Présentation des articles
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Lorand Gaspar, archives et genèse de l’œuvre
- Auteurs : Gourio (Anne), Leclair (Danièle)
- Pages : 17 à 20
- Collection : Rencontres, n° 299
Présentation des articles
Les articles ici rassemblés explorent la genèse de l’œuvre de Lorand Gaspar dans les directions diverses que le fonds d’archives a fait affleurer.
Découvrir ces archives, c’est d’abord entrer dans le mouvement d’une création continuée, que l’étude de quelques recueils précis est venue ici confirmer. La première partie de ce volume, selon un mouvement inductif, s’attache en effet au déploiement de trois œuvres particulières à partir de leurs propres dossiers génétiques. Michel Collot, Marie Bourjea et Anne Gourio se sont ainsi intéressés aux opérations privilégiées dans l’atelier de Genèse, d’Amandiers et de Judée. Les deux premiers mettent en relation un vivre et un écrire, et démontrent que la conception de la genèse du vivant (une genèse toujours relancée, déployant la force d’un recommencement) teinte la genèse des recueils en tant que tels. Le projet de Genèse suit ainsi le trajet complexe d’une hésitation entre poème cosmogonique et essai, avant de prendre la forme d’un poème « aéré » faisant une large place au silence et revenant en cela vers l’origine. Genèse témoigne en cela parfaitement d’un « engendrement continuel du poème par lui-même » (M. Collot). Les « différents états du texte » rejoignent donc, ainsi que le démontre aussi M. Bourjea, les « mouvements du monde ». Anne Gourio quant à elle, nuançant cette approche, montre qu’une issue se cherche dans les versions successives de Judée : la construction évolutive du recueil s’avère la voie conduisant vers un accord fragile entre l’Histoire et le paysage.
La genèse de l’œuvre est aussi abordée comme son arkhè, donc comme la charpente rendant possible les déploiements de l’écriture poétique. Une deuxième partie est alors consacrée à la conception du langage sous-tendant l’œuvre du poète, les fonds d’archives restant présents à l’appui des articles de Laure Himy (qui travaille sur le dossier génétique de « Corps corrosifs ») et d’Olivier Belin (qui s’attache aux nombreuses « Feuilles d’hôpital » éparses ou inédites). Tandis que Dominique Combe inscrit, pour mieux l’en détacher, l’œuvre de Lorand Gaspar dans le 18contexte du textualisme et entend rappeler la différence de nature entre « langage » et « parole », Laure Himy montre comment cette parole crée une communauté en acte et se détache de la circonstance pour répondre au partage d’une expérience sensible. Olivier Belin l’atteste à partir de l’expérience vive et douloureuse du médecin, et du rôle que remplit pour lui l’écriture de la note. Il s’attache aux enjeux que revêt l’écriture fragmentaire dans sa relation au support matériel de la « feuille ». Cette parole en prise avec l’existence est étudiée par Daniel Lançon dans sa dimension nomade, et l’on comprend que, si les nombreux articles méta-poétiques ici convoqués construisent une archive de l’œuvre, celle-ci refuse tout enracinement dans une pensée de l’origine.
Ouvrir les archives Lorand Gaspar, c’est par ailleurs entrer dans l’espace prolifique d’un dialogue de l’œuvre, tant avec celles de ses contemporains, qu’avec les champs esthétiques, philosophiques, scientifiques auxquels l’œuvre s’alimente. Les trois parties suivantes de ce volume explorent ces échanges et croisements, et mettent au jour de nouvelles sources du poème.
C’est d’abord aux « dialogues et résonances » que Catherine Mayaux, Danièle Leclair et Ridha Boulaâbi se sont attachés. La première met en évidence l’aura exercée par Saint-John Perse sur le jeune Lorand Gaspar et le rôle médiateur que sa réflexion sur les philosophes taoïstes a pu exercer sur sa poétique. Ensuite, Danièle Leclair tente de préciser la genèse de l’amitié de L. Gaspar avec Georges Séféris et montre comment la vision du monde d’un poète habité par les tragiques grecs a paradoxalement nourri l’œuvre gasparienne et profondément marqué les poèmes d’Égée, de La Maison près de la mer et de Patmos. L’article de Ridha Boulaâbi propose quant à lui, une lecture actualisante inattendue de Sol absolu : il démontre comment le recueil, par son usage des langues orientalisantes, offre un démenti cinglant, et anticipé, au terrorisme islamiste. Grâce à une analyse précise des strates de la langue arabe utilisée par L. Gaspar, il révèle les soubassements historiques, religieux et culturels d’une langue qui ne cesse de se modifier et fait de son « impureté » même une richesse, que les poèmes font revivre dans toute sa complexité.
