa centralisation proprement dite ?

Cest en tout cas le modèle mis en avant par des acteurs privés qui ont développé des dispositifs dagrégation bien avant les services publics de lemploi, dès le début des années 2000, et qui présentent leurs services comme des outils permettant de rassembler linformation sur le marché du travail, au service de lintérêt général. Très récemment, Google a introduit son propre service dans les mêmes termes. Longtemps monopole de fait des services publics de lemploi, la « transparence du marché du travail » peut-elle être une activité partagée avec ce type dacteurs ?

Telles sont les questions que cet article se propose dinstruire. Pour ce faire, il sappuie sur une analyse documentaire des textes encadrant lactivité des opérateurs institutionnels du marché du travail et sur deux enquêtes de terrain, réalisées à plus de dix ans dintervalle, portant sur les transformations des intermédiaires du marché du travail face à la montée en puissance dInternet dans leur champ dactivité (cf. encadré infra).

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deux enquêtes à plus de 10 ans dintervalle

Cet article mobilise les données récoltées dans le cadre de deux enquêtes de terrain. La première, financée par lANPE et réalisée dans le cadre de lIres, a donné lieu à un rapport remis en 2005 sur « Internet et les intermédiaires du marché du travail » (Fondeur & Tuchszirer, 2005). La seconde, financée en partie par Pôle emploi et réalisée dans le cadre du Centre dÉtudes de lEmploi (aujourdhui CEET), sest insérée dans un travail collectif ayant pour thème « Diversité et dynamiques des intermédiaires du marché du travail ». Nous mobilisons ici la partie de ce travail portant sur les « dynamiques écologiques du marché du travail en ligne autour de la circulation des offres demploi » (Fondeur, 2016-a). Une centaine dentretiens, essentiellement semi-directifs, ont été menés dans le cadre de ces deux enquêtes auprès de responsables de sites demploi et au sein lANPE, de Pôle emploi et de lApec. Le questionnement de la première enquête était centré sur les modèles dintermédiation et celui de la seconde sur les dynamiques dacteurs. Dans les deux cas, la problématique de la circulation de linformation sur le marché du travail a été structurante.

I. LES TROIS PILIERS DE LA « TRANSPARENCE
DU MARCHÉ DU TRAVAIL »

I.1. La « transparence » au cœur des premiers fondements
de laction publique sur le marché du travail

Au xixe siècle, suivant le principe de la liberté du commerce, lintermédiation est en Europe exclusivement privée : des bureaux de placement payants se chargent de mettre en relation employeurs et travailleurs. Mais les organisations syndicales dénoncent le système dexploitation des travailleurs mis en place par ces intermédiaires. Se développent alors des bureaux de placement gratuits créés soit à linitiative dorganisations patronales, soit à celle dorganisations ouvrières. De premières structures publiques apparaissent également, dabord sous la forme de bureaux de placements municipaux, avant de se développer à 74des échelons supérieurs. Lidée dune intervention publique sur le marché du travail part du postulat que son bon fonctionnement doit passer par lintervention dun intermédiaire non seulement gratuit, mais également neutre vis-à-vis des employeurs comme des travailleurs.

On ne parle pas encore de « transparence », mais lidée qui prédomine au travers des premiers dispositifs publics dintermédiation est que linformation sur le marché du travail doit être accessible à tous sans coût et quelle doit être pour cela récoltée et diffusée par un acteur qui na pas intérêt lié avec les protagonistes. Cependant, les premières conceptualisations de cet intermédiaire public divergent sur la nature des informations à faire circuler (Larquier 2000, 2016).

Pour Gustave de Molinari, qui imagine en France au milieu du xixe siècle linstauration par le gouvernement dun réseau de « bourses du travail », lobjectif est de mettre en transparence les salaires pratiqués dans les différentes régions par le biais dune cotation diffusée sur lensemble du territoire via le télégraphe électrique (qui vient dêtre inventé) et une publication dans la presse (la rotative est également inventée à cette période). Ce penseur libéral voit en effet dans le salaire la principale variable dajustement entre offre et demande de travail et imagine que grâce à cette information et au chemin de fer, qui se développe à cette époque, les ouvriers vont pouvoir se déplacer des régions où le salaire est faible vers celles où il est élevé, participant ainsi à « léquilibre » du marché du travail. Cette idée ne verra pas le jour et Molinari fera tout au plus paraître en Belgique « une gazette, La Bourse du Travail, qui disparaît au bout de quelques mois, mal accueillie aussi bien par les ouvriers que par les employeurs qui napprécient pas la diffusion publique des taux de salaire » (Larquier, 2016, p. 64).

Au début du xxe siècle, au Royaume-Uni, William Beveridge imagine également ses labour exchanges comme des intermédiaires publics rassemblant et diffusant linformation sur le marché du travail pour améliorer lallocation de la main-dœuvre. Seulement il considère lui que le salaire est une variable qui na pas à faire lobjet dune cotation publique et qui doit au contraire se négocier directement entre lemployeur et le travailleur. Cest linformation sur les emplois à pourvoir que lintermédiaire public doit rassembler et faire circuler, de manière à ce que les ouvriers sorientent vers les régions et les secteurs qui recrutent. À la différence de Molinari, les idées de Beveridge ont une belle postérité 75et aboutissent à la création en 1909 dun service public de placement au Royaume-Uni (complété en 1911 dun système dassistance chômage), qui est au fondement dune conception de lintermédiaire public qui sest ensuite largement imposée de par le monde.

Ce sont ainsi des préoccupations très proches qui président à la création en France, de lAgence Nationale Pour lEmploi (ANPE), en 1967. Dans un contexte de chômage à lépoque essentiellement « frictionnel », la naissance de lopérateur public est marquée par la représentation selon laquelle limperfection de linformation est lobstacle essentiel au bon fonctionnement du marché du travail (Muller, 1990 ; Pillon, 2015). Le Ve Plan (portant sur la période 1966-1970), qui dessine les premiers contours de la future ANPE introduit explicitement la « transparence » comme catégorie danalyse centrale2. Affirmant que « lexpérience a montré que le cloisonnement et la “viscosité” du marché du travail sont sources de tensions inflationnistes et de freinage de lexpansion », il annonce pour la période sur laquelle il porte « un fort développement des divers instruments indispensables à une politique active de lemploi, qui doit viser à compenser les “imperfections” naturelles du marché du travail : manque de transparence, manque de fluidité [en italique dans le texte] ». Notamment, selon le document, « la rencontre sur le marché du travail dun employeur et dun travailleur, seffectue trop souvent encore au hasard, dans lobscurité » et il en résulte « des périodes de chômage et de sous-emploi, douloureuses pour ceux qui en sont les victimes et coûteuses pour la collectivité ».

