La praxis des images Simondon lecteur de Bachelard
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Éthique, politique, religions
2018 – 2, n° 13. Imaginaire et praxis. Autour de Gaston Bachelard - Auteur : Duhem (Ludovic)
- Pages : 123 à 146
- Revue : Éthique, politique, religions
La praxis des images
Simondon lecteur de Bachelard
Que l’on ne s’y trompe pas, la forme affirmative du titre exprime la volonté d’un questionnement plutôt que l’assurance d’une thèse. Car poser directement la thèse qu’une « praxis des images » est élaborée par Simondon à partir de sa « lecture » de Bachelard est particulièrement problématique, tant elle soulève d’objections préliminaires à toute tentative d’en prouver le bienfondé.
La première et sans doute la plus redoutable de ces objections préliminaires concerne l’idée de « praxis des images ». En grec, « praxis » désigne le fait d’agir, d’être affairé ainsi que le résultat de l’action. Le sens de praxis se comprend plus précisément par opposition à pathos (subir), à hexis (possession), à logos (parole) ; et par distinction avec la poiesis (production), la theoria (examen) et la proairesis (projet), tout en entretenant avec cette série de notions un ensemble de relations complexes formant des doctrines ou des orientations théoriques multiples dans l’histoire de la philosophie. Assurément, Aristote, Kant et Marx sont les philosophes ayant donné à la praxis un sens à chaque fois singulier répondant aux enjeux anthropologiques, éthiques et politiques de l’action. Mais aucun d’eux n’a proposé une « praxis des images », au sens d’une praxis propre aux images, qu’il s’agisse des images internes au sujet ou des images externes au sujet – ainsi que du passage des unes aux autres –, car cela reviendrait à accorder une certaine séparation, une certaine vie, une certaine autonomie aux images : ce qui est proprement incompatible avec la conception traditionnelle du sujet et plus encore avec celle du sujet pratique. Car le sujet de la praxis est avant tout un sujet substantiel, identique à soi, un en ses limites, conscient de lui-même, origine des finalités visées par l’action et juge de ses conséquences. Si Marx pourrait faire exception, dans la mesure où il refuse les oppositions entre theoria et praxis, poiesis et praxis, pour définir le sujet hors de toute essence, il ne va pas jusqu’à accorder une telle indépendance ni une telle force aux 124images, ni matériellement ni socialement. Certes, Marx n’est pas avare en images dans son œuvre (notamment sous la forme de métaphores verbales, optiques, sonores, chimiques, etc.), et selon les textes, le rapport complexe de l’image à la représentation et à l’idéologie peut faire varier son statut et sa fonction ; mais, la plupart du temps, Marx maintient l’opposition classique entre vérité et illusion selon un platonisme philosophique où l’image est conçue de manière péjorative sous la forme du « reflet » et du « fétiche », ce qui la tient à une certaine distance de la praxis et plus encore d’une praxis propre aux images1.
La seconde objection préliminaire s’attache à l’attribution de la thèse d’une « praxis des images » à Simondon, et que cette thèse viendrait directement de sa lecture de Bachelard. Si la notion de « praxis » désigne à la fois l’activité intrinsèque et l’activité extrinsèque des images, il existe effectivement une « praxis des images » chez Simondon et elle est élaborée dans sa théorie de l’imagination, d’abord dans L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information2 et surtout dans le cours Imagination et invention3. Mais si l’on entend plus précisément par « praxis » ce qui définit des règles de conduite pour une vie bonne et ce qui vise la transformation de la réalité sociale, il est alors difficile de trouver chez Simondon une éthique des images et il est plus difficile encore de trouver une véritable politique des images. Quand bien même s’agirait-il de déterminer plus généralement le rôle de l’imagination dans la philosophie pratique simondonienne, la tâche ne serait pas aisée non plus. Cela tient au fait que l’imagination n’est pas une simple faculté psychique du sujet pour Simondon et que sa philosophie ne se présente pas explicitement comme une pensée éthique et politique4. Les 125réflexions qu’il a ainsi pu mener dans ces domaines ne sont certes pas négligeables, mais elles se présentent souvent comme des incises, des applications ou des effets n’ayant pas l’ambition de devenir une théorie explicite et unitaire. Ces réflexions peuvent toutefois s’avérer puissantes voire novatrices si elles sont replacées dans l’ensemble de l’œuvre comme dimensions du sens de l’encyclopédisme génétique5. Toute la difficulté résiderait alors dans les modes d’articulation d’une théorie éthique et politique des images d’une part avec une théorie éthique et politique de l’individuation et de la technique de l’autre, puisque l’une comme l’autre sont autant à expliciter qu’à construire.
Mais ce qui est certainement plus problématique en définitive, c’est le rôle de la lecture de Bachelard dans l’élaboration d’une « praxis des images » propre à Simondon. Depuis sa redécouverte dans les années 1990, les commentateurs ont indéniablement montré que Simondon avait lu Bachelard, son anti-substantialisme ontologique6, son épistémologie relationnelle7, sa pensée de la technique positive et irréductible à la science comme à l’utilité8, en serait l’héritage direct et manifeste, malgré l’absence de référence explicite dans ses deux ouvrages principaux9. Qu’en est-il pour Imagination et invention ? À l’instar des deux ouvrages précédents, aucune référence explicite à Bachelard n’est faite par 126Simondon dans l’exposé de sa théorie du cycle de l’image. Le seul indice attestant d’une connaissance de la poétique bachelardienne par Simondon et de son usage pour ce cours se trouve dans la bibliographie, où sont présentés des « conseils de lecture » aux étudiants. Ainsi, en dehors du Nouvel Esprit scientifique figurant en tête de liste, on peut effectivement y trouver tous les ouvrages de poétique publiés par Bachelard de La psychanalyse du feu de 1938 (rejeté en fin de liste et distingué des autres par un « Particulièrement ») à La flamme d’une chandelle de 1961. Au vu de cette bibliographie10, comment expliquer une telle absence de toute référence à Bachelard dans le texte de Simondon ?
La première raison possible est que Bachelard était connu des étudiants par un autre cours sur L’imagination donné l’année précédente par un autre professeur de psychologie, Juliette Favez-Boutonnier11, et qui contenait un chapitre sur Bachelard. Simondon n’aurait donc pas jugé nécessaire de reprendre un développement spécifique afin d’éviter de produire un doublon, ce qui expliquerait qu’il n’hésite pas à renvoyer directement à ce cours et à deux reprises12. Mais ce même cours comportait aussi des analyses des théories de l’imagination de psychologues et de philosophes que Simondon reprend et qu’il interprète à son tour pour établir sa propre théorie, tels Bergson, Sartre, Husserl, Freud, Jung, Lacan, Ribot, Taine ou Piaget. L’argument ne semble donc pas satisfaisant et l’idée qu’il n’aurait finalement pas lu Bachelard est insoutenable, aussi bien pour son référencement bibliographique que pour la convergence de leurs pensées respectives. La seconde raison, quelque peu conjecturale, serait que Simondon avait si bien intégré la poétique de Bachelard qu’il se l’est appropriée, ne pouvant dès lors envisager une exposition détachée de celle-ci sans devoir démonter sa propre théorie pièce par pièce pour 127en manifester les réelles différences. Dans son héritage philosophique, Simondon agirait ainsi avec Bachelard comme il l’avait fait avec Merleau-Ponty, en ce sens qu’il ne cherche nulle part à s’en différencier, alors qu’il ne cesse d’exposer les intérêts et les limites de la pensée de Bergson dont il est aussi un grand héritier. Si un tel argument est recevable, l’enjeu serait donc de parvenir à montrer quelles sont la nature, l’extension et surtout les conséquences de cet héritage bachelardien non revendiqué.
