Royalty as a Metaphysical Function On the Mystical Politics of Afḍal al-Dīn Kāshānī
- Publication type: Journal article
- Journal: Éthique, politique, religions
2021 – 1, n° 18. Philosophie politique et arts de gouverner à l’Âge classique de l’Islam - Author: Ganjipour (Anoush)
- Pages: 117 to 131
- Journal: Ethics, Politics, Religions
La royauté
comme fonction métaphysique
Sur la politique mystique d’Afḍal al-Dīn Kāshānī
Dans l’histoire prémoderne de la pensée islamique, le xiie siècle n’est pas un siècle comme les autres. Un siècle qui commence avec le moment Ghazālī (m. 1111) et le choc de son Incohérence des philosophes, et qui se termine à vrai dire avec le début de l’invasion de la terre d’Islam par les Mongols en 1219, événement qui va changer du tout au tout le visage civilisationnel, social, politique et bien entendu intellectuel du monde musulman. Si l’on choisit ces deux repères – l’un plutôt d’ordre intellectuel et l’autre d’ordre politique – pour déterminer ce siècle singulier dans l’histoire de la pensée islamique, l’une de ses caractéristiques majeures se fait d’emblée voir : l’interaction particulièrement intense entre les circonstances socio-politiques et l’évolution de la pensée islamique.
En effet, pendant ce siècle, la pensée islamique classique, dans ses différentes branches ou courants, atteint une richesse inégalée. Du péripatétisme des falāsifa jusqu’au kalām, la philosophie ishrāqīe, la mystique spéculative ou le soufisme, tous les branches ou courants de la pensée islamique y cohabitent grâce à un ou plusieurs de leurs représentants prodigieux, figures telles qu’Averroès (1126-1198), Ibn Ṭufayl (1105-1185), Avempace (1080-1138), Fakhr al-Dīn al-Rāzī (1149-1209), Sohravardī (1154-1191), Omar Khayyām (1048-1131), Ibn ‘Arabī (1165-1241) ou encore ‘Ayn al-Qoḍāt Hamadānī (1098-1131)1. La constellation est impressionnante, mais à elle seule elle n’explique pas la singularité du xiie siècle. S’il constitue un tournant dans l’histoire de la pensée islamique, c’est surtout parce qu’à travers lui cette pensée va se réorienter au moins dans sa tendance hégémonique. Conformément à la nouvelle orientation qu’elle se donne, elle met en place la convergence progressive 118des discours philosophique, mystique et théologique ; partant, elle réorganise ses parties théoriques et redéfinit son rapport avec les savoirs pratiques ; dans la suite de la critique du péripatétisme par Ghazālī, elle modifie également son rapport avec l’héritage grec. À travers une telle réorientation spectaculaire, ce sont l’acte même de penser, sa méthode et sa visée principale que la pensée islamique remet en chantier et révise : il y va de ce qu’on peut appeler la « crise de la raison islamique » au xiie siècle2.
Dans cette réorientation de la pensée islamique et la restructuration de son discours, la pensée politique n’est pas épargnée, loin s’en faut : on peut dire que sa transformation résume même les principaux enjeux de la crise en question. En effet, l’interaction avec les circonstances socio-politiques pousse la pensée islamique à reconsidérer avant tout son propre rapport avec la vie politique. Désormais, il s’agit de concevoir sous une nouvelle modalité la relation entre la métaphysique et le politique. Ce changement de modalité de plus en plus marqué s’exprime de diverses façons. Dans l’ordre des savoirs, la place de la pensée politique ne sera plus la même. D’une part, la cité politique change sa signification pour la pensée politique et, in fine, pour la pensée tout court. D’autre part, le régime politique idéal de cette cité et son chef subissent des changements analogues : leurs natures, leurs fonctions ou les sources de leur légitimité sont repensées. Les éléments mystiques irriguent la pensée du politique et, dès le xiie siècle, laissent leur impact sur la forme même de son discours. La fin précipitée de la philosophie politique islamique à proprement parler n’est qu’un des symptômes de cette reconsidération critique et globale. En est un autre la transformation parallèle qui se constate dans le contenu et parfois le genre même des Miroirs des princes.
Un court traité politique du xiie siècle, Sāz va pirāyah-ye shāhān-e pormāyah [L’équipement et l’ornement des rois vertueux], fournit une illustration parfaite de cette transformation et de l’ensemble de cette reconsidération critique dont la pensée politique fait l’objet dès cette époque. Conçu à mi-chemin de la philosophie politique et des Miroirs, ce traité rédigé par Afḍal al-Dīn Muḥammad Kāshānī (1155-1213 ou 14) laisse perplexe aussi bien à cause de sa forme que de son contenu. Ce qui est 119sans doute l’une des raisons du lourd silence des recherches modernes autour de ce texte3.