Il propose concrètement, comme dans le projet de Beveridge, de développer « un réseau de services de placement [en italique dans le texte], en mesure dobtenir des informations complètes et rapides sur les personnes en quête demploi et sur les emplois offerts par les entreprises ». Et, comme dans le projet de Molinari, technique et ubiquité sont étroitement liées. « Les informations collectées doivent être accessibles autant que possible à tous et en tous points. Il importe donc que ces services, grâce à un équipement de communication moderne, soient reliés entre eux de telle sorte que chacun deux constitue lantenne locale de véritables et permanentes bourses régionales et nationales, de 76lemploi ». On ne parle pas cependant encore de dépôt doffres demploi à distance : « pour assurer auprès des entreprises une prospection efficace des emplois offerts dans limmédiat et dans le proche avenir, il faut en tout premier lieu que les services de placement disposent dun nombre suffisant de placiers compétents ayant la confiance des employeurs et des travailleurs ».

Si la métaphore de la « transparence » na par la suite que peu été mobilisée en tant que telle dans les différents textes cadrant lactivité de lANPE (nous verrons quelle reviendra, plus tard, avec Pôle emploi), la mission dinformation sur le marché du travail quelle figure est par contre, elle, restée une référence constante pour linstitution.

Un autre opérateur apparaît une année avant lANPE, en 1966, avec une mission plus ciblée : lAssociation pour lemploi des cadres (Apec). Sa forme paritaire est une autre expression de la neutralité et de la position équilibrée entre offre et demande propre à la représentation partagée de lintermédiaire public. À sa création, lApec ne dispose que dune mission dinformation générale sur le marché du travail des cadres, avec notamment une fonction centrale détude qui doit aider les cadres au chômage à sorienter dans leur reclassement professionnel. Ce nest que dans les années quatre-vingt, que lassociation paritaire se voit adjoindre une mission dintermédiation proprement dite. À la différence de lANPE, lApec a constamment revendiqué la métaphore de la « transparence » qui est ancrée dans le vocabulaire de linstitution.

I.2. La mise en offres demploi de la demande de travail

Préexistantes sous des formes diverses aux premiers services publics de lemploi, les annonces demploi ont été utilisées par ces derniers, qui en ont standardisé le format, comme le principal outil de mise en transparence du marché du travail. Pour circuler largement sur le marché du travail, linformation doit en effet être formalisée. La demande de travail devient une « offre demploi ». La collecte des opportunités demploi et leur enregistrement sous forme doffres est au fondement de lactivité des intermédiaires publics, et constituent le premier pilier du paradigme de la « transparence du marché du travail ».

Un exemple intéressant, parce quexplicite, de lassimilation entre « transparence » et offres demploi est celui de lApec. Depuis un peu plus de 10 ans, linstitution paritaire sattache à évaluer le degré de 77« transparence » du marché du travail cadre en France au travers de lenquête dite « sourcing », quelle réalise régulièrement3 auprès des entreprises. Dans cette enquête, elle considère que « le marché “transparent” correspond aux cas où une offre demploi est publiée ». Suivant cette définition, lApec affirme ainsi dans la dernière édition de létude : « le marché transparent gagne encore du terrain cette année, puisque 87 % des recrutements de cadres en 2015 ont donné lieu à la publication dune offre demploi, contre 85 % en 2014 et 82 % en 2013 » (Apec, 2016, p. 1). De fait, cette « transparence » par les offres demploi est clairement posée comme une des missions principales de linstitution. Un des quatre axes du plan « Apec 2016 », adopté en 2012, était ainsi de « collecter et diffuser les offres demplois cadres pour assurer une plus grande transparence du marché du travail » (cette mission de collecte et de diffusion des offres fait partie du mandat de service public signé avec la Délégation générale à lemploi et à la formation professionnelle – DGEFP – du ministère du Travail).

Si les annonces demploi préexistaient à lintermédiation publique, avec son développement débute un véritable travail de mise en forme systématique de la demande de travail. De manière universelle, tout besoin exprimé par un recruteur aux différents opérateurs publics fait lobjet dune offre demploi. La mise en transparence par ce biais de la demande de travail est toujours le nécessaire préalable à lintervention publique. Ceci se double par ailleurs souvent4 dune prospection active auprès des entreprises pour les amener à déclarer leurs besoins. Il ne sagit donc pas, la plupart du temps, denregistrer passivement les offres, mais bien de mettre en « transparence » le marché du travail de manière volontariste, en infléchissant les comportements spontanés de diffusion de linformation.

Dautre part, alors que les premières annonces demploi se contentent dune mise en écrit fondée sur quelques conventions de nommage générales (ce qui sera encore longtemps le cas dans les annonces publiées dans la presse), les offres demploi recueillies par les différents opérateurs institutionnels font lobjet dopérations précises de segmentation et de classement de linformation qui vont ensuite sappuyer sur le 78développement des bases de données informatisées. Ces « investissements de forme » (au sens de Thévenot, 1986) constituent une dimension essentielle de leur activité (nous y reviendrons plus loin).

Laction des services publics de lemploi est fondée sur une représentation particulière de la transparence du marché du travail, que nous pourrions qualifier de « surfacique ». Certes, un effort particulier est consenti pour que les offres soient les plus détaillées possible, notamment par le biais dun certain nombre de mentions obligatoires, mais ces mentions ne portent que sur des informations standardisables pouvant être codées par le biais de nomenclatures. Quant à la zone de texte libre dune offre demploi, elle est très limitée, et son caractère public favorise les énoncés convenus et peu informatifs. Par ailleurs toutes ces informations, qui sont données par lemployeur, nont quune valeur déclarative : rien nempêche, par exemple, que le type de contrat, le salaire ou encore les missions indiquées dans loffre, ne soient pas ceux proposés aux candidats sélectionnés. Lexistence même, derrière loffre, dune opportunité demploi nest pas avérée. Au total, cest donc bien la seule surface du marché du travail qui est travaillée, dans une logique extensive, par la forme de « transparence » prônée par les intermédiaires publics au travers de la mise en offres demploi de la demande de travail quils opèrent.

Notons que dès 1966, Albert Rees avançait lidée selon laquelle la mise en offre demploi nest pas adaptée à la circulation de tous les types dinformation : son format est ajusté à la « marge extensive », cest-à-dire la recherche dopportunités supplémentaires, au détriment de la « marge intensive », cest-à-dire lapprofondissement de linformation sur chacune des opportunités. Les canaux de transmission informels, et en particulier le réseau de relations, seraient davantage adaptés à cette dernière. Cela tiendrait selon Rees à la nature de ce qui est échangé sur le marché du travail : les emplois et les travailleurs auraient des qualités trop hétérogènes pour être résumées dans des formats aptes à la circulation.

I.3. La centralisation de la collecte
et de la diffusion des offres demploi

Dans le modèle de marché walrassien, toutes les offres et toutes les demandes convergent vers un « commissaire-priseur » qui affiche les prix. Les produits échangés étant supposés homogènes, cette caractéristique suffit à assurer la « transparence » du marché, qui est une des 79conditions essentielles de la « concurrence pure et parfaite » et donc de l« efficacité » des mécanismes marchands.

