![Études digitales. 2020 – 1, n° 9. Capitalocène et plateformes. Hommage à Bernard Stiegler - Plateformes et numérique à l’époque de l’Anthropocène](https://classiques-garnier.com/images/Vignette/EdgMS09b.png)
Plateformes et numérique à l’époque de l’Anthropocène
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Études digitales
2020 – 1, n° 9. Capitalocène et plateformes. Hommage à Bernard Stiegler - Auteur : Flipo (Fabrice)
- Pages : 123 à 138
- Revue : Études digitales
Plateformes et numérique
à l’époque de l’Anthropocène
En 1990 paraissait Le Contrat Naturel1, sous la plume inattendue d’un philosophe plus connu pour ses travaux enthousiastes sur les techniques, notamment de communication. Il appelait de manière un peu énigmatique à élever la nature au rang de sujet de droit, ce qui provoqua entre autres l’ire de Luc Ferry2. En 2018 avant de disparaître Michel Serres a donné une nouvelle Préface, dans laquelle il s’inquiète de nouveau de l’état de la planète, allant même jusqu’à regretter de n’avoir pas assez pris le fait en cause dans son intérêt pour les techniques3. La position de Michel Serres, conjuguant ou tentant de conjuguer technologie et écologie est moins étrange qu’elle n’y paraît : une majorité d’écologistes adhère à ces thèses, à commencer par André Gorz4, dont la faisabilité concrète continue de poser question, et s’oppose à une autre position, « luddite » ou « antitechnologique5 », qui croit plutôt que la machine fait autant partie du problème que l’usage qui en est fait. Le numérique remet l’ouvrage sur l’établi : est-il bien raisonnable de considérer qu’un usage écologique de cette technique est possible ? Ou ne devons-nous pas plutôt nous préparer à son effondrement prochain ? L’Appel à communication évoque les mutations tardives du capitalisme et du travail, ainsi que les perspectives d’un nouveau contrat social, notamment dans le rapport à la nature. Une analyse en profondeur du travail est nécessaire avant de pouvoir en venir esquisser quelques pistes, notamment en ce qui concerne le numérique et les plateformes.
124Le contrat naturel à l’époque de la modernité
Le travail est dégagé petit à petit au xixe siècle suivant deux grandes orientations : libérale est socialiste, suivant les deux idéologies modernes qui prennent leur essor à ce moment-là, sur fond de lutte contre le conservatisme religieux6. Pour résumer très rapidement, le libéralisme sous ses différentes variantes soutient que les individus disposent en partage d’un bien de la nature minimal (le talent) qu’ils peuvent magnifier par le travail et offrir un bien sûr le marché, en échange d’un autre bien. Les gains réinvestis et l’ingéniosité dans l’échange conduisent à une croissance du capital qui à son tour permet d’augmenter la puissance du travail. Les libertariens de droite tels que Robert Nozick insistent sur le caractère absolu et irrévocable de la propriété privée7 tandis que les libertariens de gauche comme Peter Vallentyne soulignent l’opposé, à la suite de la clause de Locke8 : l’inappropriabilité de la nature, dans la mesure où elle n’est pas un produit du travail9. La nature se trouvant partout, dans tous les objets et toutes nos œuvres, aucune d’entre elles ne peut être complètement appropriée. La position de John Rawls est intermédiaire puisqu’il limite l’inappropriabilité de la nature aux seuls talents10, qui doivent être mis au service de la coopération commune. Les débats entre économistes classiques vont tourner tout autant autour de l’origine de la valeur (quelles professions ? Quelles activités ? Quelles ressources) que sa répartition (travail, capital), les deux étant souvent liées dans la mesure où déterminer l’origine de la valeur revient souvent à désigner le facteur qui doit rémunérer.