L’auteur et son œuvre
Parmi les penseurs musulmans du xiie siècle, Kāshānī est sans doute l’un des moins connus. À l’échelle plus globale, l’historiographie de la pensée islamique ne lui accorde qu’une place assez discrète4. Comme si elle avait du mal à identifier un penseur et une œuvre l’un aussi 120atypique que l’autre. Poète soufi, penseur crypto-ismaélien, théoricien de la mystique spéculative ou métaphysicien ésotérique dans la lignée de Sohravardī : Kāshānī est à la fois tous et aucun. Rédigée entièrement en persan, son œuvre, elle, présente une exception dans une tradition où la pensée métaphysique s’exprime d’abord en arabe pour garantir sa circulation et sa réception partout en terre d’Islam. Aussi du point de vue formel, c’est une œuvre peu commune : au lieu des sommes systématiques, elle est constituée d’une part de courts traités métaphysiques et, de l’autre, d’une partie poétique composée essentiellement de quatrains5. Cette œuvre hybride a fait à son auteur un sort paradoxal en Iran même et dans l’espace persanophone : Kāshānī est devenu un poète célèbre et fort populaire grâce à ses quatrains, plus connu sous son pseudonyme poétique, Bābā Afḍal ; mais cette notoriété a laissé largement dans l’ombre son travail de métaphysicien.
Faudrait-il pour autant considérer l’auteur de L’équipement comme un penseur mineur ? Plusieurs aspects de l’œuvre de Kāshānī prouvent précisément le contraire. Son originalité métaphysique dans la tradition islamique, la radicalité du projet spéculatif de son auteur ou la contribution décisive de cette œuvre à la consolidation et à la maturité du langage philosophique persan, constituent autant d’aspects qu’il faut noter sans trop s’y attarder6. En revanche, un autre aspect, qui est fort instructif sur la nature de L’équipement et ses rapports avec d’autres textes, réside dans la manière exemplaire dont l’œuvre de Kāshānī récapitule et représente le tournant du xiie siècle. Comme S.H. Nasr l’a déjà fait remarquer, l’approche métaphysique de Kāshānī va jusqu’à anticiper le processus de synthèse progressive des différentes écoles islamiques de philosophie et de sagesse, processus qui ira atteindre son point culminant avec l’œuvre monumentale de Mollā Ṣadrā au xviie siècle7.
121Connaître les raisons d’un tel caractère représentatif serait éclairant pour nous. En fait, sans avoir guère le souci du système ou des exigences formelles pour construire une œuvre philosophique, Kāshānī semble tout d’abord être saisi, voire hanté, par le programme sur lequel se concentre dorénavant la pensée islamique et par son enjeu, à savoir la perfection spirituelle de l’homme. Avec un acharnement qui traverse ses écrits, il y revient sans cesse pour articuler théoriquement le programme et son enjeu, pour en préparer une base pédagogique destinée à ses propres élèves et aussi pour en tirer les conséquences sur les plans à la fois théorique et pratique. Cette visée conduit le penseur vers une sorte de syncrétisme dépouillé dans sa méthode et dans les moyens spéculatifs qu’il adopte pour réaliser son projet. Comme on le verra, il puise aussi bien dans l’héritage de ses prédécesseurs musulmans que dans les doctrines de ses contemporains. Mêmes les traités aristotéliciens ou hermétiques, qu’il traduit de l’arabe en persan8, suivent la même visée : ils servent à étayer son projet métaphysique et pédagogique, mais révèlent en même temps le nouveau rapport – rapport post-péripatéticien, disons – que la pensée islamique entretient désormais avec l’héritage grec.
Son temps et sa pensée
Kāshānī est né et mort à Maraq, un bourg – aujourd’hui plutôt un village – proche de Kashan et, à l’époque, sur le chemin d’une autre grande ville de l’Iran central, Ispahan. À en croire le peu d’informations que l’historiographie et ses propres écrits nous fournissent, il passe l’essentiel de sa vie dans son pays natal9. Au xiie siècle, le pouvoir principal qui règne sur la région iranienne continue à être l’empire Seljukide. Cependant, le déclin de l’empire, les rivalités des princes Seljukides ou leurs émirs devenus trop puissants ainsi que la naissance 122ou renaissance d’autres antagonistes, tout cela fait notamment de l’Iran central la scène des conflits politiques ou des menaces permanentes de guerre. Les grandes villes de cette région, y compris Kashan et surtout Ispahan, la capitale stratégique des Seljukides, sont au centre de ces conflits entre les prétendants Seljukides, les rois de plus en plus puissants de la dynastie des Khwarazmshahs, les souverains locaux qui développent leur pouvoir depuis le nord de l’Iran et, bien sûr, le règne des Imams ismaéliens (nizārites) qui veut s’étendre à partir de leurs trois forteresses importantes en Iran, à Alamut, à Quhistān et, la dernière, Shāhdiz, justement tout près d’Ispahan10.