Sur le marché du travail, les choses ne sont pas si simples. En particulier, nous venons de lévoquer au travers de la référence à Rees, les qualités des emplois et des travailleurs sont hétérogènes. En conséquence, le seul affichage centralisé du prix ne saurait suffire à assurer lefficacité du mécanisme dappariement. Dailleurs, la transparence des salaires en elle-même nest pas toujours, loin de là, valorisée par les acteurs du marché : nous avons évoqué plus haut léchec du projet de Molinari, qui portait sur une cotation publique du travail ; nous pourrions également rappeler la réticence classique des recruteurs français à afficher les salaires demandés dans leurs offres demploi, à la différence notamment de leurs homologues britanniques (Bessy & Larquier, 2001).

Pourtant, lidée que la centralisation de linformation participe de la « transparence du marché du travail » reste, elle, au cœur de lintermédiation publique. Cest ainsi quil faut comprendre le fait que la plupart des conceptualisations et textes fondateurs des opérateurs publics font référence à la notion de « bourse nationale à lemploi ». Il sagit de « bourses » sans cotation, et en réseau, comme dans le modèle de Beveridge, dont la mission première est bien de former un système dinformation centrale, et gratuit pour les employeurs comme pour les travailleurs, afin que, pour reprendre la formulation du Ve Plan, les informations puissent « être accessibles autant que possible à tous et en tous points ».

En France, cette centralisation sest accompagnée de lintention de mettre en place un monopole public de placement. Lordonnance du 24 mai 1945 indique ainsi que « tout placement de travailleurs devra obligatoirement se faire par lintermédiaire des services de la main-dœuvre ». Cette disposition renvoie en premier lieu aux critiques adressées aux bureaux de placement payants apparus au xixe siècle, que nous avons déjà évoquées. Elle précise dailleurs explicitement que « cette organisation du placement entraîne nécessairement la suppression de tout office ou bureau de placement payant ». Mais elle porte également lidée que ce monopole est un moyen dassurer une centralisation efficace de linformation. Comme lindique Claire Vivés (2013), « le contenu de cette ordonnance sur le monopole est un “outil” pour faciliter le rapprochement de loffre et de la demande. Lobligation faite aux employeurs de notifier les emplois vacants aux services de la main-dœuvre et aux 80travailleurs de passer par les bureaux de placement est censée permettre de réaliser les ajustements nécessaires qui consistent à orienter les personnes disponibles dans les secteurs où existent des pénuries demploi » (p. 67). Lors de sa création en 1967 lANPE devient lorganisme national dépositaire de ce monopole de placement. On le sait, ce dernier restera largement théorique jusquà son abandon officiel au travers de la loi de « cohésion sociale » du 18 janvier 2005. Néanmoins, lANPE, puis Pôle emploi qui lui succède en 2008, en a conservé lobjectif dêtre le principal intermédiaire du marché du travail français. De fait, jusquà la convention tripartite État / Unédic / Pôle emploi 2012-2014, lopérateur public est évalué à laune dindicateurs de maximisation du nombre doffres collectées et de sa « part de marché » dans les recrutements.

Pour lApec la situation est un peu différente, parce que lassociation est spécialisée sur un segment particulier du marché du travail, les cadres, et quelle ny a aucun monopole institutionnel de placement, ne serait-ce que théorique. Pourtant, lassociation se vit, en relation avec sa mission de « transparence », comme acteur de référence, ayant de fait une position centrale sur ce segment. Et force est de constater, que les objectifs assignés à lApec lient explicitement « transparence du marché cadre » et maximisation du nombre de recrutements donnant lieu à une offre déposée auprès delle.

Si la centralisation de linformation tient une place essentielle dans les missions de « transparence du marché du travail » des intermédiaires publics, cest aussi parce quune « mise en offres » centralisée du marché permet la normalisation des informations ainsi rassemblées.

Ceci permet dabord un contrôle de la légalité et de la qualité des emplois. Il sagit, depuis lorigine, dune préoccupation constante pour les intermédiaires publics. Ainsi, lune des missions assignées par Beveridge à ses labour exchanges était de favoriser le travail régulier et de mettre fin aux pratiques des employeurs consistant à recruter des travailleurs pour des durées très brèves en puisant au jour le jour dans les réserves de main-dœuvre se formant à la porte des usines. Pour autant, la question de la qualité de lemploi a ensuite souvent buté, dans un contexte de chômage de masse, sur la nécessité de proposer également aux demandeurs demploi de « petits boulots » vus comme « alimentaires » et/ou « tremplins » vers le marché primaire. Cest finalement davantage sur la qualité informative de loffre demploi que sest concentrée laction des 81intermédiaires publics. En sus des mentions obligatoires et des règles non discriminatoires prévues par la loi, ils ont imposé, ou fortement incité, linsertion dinformations jugées déterminantes pour lappariement. Cest notamment le cas pour le salaire, dont on a déjà dit que les recruteurs français étaient réticents à lafficher publiquement.

Une seconde caractéristique essentielle de la centralisation est quelle permet de formaliser des repères collectifs de coordination via un système dinformation partagé. Cela concerne en particulier la dimension langagière, particulièrement importante dans le recrutement par annonce (Eymard-Duvernay et Marchal, 1997). Il sagit ainsi, pour lintermédiaire public, de proposer, pour les informations ne faisant pas lobjet de dénominations légales, des nomenclatures permettant détablir un langage commun servant de référence aux protagonistes du marché du travail. Grâce à cet « investissement de forme », qui concerne au premier chef les intitulés de métiers et demplois, on évite les défauts dappariement liés à des façons différentes dexprimer une même réalité professionnelle. Notons que lacuité de cette problématique saccroit de façon exponentielle avec le nombre doffres demploi mises à disposition. Plus il y a dinformation, moins il est envisageable de la traiter sans lintermédiaire d« artefacts cognitifs5 ». La centralisation de linformation ouvre donc une possibilité tout en imposant une contrainte de même ordre : elle permet la formalisation de repères de coordination, mais en impose également la mise en place de par la masse dinformation à laquelle elle donne accès. De fait, pour lANPE, lélaboration à partir de 1971 dun Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois (Rome), est un élément essentiel de son travail de « mise en transparence » du marché du travail (Pillon, 2015).

I.4. La figure du candidat autonome

Outre la formalisation de la demande de travail par le biais doffres demploi dont la collecte et la diffusion sont centralisées, le paradigme de la « transparence du marché du travail » comprend un troisième élément, apparu plus tardivement : la figure du candidat autonome. Cette autonomie est laboutissement dun modèle dintermédiation purement informationnel, où lintermédiaire centralise et diffuse linformation sur 82les offres et les demandes, sans intervenir dans leur appariement. Elle suppose que soit donnés aux candidats les moyens dentrer directement en relation avec les employeurs, ce qui dépend de deux facteurs : dabord, un accès désintermédié aux offres demploi ; ensuite, la présence dans loffre des coordonnées du recruteur.