À la suite de ces objections préliminaires, il convient de présenter l’étude qui va suivre comme un ensemble de questionnements autour de ce qui n’est pas une thèse mais plutôt une hypothèse ou une proposition à mettre en discussion, à savoir que Simondon proposerait non seulement une théorie de l’imagination pouvant prendre le sens d’une « praxis des images », mais dont une source importante, restée implicite, serait la poétique bachelardienne. C’est en quelque sorte une lecture de la lecture de Bachelard par Simondon qui est proposée ici, elle s’attachera prudemment à en relever les traces si ce n’est les emprunts réels, à travers les différents sens possibles de la praxis. Or, ce pluralisme sémantique propre à la praxis (actif, éthique et politique) est en même temps un pluralisme pratique, dans la mesure où les sens de la praxis sont autant de champs problématiques où plusieurs modalités pratiques peuvent coexister sans qu’il s’agisse pour autant de postuler leur compatibilité ni leur cohérence a priori, surtout pour deux philosophes dont les préoccupations éthiques et politiques sont récurrentes et parfois explicites, mais ne font jamais réellement système et évoluent au cours de l’œuvre. Chaque sens de la praxis des images, à savoir l’activité de l’image pour elle-même (I) et sa relation à l’invention (II), l’image pratique au sens éthique (III) et l’image pratique au sens politique (IV), sera examiné moins selon un principe comparatif strict qu’à la manière d’une lecture possible en vue de la construction d’une praxis des images pour notre temps.
Activité de l’image
Dans son premier sens, une « praxis des images » suppose l’affirmation principielle que l’image est non seulement positive mais active. Elle n’est 128pas uniquement le résultat d’une activité, celle de la perception, mais activité en elle-même.
La poétique bachelardienne présente l’imagination non pas comme une simple faculté psychique parmi d’autres, mais comme « la force même de la production psychique13 ». L’imagination n’est pas l’instance qui présente et qui reproduit le donné empirique issu de la perception mais ce qui produit psychiquement la vie du sujet en dépassant la réalité vécue :
L’imagination est la faculté de former des images qui dépassent la réalité, qui chantent la réalité14.
Autrement dit, l’imagination est « foncièrement créatrice » pour Bachelard, elle ne peut être le résultat d’une simple combinaison de « fragments du réel perçu » ou des « souvenirs du réel vécu », comme le pensent le « philosophe réaliste » et le « commun des psychologues15. » En ce sens, l’imagination non seulement se distingue de la perception mais s’y oppose dans une certaine mesure, du moins « l’imagination créatrice a de toutes autres fonctions que celles de l’imagination reproductrice16 » au point de la faire apparaître comme ayant une autre nature. La fonction principale de l’imagination est d’avoir une « action imaginante », c’est-à-dire non pas seulement de former des images mais de les « déformer », de les « changer », de produire une « explosion d’images ». À la fonction de réel doit ainsi correspondre pour l’équilibrer une « fonction d’irréel ». Selon L’air et les songes, cette fonction d’irréel n’est pas le symétrique absolu de la fonction de réel, puisqu’il y a « immanence de l’imaginaire au réel » selon un « trajet continu du réel à l’imaginaire » qui fait que la fonction d’irréel recrute ou incorpore un aspect du réel sous la forme des quatre éléments (feu, eau, air, terre). Dans La terre et les rêveries de la volonté, Bachelard affirme que cette fonction d’irréel est en jeu dès la perception :
Quand le réel est là, dans toute sa force, dans toute sa matière terrestre, on peut croire facilement que la fonction de réel écarte la fonction d’irréel. On oublie alors les pulsions inconscientes, les forces oniriques qui s’épanchent sans cesse dans la vie consciente17.
129À la suite de Jung, Bachelard pense ainsi qu’il existe non seulement une force propre aux images transformées par l’imagination, mais cette force exprime en réalité une véritable « primitivité » des images sur la perception ; cette primitivité n’étant pas une simple esquisse que la perception enrichirait et que la raison déterminerait, c’est une prospection qui anticipe le perçu, les images informant toujours déjà la perception.
Pour comprendre comment les images agissent, la psychologie scientifique ne sera donc pas d’une aide précieuse pour Bachelard, il étudiera plutôt la rêverie, là où l’imagination est imaginante plutôt qu’imageante, c’est-à-dire là où les images sont à leur état inchoatif, dans toute l’intensité de leur force, poussées à la fois par les pulsions inconscientes de l’Animus et de l’Anima, et par les « hormones de l’imagination » que sont les substances matérielles (feu, terre, air et eau). Or, cette vie propre des images n’est pas dépourvue de lois, – il existe une véritable physique onirique pour Bachelard, et ces lois sont aussi contraignantes que les lois physiques et elle peuvent être formalisées. Au cours de ses études empiriques, Bachelard a ainsi dégagé des invariants dynamogéniques, lesquels mettent à la fois en évidence des « complexes » d’images du rêveur, l’importance décisive des quatre éléments pour la signification de la rêverie (au point de leur donner un ancrage physiologique), et l’ambivalence systématique qui s’exprime dans la combinaison de ces éléments. Cette recherche de formalisation n’aura pas pour conséquence de réduire le dynamisme des images, de les priver de toute vie et de toute résonnance poétique, elle visera au contraire à mieux les comprendre hors des habitudes de la pensée scientifique et philosophique.
Dès l’introduction d’Imagination et invention, Simondon critique la pensée dominante de l’imagination et formule une hypothèse sur la primitivité de l’image qui rappelle directement les positions et les thèses bachelardiennes :
Le mot d’« imagination » renvoie à la « psychologie des facultés » ; cependant, il est précieux, car il suppose que les images mentales procèdent d’un certain pouvoir, expriment une activité qui les forme, et suppose peut-être une fonction qui les emploie. Par contre, le terme « imagination » peut induire en erreur, car il rattache les images au sujet qui les produit, et tend à exclure l’hypothèse d’une extériorité primitive des images par rapport au sujet18.