À cette carte politique répond la situation religieuse dominant l’ensemble de la région. L’Iran central du xiie siècle est effectivement une plaque tournante religieuse et idéologique. À peu près, tous les courants ou doctrines influents de l’Islam y coexistent et sont en conflit, y compris dans les mêmes villes11. Certaines villes comme Kashan constituent la zone d’influence des différentes branches du shi’isme, surtout l’ismaélisme12. À Ispahan, en revanche, une politique de persécution des ismaéliens est mise en place après leur pogrom en 1101 et surtout dès le passage du pouvoir entre deux princes héritiers Séljukides en 1105, c’est-à-dire de Bark-Yāruq à son frère, Muḥammad ibn Malik Shah13. Durant le même siècle, la ville devient progressivement la « capitale du sunnisme » en Iran14. Mais même là, malgré la situation politique relativement stable, la paix religieuse ne s’installe pas tout à fait : cette fois, c’est la rivalité entre le les deux écoles sunnites, à savoir le hanafisme dominant sous les Seljukides et le chafiisme dissident, 123qui fait perdurer le conflit religieux et le clivage au sein de la « capitale du sunnisme ». De façon générale, les conflits religieux et politiques se répondent partout et se prolongent les uns les autres dans une ambiance où l’accord, l’unité et la paix semblent des idéaux inaccessibles.
La paix n’est-elle pas justement l’une des visées du syncrétisme de Kāshānī, cette méthode dont la signification historique serait plutôt la recherche d’un certain œcuménisme spéculatif ? En poursuivant cette ligne, il n’est pas difficile de donner une interprétation de l’ensemble du projet de notre auteur : dire qu’en élaborant une pensée entièrement centrée sur la vie intérieure et isolée de l’homme, sur ses exercices spirituels ou sur son bonheur intellectuel, Kāshānī n’a fait que suivre la voie commune à plusieurs de ses contemporains philosophes ou soufis. Une pensée qui, à la recherche du salut, propose de quitter pour de bon la cité chaotique et la communauté politique des hommes : une telle interprétation serait un peu trop simpliste sur le rapport de la pensée de Kāshānī à la politique.
Si l’on veut reconstruire de manière schématique cette pensée, il faut dire que la théorie de connaissance constitue son squelette. Elle permet à notre penseur de faire le lien entre sa théologie (son idée du tawhīd), sa cosmologie, son anthropologie et aussi son eschatologie. Au centre de tous ces savoirs, Kāshānī situe son idée de l’Intellect (‘aql ou kherad)15 : c’est à partir d’elle que chacun se déploie comme un domaine de la connaissance16 ; et c’est aussi en s’organisant autour d’elle qu’ils peuvent constituer les moyens hiérarchiques et les étapes du salut de l’homme, un salut foncièrement intellectuel. Dans la mesure où il identifie l’Intellect à l’être même (khod-e vojud)17, Kāshānī peut intégrer l’ontologie dans sa théorie de la connaissance.
Du néoplatonisme jusqu’aux philosophes musulmans, cette identification n’est pas nouvelle, elle constitue même un lieu commun. Avec Kāshānī, elle s’accentue pourtant : être un étant veut dire tout d’abord être l’objet de la connaissance. C’est même le cas de l’Intellect qui est avant tout l’objet de sa propre connaissance. D’après notre penseur, 124l’Intellect comprend tout ce qui est intelligent et intelligible (tout ce qui est), car lui-même est simultanément le sujet et l’objet absolus de sa connaissance ; mais s’il peut être tel, c’est parce qu’il n’est au fond rien d’autre que sa pure connaissance de soi. Être l’Intellect, c’est donc réaliser le degré le plus intense de la connaissance de soi, une connaissance de soi qui devient l’unité spontanée du connu et du connaissant avec la connaissance elle-même. Ainsi, Kāshānī s’approprie, sous sa forme sobre, une thèse qui, depuis Farabi et Avicenne, se trouve au centre de la théorie de connaissance dans la pensée islamique et qui préoccupera de plus en plus ses penseurs dans les siècles à venir18. Comme Sohravardī, il identifie ensuite une telle Connaissance-Intellect-Être avec la Lumière même19 : seulement grâce et dans cette connaissance, dit-il, les choses ont une présence plénière et transparente, elles obtiennent chacune l’existence maximale et entièrement actualisée qui leur revient.
Toute cette théorie de la connaissance semble n’avoir chez Kāshānī qu’une seule visée : sous-tendre sa doctrine de l’homme parfait. De tous les étants, l’homme est le seul à avoir une constitution analogue à l’Intellect. Doté de son intellect individué, il est le sujet de connaissance. Et, étant le microcosme, il constitue pour sa propre connaissance un objet qui contient en puissance tous les autres objets. En se connaissant, l’homme atteindra donc deux objectifs en même temps : d’une part, il obtient par l’analogie la connaissance de tout ce qui existe dans l’univers, c’est-à-dire le macrocosme. Mais, de l’autre, il prend conscience de soi en tant qu’il n’est, dans son existence réelle, rien d’autre que l’intellect même. La perfection de l’homme consiste en effet à son devenir-intellect.