La conception socialiste étend la position rawlsienne. Elle considère le travail comme la source même de la valeur économique, mesurée de différentes manières ; généralement, le temps de travail socialement nécessaire affecté d’un coefficient relatif à la qualification. La thèse des 125libertariens de droite est dans le fond assez proche de celle de Proudhon, quand il constate que « tous les raisonnements que l’on a imaginés pour défendre la propriété, quels qu’ils soient, concluent toujours et nécessairement à l’égalité, c’est-à-dire, à la négation de la propriété11 ». Les deux principales justifications de la propriété sont en effet l’occupation (droit de premier occupant, par exemple, ou d’héritage) et le travail ; or l’occupation dépend de la quantité de nature disponible, pour qu’il y en ait pour tous, et le travail ne produit jamais rien seul. La propriété, c’est donc toujours du vol ; c’est « le droit d’aubaine que le propriétaire s’attribue sur une chose marquée par lui de son seing12 ». La nature vient de nouveau égaliser les conditions. Le socialisme proudhonien voit la machine comme l’antithèse de la division du travail, comme une manière de faire tenir ensemble les diverses particules du travail que la division avait séparées. « Qu’est-ce, en effet, qu’une machine ? Une manière de réunir diverses particules de travail que la division avait séparées. Toute machine peut être définie un résumé de plusieurs opérations, une simplification de ressorts, une condensation du travail, une réduction de frais. Sous tous ces rapports, la machine est la contrepartie de la division. Donc, par la machine, il y aura restauration du travailleur parcellaire, diminution de peine pour l’ouvrier, baisse de prix sur le produit, mouvement dans le rapport des valeurs, progrès vers de nouvelles découvertes, accroissement du bien-être général13 ». L’intelligence se forme donc dans l’histoire : « avec l’introduction des machines dans l’économie, l’essor est donné à la Liberté. La machine est le symbole de la liberté humaine, l’insigne de notre domination sur la nature, l’attribut de notre puissance, l’expression de notre droit, l’emblème de notre personnalité14 ». Le libéral Charles Dunoyer, qui définit la liberté comme « ce pouvoir que l’homme acquiert d’user de ses forces plus facilement, à mesure qu’il s’affranchit des obstacles qui en gênaient originairement l’exercice », n’a vu que le négatif, dit Proudhon : il n’a pas vu que la liberté n’est pas l’attribut de l’homme mais celui 126de la civilisation15. Car seul l’homme travaille16. « Qu’est-ce donc que le travail ? Nul encore ne l’a défini. Le travail est l’émission de l’esprit. Travailler, c’est dépenser sa vie ; travailler, en un mot, c’est se dévouer, c’est mourir. Que les utopistes ne nous parlant plus de dévouement : le dévouement, c’est le travail, exprimé et mesuré par ses œuvres17… ». En l’état d’indivision, la richesse croit comme le nombre des individus ; avec la division du travail elle croît comme le carré du nombre des travailleurs. « Avec la division du travail machines, le commerce, le crédit, et tout l’appareil économique, la terre offre à l’homme des ressources infinies18 ». L’enjeu n’est pas d’abolir la liberté, comme dans la communauté, mais de la socialiser19, car abolir la liberté c’est aussitôt détruire la société. « Au point de vue de l’économie politique, le progrès de la société consiste donc à résoudre incessamment le problème de la constitution des valeurs, ou de la proportionnalité et de la solidarité des produits » ; la synthèse n’est pas encore en vue, mais elle doit être l’objet de notre étude, de nos pratiques20.
Marx suivra une autre voie, non de l’indépendance et de la proportionnalité21 dans la société civile mais de la révolution et finalement, chez les marxistes, du rôle central de l’État, dont Proudhon se méfiait. Là encore un rôle central est accordé à la machine22 : « Par le rapide perfectionnement des instruments de production et l’amélioration infinie des moyens de communication, la bourgeoisie entraîne dans le courant de la civilisation jusqu’aux nations les plus barbares […] La bourgeoisie a soumis la campagne à la ville. Elle crée d’énormes cités [et] arraché une importante partie de la population à l’abrutissement de la vie des champs. […] La bourgeoisie, au cours d’une domination de classe à peine séculaire, a créé des forces productives plus nombreuses et plus colossales que ne l’avait fait tout l’ensemble des générations passées. La mise sous le joug des forces de la nature, le machinisme, l’application de la chimie à l’industrie et à l’agriculture, la navigation à vapeur, les 127chemins de fer, les télégraphes électriques, le défrichement de continents entiers, la navigabilité des fleuves, des populations jaillies du sol : quel siècle antérieur aurait soupçonné que de pareilles forces productives sommeillaient au sein du travail social ? ». Le développement technique brise le féodalisme ; ensuite « Les rapports bourgeois sont devenus trop étroits pour contenir les richesses qu’ils ont créés […] la bourgeoisie n’a pas seulement forgé les armes qui la tueront, elle a produit aussi les hommes qui les manieront : les ouvriers modernes, les prolétaires ». « Le prolétariat seul est une classe vraiment révolutionnaire. Les autres classes déclinent ou périssent avec la grande industrie ; le prolétariat au contraire en est le produit le plus authentique ». L’humanité se développe au travers d’un processus de sécularisation, ce qui permet une désacralisation de la nature, qui devient disponible pour sa mise en forme « consciente » et rationnelle, y compris dans les tréfonds du corps humain. L’esprit s’affirme sur la matière. L’Homme s’affronte à la nature. L’âge d’or est devant nous. « Dans une phase supérieure de la société communiste, quand aura disparu l’asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel ; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital ; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement l’horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses drapeaux : “De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins23 !”. Mais cet aboutissement n’est pas immédiatement visible aussi les ouvriers doivent-ils être éclairés. Ils doivent par exemple éviter de s’en prendre aux machines, tels les Luddites24 : « il faut du temps et de l’expérience avant que l’ouvrier apprenne à distinguer la machinerie de son utilisation capitaliste, et donc transférer ses attaques du moyen matériel de production lui-même à la forme sociale d’exploitation de celui-ci25 ».
