[Introduction de la première partie]
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Une formation au travail pour tous ?. La loi Astier, un projet pour le xxe siècle
- Pages : 45 à 46
- Collection : Histoire des techniques, n° 25
Le retour sur la fabrication de la loi est indispensable pour comprendre comment un projet de loi incapable d’aboutir pendant près de quinze ans est finalement adopté par la Chambre dans un grand consensus. L’état des lieux auquel se livre Gérard Bodé met en évidence les réalisations déjà substantielles, les formes de stratification distinguant différents niveaux de formation et de qualification, et les segmentations entre différentes tutelles administratives. Véritables vitrines du progrès, les expositions universelles incluent depuis leurs débuts, à la suite de l’exposition de Crystal Palace en 1851, les institutions d’enseignement technique et professionnel, et leur accordent une importance croissante. Les rapports officiels très détaillés rédigés à l’occasion des expositions constituent une source indispensable à condition d’en déconstruire les présupposés et les objectifs.
La compréhension du paysage de l’enseignement technique français au seuil du xxe siècle est également indispensable pour retracer la fabrication de la loi Astier. Les débats, jusqu’au début de la Grande Guerre, occupent des élus – maires, députés, sénateurs –, des fonctionnaires – membres de l’Association française pour le développement de l’enseignement technique (AFDET), bureaux et directions concernés au sein des ministères de l’Instruction publique et du Commerce et de l’Industrie –, ainsi que des patrons et leurs représentants. Plusieurs points clés animent ces débats, de l’opportunité d’une obligation de formation professionnelle pour les jeunes au lieu opportun pour assurer cette formation, promoteurs de l’école et partisans du lieu de travail opposant leurs arguments et identifient des solutions qui, parfois, combinent l’école et le travail. Cette élaboration heurtée de la loi se nourrit aussi, comme le montre Stéphane Lembré, de très nombreuses comparaisons 46internationales, pour s’inspirer de choix effectués à l’échelon national ou au niveau local, ou pour s’en écarter.
C’est précisément sur la mise en œuvre locale de la loi Astier dans les années 1920 que se penche Guy Brucy dans sa contribution, en confrontant les textes officiels et les conditions de mise en œuvre de la loi telles qu’elles apparaissent dans les archives départementales. Cette « autre histoire » de la loi Astier fait la part belle aux configurations locales qui façonnent la réception de la loi. La fréquentation des cours professionnels, l’accueil réservé aux suites de la loi (création de la taxe d’apprentissage, loi du 20 mars 1928 sur l’apprentissage) ou la réussite aux CAP sont autant d’indicateurs indissociables de l’action de la direction de l’Enseignement technique incarnée successivement par Edmond Labbé et Hippolyte Luc.
En abordant le cas de l’artisanat, Cédric Perrin déplace le regard de la loi Astier vers la loi dite Walter-Paulin du 10 mars 1937, en vertu de laquelle les chambres de métiers se voient attribuer un pouvoir important en matière d’apprentissage artisanal. Cette décision est étroitement liée dans les années 1920 et 1930 à la dynamique d’organisation de l’artisanat. Les divergences restituées dans ce texte permettent d’expliquer les termes de cette loi de compromis dont le déclenchement de la guerre rend les effets à court et moyen terme difficiles à mesurer. Néanmoins, comme pour la loi Astier, cette loi Walter-Paulin ne déclenche pas un bouleversement immédiat, y compris lorsque certaines chambres de métiers ont anticipé ce nouveau cadre. Dans l’ensemble, l’apprentissage artisanal reste une formation « essentiellement pratique », et les réticences des artisans à l’organisation de l’apprentissage artisanal se traduisent dans l’hostilité au CAP et la spécificité de l’examen de fin d’apprentissage artisanal.
- Thème CLIL : 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
- ISBN : 978-2-406-13038-3
- EAN : 9782406130383
- ISSN : 2264-458X
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-13038-3.p.0045
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 08/06/2022
- Langue : Français