Pour les prédécesseurs de Kāshānī, comme Farabi, Avicenne ou Sohravardi, cette perfection intellective de l’homme se produit par la jonction avec l’Intellect agent. Ce qui distingue la conception de Kāshānī, c’est que la perfection ne semble plus dépendre de cette jonction passive. L’homme se perfectionne à travers un processus qui l’amène à lui-même, 125plus exactement à son soi : plus il se connaît, plus il se réalise dans son existence parfaite. Son devenir-intellect est ainsi le stade ultime d’un processus réflexif, à savoir sa connaissance de soi. Arrivé à ce stade, l’homme parfait comprendra toutes choses, et cela dans deux sens : il saisit leur significations véridiques et gnostiques ; mais à travers cette connaissance, il possède également toutes choses dans leurs existences effectives et vraies20. Une doctrine si radicalement intellectualiste et égocentrique, quelle place pourrait-elle alors laisser à une quelconque pensée politique ? On comprend mieux pourquoi L’équipement pourrait mettre mal à l’aise le lecteur de Kāshānī.
Analyse du traité
Dans l’édition critique des écrits de Kāshānī, L’équipement occupe 28 pages in-octavo. Le traité se divise en trois parties. La première est une clarification sur deux points : a) la définition de l’essence et de la fonction ontique de la royauté ; 2) la description du monde dans lequel cette royauté s’inscrit, un monde qui a lui-même une structure fondamentale monarchique à en croire Kāshānī.
Afin de clarifier le premier point, suggère l’auteur, il suffit de se pencher sur le mot roi (pādshāh) qui est un « titre ancien », c’est-à-dire un titre appartenant à l’histoire et à la sagesse de l’Iran préislamique. Par une étymologie certes fictive mais tout à fait significative de sa propre vision, Kāshānī divise le mot persan en deux parties : sa première partie, pād, signifie selon notre auteur à la fois « veiller sur » (pā’idan) et « maintenir » (dārandagi) ; sa seconde, shāh, désigne le « principe » (‘aṣl) et le « maître » (khodāvand). L’essence de la royauté, explique Kāshānī, réside très exactement dans l’association des deux parties dans le mot pādshāh. Le roi est le principe et le maître qui possède une chose et, par là même, la maintient et veille sur elle21. Par rapport à ses inférieurs, on peut dire qu’il a la position d’arkhé, d’autant plus que son soin et son maintien possessif ne sont pas dissociables, l’un est même identique à l’autre.
126Si le roi est l’arkhé, c’est surtout parce que son soin ou maintien renvoie à une fonction spécifique pour Kāshānī. Veiller sur une chose, précise-t-il, consiste à la protéger contre son contraire. Car l’existence de toute chose est seulement menacée lorsqu’une chose contraire ou incompatible avec elle s’en approche. Son néant (nisti) ou son imperfection (noqṣān) n’adviennent qu’à cause d’un tel rapprochement. La protection royale a aussi un second versant. Le roi est cette instance qui, en éloignant les contraires, favorise du même coup l’association d’une chose avec ce qui est compatible (movāfeq) et homogène avec elle. On voit encore mieux en quoi il constitue une arkhé : en assurant cette fonction double, ajoute Kāshānī, le roi « protège les existences et conduit à l’achèvement ce qui est inachevé22 ».
Mais de cette fonction primordiale du roi se déduit également ce qui est une de ses caractéristiques essentielles et un aspect de son statut. Car s’il peut protéger toute chose qui lui est inférieure et l’accompagner à son existence achevée, cela veut dire que, par principe, le roi n’est lui-même contraire de rien ; et, en retour, aucune des choses inférieures n’est à même d’entrer en contrariété avec lui. Or, déduit Kāshānī, ce qui n’a pas de contraire dans l’univers, c’est l’Être même ; c’est lui qui est le plus général et comprend tous les étants, lui qui, on l’a vu, n’est autre chose que l’Intellect. Dans la monarchie ontologique de Kāshānī, l’Intellect a par conséquent le statut du roi de l’univers.
Dans la première partie de L’équipement, la description de l’univers se poursuit par une esquisse de son hiérarchie monarchique, alors que le traité commence à révéler sa structure qui suit de près celle des traités politique de Farabi. Chaque niveau de l’être, continue Kāshānī, est placé sous le règne d’un roi qui occupe une position symétrique par rapport aux rois supérieurs ou inférieurs, et qui assure les fonctions analogues. Si l’on passe du premier niveau de l’être, où le roi est l’Être-Intellect, au deuxième niveau, à savoir celui des corps célestes, on y retrouve le royaume de l’Âme. Par rapport à l’Être-Intellect, l’Âme est subordonnée mais, par rapport au roi du niveau inférieur, la Nature, elle est souveraine. La Nature, elle, est en effet le roi des substances élémentaires, c’est-à-dire au niveau le plus inférieur sur le chemin où l’être descend de l’Origine divine jusqu’à la matière. Kāshānī fait entendre que cette Origine se situe elle-même au-delà de tous les niveaux identifiables : 127là où il n’y a plus de niveau, on retrouvera l’ipséité divine (hoviyyat-e ḥaqq) laquelle subordonne tout, et tout d’abord l’Être-Intellect. Dans cet ordre monarchique de l’univers, une règle est structurante : chaque roi est le représentant (khalifa) du roi supérieur pour son propre niveau23.