La quatrième partie remonte aux sources philosophiques et médicales de l’œuvre. La correspondance abondante entre le poète et Philippe Rebeyrol (déposée en 2015 à l’IMEC) fournit le sujet de l’article de Maxime del Fiol, qui met au jour le rôle déterminant qu’aura eu Philippe 19Rebeyrol dans l’appréhension de la philosophie spinoziste chez Lorand Gaspar. On suit ainsi tout à la fois les époques de cet « apprentissage », mais aussi les points sur lesquels le poète résiste aux postulats du spinozisme. Patrick Née poursuit ce cheminement de la pensée : à partir de l’énorme dossier génétique d’Approche de la parole, il donne à assister à la genèse de l’essai, à travers ses renoncements et ses réorientations successives, « essai » qu’il distingue du « traité », en ce qu’il met en œuvre une pensée « paradoxale » qui relève du poétique. Jihen Souki se penche quant à elle sur le genre du poème scientifique, en explore la genèse à partir de l’influence qu’a eue le Corpus hippocratique sur la section « Clinique » d’Égée. C’est alors le poème que, dans l’étude d’une page détaillée, on voit littéralement naître sur le vif à partir de ses avant-textes documentaires. Alain Schaffner porte quant à lui un regard d’ensemble sur les relations entre poésie et médecine, et condense sur ce point les apports essentiels d’Approche de la parole autant que les voies ouvertes par les « Feuilles d’hôpital ».
Une cinquième partie introduit cette fois aux riches échanges avec les arts visuels ainsi qu’à l’espace fécond de la page, dans sa dimension plastique. Serge Linarès s’attache d’abord à la collaboration fructueuse entre L. Gaspar et Zao Wou-Ki : il montre comment celle-ci est le lieu d’un approfondissement, pour le poète, de la notion de vide médian, qui enrichit sa propre conception du vivant. Un autre mode de dialogue est étudié par Martine Créac’h, qui envisage le face à face entre les poèmes consacrés aux peinture pariétales du Tassili et les textes composés en hommage au peintre Arpad Szenes. Elle fait de cette rencontre entre l’immémorial et la modernité le lieu d’une méditation en acte sur la dimension inchoative et dynamique de l’art pour Lorand Gaspar. Jean-Baptiste Bernard s’inscrit dans une perspective proche : en étudiant de son côté l’espace de la page dans Sol absolu puis quelques caractéristiques plastiques de La Maison près de la mer, il s’attache à la puissance énonciative du poème comme acte. Enfin, Danièle Leclair étudie le regard de L. Gaspar-photographe ; à partir des photographies choisies dans le fonds de l’IMEC et projetées par Loran Bonnardot, elle dégage quelques caractéristiques fondamentales du langage photographique de L. Gaspar et précise la nature du dialogue original qui circule entre texte et image dans son album « Désert ». Un cahier de photographies inédites accompagne cet article.
20La dernière partie de cet ouvrage est constituée de traductions inédites de textes de Lorand Gaspar. Si son œuvre est déjà traduite dans plusieurs langues, elle reste encore peu accessible dans deux sphères géographiques qui ont pourtant été déterminantes dans sa vie et son écriture, celle du monde arabe et celle du monde grec. Alors que plusieurs articles soulignent ici même l’important travail de traduction réalisé par L. Gaspar, le poète Thanassis Hatzopoulos, lui-même lecteur de Séféris, comme L. Gaspar, et grand traducteur, propose une traduction en grec de la section « Connaissance de la lumière », extraite de Le Quatrième État de la matière, et Jihen Souki traduit en arabe des extraits de Sol absolu et de « Chant », tiré d’Approche de la parole.
Anne Gourio
et Danièle Leclair
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-06912-6
- EAN : 9782406069126
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06912-6.p.0017
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 07/04/2017
- Langue : Français