128La nature, dans ces constructions, est un matériau brut, une « ressource » qui ne prend de valeur que dans sa mise en forme par le travail et le capital. L’émergence de l’écologisme dans les années 1960 et 1970 provoque une remise en question. Trois attitudes dominent dans un premier temps, du côté socialiste : soit une négation pure et simple de l’enjeu, au motif qu’il ne s’agit que d’un discours malthusien de la bourgeoisie visant à stigmatiser l’excès de pauvres et de consommation des pauvres ; soit une lutte ou un « front secondaire » continuant de dépendre de l’issue de la lutte des classes, sans remise en cause de priorité ni de stratégie (H.M. Enzenberger26, économistes du PCF27) ; soit encore comme un changement de paradigme qui pousse certains marxistes à s’orienter vers l’écologisme, et à critiquer le marxisme qui leur paraît rétrospectivement soutenir le développement capitaliste, entendu comme accumulation illimitée de forces productives (A. Lipietz28, J.-P. Deléage29). Des courants minoritaires dans le libéralisme cherchent à provoquer de leur côté un changement dans l’investissement et les modes de vie (exemple du Club de Rome, composé en partie d’industriels), sans bouleversement social ; cela alors que le libéralisme reste tourné dans son ensemble vers une orientation très fortement croissanciste, comme en témoigne encore le prix Nobel 2018, Paul Romer, qui considère la nature sous l’angle de la combinatoire infinie perceptible au travers de la lecture du tableau des éléments périodiques, ce qui lui permet d’anticiper une croissance d’au moins 5 milliards d’années30, sans aucune considération sur la faisabilité ou l’utilité des combinaisons.
Alors que l’écologisme possède de fortes bases théoriques dès les années 1960 (Illich, Ellul, Charbonneau, Gorz etc.), qui pour une part mettent déjà en cause le mode de développement qui s’étend à l’échelle planétaire, avec des effets déjà perçus comme étant d’ampleur « géologique » (Club de Rome etc.), libéralisme et socialisme structurent leur réponse plus tardivement. Du côté libéral émerge l’idée d’un capital 129naturel à préserver (durabilité « forte », capital naturel « critique » etc.). Du côté socialiste et marxiste, diverses thèses sont proposées, au tournant des années 1990, qui correspondent à la fois au Sommet de Rio et à un score électoral élevé des écologistes en politique : O’Connor (la double contradiction entre capital et travail et entre capital et nature)31, J.B. Foster (le capitalisme détruit la terre et le travailleur)32, J. Moore (le capitalisme se développe en consommant de la « cheap nature »), M. Postone (le « moulin de discipline » de la valeur33), J. Bidet (le travail payé à sa juste valeur)34 et J.M. Harribey (le travail comme rapport social, la nature comme richesse)35. Nous montrerons leurs apports et leurs limites. En particulier se développe un débat autour du capitalisme et du productivisme, avec l’idée, côté écologiste, que le socialisme n’est le plus souvent qu’un capitalisme d’État, ou que capitalisme et socialisme sont deux formes du productivisme, lequel se définit d’abord comme un rapport à une certaine forme de travail. Deux définitions du capitalisme émergent, et divergent entre elles : d’un côté le capitalisme comme accumulation de capital, fortement critiqué par l’écologisme mais assez largement accepté par le socialisme, pourvu que le contrôle de ce capital soit collectif, dans la mesure où le capital n’est ici que du travail matérialisé, et de l’autre le capitalisme comme propriété privée des moyens de production, faiblement contesté par l’écologisme, pour qui l’entrepreneuriat vert est une piste de changement, mais fortement mis en cause par le socialisme, pour qui il est synonyme d’accaparement de la décision et des bénéfices en matière d’économie politique.
Aucune de ces thèses n’admet que la nature puisse travailler, thèse qui est pourtant soutenue avec insistance sous diverses formes par le mouvement écologiste : l’UICN (concept de « services écologiques »)36, Odum (concepts d’exergie et d’emergie)37, en partie repris pas Yves Cochet (le travail du pétrole, et plus généralement des machines), Jocelyne 130Porcher (le travail des animaux domestiques)38. Plusieurs arguments vont en ce sens. Un premier argument est la définition même du concept de travail. François Vatin a montré que le travail défini par la science physique (symbole « W ») a été élaboré en référence à l’activité déployée par le cheval (d’où le « cheval-vapeur »). Il y a là plus qu’une simple analogie39 : c’est une filiation conceptuelle étroite, qui conduit à libérer la puissance du feu, pour reprendre l’expression d’Alain Gras40, ou celles des moteurs, pour faire référence à Virilio41. Un second argument est évidemment l’exploitation du travail vivant de la nature, développé sous diverses formes par de multiples auteurs, ces dernières années ; évoquer l’exploitation indique que le travail des êtres vivants ne se réduit pas à une simple dépense d’énergie. Dans ce domaine a souvent été opposé l’argument classique de l’impossibilité de rémunérer la nature. Des contre-arguments existent tels que la thèse du don et du contre-don42 : la nature peut être « payée » en biens matériels, de même d’ailleurs que le salaire permet au salarié d’avoir accès aux biens produits. Par leur circulation, les biens assurent nourriture et santé c’est-à-dire l’intégrité de l’être considéré, qu’il soit humain ou non. Un troisième argument dérive des travaux sur les plantes et animaux qui montrent qu’ils ne sont pas sans monde, au sens d’Arendt : le travail entendu comme simple reproduction de la vie ne les définit donc pas entièrement. Le « web of life » est un système communicant et créateur, avec lequel un échange coopératif est possible, comme le montra déjà Kropotkine43.