Une telle hiérarchie qui structure le chemin de descente a son équivalent symétrique sur le chemin du Retour. Sur le premier chemin, la structure monarchique distribuait des places fixes aux étants simples et les ordonner. Sur le chemin du Retour, les étants se composent et leur composition permet de passer d’un niveau inférieur à un niveau supérieur. Des minéraux jusqu’aux hommes en passant par les plantes et les animaux, la constitution (mezāj) des étants devient de plus en plus composée et, partant, plus apte à la perfection, et cela dans la mesure où la composition permet à l’étant de profiter des propriétés de ses composantes. Cette capacité nous conduit à ce qui distingue les étants sur le chemin du Retour. Contrairement aux étants sur le chemin descendant depuis l’Origine, explique Kāshānī, ils ont deux facultés : une faculté qui leur permet de récupérer (setāndan) et une faculté pour rejeter (radd kardan) et éloigner. Par la première, chaque étant peut absorber ce qu’il lui faut pour atteindre l’existence maximale qui lui revient ; par la seconde, il peut éloigner ce qui lui est inutile ou nuisible par rapport à cette fin24.
Parmi les étants composés, c’est l’homme qui a la constitution la plus complexe. Comme les deux facultés de récupérer et de rejeter se trouvent chez lui à leur état le plus développé, il profite des propriétés de tous les étants qui sont sur le chemin du Retour, les surpasse dans la perfection et les domine. C’est à cause d’une telle constitution que l’homme a même le potentiel de devenir identique à l’Intellect mais sur le chemin du Retour : devenir comme lui, le représentant (calife) de Dieu et à la fois le roi de tous les étants inférieurs. Seulement, tout cela n’est qu’un potentiel chez l’homme quelconque. Même les hommes les plus intelligents et raisonnables (kheradmand), explique Kāshānī, restent dans cet état de potentialité et d’imperfection : il ne sont après tout que des hommes en puissance. Entre eux et l’homme en tant que calife de Dieu, il existe encore deux étapes à franchir. D’abord, il faut que l’homme active sa potentialité existentielle en réalisant sa perfection. 128Nous connaissons maintenant les moyens de cette perfection : une connaissance de soi qui va jusqu’à l’unité du connaissant, du connu et de la connaissance elle-même. Pourtant, cette perfection ne donne pas encore à l’homme une place tout à fait symétrique à celle de l’Intellect sur l’échelle de l’être, c’est-à-dire la place du calife de Dieu et du roi souverain de tous les étants. Pour y parvenir, l’homme doit obtenir une qualité encore plus rare, une qualité décidément au-delà de la perfection :
Trouver un homme arrivé à son état parfait aussi bien en apparence qu’à l’intérieur est difficile. Mais encore plus rare et plus précieux est un homme qui est lui-même parfait et qui en plus a atteint une telle perfection dans son existence qu’il est capable, par sa suprématie (estilā) et sa domination (ghalabat), de rendre celui qui est imparfait, parfait comme lui-même25.
Un tel homme, le roi de Kāshānī, devient comme l’Intellect puisque, de la même façon que celui-ci, il organise par son gouvernement (tadbīr) et gestion (kār-sāzi) tous les étants qui lui sont inférieurs et compris dans sa connaissance. Contrairement au roi de Farabi, celui de Kāshānī n’est plus un prophète et son union avec l’Intellect ne se traduit pas en réception de la révélation26. Ce roi, on le voit, est plutôt l’intellect personnifié chez qui se réunissent la bienveillance pastorale et la puissance souveraine. La première sert à prendre soin de tout homme doué de perfection et l’élever (parvardan)27 ; la seconde, à annuler la contrariété. Les caractéristiques que la partie II de L’équipement énumère pour un tel intellect-roi complètent son image. Tout d’abord, c’est l’occasion pour Kāshānī de revenir sur ce qu’il considère comme une caractéristique à part, à savoir le rôle du roi dans la neutralisation des oppositions et des contrariétés. Celles-ci ne représentent pas seulement des enjeux métaphysiques pour notre auteur, mais elles renvoient concrètement au problème théologico-politique majeur de son temps : le conflit28. Dans la mesure où l’intellect-roi comprend tous les contraires et annule leur contrariété, il incarne la justice. De surcroît, Kāshānī continue son 129énumération, il est autosuffisant (bi-niyāz), magnanime (ḥalim), humble (motevāḍe‘) et brave (shojā‘). Ces caractéristiques renvoient toutes aux deux aspects de l’autorité royale, sa souveraineté et son pastorat. Telles que les décrit notre auteur, elles confirment que par l’intermédiaire de la personne de l’intellect-roi, c’est la pure philanthropie divine qui se traduit en double pouvoir politique.