130Simondon adresse cette critique à la psychologie des facultés parce qu’elle crée ce qu’il appelle un « barrage conceptuel », notamment en définissant les facultés d’après les « tâches dominantes » que sont « anticiper », « percevoir » et « se rappeler », ce qui oblige de limiter l’image à une activité locale endogène. Quant à la proposition d’une « extériorité primitive » de l’image, Simondon ne l’attribue pas à Bachelard, sans doute parce qu’elle fait un pas de plus dans la vie des images en les rendant plus indépendantes encore du sujet que chez Bachelard et en l’enracinant surtout dans la relation de l’organisme au milieu – donc dans l’ensemble du vivant – plutôt que dans les seules racines inconscientes. Ainsi, loin d’être confinée dans les limites de la conscience, l’image « résiste au libre arbitre, refuse de se laisser diriger par la volonté du sujet, et se présente d’elle-même selon ses formes propres19 ». Pour Simondon, l’image se comporte donc à la manière d’un « quasi-organisme » doté d’une vie propre, c’est-à-dire comme un parasite « habitant le sujet et se développant en lui avec une relative indépendance par rapport à l’activité unifiée et consciente20 ». Dans un geste plutôt bachelardien, Simondon va d’ailleurs relever que cette extériorité primitive des images et leur pouvoir sur le sujet avaient « frappé les anciens », par exemple à travers le songe de Nausicaa raconté par Homère au Livre VI de l’Odyssée, lorsque la déesse « Athéna apparaît à la jeune princesse pour l’inciter à aller laver les vêtements sur le rivage où Ulysse aborde en naufragé ». Il faut alors comprendre que :
Le songe, avec les figures de rêve qui l’animent, n’est pas seulement ce que nous nommerions un événement subjectif ; il manifeste un pouvoir, une intention, une réalité qui n’a pas sa source dans le sujet mais qui, au contraire, vient à lui et le cherche. L’image qui envahit le sujet est une apparition ; elle peut être plus forte que lui et changer sa destinée par un avertissement ou une interdiction. Elle n’est pas non plus que réel vulgaire et quotidien, mais a une charge de présage ; elle révèle, manifeste, déclare, au-dessus de l’ordre des réalités quotidiennes ; elle est du « numineux », à mi-chemin entre l’objectif et le subjectif21.
Simondon convoquera également les rituels d’évocation des morts où les disparus sont représentés par des images considérées comme vivantes, ou encore et plus étonnamment la théorie des simulacres de Lucrèce qui 131tout en dénonçant l’erreur d’attribuer aux rêves un vie réelle ne conteste pas l’extériorité ni le pouvoir des images.
L’image « n’est donc pas une réalité sans forces, sans efficacité ni conséquences », mais elle est une réalité relative. C’est important de le souligner, Simondon n’accorde pas à l’image une vie totalement indépendante du sujet, si elle est un « quasi-organisme », elle n’est pas un organisme autonome dont l’existence serait purement objective. Dans un esprit à la fois bergsonien et bachelardien, l’image est pensée comme une réalité intermédiaire qui se situe entre le sujet et l’objet, entre le concret et l’abstrait, entre le passé et l’avenir. On ne peut donc ni lui assigner un régime ontologique exclusif ni l’attacher à une catégorie épistémologique définitivement stable. Elle est en fait un mixte, une « tierce réalité » qui participe et du sujet et de l’objet, et de l’abstrait et du concret, et du passé et de l’avenir, sans que cette double participation ne réalise une synthèse totale et définitive. C’est justement ce caractère paradoxal qui confère à l’image son pouvoir de traverser les limites ontologiques et d’influencer la conduite des individus et des groupes. À cet égard, l’affirmation de l’indépendance relative de l’image, sa vie paradoxale, est en fait une critique fondamentale adressée à Sartre et à sa conception de la « conscience imageante », laquelle est doublement réductrice : contrairement à ce que pense Sartre, la conscience imageante est une situation exceptionnelle dans la vie psychique et non pas sa condition unique et constante ; et loin d’être « illusoire », l’extériorité est la condition ontologiquement positive des images. Sartre serait en cela, si l’on peut dire, l’ennemi commun de Bachelard et de Simondon ou de Simondon à travers Bachelard.
Mais la différence majeure avec Bachelard tient sans doute à la théorie du cycle de l’image en elle-même, en ce sens qu’elle propose une formalisation du dynamisme de l’imagination qui n’est pas sans résonance avec la conception bachelardienne mais qui s’affirme comme un véritable geste d’invention de la part de Simondon. Fondée sur un paradigme physique et sur une analogie biologique, la théorie simondonienne de l’imagination cherche en effet une généralité plus large et une systématicité plus rigoureuse que la poétique bachelardienne de la rêverie, même si cette dernière concerne la vie psychique nocturne de tout sujet ou du moins telle qu’elle devrait l’être à l’exemple des poètes. Le paradigme physique définit le cycle de l’image comme un système de 132phases où chaque aspect de l’image n’est pas un moment temporel qui s’abolit dans le suivant mais le résultat d’un déphasage. Par un processus de différenciation et de réorganisation, le système complet des phases se modifie en transformant le rapport d’équilibre interne des tensions qui le traversent. C’est le système actuel de toutes les phases qui est la réalité complète de l’imagination, qui la définit comme un processus de genèse des images. Cette genèse s’opère de phase en phase, chaque phase servant de support structurel et de condition de développement à la suivante, leur enchaînement n’obéissant à aucune nécessité téléologique. C’est pourquoi Simondon refuse non seulement d’opposer perception et imagination, puisque la perception est une phase de l’imagination (expérience de l’objet), mais il refuse également d’opposer imagination et invention, l’invention étant préparée et parfois suscitée par les phases antérieures de l’imagination qui matérialisent alors l’image en dehors du sujet sous forme d’objet, de technique, de doctrine ou d’institution.
Quant à l’analogie biologique, elle n’est pas une simple image, une comparaison utile à la présentation de la théorie, c’est un parallélisme opératoire effectué par Simondon entre le processus de croissance de l’organisme et le processus d’imagination :
Ne peut-on supposer, dans ces conditions, que les images mentales sont comme des sous-ensembles structuraux et fonctionnels de cette activité organisée qu’est l’activité psychique ? Ces sous-ensembles pourraient ainsi posséder un dynamisme génétique analogue à celui d’un organe ou d’un système d’organes en voie de croissance22.
Simondon propose alors un enchaînement non dialectique23 de trois phases distinctes (anticipation, expérience, systématisation) mises en rapport avec trois niveaux d’organisation de l’image (biologique, psychique, symbolique). La première phase est :
133Celle de la croissance pure et spontanée, antérieure à l’expérience de l’objet à laquelle l’activité fonctionnelle se préadapte ; ce serait, dans l’image, l’équivalent des étapes embryonnaires de la croissance organique ; chaque image, embryon d’activité motrice et perceptive, se développe ici pour elle-même, comme une anticipation non contrôlée par la référence externe à l’expérience du milieu, et à l’état libre, c’est-à-dire sans corrélation étroite avec les autres sous-ensembles de l’organisation psychique. Elle montre les pré-adaptations mais non des adaptations24.
L’image dans cette première phase est essentiellement pré-perceptive (image a priori) et relève avant tout de l’anticipation (ce qui correspondrait au caractère prospectif chez Bachelard) sous la forme motrice au niveau primaire ou biologique de la relation de l’organisme au milieu, puis sous la forme de la crainte et de l’attente au niveau secondaire ou psychique, et enfin sous la forme des conduites, des motivations et des expressions, voire des doctrines philosophiques et éthiques au niveau symbolique. Anticiper, c’est donc produire une image embryonnaire qui se conserve de la motricité spontanée de l’organisme jusqu’à la réflexion la plus abstraite de l’esprit.
La deuxième phase est celle où :
L’image devient un mode d’accueil des informations venant du milieu et une source de schèmes de réponse à ses stimulations ; dans l’expérience perceptivo-motrice, les images deviennent effectivement et directement fonctionnelles ; elles s’organisent et se stabilisent en groupements intérieurement corrélés selon les dimensions du rapport entre l’organisme et le milieu25.