131L’émergence du numérique et des plateformes
Ceci étant rappelé, comment interpréter le rôle des plateformes ? Essayons tout d’abord de mieux cerner ce qu’elles sont. Le concept de « marché biface » (ou « multiface »), fréquemment utilisé pour les désigner, induit en erreur, étant largement dépend du cadre conceptuel de l’analyse économique néoclassique. La plateforme semble en effet ne fournir rien d’autre que de la mise en relation, c’est-à-dire : du réseau, un moyen de circuler. Mais comme l’ont montré les nombreux travaux sur les réseaux la structuration de celui-ci est déterminante dans la forme que vont prendre les relations qui se jouent entre les différents « nœuds ». Soit la forme est « distribuée » et chaque « nœud » permet de prendre plusieurs directions ; soit elle est centralisée et un nœud devient incontournable, pouvant tirer parti de sa position dominante pour profiter d’une rente. Le fait n’est pas neuf : l’histoire du capitalisme fait état de nombreux épisodes de cet ordre, telles que la domination de Western Union devenue AT&T aux États-Unis. Un brevet, finalement, c’est un nœud par lequel tout usager doit passer. L’histoire des réseaux numériques peut être relue comme l’opposition incessante d’un modèle de réseau à un autre, dont l’issue est encore partiellement incertaine, comme le soulignent les travaux historiques tels que ceux de Patrice Flichy44 ou de Fred Turner45, mettant en scène deux grandes catégories de libertaires, qui ne sont pas sans rappeler les libertariens de droite et les libertariens de gauche : les grandes entreprises telles qu’IBM et les hippies, puis les hackers, qui se saisissent dans les années 1970 et la revendication marcusienne d’une technologie appropriée46. Les caractéristiques des réseaux ont été la base de discours utopiques, puisant notamment dans les Grundrisse47 et de la thèse du General intellect48 ou de la « technologie-carrefour49 », c’est-à-dire somme toute cette idée proudhonienne suivant laquelle l’unité (ne) peut se réaliser (que) via 132les machines ; dans L’homme et la Terre (1905-1908) Élisée Reclus faisait déjà l’éloge du chemin de fer, et de nombreuses utopies socialistes se sont appuyées sur cette idée suivant laquelle les réseaux techniques sont une condition nécessaire du progrès humain. Saint-Simon illustre l’ambiguïté que cette thèse peut prendre, faisant l’éloge des réseaux, des travailleurs… mais aussi des banquiers, catégorie qu’il ne considérait pas comme improductive50. La définition qu’il propose de « l’industriel » peut être interprétée de manière libérale ou socialiste : « un industriel est un homme qui travaille à produire ou à mettre à la portée des différents membres de la société, un ou plusieurs moyens matériels de satisfaire leurs besoins ou leurs goûts physiques51 ».
La mise en relation que les plateformes autorisent est analogue à la place de marché au centre d’un village : c’est un espace de mise en relations de consommateurs et de vendeurs qui peut être gérée de diverses manières, soit laissée aux rapports de forces, soit être planifiée de manière centralisée, soit organisée de manière coopérative suivant l’égalité et la proportionnalité proudhoniennes (ainsi la création des Bourses du travail, « nœud » organisant le travail). La mairie doit, comme la plateforme, détenir des informations extrêmement importantes pour les vendeurs, et pour les acheteurs. Elle peut « fausser le jeu » avec des règles qui permettent ou non à de nouveaux entrants de s’installer ; ou conduire des petits acteurs à se retirer, incapables de lutter en termes par exemple de technicité ou de technologie, pour laisser leur place à d’autres. Venir à la place du marché représente une économie pour les vendeurs comme pour les acheteurs, dans la mesure où ce lieu les « coûts de transaction », réduit des deux côtés. La place de marché est en situation de « monopole naturel », c’est un bien collectif voire un bien public (non rivalité et non exclusivité) ; c’est un « commun » au sens de Dardot et Laval (co-obligation et co-activité)52, sinon en fait, du moins en droit. Suivant la théorie néoclassique elle-même ces biens appellent un contrôle collectif, généralement celui de l’État. C’est le cas de tous les réseaux : ils ne sont pas un bien que l’on peut s’approprier de manière privative, puisqu’ils permettent aux acteurs individuels de circuler ou 133de faire circuler leurs informations, bien et services, et de se rencontrer ; ils sont ce qui permet la circulation des biens privés. L’histoire montre cependant que différentes solutions ont été adoptées, dépendantes des cultures nationales : si la France a vu l’État jouer un rôle important, depuis le télégraphe optique de Chappe, le Royaume-Uni a plus souvent laissé jouer l’initiative privée. Les travaux de Patrice Flichy ne montrent pas de supériorité de principe de l’une ou l’autre approche, en termes de processus global de développement, mais elle laisse assez largement dans l’ombre la question des inégalités et des rapports de force53.