Si collecter les offres des employeurs a dès lorigine été au cœur de lactivité des intermédiaires publics, donner un accès universel et direct aux annonces, et plus encore y indiquer le moyen de contacter le recruteur sans intervention de lopérateur, est une question délicate pour les opérateurs dont lactivité combine plusieurs modèles dintermédiation, avec différents degrés dintervention (voir encadré).

trois modèles dintermédiation

En fonction du degré dintervention de lintermédiaire dans le rapprochement entre offre et demande, trois modèles peuvent être analytiquement distingués (Fondeur & Tuchszirer, 2005).

Information : lintermédiaire centralise et diffuse linformation sur les offres et les demandes, sans intervenir dans leur appariement.

Sélection : lintermédiaire oriente les appariements, mais prend offres et demandes comme des données sur lesquelles il nintervient pas.

Structuration : lintermédiaire participe à la construction de loffre et de la demande.

Il est intéressant de noter que le rapport Boulanger de 20086 opère une distinction analytique similaire (p. 20) :

Loffre aux entreprises ne peut, à lévidence, être monolithique mais doit se décliner en fonction de la profondeur de lintervention possible de lopérateur au regard de lacte de recrutement :

simple mise en présence par affichage parallèle de loffre et de la demande demploi [proche du modèle information] ;

rapprochement de loffre et de la demande par la négociation avec les deux parties et par la mise en œuvre dactions susceptibles de les faire 83évoluer, en particulier par la formation, en ce qui concerne le capital de compétences du candidat [proche du modèle structuration] ;

recrutement directement réalisé par lopérateur pour le compte de lentreprise [proche du modèle sélection].

Ainsi, en France, si lApec a toujours cherché à donner laccès le plus large aux offres quelle collectait, notamment à travers son magazine Courrier Cadres7, lANPE les a au contraire longtemps réservées de fait au public se rendant dans ses agences, imposant par ailleurs de passer par ses conseillers pour y répondre. Ce nest quà partir de la fin des années soixante-dix que les offres demploi sont proposées en libre-service dans les agences, via un dispositif daffichage, et à partir du début des années quatre-vingt-dix quune partie dentre elles deviennent « nominatives », cest-à-dire quelles mentionnent les coordonnées du recruteur et offrent donc la possibilité de le contacter directement.

Cette différence sexplique par la nature des modèles dintermédiation des deux institutions (Fondeur & Tuchszirer, 2005). Depuis sa création en 1967, deux fonctions principales ont été assignées à lANPE : dune part, améliorer le fonctionnement général du marché du travail en facilitant la circulation des offres et des demandes demploi ; dautre part, réduire les inégalités qui le caractérisent par une action contre-sélective visant à favoriser laccès à lemploi des personnes qui en sont le plus éloignées. Ces deux missions sont partiellement en tension : la première supposant une intermédiation de nature informationnelle axée sur laccès de tous aux opportunités demploi, la seconde pouvant justifier que lon réserve certaines offres aux demandeurs demploi les plus en difficulté, voire quon les « travaille » pour adapter les critères de recrutement à ces publics. LApec, pour sa part, a dabord été créée en 1966 autour dune mission dinformation des cadres, pour ensuite se voir confier dans les années quatre-vingt une mission dintermédiation à proprement parler. Mais, à la différence de lANPE, cette fonction ne sembarrasse pas dune dimension contre-sélective. En particulier, lApec a toujours incité les cadres en emploi à utiliser ces services8. Et ce trait a été fortement accentué dans le cadre du repositionnement de linstitution depuis 2010, 84avec la fin de co-traitance avec Pôle emploi, qui alimentait linstitution en cadres au chômage, et la réorientation de ses services vers les actifs en emploi dans le cadre du mandat de service public signé en 2012 avec le ministère du Travail (réorientation confirmée en 2016).

La création des sites Internet des deux institutions (en 1998 pour lApec, en 1999 pour lANPE) et les premières orientations données à ces supports témoignent de cette différence. Alors que lApec y publie demblée toutes ses offres, lANPE ne va le faire que très progressivement, tenant en particulier longtemps à lécart les offres en contrats aidés, pour les réserver aux demandeurs demploi inscrits, et parmi eux aux personnes les plus en difficultés. Par ailleurs, jusquen 2013, la majorité des offres publiées sur pole-emploi.fr sont des offres anonymes, imposant de passer par lintermédiaire dun conseiller pour candidater. À linverse, cela na toujours concerné quune minorité doffres à lApec, celles faisant lobjet dun service de présélection facturé aux entreprises9. Alors quInternet est un prolongement naturel de lactivité de lApec, qui est donc la première à disposer dun site, le média exacerbe au contraire les tensions entre les modèles différents dintermédiation de lANPE, dautant que, dès le début des années 2000, les actifs en emploi représentent la moitié de laudience sur la partie offres demploi de son site (Fondeur & Tuchszirer, 2005).

À partir de 2012, la figure du candidat autonome gagne du terrain à Pôle emploi, et elle est associée avec le retour de la « transparence du marché du travail » dans son lexique officiel. Ainsi, la convention tripartite État / Unédic / Pôle emploi signée le 11 janvier 2012, donne pour objectif à lopérateur public d« accroître la fluidité et la transparence du marché du travail » (p. 20). Notons au passage que, comme dans le ve Plan de 1966, « transparence » et « fluidité » sont liées. Mais le plus intéressant est la façon dont est déclinée cette orientation générale en objectifs précis. Le premier est de « permettre aux demandeurs demploi de contacter directement des employeurs ». Il est associé à lindicateur de part des offres nominatives, quil sagit de porter de moins de 35 % fin 2011 à 50 % en 2014. Le second est de « rendre accessible aux employeurs 85les profils des demandeurs demploi ». Il est associé à lindicateur de « part des demandeurs demploi inscrits disposant dun CV Pôle emploi sur la banque de profils en ligne » (accessible par les employeurs sans lintermédiaire dun conseiller), qui doit passer de 20 % fin 2001 à 50 % en 201410. La figure du candidat autonome est donc associée à celle du recruteur autonome, dans le cadre dune mise en transparence du marché du travail assumant pleinement quune partie importante des appariements se fasse par le biais dun modèle dintermédiation purement informationnel.

Cest le plan stratégique « Pôle emploi 2015 », que lopérateur présente comme le projet mettant en œuvre la convention tripartite du 11 janvier 2012, qui explicite la manière dont il entend rendre compatible ce regain de « transparence » fondé sur lautonomisation et laccès désintermédié à linformation et la composante contre-sélective de sa mission dintermédiation. Le mot dordre est « faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin » (préambule, p. 3). Concrètement, loffre de services à destination des demandeurs demploi est déclinée en trois niveaux de services (« accompagnement renforcé », « accompagnement guidé », « suivi et appui à la recherche demploi », p. 15-17), allant dune intervention très active et structurante des conseillers, « pour les demandeurs demploi qui sont les plus éloignés de lemploi », jusquà une intermédiation essentiellement informationnelle, « pour les demandeurs demploi proches du marché du travail et autonomes dans leur recherche ». Cette nouvelle organisation est alors vue comme permettant de réaffecter les effectifs libérés par la numérisation des services destinés aux demandeurs demploi « autonomes » aux autres modalités dintervention plus lourdes destinées à « ceux qui en ont le plus besoin ». Mission dinformation et mission contre-sélective ne seraient plus alors en tension, mais articulées, permettant dassumer pleinement le retour de la « transparence » au cœur du vocabulaire officiel de linstitution.