À vrai dire, l’intellect-roi de Kāshānī semble assez proche de la figure de l’Imam selon le shi’isme ismaélien. Le gouvernement pastoral que les deux exercent sur leurs sujets sont du même type ; et, pourtant, ils se différencient sur trois points capitaux. Premièrement, Kāshānī n’associe pas la figure de son intellect-roi à une mission messianique. Les deux autres points sont encore plus importants pour l’imâmat shi’ite. D’une part, contrairement à l’imâmat, le gouvernement de l’intellect-roi ne s’appuie pas sur une politique de l’amitié – axée sur l’idée de l’amitié divine (walāya)29 – qui traverse tous les niveaux hiérarchiques des étants et qui est constitutive pour la communauté formée de ses sujets. D’autre part, la science innée de l’Imam, qui est la source de sa connaissance, cède la place ici à un processus qui est principalement une « autologie » (khod-shenāsi)30. Il serait donc plus exacte de supposer que les gouvernements de l’Imam et de l’intellect-roi présentent deux variantes du même paradigme gouvernemental dans la pensée théologico-politique islamique. Celle que décrit L’équipement conserve aussi des éléments franchement monarchiques, provenant d’un paradigme différent. Fidèle à son syncrétisme méthodique, Kāshānī tente de fusionner les deux paradigmes théologico-politiques cohabitant dans la tradition islamique. Son geste ne renvoie pas moins au tournant du xiie siècle et au conflit entre les deux paradigmes pour l’hégémonie dans la pensée théologico-politique islamique31.
La dernière partie de L’équipement, partie III, montre comment le gouvernement de l’intellect-roi se met en place à l’échelle de la cité. C’est un gouvernement, rappelons-nous, qui se fonde sur la connaissance et la 130possession spirituelle que le roi a de tous ses sujets et de son royaume, mais une connaissance qui n’est en dernier ressort rien d’autre que la connaissance de soi du roi. Pour s’informer sur la vie extérieure de ses sujets ou sur les états de leurs âmes, pour sonder aussi bien leurs constitutions individuelles que leurs classes, le roi se tourne alors vers lui-même et se réfère à sa propre constitution. Comme il est devenu parfait, il a une connaissance intégrale des parfaits et en même temps de ceux qui sont plus ou moins imparfaits, il sait accorder à chacun le soin et l’éducation adaptés à ses conditions et aux forces contraires qui lui font obstacle. La communauté politique idéale de Kāshānī s’organise comme le corps du roi.
L’auteur nous explique comment ce roi parfait fait usage de ses ministres ou ses forces policières en prenant comme modèle ses propres organes ou facultés32. La culture de soi de notre roi-intellect devient de la sorte la paideia (farhang) de sa communauté ; et son gouvernement de soi, le gouvernement idéal qu’il exerce sur les autres. La science politique de ce roi, la vraie, n’est donc rien d’autre que sa connaissance de soi. Seulement à travers une telle identification, il peut incarner la guidance (pishvā’i) véritable de l’ensemble des étants sur le chemin du Retour. Être le représentant (le calife) légitime de Dieu, conclut Kāshānī, consiste précisément à accomplir cette tâche : le roi-calife réussit à élever (parvaresh) ce qui lui est inférieur selon sa méthode réflexive33.
Nous constatons comment la souveraineté suréminente et absolue du roi-intellect dans le monde relève du caractère représentatif de sa personne, mais une représentativité double : en tant qu’intellect actualisé, il atteint le statut du représentant de l’instance divine et devient son « calife ». Mais, en sa personne, il représente aussi ses sujets et, plus généralement, tout être qui lui est subordonné sur le chemin du Retour. Plus exactement, il les représente à son intellect et en tant qu’ils sont l’objet de sa connaissance. La personne du roi, elle, se constitue au confluent de ces deux représentations ; elle est comme un lieu où les deux se reflètent simultanément et se croisent. Par une coïncidence significative, au même moment où la pensée médiévale européenne commence à développer les premières esquisses de l’idée du « corps mystique » du souverain politique34, notre penseur 131musulman conçoit le souverain politique idéal comme une « personne mystique », c’est-à-dire en tant qu’il est un corps, une âme et un intellect doublement représentatifs.
La théorie mystique de l’unité du connaissant et du connu dans la connaissance révèle dès lors sa signification politique. Grâce à la puissance intellective du roi, on l’a vu, ses objets de connaissance se connaissent sous forme de la connaissance de soi. Et à travers le même processus et grâce à la même puissance, ils s’auto-organisent tel un gouvernement de soi. Or de même que le sujet et l’objet de la connaissance s’identifient dans la connaissance du roi, de même le sujet et l’objet de son gouvernement deviennent indistincts. Sous cet angle, nous comprenons mieux la signification du parvaresh (élevage-éducation), tâche primordiale de l’intellect-roi d’après Kāshānī : dans la communauté politique que ce roi fonde sur le principe universel de la connaissance de soi et par la médiation de sa personne mystique, les sujets sont gouvernés comme s’ils étaient gouvernés par eux-mêmes sur leur chemin de la perfection (le chemin du Retour). Telle est peut-être la vraie paix politique que cherche Kāshānī.
Anoush Ganjipour
Université de Berne
1 Avec quelques modifications, j’utilise pour les noms ou termes persans le système de translittération proposé par l’Encyclopædia Iranica.