L’image est intra-perceptive dans cette phase (image a praesenti), elle est indissociable de l’expérience bien qu’elle soit une anticipation à court terme de l’objet rencontré à travers la relation au milieu. Une certaine synthèse des images a priori a lieu qui permet une prise d’information dans le milieu lors des situations intenses de vie (recherche de nourriture, lutte avec un rival, danger immédiat) au niveau primaire. Au niveau secondaire, la prise d’information nécessite de devenir identification et différenciation, l’information de l’image intra-perceptive est alors comparée au modèle de l’image infra-perceptive en vue d’une action déterminée qui nécessite la constance de l’objet pour obtenir précision 134et efficacité. Au niveau supérieur, l’image intra-perceptive change de fonction et intervient comme une amplification, un complément, une perturbation, de la perception de l’objet, et plus précisément des formes géométriques (ce qui peut rappeler la fonction imaginante et la déformation qu’elle opère sur les images chez Bachelard).
La troisième phase :
Après cette étape d’interaction avec le milieu correspondant à un apprentissage, le retentissement affectivo-émotif achève l’organisation des images selon un mode systématique de liaisons, d’évocations et de communications ; il se fait un véritable monde mental où se trouvent des régions, des domaines, des points-clés qualitatifs par lesquels le sujet possède un analogue du milieu extérieur, ayant lui aussi ses contraintes, sa topologie, ses modes d’accès complexes26.
L’image est supra-perceptive dans cette dernière phase (image a posteriori), ce n’est plus le contenu moteur ni le contenu cognitif qui prévaut mais le contenu affectivo-émotif qui prend la forme d’une systématisation des images antérieures. La formalisation se manifeste au niveau primaire par les conditionnements élémentaires, comme les imprégnations comportementales (Prägung) chez les animaux ou dans le rôle décisif joué par les images précoces dans le développement de la personnalité humaine. Au niveau intermédiaire, les images immédiates, secondaires et éidétiques décrites par la psychologie expérimentale préparent et orientent la relation symbolique au monde. Les images éidétiques sont d’ailleurs d’une importance particulière parce que leur « force sauvage », en s’intégrant au symbolisme intellectuel, permettent la création artistique et la formalisation abstraite. L’image se matérialise et devient un véritable symbole au niveau supérieur, et c’est là qu’elle affirme aussi son extériorité, qui n’est donc plus primitive mais consécutive à la perception. En se formalisant, l’image se détache en effet du sujet comme du milieu, pour devenir le fond universel de la culture et se matérialiser en objets-symboles porteurs de significations plus riches que leurs propriétés perceptives.
Le cycle de l’image n’est pas pour autant achevé dans la culture. En ramassant sa théorie, Simondon précise que le cycle de l’image est bien un cycle à travers lequel les images supra-perceptives de la troisième phase produisent en se systématisant les conditions d’apparition des images infra-perceptives de la première phase :
135Autrement dit, les images subiraient des mutations successives qui modifieraient leurs relations mutuelles en les faisant passer d’un statut de primitive indépendance mutuelle à une phase d’interdépendance au moment de la rencontre de l’objet, puis à un état final de liaison systématique et nécessissante où les énergies primitivement cinétiques sont devenues des tensions d’un système. L’invention pourrait alors être considérée comme un changement d’organisation du système des images adultes ramenant, par un changement de niveau, l’activité mentale à un nouvel état d’images libres permettant de recommencer une genèse27.
Qu’en est-il dès lors de l’invention dans son rapport à l’imagination ?
Imagination et invention
Dans son deuxième sens, une « praxis des images » ne peut se limiter à l’affirmation que l’imagination est une activité positive et qu’il existe une activité propre aux images. D’une certaine manière, l’activité de l’image est aussi une condition de l’action, elle rend possible la sortie des limites du sujet, c’est-à-dire sa matérialisation comme nouveauté irréductible.
Si l’imagination est dynamique pour Bachelard, elle est aussi foncièrement créatrice. On pourrait croire qu’elle ne fait qu’agir sur un matériau donné, puisqu’elle consiste à « déformer les images fournies par la perception et que l’action imaginante opère avant tout une association entre des images présentes et des images absentes qu’elle ne produit pas. Au contraire, l’imagination n’est véritablement action imaginante que si elle est essentiellement ouverte, c’est-à-dire qu’elle est l’expérience même de la nouveauté28. » Mais cette nouveauté pourrait rester une réalité – ou plutôt une surréalité – uniquement mentale et ne susciter aucune matérialisation, aucun passage à l’acte fonctionnel et symbolique. Il en va pourtant tout autrement puisque la « vie des images » est en quelque sorte ce qui pousse à vivre plus intensément, à franchir les limites de la vie ordinaire, puisque cette vie des images surcharge la perception 136d’attente et de valorisation, et permet surtout d’« éprouver la volonté de conduire » selon une « induction matérielle et dynamique » capable de « soulever notre être intime29 ». L’induction dont il s’agit est alors bien autre chose que le raisonnement empiriste ; il s’agit de l’inférence d’une force à partir d’une image, les effets induits pour le sujet étant ce qui prépare, si ce n’est appelle, une création par un « surénergétisme », celui que Bachelard voyait particulièrement dans le surréalisme30. La vie des images est, en d’autres termes, ce qui déborde la vie du sujet, ce qui lui donne une énergie supérieure qu’on ne saurait contenir dans les strictes limites du psychisme dès lors qu’elle est une image profonde. L’imagination ne s’oppose donc pas à la volonté et elle ne lui donne pas un matériau disponible. Elle est au contraire l’expression fondamentale d’un vouloir-vivre et plus encore d’une volonté de puissance. Cette volonté de puissance toute nietzschéenne n’est pas une volonté de dominer l’image, mais une volonté créatrice qui refuse de s’adapter au réel, qui pousse le sujet par des forces profondes à déformer et à transformer le réel jusqu’à devenir « l’être de son image31 » selon une sublimation absolue.
Mais comment s’opère concrètement le passage à l’acte de la matérialisation ? Il s’opère en abandonnant la prudence excessive et les enseignements transmis par la société qui inhibent le franchissement des limites du sujet et des limites de la matière. Il s’agit de satisfaire la tendance spontanée de tout être humain à la recherche d’un « plus-être » et de désobéir aux objections instituées, c’est-à-dire à vivre pleinement ce que Bachelard appelle le « complexe de Prométhée32 ». Plus précisément, le complexe de Prométhée prend tout son sens dans une 137transgression constructrice qui s’opère par le couplage dynamique de la volonté créatrice et de la résistance de la matière. Dans un tel élan transgressif, ni l’imagination ni la matière n’ont proprement l’initiative, mais la résistance matérielle du monde sert d’« accélérateur » au psychisme et « pose le sujet dans un ordre nouveau, dans l’émergence de son existence dynamisée33 ». Par ce « dualisme énergétique » qui dépasse le dualisme classique du sujet et de l’objet, des moyens et des fins, des forces se couplent et s’entretiennent mutuellement pour aboutir à ce que Bachelard appelle une « souplesse de la plénitude », véritable jouissance matérielle et technique d’extériorisation transformatrice. Cette jouissance qui s’éprouve par exemple dans le couplage de la main et de la matière ne produit pas seulement un objet mais aussi le sujet puisque la conscience d’être un sujet pensant passe par la conscience d’une activité : « Je pétris donc je suis », dit ainsi Bachelard.