Au total, dans le champ des politiques publiques, le paradigme de la « transparence du marché du travail » est composé de trois éléments que nous venons de mettre en évidence : la mise en forme du marché du travail par les biais des offres demploi, la gestion centralisée de ces offres et la figure du candidat autonome pouvant y répondre sans lintermédiation 86dun conseiller. Cette dernière composante est présente dès lorigine dans les services dintermédiation de lApec, mais ne saffirme que lentement à lANPE, et ce nest que dans le cadre de la création de Pôle emploi quelle est vraiment intégrée à la réflexion sur loffre de service : les prémices sont présentes dans le rapport Boulanger de 2008 (cf. encadré supra), et cest la convention tripartite de 2012 qui, comme nous venons de le voir, consacre la figure du candidat autonome, en esquissant dans le même temps celle, symétrique, du recruteur autonome. Le contexte de montée du chômage qui accompagne les premiers pas de Pôle emploi11 nest bien sûr pas étranger à cette stratégie : déjà désorganisés par la fusion avec le réseau des Assédic, les services de lopérateur doivent en outre faire face à un afflux de chômeurs qui conduit à envisager le libre-service comme modalité dajustement.

II. UN PARADIGME ALTÉRÉ
DANS UN MARCHÉ DU TRAVAIL NUMÉRISÉ

La « transparence du marché du travail » a toujours été étroitement associée à linnovation technique : le télégraphe et la presse rotative (notamment chez Molinari, qui évoque également le chemin de fer pour la mobilité des travailleurs), les premiers réseaux de télécommunication, les bases de données informatisées, le minitel (spécificité française) et, bien sûr, Internet. Mais nous soutenons ici que cette dernière innovation a progressivement créé les conditions dune altération significative du paradigme.

La mise en forme du marché du travail via les offres demploi reste, malgré la multiplication des dispositifs permettant de consulter des CV et des profils en ligne, le principal vecteur de circulation dinformations formalisées. La figure du candidat autonome se trouve quant à elle renforcée par le fait quInternet favorise le modèle dintermédiation informationnel, fondé sur la mise en relation directe entre candidats et recruteurs, dans un contexte de banalisation du discours sur lindividu « entrepreneur de lui-même ». En revanche, et cest lobjet de cette seconde partie, 87depuis quelques années, la collecte et la diffusion centralisées des offres demploi napparaît plus aujourdhui comme une composante essentielle de lactivité de mise en transparence des services publics de lemploi.

II.1. Pôle emploi et le chantier
« Transparence du Marché du Travail »

Le contexte dans lequel la notion de « transparence » réapparait dans le vocabulaire officiel de Pôle emploi, à partir de 2012, est particulièrement significatif de cette inflexion. Nous lavons déjà relevé, cest la convention tripartie signée le 11 janvier 2012 qui marque son retour, en relation avec des indicateurs dautonomie liés à un modèle dintermédiation informationnelle. Mais il ne sagit alors pas dun élément central : dans le document, qui compte 44 pages, « accroître la fluidité et la transparence du marché du travail » est un titre de 3e niveau, qui nest développé que sur une seule page et ne se traduit que par 2 indicateurs (sur un total de 15 pour lensemble de la convention).

Dans le plan « Pôle emploi 2015 », adopté par le conseil dadministration 10 jours après la signature de la convention, la place accordée à la « transparence du marché du travail » change profondément, ainsi quun élément primordial du paradigme qui lui était jusque-là classiquement associé. Lune des cinq « ambitions » affichées est de « contribuer à la transparence du marché du travail en assurant un large degré de publicité des offres et des demandes demploi ». Concrètement, le plan prévoit que « Pôle emploi démultipliera le nombre doffres demploi quil propose », notamment « grâce à de nouveaux partenariats avec les sites Internet emploi (job boards) » : dune part « les offres publiées par ces sites pourraient être référencées dans le cadre des recherches effectuées sur pole-emploi.fr avec renvoi sur les sites » et dautre part, « à linverse, la publication des offres de Pôle emploi sur ces plateformes sera recherchée dans le cadre de convention de réciprocité de fonctionnement » (p. 33).

Pôle emploi devient donc, de fait, « agrégateur doffres demploi », à la manière dun certain nombre dacteurs privés layant précédé dans cette activité (cf. infra). Il suit en cela la voie tracée un peu plus tôt par lopérateur public allemand, la Bundesagentur für Arbeit, dont lexpérience lui sert en partie de référence (une délégation est envoyée en Allemagne pour étudier la manière dont le service public dagrégation doffres demploi y est mis en œuvre).

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Notons que le dispositif prévoit également, dans une logique de « réciprocité », de permettre aux job boards de reprendre des offres collectées par Pôle emploi. La circulation des offres est donc prévue dans les deux sens : vers et depuis pole-emploi.fr. Cependant, la mise en œuvre du chantier TMT a très largement accordé la priorité au premier volet. Notons également que Pôle emploi 2015 comprend également un volet « demandes demploi », quil sagit là aussi de faire davantage circuler : « Pôle emploi rendra les demandeurs demploi volontaires davantage visibles auprès des recruteurs sur son site Internet mais également sur les autres sites Internet de recrutement ». Mais cette dimension a été la plus tardivement et la plus timidement développée, en raison notamment de discussions avec la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) sur la question du consentement de linternaute.

Concernant les offres demploi, sur lesquelles nous nous concentrerons ici, il sagit ni plus ni moins que de labandon de lidée selon laquelle la « transparence » doit passer par leur collecte et leur diffusion centralisée. Ce changement fondamental de paradigme est permis par une modification préalable du cadre gestionnaire de Pôle emploi dans la convention tripartite de 2012. Cette dernière marque en effet labandon de tout indicateur lié au nombre doffres collectées par lopérateur public. La question de sa « part de marché », dont la maximisation avait jusque-là été un objectif affiché, est totalement évacuée, ouvrant encore un peu plus la porte, après labandon officiel du « monopole de placement » en 2005, à labandon dune représentation de la « transparence du marché du travail » fondée sur la gestion centralisée des offres demploi.

Début 2017, sur les quelque 600 000 offres demploi consultables sur pole-emploi.fr, plus des deux tiers proviennent dune centaine de partenaires externes. Il sagit principalement de job boards privés, mais également dacteurs institutionnels (Apec, Apecita, fédérations professionnelles, etc.) et de quelques grandes entreprises. Si le principe est, comme pour les agrégateurs privés, de renvoyer le candidat vers le site émetteur de loffre, le programme TMT de Pôle emploi diffère sur un certain nombre dautres points essentiels. Une convention de partenariat est signée en amont et les job boards choisissent précisément le flux doffres demploi quils souhaitent diffuser via pole-emploi.fr. Par ailleurs, les job boards nont pas la possibilité de sponsoriser leurs offres pour les faire apparaître en tête de liste. Seuls les paramètres 89de la recherche et la date de loffre conditionnent sa position dans les résultats.