2 Cf. Mohammed Abed al-Jabri, Naqd al-‘aql al-‘arabî, t. 1, Takwīn al-‘aql al-‘arabî, Markaz dirāsāt al-waḥda al-‘arabiyya, 2009 (1re éd. 1984), p. 281.
3 Seyyed Hossein Nasr est le premier a avoir attiré l’attention sur ce traité, dans une note de son article, « Afdal al-Din Kashani and the Philosophical World of Khwaja Nasir al-Din Tusi », in M.E. Marmura (ed.), Islamic Theology and Philosophy : Studies in Honor of George F. Hourani, Albany, State Universityof New York Press, 1983, p. 326 (n. 37). Depuis, le traité a été traduit en anglais dans la seule anthologie qui existe de l’œuvre de Kāshānī en langues européennes : William C. Chittick, The Heart of Islamic Philosophy, The Quest for Self-Knowledge in the Teachings of Afdal al-Din Kâshânî, Oxford et New York, Oxford University Press, 2001, p. 178-194. Chose significative, dans le commentaire riche que Chittick ajoute à son anthologie, la part de ce traité est un seul paragraphe où le commentateur souligne son caractère atypique (cf. p. 20). Avant Chittick, c’est Karim Modjtehedy qui, dans sa thèse de doctorat soutenu en 1964, a fourni aux chercheurs européens une introduction systématique de l’œuvre et de la pensée de Kāshānī, accompagnée de la traduction française de deux traités, une lette et une sélection des fragments théoriques de l’auteur. Dans cette thèse restée inédite, la présentation de L’équipement se réduit à une seule phrase ! Voir Afzaladdīn Kāshānī, Choix de textes traduits du persan. Précédés d’une introduction. Thèse présentée à la Sorbonne pour le Doctorat du 3e Cycle par Karim Modjtehedy, 1964, p. 15.
4 Cette présence a été décidément plus marquante pour la génération des penseurs iraniens venant juste après Kāshānī. Nous savons au moins que son œuvre a été connue par deux penseurs influents du xiiie siècle : son nom et son traité logique sont cités de façon passagère par Naṣīr al-Dīn Tūṣī (1201-1274). Cf. ‘Abbas Zaryâb, « Afḍal al-Dīn Kāshānī », Dāneshnāma-ye jahān-e eslām, Téhéran, Bonyad-e dā’irat al-ma‘arif-e eslām, 1369 [1980] : https://rch.ac.ir/article/Details?id=5426&&searchText. Aussi, Shams al-Dīn Moḥammad Shahrazūri (m. env. 1288) lui a consacré une très courte entrée dans son histoire de la philosophie, Nuzhat al-arwāh wa rawḍat al-afrāḥ. Cf. Shahrazūri, Tārikh al-ḥukāmā’ qabl ẓuhūr al-islām wa ba’dahu (Nuzhat al-arwāh wa rawḍat al-afrāḥ), éd. Abū Shuwayrib, Paris, Dar Bayblion, 2007, p. 397. En revanche, pour trouver une autre trace saillante de l’influence de Kāshānī dans l’histoire ultérieure de la pensée islamique, il faudrait descendre jusqu’au xviie siècle où Mollā Ṣadrā, figure emblématique de la renaissance de la philosophie islamique à cette époque, reprend l’un des traités majeurs de Kāshānī, Jāvdān-nāma, pour en faire une “libre” traduction en arabe et l’intégrer dans son œuvre sans citer le nom de son auteur. Pour une analyse détaillée de cette traduction, voir l’introduction de W. Chittick dans Mullā Ṣadrā, The Elixir of the Gnostics. A parallel English-Arabic text, Translated, introduced, and annotated by W. C. Chittick, Provo : Brigham Young University Press, 2003, p. xvii-xxxv.
5 Dans son édition critique, l’œuvre de Kāshānī comprend 12 traités, 36 fragments ou esquisses, 7 correspondances ou réponses aux questions et un recueil de poèmes : Bābā Afḍal (Kāshānī), Moṣannefāt-e Afdal al-dīn Muḥammad Marqī Kāshānī, éd. M. Minovi et Y. Mahdavi, Téhéran, Khārazmi, 1366 [1987] (nouvelle éd.), 863 p. (cité désormais Écrits).
6 Pour l’évaluation du persan philosophique de Kāshānī, voir Zabihollāh Ṣafā, Tārikh-e adabiyyāt-e iran, vol. 3 (t. 2), Téhéran : Ferdaws, 1369 [1990], p. 1187. Sur l’originalité de sa pensée métaphysique, on se reporte à Chittick, The Heart of Islamic Philosophy, op. cit., p. 11-19.
7 Nasr, “Afdal al-Din Kashani and the Philosophical World of Khwaja Nasir al-Din Tusi”, op. cit., p. 257.
8 Ils sont quatre : deux versions longue et abrégée de De anima ; et deux traités attribués aux auteurs hermétiques, à savoir Sib-nāma (Liber de pomo) et Yanbū‘ al-hayāt (De castigatione aimae).