Cette activité n’est pas le rapport d’un sujet donné à un objet donné, mais d’un sujet en devenir à un objet en devenir, s’affirmant réciproquement dans leur couplage énergétique et rythmique, tantôt l’un contre l’autre, tantôt l’un avec l’autre. Au cours de l’opération matérielle, la résistance adverse devient ainsi potentielle trouvaille puis structure d’appui et finalement œuvre durable ; au cours d’un tel processus, la volonté se renforce, s’intensifie à mesure qu’elle surmonte l’impuissance, devient promesse de joie et finalement plénitude de la réalisation de soi.
Cela étant dit, il s’agit là plutôt de l’invention au sens de la création littéraire et artistique plutôt que de l’invention au sens de la technique et de la science. Si l’esprit est unifié chez Bachelard par une conception dynamique de la raison comme de l’imagination, ce sont toutefois des forces opposées. La raison du scientifique cherche le progrès de la connaissance en résistant à la tendance imaginante du langage pour élaborer rigoureusement des concepts ; alors que l’imagination du poète doit éviter toute adhésion à la structure logique du langage pour produire des images sous la forme de métaphores inédites. La raison scientifique et l’imagination poétique ont cependant en commun de dynamiser l’esprit, de s’affranchir des évidences et des habitudes du sens commun. Mais quel est le rôle spécifique de l’imagination dans l’invention technique34 138et la découverte scientifique ? Pour Bachelard, l’impératif de clarté et de séparation de l’opinion, autrement dit d’induction rationnelle, n’exclut pourtant pas l’imagination. En effet, il existe un travail de l’imagination au cœur de la pensée abstraite et rationnelle, sous la forme d’un désir prométhéen de savoir plus, de savoir mieux ; mais ce travail imaginant prend forme dans des « métaphores axiomatiques » qui sont une force d’appel et une direction virtuelle, et non pas des obstacles épistémologiques faisant divaguer la raison. Ainsi :
De toutes les métaphores, les métaphores de la hauteur, de l’élévation, de la profondeur, de l’abaissement, de la chute sont par excellence des métaphores axiomatiques35.
C’est pourquoi :
La pensée scientifique est entraînée (par les mathématiques) vers des “constructions” plus métaphoriques que réelles, vers des espaces de “configuration” dont l’espace sensible n’est après tout qu’un pauvre exemple36.
Comme l’a suggéré Jean-Jacques Wunenburger :
La métaphore, loin d’être une forme particulière du poétique, pourrait dès lors servir d’emblème pour légitimer une pensée heuristique qui articule, sans les confondre, les contraires, concept et image37.
Ce qui oblige à abandonner « l’évaluation disjonctive » du tout ou rien (soit c’est scientifique, soit c’est métaphorique).
Pour sa part, Simondon a consacré l’ensemble de son ouvrage Imagination et invention à interroger leur relation. Si imagination et perception ne s’opposent pas dans la théorie du cycle de l’image, imagination et invention non plus. Pourtant, l’invention n’est pas à proprement parler une phase du cycle de l’image. L’invention en son sens le plus général est autant un prolongement qu’une relance de la genèse des images. L’invention est en fait le point de basculement d’un cycle à un autre, elle 139constitue le suivant en achevant le précédent. Mais cet aspect temporel n’est pas le seul, puisqu’en vérité l’invention est moins un « moment » du cycle qu’une opération concrète et complexe qui relance le cycle de genèse des images. Comme chez Bachelard, l’invention pour Simondon est indissociable de l’imagination, elle est préparée, stimulée, élancée par les forces internes du sujet dans sa relation aux forces et configurations du monde.
Bien qu’elle soit une apparition de nouveauté, l’invention est un processus conditionné : anticipation et adaptation du côté externe, systématisation et symbolisation du côté interne, font accomplir au système être vivant-milieu un changement de niveau, c’est-à-dire un véritable saut quantique qui engendre un nouveau départ du cycle des images. Il s’agit de comprendre que l’invention n’est pas l’avènement absolu d’un objet :
L’apparition de l’invention dans l’activité humaine n’est pas une nouveauté absolue et brusque ; elle se fait de manière progressive par le recours à des objets qui, simples adjuvants au début, prennent de plus en plus de relief et d’indépendance en se concrétisant, condensant et organisant en système de compatibilité une pluralité de fonctions simultanées et successives38.
Autrement dit :
Un objet créé n’est pas une image matérialisée et posée arbitrairement dans le monde comme un objet parmi des objets, pour surcharger la nature d’un supplément d’artifice ; il est, par son origine, et reste, par sa fonction, un système de couplage entre le vivant et son milieu, un point double en lequel le monde subjectif et le monde objectif communiquent39.
L’objet est à la fois support et matériau de l’action, l’invention ne pouvant advenir sans le réseau des objets existants, qui constituent le milieu associé de l’inventeur. Ils servent précisément d’intermédiaire, c’est-à-dire de tierce réalité qui amplifie et potentialise l’action préparée auparavant dans les niveaux inférieurs de l’image. Il n’existe donc pas d’invention sans un milieu d’objets, ces objets étant comme la mémoire, la dimension historique active à partir de laquelle un objet nouveau est possible.
140Or, pour saisir la nature véritable de l’invention, il est nécessaire de s’interroger sur la situation à laquelle correspond la réorganisation du système des images dont parle Simondon. Toute invention est une résolution de problème. C’est l’apparition d’une dualité initiale à l’intérieur d’une même action ou entre une action et une situation qui provoque le problème à résoudre à la manière d’un obstacle ou d’une résistance à un but (ce qui peut rapprocher Simondon de Bachelard). L’invention, en tant que processus de résolution de problème, est donc la recherche de compatibilité entre deux réalités disparates, que Simondon appelle aussi « ordres de grandeur » d’un système en état de sursaturation. La résolution n’est pas l’abolition du problème, mais une réorganisation de ses composantes. Toutefois, il ne faudrait pas entendre par là une réorganisation matérielle de termes donnés, car la réorganisation dont il s’agit est une restitution de continuité sans laquelle aucune action ne serait plus possible. Le processus complet de l’invention part donc de l’action pour aboutir à l’action, le problème étant le moment critique où l’action, pour se poursuivre, doit trouver une voie nouvelle.
Dans sa forme la plus simple, Simondon appelle cette voie un « détour ». Faire un détour, ce n’est pas éviter d’affronter une situation problématique, c’est au contraire lui trouver une solution originale – « une trouvaille » dirait Bachelard –, qui relance en totalité le devenir du sujet inséré dans la situation. En ce sens, la démarche inventive est tout autre chose pour Simondon que la réalisation d’une image mentale produite par l’imagination selon des conditions données, c’est une compatibilisation réalisée au sein d’un système formé par le problème présent, le résultat anticipé et les relations cognitives, affectives et émotives du sujet à la situation. Selon la complexité du système complet, la compatibilisation sera un détour sans médiation (évitement, reconfiguration positionnelle, décalage temporel), un détour instrumental (recrutement d’un objet existant) ou l’invention d’un objet (structure cohérente et fonctionnelle, détachable du corps propre et applicable à la situation).