Dans le cadre de la réciprocité des partenariats, il était prévu que les offres collectées par lopérateur public puissent être reprises par les sites partenaires qui le souhaitaient. Or, ce volet « diffusion » apparaît à lheure actuelle largement sous-développé. De fortes résistances se sont fait sentir en interne, en particulier au niveau des conseillers, quant à la reprise par des acteurs privés des offres collectées par le service public. Dans ce contexte, lopérateur a avancé très prudemment sur ce volet de TMT. Il a dabord lancé dans quelques régions une expérimentation portant sur 3 000 offres « difficiles à pourvoir » envoyées à un nombre restreint de partenaires. Puis, courant 2015, la diffusion a été étendue à tout le territoire, tout en restant très encadrée : elle ne concernait que les offres diffusées depuis plus de quinze jours et ayant reçu moins de quatre candidatures connues par Pôle emploi, avec un objectif de 25 000 offres et vingt partenaires. Fin 2016, la possibilité a été donnée aux conseillers de lopérateur public de forcer la multidiffusion dès réception de loffre, avec laccord de lentreprise. Malgré ces assouplissements successifs, le dispositif reste très encadré et la sélection des partenaires bien plus stricte que pour le volet « agrégation ».

II.2. De la « transparence » par la centralisation
à la « transparence » par la circulation ?

Pôle emploi nest pas le seul acteur public en France à mobiliser lagrégation doffres demploi. Depuis 2015, les collectivités territoriales sont de plus en plus nombreuses à souhaiter disposer de tels dispositifs pour « mettre en transparence » le segment local de marché du travail correspondant à leur échelle de compétence. Lagrégateur français Jobijoba, qui a été le prestataire technique de Pôle emploi dans le cadre de TMT jusquen décembre 2015, sest fait une spécialité de leur proposer ce type de service en « marque blanche ». Début 2017, une quarantaine de collectivités locales françaises disposent ainsi de leur agrégateur doffres demploi locales, et parmi elles les villes de Paris, Bordeaux et Toulouse.

Par ailleurs, au niveau européen, un règlement davril 201612 prévoit la mise en place dune plateforme sur laquelle toutes les offres demploi 90rendues publiques par les services publics de lemploi nationaux devront être publiées. Ce texte, dans la lignée de la Stratégie Européenne pour lEmploi met en avant la nécessaire « transparence des marchés du travail » pour favoriser la mobilité au sein de lUnion : « transparency of labour markets and adequate matching capabilities, including the matching of skills and qualifications with the needs of the labour market, are important preconditions for labour mobility within the Union » (p. 8, paragraphe 47 de la version anglaise du règlement). Alors que lUE se contentait jusque-là dinciter les services publics demploi nationaux à lui envoyer les offres quils collectaient directement (ce pour quoi Pôle emploi, en particulier, na pendant longtemps pas manifesté beaucoup dentrain13), le nouveau dispositif devient non seulement obligatoire mais contraint également les opérateurs pratiquant lagrégation (notamment Pôle emploi et la Bundesagentur für Arbeit) à envoyer à la fois leurs offres propres et toutes les offres tierces quils diffusent.

Entre les initiatives locales, celles des services publics de lemploi nationaux et celle de lUE, laction publique pour la « transparence du marché du travail » tend à se déployer selon une configuration polycentrique fondée sur la circulation des offres demploi plutôt que sur leur collecte et leur accès centralisés.

Pour autant, cette circulation se heurte sur Internet à une difficulté de taille : labsence de langage de description commun. Dune part, les offres demploi sont publiées selon des formats de données hétérogènes qui nuisent à leur transfert dune base à lautre. Dautre part, il nexiste pas de lexique partagé par les acteurs pour qualifier les offres, notamment en termes de métiers et de compétences. Les opérations dagrégation et de multidiffusion sont donc rendues très complexes par une double hétérogénéité : au niveau syntaxique, et au niveau lexical.

Nous lavons dit, une « mise en transparence » centralisée permet de formaliser des repères collectifs de coordination via un système dinformation partagé. Les « investissements de formes » réalisés dans ce cadre permettent de traiter tant la question des formats de données que la dimension langagière (par létablissement de nomenclatures de référence). Au contraire, si la diffusion des offres est décentralisée, les 91différents sites demploi réalisent individuellement et séparément ce type dinvestissement, qui est au cœur de leur activité dintermédiation (Marchal, Mellet et Rieucau, 2005 ; Mellet, 2006). Et, dans le cadre dune « transparence » polycentrique, fondée sur la circulation des offres et leur agrégation en différents points du web, ces divers investissements de forme constituent pour linformation autant de barrières à franchir.

Comment les agrégateurs traitent-ils ce problème ? Les acteurs privés proposent essentiellement une recherche de mots-clés en plein texte sur le libellé des offres, enrichie par des techniques danalyse des données non structurées et de traitement automatique du langage naturel, qui permettent daffiner les requêtes ou de proposer dautres mots-clés sans pour autant procurer le même pouvoir de discrimination de linformation que les dispositifs proposés sur les sites des diffuseurs primaires des offres. Pôle emploi a, pour sa part, choisi dutiliser les mêmes outils de catégorisation que pour les offres qui lui sont directement adressées, en particulier sa nomenclature des métiers et emplois, le Rome. Cela suppose un traitement automatique qui affecte à chaque offre un code Rome par le biais dune analyse sémantique de son libellé, processus qui est soumis à un taux déchec élevé et engendre la perte dune partie des annonces transmises.

Une autre dimension de la diversité des investissements de forme est la difficulté à repérer les offres correspondant à un même emploi mais publiées sur différents sites et qui peuvent ensuite se retrouver en autant dexemplaires sur les agrégateurs. Les stratégies de ces derniers face aux offres doublonnées sont diverses. Certains acteurs privés ne les traitent pas, ou peu, pour maximiser le nombre doffres affichées. De même, certains acteurs publics se refusent par principe à exclure certaines des offres qui leur sont envoyées par leurs partenaires. Cest le cas de la Bundesagentur für Arbeit. À linverse, Pôle emploi a une politique très stricte de dédoublonnage. Mais, comme pour laffectation dun code Rome, celle-ci sappuie sur un traitement automatique qui est loin dêtre infaillible.

II.3. Quand le monopole de la « transparence du marché
du travail » échappe aux services publics de lemploi

Avant Internet, récolter des offres demploi et les rendre accessibles au plus grand nombre requerrait dimportantes ressources humaines et un réseau physique permettant un maillage fin du territoire. Les services publics de lemploi avaient de fait le monopole de la « transparence du 92marché du travail », dont ils étaient par ailleurs les détenteurs légitimes. Avec Internet, le coût dentrée sur le marché de lintermédiation informationnelle sest trouvé drastiquement réduit et la « mise en transparence du marché du travail » est ainsi devenue accessible aux acteurs privés.