En matière de numérique la mémoire manque et l’on invente souvent des concepts qui, replacés dans le temps long, deviennent incongrus : ainsi songerait-on à appeler « marché biface » l’activité d’une mairie autour de son marché, au motif que celle-ci voit successivement les vendeurs se rendant au marché et les consommateurs qui sont les administrés ? La mairie agence pourtant « l’offre » et la « demande », de manière plus ou moins encastrée54. Elle organise la rencontre, et prélève au passage un montant forfaitaire sur la chaîne de valeur. Les marchés constituent une occupation privative du domaine public donnant lieu au paiement d’une redevance perçue sous la forme de droits de place et de droits divers (article L2224-18 du Code Général des Collectivités Territoriales) ; le Maire prend les mesures nécessaires pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique dans les foires et marchés. Amazon fait la même chose, mais dans un espace public virtuel (car sans coprésence physique) transnationalisé : la compagnie alloue des emplacements sur le marché et prélève 3 euros par livre envoyé par un vendeur auprès d’un consommateur. AirBNB, Uber, Caradisiac, Doctolib et tant d’autres plateformes sont sur un modèle similaire. Comme tout bien collectif la plateforme ou la mairie peut être gouvernée par des conservateurs (qui limitent la participation des individus sur des bases ethniques ou culturelles), arrivés au pouvoir par des phénomènes fascistes transformant les foules en masses hargneuses55, c’est-à-dire en réseau centralisé, dans lequel chaque nœud est isolé et 134ne peut entrer en contact avec les autres qu’en passant par le « texte public56 » du centre tout-puissant, avec des effets sériels massifs qui ont marqué les media studies ; ils peuvent aussi être des exploiteurs jouissant d’une rente de situation, par exemple parce que le pouvoir est attribué sur la base de la lignée, et non de l’élection. Mais la mairie peut aussi jouer le rôle de tiers de confiance, si son but est de faciliter la coopération. Les plateformes ne sont donc pas intrinsèquement « collaboratives » : les concepts « d’économie collaborative » ou même « contributive » sont fallacieux, dès lors qu’ils confondent le droit de retrait du participant (qui existe sur n’importe quel marché) avec une gouvernance participative. Le numérique ne pose problème que parce qu’il crée de nouvelles formes de travail qui ne sont pas encore codifiées, et peuvent donc être très mal défendues par le Code du travail existant. La situation est similaire à celle des agriculteurs quittant leurs réseaux de solidarité pour venir tenter leur chance dans l’industrie, au xixe siècle. Les gains pouvaient être importants, tant que l’industrie avait besoin de bras, jusqu’à ce que l’afflux de main-d’œuvre ne provoque la constitution d’une armée de réserve et n’engendre une course des salaires à la baisse. À l’instar des forgerons, les informaticiens sont l’élite du salariat numérique, car possédant un savoir rare et peu transférable.
Le numérique a cependant certaines caractéristiques bien particulières, outre la conjonction de l’électronique et du binaire (qui remonte à Leibniz). La première est d’être un outil dépendant d’une capitalisation très élevée, bien plus que le chemin de fer. Il est dépendant d’un macrosystème technique57 qui va des machines qui fabriquent les outils etc. jusqu’aux écoles formant les ingénieurs. Le système est très largement transnational, d’où une seconde caractéristique : l’extraterritorialité relative de ces outils ; « relative » dans la mesure où la Chine a les siens sur son territoire, par exemple, à la différence de la France, la dépendance à l’égard d’outils importés n’est pas une question entièrement nouvelle. Si l’on relit les rapports fondateurs (Nora-Minc 1978, Mattelart & Stourdzé 1983, Lemoine 1991, Théry 1994, Maurey 2010 etc.), le numérique est décrit comme facilitant les échanges, la mondialisation, engendrant des effets rappelant par certains côtés la phase de nationalisation des 135économies, au cours du xixe siècle, et l’émergence conflictuelle de l’État-nation. Comme le suggère Jacques Bidet ce qui émerge avec la mondialisation économique est l’État sinon mondial du moins régional58, l’abolition des localismes nationaux : l’échelle politique de structuration de l’action est donc la troisième caractéristique, qui justifie par exemple que Negri et Hardt aient pu interpréter l’émergence de contre-publics tels que l’altermondialisme comme le passage à l’âge des multitudes. Une quatrième caractéristique, en lien avec la première, est que le numérique constitue une troisième révolution industrielle, au sens où elle s’inscrit parfaitement dans la lignée des deux autres à savoir orienter vers la croissance économique et ce marché mondial que Marx anticipait de ses vœux (Marx, Le Manifeste). Le débat provoqué par la célèbre remarque de Solow59 semble clos. Favorisant la productivité et donc l’augmentation de la production et de la consommation, le numérique a également accéléré la destruction de la biosphère, comme on pouvait s’y attendre, en témoigne l’impact écologique sans cesse croissant des pays les plus développés, y compris ces dernières décennies, constat qui va à l’encontre de discours sur la « dématérialisation de la croissance », qui n’a eu lieu que de manière illusoire. Jamais les économies n’ont été aussi matérielles.