L’objet est en ce sens la forme la plus complète de compatibilisation, en tant qu’elle est moins une simple médiation (niveau élémentaire de l’invention), ou un symbole (niveau intermédiaire), qu’un support pour une « participation cumulative ». Pour Simondon, le processus d’invention « se formalise le plus parfaitement quand il produit un objet détachable ou une œuvre indépendante du sujet », dans la mesure où 141il devient ainsi « transmissible », constituant, par sa mise en commun, « le support d’une relation de participation cumulative40 ». C’est donc moins la teneur objective de l’objet inventé que Simondon met au premier plan que son potentiel de réticulation d’une réalité plus vaste que lui. L’objet inventé est toujours au-delà de lui-même, toujours autre que son objectivité pure ; et que l’on parle d’un objet technique, d’un objet sacré ou d’un objet artistique, la véritable teneur de l’objet inventé, c’est d’être porteur d’une réserve de potentiels, à la fois physiques, psychiques, cognitifs et symboliques. L’objet inventé ne fait donc pas signe, il ne renvoie pas abstraitement à ses conditions matérielles et subjectives dont il serait la formule, car il est un symbole au sens fort, qui donne accès à la complémentarité réciproque opérée par l’invention entre ce qui vient de la situation et ce qui vient du sujet, dont il est l’unité synergétique.
C’est pourquoi la véritable invention est relativement étrangère à la question de l’utilité, qu’elle soit technique, économique ou sociale :
La continuité du créé, avec sa double dimension d’universalité spatiale et d’éternité temporelle, n’apparaît nettement que si l’on fait abstraction de la destination d’utilité […]41.
Chaque invention est en effet une formalisation sensible et une organisation opératoire en réponse à un problème dont les conditions sont intrinsèques au système problématique et dont les effets débordent toute finalité programmée. La compatibilisation réalisée par l’invention n’est pas une adéquation matérielle et fonctionnelle à des fins, mais la formalisation amplifiante et réticulaire d’un ensemble d’images ayant sens pour l’homme, elle est un « plus qu’être » au sens de Bachelard.
Imagination et éthique
Dans son troisième sens, une « praxis des images » qui dépasse les limites du sujet et se matérialise suppose un engagement imaginal et produit des effets qui retentissent sur les autres sujets comme sur le 142monde. Cette matérialisation fait de l’image un symbole au sens fort, c’est-à-dire qu’elle institue une complémentarité réciproque entre le sujet et l’objet, entre le sujet et autrui, entre la communauté des sujets et le monde, et pose le problème des normes et des valeurs instaurées à travers les images. Par sa nature proliférante, explosive, sauvage, par son irréductibilité à la conscience, à la perception, à l’invention, par son immanence, ses effets multiples, son ambivalence, l’imagination semble rétive à toute tentative de produire une éthique. Que l’on opte pour une éthique des vertus, pour une éthique des devoirs, pour une déontologie, à chaque fois une praxis des images paraît se situer à la fois en-deçà et au-delà, sans indiquer immédiatement quelque chose de l’ordre de règles pour conduire son action en vue de la vie bonne.
Cette question est d’autant plus redoutable lorsqu’elle est adressée à la poétique bachelardienne qui, la plupart des commentateurs l’ont souligné avec force42, ne comporte pas de théorie éthique. Il existe toutefois de nombreuses réflexions montrant une « préoccupation éthique » constante dans la poétique comme dans l’épistémologie bachelardiennes, sans qu’elles puissent être systématisées ni pour la face diurne ni pour la face nocturne de son œuvre. Ce défaut de systématisation ou de formalisation explicite n’est pas un obstacle absolu, il est possible, comme l’a montré Julien Lamy43, de considérer que Bachelard propose une « polyéthique » cohérente avec son « pluralisme philosophique ». Une telle polyéthique correspond non seulement aux deux faces de l’existence humaine, rationnelle et rêveuse, mais aussi à la rythmique des situations de la vie quotidienne. Elle peut également aussi bien s’entendre comme une « éthique de la verticalité », une « éthique du perfectionnisme de soi », une « éthique de la rencontre », une « éthique de la désobéissance », une « éthique de l’ouverture », une « éthique du travail », etc. Il ne peut donc être question de rechercher des principes universels ni d’établir une éthique normative, la normativité étant davantage dans les « images-actes » ou les « actes-images » que dans des règles générales de l’imagination à retrouver à travers les images.
143Pourtant, sans proposer de doctrine, Bachelard pense toujours l’imagination en relation avec une attitude, qui est une exigence du « bien rêver44 ». On ne rêve bien que si l’on sait rester « fidèle à l’onirisme », c’est-à-dire si l’on laisse coexister la fonction de l’irréel avec la fonction de réel, en se défaisant de toutes les « préoccupations qui encombraient la vie quotidienne45 » qui viennent des conventions sociales et des nécessités pratiques ; en ce sens qu’elles barrent l’accès aux profondeurs de l’esprit rêveur et empêchent la stimulation des éléments matériels. Il s’agit alors de se « libérer des images premières46 », de ne pas céder aux images faciles, convenues, imposées par la société, surtout depuis que cette société est entrée dans le « siècle des images ». Seule la solitude de la rêverie profonde peut réaliser cette exigence en laissant venir à soi ce qui est au plus profond et qui n’est pas autre que soi :
La solitude est nécessaire pour nous détacher des rythmes occasionnels. En nous mettant en face de nous-mêmes, la solitude nous conduit à parler avec nous-mêmes47.
Mais ce retour à soi par la confrontation à soi-même n’est pas un isolement. Rompre avec les sollicitations sociales est une nécessité pour sortir des relations instrumentales. Sans cette séparation des fins intermédiaires et des rôles imposés, il est impossible d’être à soi-même et donc de pouvoir rencontrer réellement l’autre en tant qu’autre sujet pensant et rêvant. Cette rencontre s’opère plus précisément au point d’équilibre entre l’élément matériel privilégié par la tonalité d’existence d’un sujet singulier et par les archétypes inconscients communs à l’humanité entière. Autrement dit, la solitude comme exigence poétique au sens de Bachelard est la condition de l’être ensemble, si l’on peut dire de la sympathie des rêveurs qui font un monde humain. C’est également en ce sens qu’il faut comprendre le « complexe de Prométhée », lequel ne vise pas la domination d’autrui par le savoir ni le travail, c’est-à-dire par la maîtrise jalouse, mais l’assomption de soi dans la rêverie cosmique, la conspiration vertueuse de tous dans le progrès de la connaissance. C’est ainsi que le sujet est en « syntonie » avec le monde, selon une 144« poïéthique48 » où volonté et imagination lui confèrent liberté et responsabilité.
Du point de vue éthique, Simondon est dans une situation relativement analogue à celle de Bachelard. Ces réflexions sont éparses, développées à l’occasion de propos n’ayant pas de rapport immédiat avec les enjeux éthiques ou relativement implicites. Deux exceptions sont toutefois à mentionner. La première concerne l’« éthique transductive » proposée dans la Conclusion de L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information comme une troisième voie au-delà de l’opposition entre « éthique substantialiste » qui cherche l’« immuabilité de l’être » à travers des modèles hors de la société et de la vie courante du plus grand nombre, et « éthique pratique » qui cherche une adaptation permanente au devenir des situations et des domaines selon les directions de l’action. La seconde exception est relative à la technique, elle se distribue tout d’abord dans l’exigence de reconnaissance des normes et valeurs propres au monde des objets techniques contre le ressentiment culturel dominant dans Du mode d’existence des objets techniques49 ; ensuite dans la critique de la vénalité, de l’obsolescence, de l’utilitarisme et dans l’exigence d’ouverture de « Psycho-sociologie de la technicité » et de « Mentalité technique » ; enfin dans la recherche d’une « dialectique de la récupération » écologique par l’approfondissement de la rationalité technique dans « Trois perspectives pour une éthique des techniques50 ».