Le web a dabord été mobilisé pour mettre en œuvre la recette classique de la « transparence ». Le dépôt doffre en ligne a facilité la collecte des offres demploi et laccès direct aux bases de données centralisées a été ouvert. Ce ne sont pas les services publics de lemploi qui les premiers mettent en œuvre ce modèle mais des acteurs privés développant des « job boards », larchétype étant Monster, acteur pionnier créé en 1994, dont le nom traduisait lambition de proposer une base de données « monstre », place de marché mondiale pour les candidats et les recruteurs. Lorsque les services publics de lemploi créent leurs propres services web (à la fin des années 90 en France), ils le font dabord au service de leur mission de centralisation.

Mais la dynamique portée par Internet sest au contraire avérée propice à la diffusion décentralisée des offres demploi. Il existe ainsi aujourdhui en France plusieurs centaines de job boards actifs et, notamment, un très grand nombre dacteurs qui se consacrent à un segment particulier du marché du travail (secteur, profession, compétence, zone géographique, etc.). Sajoutent à cela les espaces « carrières » des sites des entreprises, où elles publient directement leurs offres, et les sites des différents intermédiaires privés du marché du travail (entreprises de travail temporaire, cabinets de recrutement, etc.).

Face à léparpillement des offres demploi sur une multiplicité de supports à travers le web, de nouveaux acteurs de la « transparence du marché du travail » sont apparus : les agrégateurs doffres demploi. Les premiers apparaissent en 200014, mais cest en 2004 quest lancé, aux États-Unis, lacteur majeur du secteur, Indeed. Opérant en France depuis fin 2008, il y est aujourdhui le second site demploi le plus visité, derrière pole-emploi.fr. Au niveau mondial, il occupe selon ce critère la première position sur le marché numérique du travail. Son slogan, « One search. All jobs » (traduit sur les marchés francophones par « Un clic. Tous les emplois »), résume bien son ambition : pour chaque pays, rassembler en un unique lieu tous les emplois publiés sur le web. Comme de nombreux agrégateurs, Indeed se présente volontiers comme le « google de lemploi ». 93Son ergonomie reprend dailleurs les principes établis par le moteur de recherche généraliste : dune part, une page daccueil dotée dune interface de recherche très dépouillée et invitant à entrer des mots-clés en texte libre et, dautre part, des pages de résultats naffichant que les premières lignes des offres indexés, suivies de liens vers les sites émetteurs.

Les dirigeants dIndeed le présentent comme un service de centralisation des opportunités demploi au service de lintérêt général. Voici par exemple comment lactuel directeur général France le décrit : « Indeed nest pas un site demploi mais un moteur de recherche demploi. Très concrètement, nous centralisons les offres demploi de tout recruteur, quil sagisse des TPE, PME, grands groupes, entreprises privées ou secteur public. Chez Indeed, nous avons une seule et unique mission : “we help people get jobs” aussi notre objectif est de permettre aux individus en recherche daccéder facilement et simplement à lensemble des offres et de faire se rapprocher loffre et la demande demploi ». Il ne sagit pas dune centralisation a priori, concernant aussi bien la collecte des offres que leur diffusion, mais dune forme de centralisation a posteriori, qui saccommode dune prise doffre et dune mise en ligne décentralisées, et consiste ensuite à rassembler linformation pour y proposer un accès unique.

La mise en « transparence » ainsi produite souffre de plusieurs problèmes. Le premier, déjà évoqué plus haut, est la diversité des investissements de forme réalisés par les sites diffusant des offres demploi, qui joue négativement sur les possibilités de discrimination de linformation offerte par lagrégateur. Le second est quun certain nombre de job boards refusent que leurs annonces soient référencées. Ainsi, en France, Cadremploi, Leboncoin ou encore Pôle emploi, entre autres, ne sont pas présents sur Indeed, qui nagrège donc quune partie du marché numérique du travail. Notons que la problématique existe également pour les dispositifs dagrégation des services publics de lemploi : Pôle emploi na pas dans le cadre de TMT de partenariat avec Leboncoin. Enfin, un troisième problème est spécifiquement lié au modèle économique des agrégateurs privés, qui est fondé sur un système de sponsoring des offres au « coût par clic » (CPC) inspiré du dispositif Adwords de Google15 : 94un tel dispositif engendre un « biais de visibilité », en loccurrence une distorsion financière dans laccès à linformation, puisque ce sont les offres sponsorisées qui sont le plus souvent proposées aux candidats16.

Indeed se positionne donc en tant quintermédiaire entre les candidats et les diffuseurs doffres demplois, faisant payer aux seconds leur degré de visibilité auprès des premiers. Mais il est important de préciser quil sagit, pour une large part, dune intermédiation indirecte, passant par les moteurs de recherche généralistes, et notamment Google (Fondeur, 2017). Lagrégateur y est très bien référencé : une grande partie des requêtes formulées sur Google.fr contenant le mot-clé « emploi », un terme professionnel et éventuellement un lieu (par exemple : « emploi commercial Paris ») place ses pages dans les premières positions, les job boards, pourtant diffuseurs des offres, étant relégués plus loin. Pour y parvenir, il consacre certes un budget conséquent à lachat sur Adwords de mots-clés liés à lemploi, mais lagrégateur est également maître dans lart de sadapter aux algorithmes de classement de Google pour optimiser son référencement « naturel » (Search Engine Optimization – SEO). Indeed capte ainsi une proportion importante des clics des internautes recherchant un emploi via le moteur de recherche, et il est de fait parvenu à imposer un niveau dintermédiation supplémentaire entre Google et les diffuseurs doffres demploi.

Cette position est aujourdhui fragilisée par louverture par le moteur de recherche de son propre service spécialisé sur les offres demploi, Google for Jobs, opérationnel aux États-Unis depuis juin 2017. Avec une part de marché de la recherche en ligne estimée à 95 % en France, Google est la principale porte dentrée sur le web et, à ce titre, ses algorithmes de classement et son programme Adwords structurent déjà indirectement depuis longtemps la recherche demploi en ligne. En intervenant maintenant directement sur ce segment, le moteur de recherche cherche à récupérer une partie du marché de la visibilité capté par les agrégateurs. Comme Indeed, Google for Jobs est présenté en mobilisant également la sémantique de lintérêt général, mais en orientant davantage le discours vers les employeurs et leurs « difficultés de recrutement » : « 46% of U.S. employers say they face talent shortages and have issues filling open job 95positions. We want to better connect employers and job seekers through a new initiative » déclarait le PDG de Google lors de lédition 2017 la grande conférence annuelle organisée par le moteur de recherché à lattention des développeurs (Google I/O).