Les plateformes ne sont donc nullement venues « relayer » les industries extractives en tant que moteur du capitalisme, comme le suggère l’Appel à Contributions : ces industries sales et destructrices non seulement existent toujours mais le numérique lui-même dépend entièrement d’elles, et le fait devient évident dès lors que l’on mesure l’impact matériel des économies avancées au-delà de leurs frontières60, mettant fin à l’illusion de « dématérialisation » entretenue par divers acteurs, mais qui n’a jamais eu le statut que de promesse mensongère, destinée à désamorcer toute critique proprement écologiste du numérique, le temps qu’il s’installe en situation de monopole radical61 ; objectif en passe d’être atteint, au moins dans les pays développés. Le numérique 136« génère » moins qu’il ne capte une part importante de la valeur, mais là aussi la continuité est forte, dans la mesure où les activités d’extraction sont classiquement celles qui touchent le moins de valeur, dans la chaîne de valeur, ainsi sont-elles souvent reléguées dans des pays qui sont eux-mêmes relégués (avec des exceptions notables, telles que l’Australie, le Canada ou les États-Unis). Elles captent d’ailleurs une large partie de la valeur dans les pays industrialisés eux-mêmes, alimentant les « fractures françaises » et autres Gilets Jaunes, qui tentent de survivre en fournissant leur force de travail à des entreprises organisées en un réseau centralisé. Celui-ci permet l’accumulation de fortunes jamais vues, et l’exercice de l’arbitraire le plus total dans leur administration, les propriétaires richissimes tels que Bill Gates ou Jeff Bezons semblant se passionner principalement pour leur propre survie.
Les plateformes inscrivent leur activité dans les réseaux techniques existants : elles utilisent les voitures, les imprimeries et autres outils industriels préexistants. Elles fabriquent du réseau, organisent la mise en relation, qui peut être motivée très classiquement par le gain économique, aussi bien que par le militantisme politique. Ce sont finalement des organiseurs, un peu comme le sont les comptabilités, les annuaires, les entrepreneurs ou encore les mairies. Il n’est donc pas étonnant que les courants les plus schumpétériens se soient enthousiasmés. Indirectement, elles réorganisent l’économie et les modes de vie, mais sans rupture avec ce qui a caractérisé les sociétés de croissance depuis 150 ans. C’est une rupture, oui, mais à l’intérieur d’une continuité ; c’est une rupture sur une variable de rang 2, ce qui relativise la « disruption » en cours et permet de jauger de l’ampleur d’une disruption qui romprait avec la croissance, qui constitue la variable de rang 1. Or c’est cela qui est à l’ordre du jour, avec l’écologie. Les effets de rang 2 ne sont pas négligeables pour autant. Le numérique, en permettant la mise en place de réseaux alternatifs aux pouvoirs établis, dans tous les domaines (médias, école, production artistique etc.) a provoqué un effet indéniable de démocratisation, au sens de réappropriation partielle des pouvoirs. Mais la reproduction élargie du capital dont il est issu portait en elle un mouvement de centralisation contre lequel la lutte est difficile, et parfois maladroite, car comme le suggère Patrice Flichy certains mouvements utopistes ont eu tendance à croire ou à donner à croire que le fait de construire des alternatives sans se soucier de l’État ni du droit serait suffisant pour inverser la tendance. 137Le marxisme classique qui focalise sur la prise de l’État se rappelle ainsi au bon souvenir des courants libertaires.