Quant à l’imagination, Simondon propose un court développement au sujet de l’éthique. Lors de l’étude de la dernière phase du cycle de l’image, la formalisation est soit objective et elle donne l’invention technique, soit subjective et elle donne une invention artistique et une invention normative de type morale, religieuse, juridique ou politique51. Le type de normativité s’impose alternativement selon « le problème dominant de l’époque » à travers des « systèmes symboliques de compatibilité » entre les actions et les valeurs. Simondon apporte ensuite une précision concernant le « domaine axiologique » pour lequel « inventer une morale » consiste à « trouver un système des unités fondamentales assez simple, assez près du sujet pour qu’il soit antérieur à tout cas complexe soumis 145à décision normative […]52. » C’est ainsi que la morale stoïcienne va rendre compatible des morales qui ne l’étaient pas en se fondant sur une « image primordiale », celle de la persona pouvant convenir au rôle du soldat comme de l’empereur, et contenant par ailleurs une « normativité intrinsèque comme rôle (jouer jusqu’au bout, bien jouer) ». Il en sera de même pour la considération des esclaves à travers la relation parents-enfants plutôt qu’utilitaire ou économique, ou encore de la morale chrétienne où la fraternité est l’image universelle gouvernant toute relation à autrui selon l’attitude de charité. Autrement dit, la formalisation donne ainsi :
Une valeur axiologique exemplaire à un acte de plus en plus purement inchoatif, ce qui revient à augmenter la sensibilité et en même temps l’universalité de la formalisation, grâce à la structure interne d’amplification53.
Cela étant dit, tout comme chez Bachelard, c’est une lecture du potentiel éthique de l’ensemble de la théorie du cycle de l’image qu’il faudrait mener. Ainsi, l’analyse des anticipations, des phobies et exagérations, la victimologie, les conditionnements élémentaires, etc., n’est pas seulement une analyse scientifique des éléments qui relèveraient de la psychologie, et serait donc en cela loin des enjeux de l’exercice spirituel, de la recherche de la vie bonne, des règles de conduite nécessaire au vivre ensemble. Pourtant, leur inscription dans une théorie du cycle de l’image implique en vérité une responsabilité décisive puisque, pour Simondon :
C’est une tâche philosophique, psychologique, sociale [il faudrait ajouter ici « éthique »], de sauver les phénomènes en les réinstallant dans le devenir, en les remettant en invention, par l’approfondissement de l’image qu’ils recèlent54.
Imagination et politique
À l’issue de cette lecture, le questionnement le plus vif est celui du quatrième sens de la « praxis des images », à savoir le sens politique. Plus encore que l’éthique, les enjeux du vivre-ensemble pour le bien 146commun sont problématiques pour les pensées de l’imagination de Bachelard et de Simondon ; elles nécessitent d’être réinterrogées autant sur le potentiel politique qu’elles recèlent, sur la méthode d’analyse critique de l’imaginaire politique qu’elles rendent possible que sur la politique des images qu’elles suscitent. Car à l’époque de la mondialisation iconique dans laquelle nous vivons, c’est-à-dire celle du devenir monde de l’image et du devenir image du monde par les technologies numériques – qui prolonge, intensifie, généralise « pour le bien et pour le mal », ce « siècle de l’image » dont parlait déjà Bachelard en 194855 –, le risque majeur est en effet celui d’une insensibilisation généralisée et d’un appauvrissement irréversible de l’imaginaire. Pour affronter un tel risque éthico-politique, une « praxis des images » à la fois profonde et subversive, utopique et opératoire, est désormais plus que nécessaire pour sauver la rêverie et donc l’avenir humain. Et pour y parvenir autrement que par la fuite irrationnelle et technophobe dans une nuit infinie ou par l’adhésion inconditionnelle à la profusion continue des images, lire Simondon et Bachelard, lire Simondon lisant Bachelard, s’avère une pratique existentielle décisive, à condition qu’elle soit conduite selon une exigence d’ouverture et d’invention qui ne peut se passer de la raison.
Ludovic Duhem
École Supérieur d’Art et de Design (ESAD) – Orléans, Valenciennes
1 Au sujet de ce difficile problème des images chez Marx, voir Sarah Kofman, Camera oscura. De l’idéologie, Paris, Galilée, 1973 ; Paul Ricœur, L’Idéologie et l’utopie, Paris, Seuil, 1997 ; Isabelle Garo, Marx. Une critique de la philosophie, Paris, Seuil, 2000.
2 Gilbert Simondon, L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information, Grenoble, Millon, 2012.
3 Id., Imagination et invention (1965-1966), Paris, PUF, 2014.
4 Sur l’éthique chez Simondon, voir Gilbert Hottois, « L’éthique chez Simondon », in Gilles Châtelet (dir.), Gilbert Simondon. Une pensée de l’individuation et de la technique, Paris, Albin Michel, 1994, p. 69-90 ; Jean-Hugues Barthélémy « Simondon et la question de l’éthique », in J.-H. Barthélémy (dir.), Cahiers Simondon no 1, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 135-148 ; Vincent Bontems, « L’éthique de la technique chez Simondon et chez Gonseth », in Eric Emery & Benaroyo Lazare (dir.), L’Éthique en prise avec la « réalité » et le pragmatisme de Ferdinand Gonseth, Lausanne, Digilex, 2011, p. 53-66. – Sur la politique chez Simondon, voir la revue Multitudes, no 18 : « Politiques de l’individuation : penser avec Simondon », Paris, 2004 ; Bernard Stiegler, « Chute et élévation. L’apolitique de Simondon », in Revue philosophique de la France et de l’étranger, no 3 spécial Gilbert Simondon, dir. J.-H. Barthélémy, Paris, PUF, 2006 ; Vincent Bontems, « Esclaves et machines, même combat ! L’aliénation selon Marx et Simondon », in J-H. Barthélémy, Cahiers Simondon, no 5, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 9-24 ; Andrea Bardin, Epistemologica e politica in Gilbert Simondon, Fuori Registro, 2010 ; Andrea Bardin « La société, “machine autant que vie”. Régulation et invention politique entre Wiener, Canguilhem et Simondon » in Vincent Bontems, Gilbert Simondon ou l’invention du futur, Paris, Klincksieck, 2016, p. 33-44.
5 Ludovic Duhem, « Le sens de l’avenir. Exigences et apories du politique chez Simondon », conférence issue du colloque « Simondon politique ? » (Université de Poitiers, Mars 2014) et disponible en accès libre sur la plateforme en ligne academia.edu.