En parallèle de louverture de son service dagrégation, Google propose aux diffuseurs doffres demploi des normes de mise en forme et un outil supposé permettre de surmonter lhétérogénéité lexicale. Au niveau syntaxique, Google met ainsi en avant un format de donnée spécifique, dont il présente lutilisation comme condition de visibilité et de maintien des possibilités de discrimination de linformation après agrégation par son service17. Quant à la question du vocabulaire, le moteur de recherche entend la traiter en proposant un dispositif capitalisant, par le biais du big data, sur les investissements de forme déjà réalisés par les acteurs du secteur18 pour bâtir automatiquement des ontologies de métiers et de compétences de très grande envergure (Fondeur, 2017). Mais alors même que sa construction sappuie sur des données disponibles en ligne ce méta-investissement de forme relève dun modèle propriétaire et demeure une boîte noire.

Conclusion

Des trois piliers du paradigme de la « transparence du marché du travail », la centralisation semblait a priori le plus solide, cette dimension étant, dans la lignée du commissaire-priseur walrassien, au cœur des représentations dun marché efficient véhiculées par la théorie économique. Pourtant, la thèse défendue ici est qualors même que les politiques publiques de lemploi redoublent depuis quelques années de références à la « transparence du marché du travail », lidée se répand, et sincarne dans des dispositifs publics dintermédiation numériques que celle-ci pourrait être assurée par le biais de la circulation des offres demploi plutôt que via une gestion centralisée de leur collecte et de leur diffusion.

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Cette circulation se heurte néanmoins à labsence de langage de description commun, chaque acteur réalisant isolément ses propres investissements de forme, lesquels constituent alors pour linformation autant de barrières à franchir. La multiplication des diffuseurs a également un effet sur la qualité des offres demploi, qui tend elle aussi à devenir très hétérogène. Tous les sites emplois nont pas les mêmes exigences au moment du dépôt doffres et lagrégation peut donner une forte visibilité à des annonces demploi aux libellés incomplets, trompeurs voire illégaux. Dans les deux cas, des solutions existent, fondées sur des algorithmes mobilisant notamment les techniques de traitement automatique du langage naturel, mais ces dispositifs sont empreints de taux derreur et déchec très importants. On peut donc légitimement sinterroger sur la nature dune « transparence du marché du travail » qui, en devenant polycentrique, perdrait la dimension normalisatrice liée à la centralisation de la collecte et de la diffusion des offres demploi.

En France, la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique (dite « loi Lemaire ») confère à cette question une acuité particulière. Elle prévoit en effet quen 2018, les administrations devront mettre en ligne, dans un format ouvert, les bases de données, mises à jour de façon régulière, quelles produisent ou quelles reçoivent. Ces dispositions sappliquent à Pôle emploi, ce qui signifie que lopérateur public va devoir, dans les mois qui viennent, proposer une licence permettant aux acteurs qui le souhaitent de réutiliser sa base doffres demploi. Conjointement au règlement européen davril 2016 qui prévoit, également à horizon 2018, la mise à disposition sur la plateforme Eures de lensemble des offres demploi rendues publiques par les services publics de lemploi nationaux, ce nouveau cadre légal est de nature à accélérer fortement la transformation du paradigme de la « transparence du marché du travail » dans la stratégie numérique de Pôle emploi, car il aboutit in fine à combiner agrégation et multidiffusion des offres demploi par le biais de lopen data.

Cette accélération prévisible du basculement dun paradigme fondé sur la centralisation de la collecte et de la diffusion des offres demploi vers un modèle polycentrique et circulatoire nécessitera assurément dêtre accompagnée dinvestissements publics pour équiper le marché du travail numérique de dispositifs favorisant la circulation dune information de qualité aux possibilités de traitement préservées. Il posera 97par ailleurs avec force la question de la nature de lactivité des acteurs privés qui présentent leurs services dagrégation doffres demploi comme des dispositifs dintérêt général. Dans ce contexte, il apparaît utile de mener une réflexion approfondie non seulement sur le rôle de laction publique dans la régulation et la mise en forme des marchés numériques du travail, mais également sur ce qui sépare la « transparence du marché du travail » du marché de la visibilité des offres demploi.

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Vivés Claire, 2013, Linstitutionnalisation du recours aux opérateurs privés de placement au cœur des conflits de régulation du service public de lemploi (2003-2011), Thèse pour le doctorat en sociologie, sous la direction dAnnette Jobert, Université de Paris Ouest Nanterre, 583 p.

1 Je remercie vivement les deux rapporteurs et le comité de rédaction de la revue qui, par leurs remarques nourries, ont grandement contribué à la qualité de cet article.

2 Tous les extraits cités ici se trouvent p. 10605 du Journal officiel de la République française du 1er décembre 1965, qui publie le « Vème Plan de développement économique et social » en annexe de la loi No 65-1001 du 30 novembre 1965, en portant approbation.

3 Annuellement depuis 2009, après une première édition en 2006.

4 Mais pas toujours : ce nest pas le cas de lApec par exemple, qui dispose de peu de moyens pour cela.

5 « Those artificial devices that maintain, display or operate upon information in order to serve a representational function and that affect human cognitive performance » (Norman, 1991, p. 17).

6 Contribution à la préparation de la convention tripartite entre lÉtat, lUnédic et la nouvelle institution créée par la loi du 13 février 2008 [Pôle emploi], remis à la ministre de lÉconomie, de lIndustrie et de lEmploi (Christine Lagarde).

7 Vendu au groupe Touati en 2010 dans le cadre du recentrage des activités de lApec.

8 Rappelons le slogan évocateur de la campagne de communication lancée au début des années 2000 : « lApec, on na pas trouvé mieux pour trouver mieux ! ».

9 Notons que ce service de présélection a été retiré de loffre de service de lApec dans le cadre de la réorientation de lactivité de linstitution en 2010, avant dêtre réintroduit – mais pour les seules entreprises de moins de 250 salariés – par lavenant du 18 mars 2015 à son mandat de service public.

10 Demandeurs demploi en fin de mois (DEFM) de catégorie A, B, C.

11 Le taux de chômage français augmente de plus de 30 % entre 2008 et 2010.

12 Règlement (UE) 2016/589 du Parlement européen et du Conseil du 13 avril 2016 relatif à un réseau européen des services de lemploi (EURES), à laccès des travailleurs aux services de mobilité et à la poursuite de lintégration des marchés du travail.

13 Mi-2014, moins de 20 % des offres directement collectées par Pôle emploi étaient disponibles sur la plateforme Eures.

14 Notamment Flipdog aux États-Unis et Keljob en France.

15 Lannonceur alloue un budget à sa campagne, qui nest débité que lorsque des internautes cliquent effectivement sur ses liens, le CPC dépendant de lintensité de la demande sur les termes recherchés.

16 Notons quun tel de biais de visibilité existait dès les premiers agrégateurs. Cest le cas de Keljob, sur la base dun modèle économique un peu différent qui nétait pas fondé sur le CPC (Mellet, 2006, p. 135 et suiv.).

17 https://developers.google.com/search/docs/data-types/job-postings

18 Soit indirectement en les absorbant via les offres demploi publiées sur Internet, soit directement en intégrant des nomenclatures complètes en libre accès.