9 Cf. Sa’id Nafisi, Rubā’iyāt-e Bābā Afḍal Kāshāni. Beh ḍamimeh-ye mukhtaṣari dar aḥwāl wa āthār-e wey, Téhéran, Ketābkhāneh-ye dāneshkadeh-ye tehrān, 1311 [1933], p. 5-6 ; Chittick, The Heart of Islamic Philosophy, op. cit., p. 4.
10 Pour un aperçu historique sur cette époque et les conflits politiques multiples qui la traversent, voir C. E. Bosworth. “The Political and Dynastic History of the Iranian World (A.D. 1000-1217)”, J.A. Boyle (ed.), The Cambridge History of Iran. Vol. 5. The Saljuq and Mongol Periods. Cambridge, Cambridge University Press, 1968, p. 1-202.
11 Une cartographie religieuse de l’Iran du xiie siècle se retrouve dans A. Bausani : “Religion in the Saljuq Period” in J.A. Boyle (ed.), The Cambridge History of Iran. Vol. 5. The Saljuq and Mongog Periods, Cambridge, Cambridge University Press, 1968, p. 283-284.
12 Ibid., p. 294.
13 Sur le pogrom et la persécution qui commence avec l’arrivée de Muḥammad ibn Malik Shah, voir David Durand-Guédy, Iranian Elites and Turkish Rulers. A history of Isfahân in the Saljūq period. London and New York, Routledge, 2010, p. 168-170 et 172-175. Pour un rapport sur la présence active des ismaéliens à Ispahan avant cette date, voir Farhad Daftary, The Isma’ilis : Their History and Doctrines, Cambridge University Press, 1990, p. 329-330.
14 Bausani, “Religion in the Saljuq Period”, op. cit., p. 285.
15 Il utilise les deux termes arabe et persan de façon indifférente.
16 Le processus que décrit en détail le traité le plus long de Kāshānī, « ‘Arḍ-nāma [Livre de la présentation] », Écrits, op. cit., p. 147-253.
17 Écrits, p. 705. Fidèle au système hiérarchique que la philosophie islamique emprunte au néoplatonisme, Kāshānī considère Dieu comme une ipséité au-delà de l’être/intellect. Voir, entre autres, Écrits, p. 335.
18 Pour Kāshānī comme pour ses prédécesseurs, le point de départ reste en dernier ressort le même, à savoir la fameuse thèse énoncées dans le livre III de De anima précisément au sujet de l’intellect : « […] l’intellect est lui aussi intelligible, au même titre que les intelligibles, car, dans le cas des choses immatérielles, il y a identité du sujet intelligent et de l’objet intelligé » (III, 4, 430a).
19 La lumière, affirme Kāshānī, consiste en connaissance de soi de l’intellect ; alors qu’une telle connaissance est elle-même l’être à son état parfait. Voir son traité, « Madārij al-kamāl [Degrés de perfection] », Écrits, p. 22.
20 Ibid.
21 Écrits, p. 86.
22 Ibid. p. 87.
23 Ibid., p. 89-90.
24 Ibid., p. 91.
25 Ibid., p. 95.
26 Voir Abû Nasr al-Fârâbî, Opinions des habitants de la cité vertueuse, texte et trad. Amor Cherni, Albouraq, 2011, p. 237-239.
27 Écrits, p. 104.
28 Dans sa réponse à la lettre d’un homme politique qui est probablement un vizir local, Kāshānī revient sur le conflit comme source des problèmes politiques et éthiques de ses contemporains. Il le met en direct rapport avec l’absence d’un souverain connaissant et glorieux dans un monde où règne l’orgueil, l’oubli et l’inconscience. Écrits, p. 695-696.
29 Sur la walāya et son rôle cardinal dans les shi’ismes ismaélien et duodécimain, voir respectivement Daniel De Smet, La philosophie ismaélienne : un ésotérisme chiite entre néoplatonisme et gnose, Cerf, 2012, p. 6 et Mohammad Ali Amir-Moezzi, Le guide divin dans le shî’isme original, Aux sources de l’ésotérisme en Islam, Verdier, 1992, p. 219-220.
30 Nasr, op. cit., p. 260.
31 Voir Anoush Ganjipour, L’ambivalence politique de l’Islam : Pasteur ou Léviathan ?, Paris, Seuil, 2021, p. 153-170.
32 Écrits, p. 106.
33 Ibid., p. 107.
34 Une des premières élaborations de cette idée dans la pensée médiévale se rencontre en effet chez l’Anonyme normand, auteur antigrégorien des xie et xiie siècles. Voir Ernst H. Kantorowicz, « Deus per gratiam. Une note sur la théologie politique médiévale », Les études philosophiques, no 96, 2011-1, p. 105-131.
- CLIL theme: 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- ISBN: 978-2-406-11576-2
- EAN: 9782406115762
- ISSN: 2271-7234
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-11576-2.p.0117
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 05-19-2021
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Islamic political thought, Government, Divine monarchy, Conflict, Afḍal al-Dīn Kāshānī, Mirror for Princes