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Classiques Garnier

[Dédicace]

93

À toutes celles et à tous ceux qui auront vécu,

À toutes celles et à tous ceux qui seront morts

pour tâcher de porter remède au mal universel 1  ;

En particulier,

À toutes celles et à tous ceux qui auront vécu leur vie humaine,

À toutes celles et à tous ceux qui seront morts de leur mort humaine

pour tâcher de porter remède au mal universel humain ;

Parmi eux,

À toutes celles et à tous ceux qui auront connu le remède,

c est-à-dire :

À toutes celles et à tous ceux qui auront vécu leur vie humaine,

À toutes celles et à tous ceux qui seront morts de leur mort humaine 2

pour l établissement de la République socialiste universelle,

Ce poème est dédié.

Prenne à présent sa part de la dédicace qui voudra 3 .

Marcel et Pierre Baudouin.

1 Cette dédicace répond à Rerum novarum (1891), dont les chapitres se nomment : « Le mal social », « Le faux remède », « Les vrais remèdes ».

2 La dédicace dont les lignes finissent par le même adjectif prend des allures de litanie. Loin de tout humanitarisme (p. 35 de Florence Delay, « Lidiome de France », Esprit, no 238, décembre 1997, p. 34-43), Péguy songeait peut-être aussi aux « frères humains » de Villon.

3 Daniel Halévy voit dans la dernière ligne de la dédicace un trait de « malice populaire » (Péguy et les « Cahiers de la quinzaine » [1941], Livre de Poche, 1992, p. 44) ; André Rousseaux, au contraire, une « ironie frémissante dinquiétude à légard du petit nombre dâmes de bonne volonté qui répondront à lappel de lamour » (Le Prophète Péguy, La Baconnière, 1946, t. II, p. 27). Eugène Van Itterbeek en donne une interprétation plus simple et plus convaincante : « Le drame de 1897 est [] conçu comme une œuvre denseignement socialiste, dans le sens où lentendait Péguy. Cet enseignement nest en rien scolaire, il vise à transformer les hommes en vue de létablissement de la république socialiste universelle [] » (CACP 17, 1966, p. 146).