Conclusion
Que faire ? Le théoricien ne peut proposer que quelques pistes, il n’est pas le leader d’un parti politique ou d’un mouvement social. Le cadrage général de la solution que nous explorons depuis plusieurs années est celui de la décroissance à savoir un ensemble de politiques impliquant une réduction du PIB, cette rupture pouvant être agie (action sur l’État ou par les moyens de communautés utopiques) ou subie (effondrement, par exemple il est tout à fait possible que la famine revienne en raison du changement climatique, cela dans un contexte fortement numérisé). Nous proposons donc de rompre avec 150 ans de construction patiente des sociétés de croissance, cela pour cinq grandes catégories de raisons, a minima : écologique, économique (matérielle, entropie), démocratique, anthropologique et spirituelle. Le défi est de taille, les hippies l’ont perdu dans les années 1970. La décroissance implique en premier lieu de perdre espoir dans la fable de mondialisation économique et destruction des localismes envisagés par Marx dans le Manifeste, enjeux qui l’avaient amené à se prononcer pour le libre-échange, dans un célèbre discours bruxellois. Cette piste n’implique pas de « revenir » au local-ethnique sur lequel s’appuient par exemple certains décroissants catholiques, mettant en avant famille, nation et religion62. Le local est en réalité le biosphérique, le « Terrestre » (B. Latour, encore que celui-ci soit ambigu)63 : l’insertion scientifique et démocratique dans le « web of life » planétaire, sous critère d’égalité d’espace écologique, celui-ci étant entendu comme compris entre un plancher de moyens accessibles à tous et un plafond limité par la disponibilité globale des ressources. Ce principe conduit à diagnostiquer la nécessité d’une réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre françaises, par exemple. Les scénarios de réduction 138forte s’appuient très peu sur le numérique. Les solutions efficaces sont le plus souvent de type « low tech ». Elles impliquent de rompre avec le capitalisme et plus spécifiquement avec la croissance, celle-ci ayant été poursuivie dans de nombreux régimes socialistes et communistes, y compris jusqu’à nos jours (Équateur, Venezuela, Chine notamment). Impliquant de rompre avec le high-tech, elles impliquent aussi possiblement de rompre avec le numérique. Le Rojava ou le Chiapas ne s’appuient que très partiellement sur le numérique, par exemple. Le fondement de la coopération n’est pas le numérique mais l’insertion dans une toile de la vie dynamique et évolutive : une nature en projet et non simplement cyclique. L’écologie devient le « grand intégrateur ».
Fabrice Flipo
Institut Mines-Télécom BS
Laboratoire de Changement Social et Politique, Université de Paris
1 Michel Serres, Le contrat naturel, Flammarion, Paris, 1999.
2 Luc Ferry, Le nouvel ordre écologique, Gallimard, Paris, 1992.
3 Michel Serres, Le contrat naturel, Le Pommier, Paris, 2018.
4 André Gorz, Les chemins du paradis, Galilée, Paris, 1983 ; Capitalisme, socialisme, écologie, Galilée, Paris, 1991 ; Fabrice Flipo, « André Gorz, de l’existentialisme au salut par les TIC », Sens public, 2017 <http://sens-public.org/article1241.html>.
5 Val Dusek, Philosophy of technology, Blackwell, Oxford, 2006, chap. 11.
6 Jacques Droz, Histoire du socialisme, PUF, Paris, 1974, Tome 1 ; Karl Mannheim, Idéologie et utopie, Éditions de la MSH, Paris, 2006.
7 Robert Nozick, Anarchie, État et Utopie, PUF, Paris, 1988 (1973).
8 John Locke, Deuxième traité du gouvernement civil, Vrin, Paris, 1985 (1690), chap. v.
9 Peter Vallentyne, « Left-Libertarianism and liberty », in Contemporary Debates in Political Philosophy, ed. by T. Christiano and J. Christman, Blackwell, Oxford, 2009.
10 John Rawls, Théorie de la justice, Seuil, Paris, 1995 (1971).
11 Pierre-Joseph Proudhon, Qu’est-ce que la propriété ? Recherche sur le principe du droit et du gouvernement, Librairie de Prévot, Paris, 1841 (Gallica).
12 Ibid., p. 162.
13 Pierre-Joseph Proudhon, « Philosophie de la misère », in Œuvres complètes, Librairie Internationale, Paris, 1867, Tome 1, p. 140.
14 Ibid., p. 143.
15 Ibid., p. 145–46.
16 Joseph Proudhon, « Philosophie de la misère », in Œuvres complètes, Librairie Internationale, Paris, 1867, Tome 2, p. 349.
17 Ibid., p. 350.
18 Ibid., p. 351.
19 Proudhon, Tome 1, p. 66.
20 Ibid., p. 104–5.
21 Ibid., p. 304.
22 Karl Marx, Le Manifeste du Parti Communiste, 10/18, Paris, 1962 (1847).
23 Karl Marx et Friedrich Engels, Critique Du Programme de Gotha et d’Erfurt, 1875.
24 Vincent Bourdeau, François Jarrige, and Julien Vincent, Les Luddites, Eres, Paris, 2006) ; Cédric Biagini et Guillaume Carnino, Les Luddites en France : résistance à l’industrialisation et à l’informatisation, L’Échappée, Paris, 2010 ; Nicolas Chevassus-au-Louis, Les briseurs de machines : de Ned Ludd à José Bové, Seuil, Paris, 2006.