6 Vincent Bontems, Bachelard, Paris, Belles Lettres, 2010, p. 51-53.
7 Jean-Hugues Barthelemy, Simondon ou l’encyclopédisme génétique, Paris, PUF, 2008, p. 9-13. Jean-Hugues Barthélémy, « D’une rencontre fertile de Bergson et Bachelard : l’ontologie génétique de Simondon », in Frédéric Worms & Jean-Jacques Wunenburger (dir.), Bergson et Bachelard. Continuité et discontinuité, Paris, PUF, 2008, p. 223-238 et Vincent Bontems, Bachelard, Op. cit., p. 106-108.
8 Xavier Guchet, Pour un humanisme technologique. Culture, technique et société dans la philosophie de Gilbert Simondon, Paris, PUF, 2010. On y trouve un rapprochement récurrent de la pensée Simondon à celle Bachelard.
9 Dans L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information (Op. cit., désormais noté ILFI) comme dans Du mode d’existence des objets techniques (Paris, Aubier, (1958), 2012), peu de sources sont citées et lorsque des références explicites apparaissent dans le texte ou dans les éléments bibliographiques, le nom de Bachelard n’apparaît pas une seule fois.
10 L’étonnement du lecteur est sans doute encore plus grand si l’on se reporte à l’Index des noms qui comporte presque deux cents entrées sans aucune occurrence du nom de Bachelard.
11 On peut signaler ici que le cours de Juliette Favez-Boutonnier a circulé parmi les étudiants sous la forme d’un tapuscrit. Le chapitre sur Bachelard se trouve aux pages 69 à 83. Favez-Boutonnier termine également son cours sur le problème de l’imagination selon une perspective toute bachelardienne : « C’est un problème constant, un des problèmes dont il faut se dire qu’on cherche toujours à les résoudre, sans peut-être y arriver jamais complètement, le problème de respecter, pour que la personne humaine se développe, ses capacités d’imagination en même temps que ses capacités de rationaliser. » (p. 119)
12 G. Simondon, Imagination et invention, Op. cit., p. 127 et p. 130.
13 G. Bachelard, La psychanalyse du feu, Paris, Gallimard, (1949), 2008, p. 187.
14 Id., L’eau et les rêves. Essai sur l’imagination de la matière, Paris, Corti, (1942), 1997, p. 23.
15 Id., La Terre et les rêveries de la volonté, Op. cit., p. 9.
16 Ibid.
17 Ibid., p. 9-10.
18 G. Simondon, Imagination et invention (1965-1966), op. cit., p. 7.
19 Ibid., p. 3.
20 Ibid., p. 3.
21 Ibid., p. 7-8.
22 Ibid., p. 18.
23 Comme l’explique Simondon : « l’aspect dialectique des rapports de l’organisme et du milieu n’est qu’un aspect partiel du processus de genèse » dans la mesure où « la phase thétique, antérieure à l’expérience, traduit la spontanéité de l’organisme et la préexistence d’une activité d’anticipation se déployant avant l’expérience » ; quant à la « phase antithétique », elle correspond à l’expérience qui est « la relation la plus serrée entre l’organisme et le milieu » (Ibid., p. 21). Simondon souligne. C’est la dialectique hégélienne qui est critiquée ici et non pas la dialectique bachelardienne dont Simondon se saisira à plusieurs reprises dans d’autres textes.
24 Ibid., p. 14.
25 Ibid., p. 19.
26 Ibid.
27 Ibid., p. 19. Simondon souligne.
28 G. Bachelard, L’air et les songes, Op. cit., p. 7.
29 Ibid., p. 15.
30 Ainsi, Bachelard souligne dans La terre et les rêveries de la volonté : « Un véritable surréalisme qui accepte l’image dans toutes ses fonctions, aussi bien dans son essor profond que dans son allure primesautière, se double nécessairement d’un surénergétisme. Le surréalisme – ou l’imagination en acte — va à l’image neuve en vertu d’une poussée de rénovation. Mais dans une récurrence vers les primitivités du langage, le surréalisme donne à toute image neuve une énergie psychique insigne. » (Op. cit., p. 71. Bachelard souligne)
31 Id., La poétique de l’espace, Paris, PUF, (1957), 1998, p. 160.
32 Bachelard le présente ainsi dans La psychanalyse du feu : « Il y a en l’homme une véritable volonté d’intellectualité. On sous-estime le besoin de comprendre quand on le met, comme l’ont fait le pragmatisme et le bergsonisme, sous la dépendance absolue du principe d’utilité. Nous proposons donc de ranger sous le nom de complexe de Prométhée toutes les tendances qui nous poussent à savoir autant que nos pères, plus que nos pères, autant que nos maîtres, plus que nos maîtres. » Gaston Bachelard, La psychanalyse du feu, Op. cit., p. 30. Bachelard souligne.
33 Id., La terre et les rêveries de la volonté, op. cit., p. 30. Bachelard souligne.
34 Sauf erreur, l’invention technique n’est pas traitée comme telle par Bachelard, la technique étant généralement pensée sous trois formes indissociables de la recherche de la connaissance selon la démarche scientifique : 1) construction du réel par les instruments d’observation et de mesure (phénoménotechnique) ; 2) dispositif expérimental de validation d’une hypothèse ; 3) application pratique d’une science.
35 Id., L’air et les songes, Op. cit., p. 18.
36 Id., La formation de l’esprit scientifique, Paris, Vrin, 1938, rééd. 2004, p. 5.
37 Jean-Jacques Wunenburger, Gaston Bachelard, poétique des images, Milan, Mimésis, 2014, p. 112.
38 G. Simondon, Imagination et invention (1965-1966), op. cit., p. 41.
39 Ibid., p. 164.
40 Ibid.
41 Ibid., p. 165.
42 Voir J.-J. Wunenburger, Gaston Bachelard, Science et éthique, une nouvelle éthique ?, Paris, Hermann, 2013.
43 Julien Lamy, « Bachelard et la tradition des “exercices spirituels” », in J.-J. Wunenburger, Gaston Bachelard. Science et poétique, une nouvelle éthique ?, Op. cit., p. 337-350.
44 G. Bachelard, La terre et les rêveries de la volonté, op. cit., p. 9.
45 Id., La poétique de la rêverie, Paris, PUF, (1960), 2016, p. 148.
46 Id., L’air et les songes, Op. cit., p. 7.
47 Id., Le droit de rêver, Paris, PUF, (1970), 2013, p. 244.
48 Voir J.-J. Wunenburger, Gaston Bachelard, poétique des images, Op. cit., p. 230.
49 G. Simondon, Du mode d’existence des objets techniques, Op. cit.
50 Tous ces textes se trouvent dans G. Simondon, Sur la technique, Paris, PUF, 2014.
51 Id., Imagination et invention (1965-1966), Op. cit., p. 160.
52 G. Simondon, Imagination et invention (1965-1966), op. cit., p. 161.
53 Id., Imagination et invention (1965-1966), op. cit., p. 162.
54 Ibid., p. 14.
55 Ainsi « nous sommes dans un siècle de l’image. Pour le bien comme pour le mal, nous subissons plus que jamais l’action de l’image. » (G. Bachelard, La terre et les rêveries de la volonté. Essai sur l’imagination de la matière, Op. cit., p. 12).
- Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- ISBN : 978-2-406-09129-5
- EAN : 9782406091295
- ISSN : 2271-7234
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09129-5.p.0123
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 23/04/2019
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Gilbert Simondon, image, imagination, invention, praxis, cycle, milieu, lecture, activité, éthique, politique