25 Karl Marx, Le Capital, PUF, Paris, 1993 (1867), Livre 1, chap. v et xv.
26 Hans M. Enzensberger, « Critique of Political Ecology », New Left Review, 84, 1974.
27 Guy Biolat, Marxisme et environnement, Éditions Sociales, Paris, 1973.
28 Alain Lipietz, « L’écologie politique et l’avenir du marxisme », Congrès Marx International, Paris, 1995 ; Alain Lipietz, Choisir l’audace – une alternative pour le xxie siècle, La Découverte, Paris, 1989.
29 Jean-Paul Deléage, Histoire de l’écologie, La Découverte, Paris, 1991.
30 Paul Romer, « Post-Scarcity Prophet », Reason, December 2001 <https://reason.com/2001/12/01/post-scarcity-prophet-2/> [Consulté le 27 Aout 2019].
31 James O’Connor, « Capitalism, Nature, Socialism : A Theoretical Introduction », 1, 1, 1988, p. 11–38.
32 John B. Foster, Ecology against Capitalism, Monthly Review Press, New York, 2002.
33 Moishe Postone, Temps, travail et domination sociale, Mille et Une Nuits, Paris, 2009 (1986).
34 Jacques Bidet, Théorie générale, PUF, Paris, 1999.
35 Jean-Marie Harribey, La richesse, La valeur et l’inestimable : Fondements d’une critique socio-écologique de l’économie capitaliste, Les Liens qui Libèrent, Paris, 2013.
36 https://uicn.fr/services-ecologiques/
37 Edward Odum, Écologie, HRW, Montréal, 1976 (1963) ; Edward Odum, Environment, Power and Society, Wiler, New York, 1971.
38 Jocelyne Porcher, Vivre avec les animaux : une utopie pour le xxie siècle, La Découverte, Paris, 2014.
39 François Vatin, Le travail et ses valeurs, Albin Michel, Paris, 2008.
40 Alain Gras, Le choix du feu : aux origines de la crise climatique, Fayard, Paris, 2007.
41 Paul Virilio, Vitesse et politique : Essai de dromologie, Galilée, Paris, 1977.
42 Alain Caillé, Philippe Chanial, et Fabrice Flipo, « Ce Que Donne La Nature. Présentation », Revue Du Mauss, 42, 3 (2013), p. 5–23.
43 Pierre Kropotkine, L’entraide : un facteur de l’évolution, Aden, Bruxelles, 2015.
44 Patrice Flichy, L’imaginaire d’internet, La Découverte, Paris, 2001.
45 Fred Turner, Aux sources de l’utopie numérique, C&F Éditions, Caen, 2012 (2006).
46 Herbert Marcuse, L’homme unidimensionnel, Éditions de Minuit, Paris, 1968 (1964).
47 Karl Marx, Grundrisse – Manuscrits de 1857-58, Éditions Sociales, Paris, 1980 (1857).
48 Antoni Negri and Michael Hardt, Empire, Exils, Paris, 2000.
49 André Gorz, Les chemins du paradis, Galilée, Paris, 1983.
50 Claude de Rouvroy de Saint-Simon, « Catéchisme des industriels », in Œuvres complètes, E. Dentu Éditeur, Paris, 1868, Volume 8, IV, p. 17.
51 Ibid., p. 3.
52 Pierre Dardot et Christian Laval, Commun : Essai sur la révolution au 21e siècle, Paris, La Découverte, 2013.
53 Patrice Flichy, Une histoire de la communication moderne : espace public et vie privée, La Découverte, Paris, 1991.
54 Karl Polanyi, La Grande transformation, Gallimard, Paris, 1983 (1944).
55 Gustave Le Bon, Psychologie des foules, PUF, Paris, 2003 (1895) ; Serge Moscovici, L’âge des foules – un traité historique de psychologie des masses, PUF, Paris, 1985 ; Serge Moscovici, Psychologie des minorités actives, PUF, Paris, 1996 (1979).
56 James C. Scott, La domination et les arts de la résistance : fragments du discours subalterne, Amsterdam, Paris, 2008.
57 Alain Gras, Les macro-systèmes techniques, PUF, Paris, 1997.
58 Jacques Bidet, Op. cit., 1999.
59 Robert Solow, « We’d Better Watch Out », New York Times Book Review (New York, 12 July 1987), p. 36.
60 Voir ce rapport très complet, qui montre qu’aucune dématérialisation n’est à l’œuvre : Decoupling debunked – Evidence and arguments against green growth as a sole strategy for sustainability. https://eeb.org/library/decoupling-debunked/
61 Ivan Illich, Œuvres complètes, Fayard, Paris, 2004.
62 Gaultier Bès de Berc, Axel Rokvam, et Marianne Durano, Nos limites, Le Centurion, Paris, 2014.
63 Bruno Latour, Où atterrir ? La Découverte, Paris, 2017.
- Thème CLIL : 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
- ISBN : 978-2-406-11521-2
- EAN : 9782406115212
- ISSN : 2497-1650
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11521-2.p.0123
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 26/05/2021
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : collapse, écologie, philosophie, Anthropocène