Biopouvoir, biopolitique et transhumanisme Mort différée ou mort préservée ?
- Publication type: Journal article
- Journal: Éthique, politique, religions
2015 – 1, n° 6. Le Transhumanisme - Author: Adorno (Francesco Paolo)
- Pages: 121 to 136
- Journal: Ethics, Politics, Religions
Biopouvoir, biopolitique
et transhumanisme
Mort différée ou mort préservée ?
Les transhumanistes se considèrent eux-mêmes comme les théoriciens d’un stade intermédiaire entre l’humanité et la post-humanité, entre ce que nous sommes et ce que seront les hommes du futur. Certes, ils ne s’aventurent pas dans la description concrète de cette post-humanité, mais ils indiquent assez clairement qu’elle se formera par modification, ou mieux par amélioration, d’un certain nombre d’éléments de la nature de l’homme telle qu’elle est maintenant. Comme tout le monde peut le comprendre, au centre même du transhumanisme se trouve un élément paradoxal : la pensée que, pour continuer à se reproduire, notre espèce doit œuvrer à sa propre transformation jusqu’à arriver, si possible, à sa disparition pure et simple. Mais il s’y trouve un autre élément au moins aussi problématique : se présenter comme un entre-deux dans lequel quelque chose se joue et se décide, comme un moment de mutation volontaire entre une forme, présente, et une autre, à venir, signifie aussi penser à un redressement de l’évolution, une amélioration de ce que la nature a fait, sans que les buts de ces changements soient clairement identifiés.
On comprend bien que, avec de tels présupposés, la notion d’enhancement est absolument centrale dans le transhumanisme : tout peut et doit être amélioré, car nous en avons enfin les moyens, et pour certains ce pouvoir de tout changer entraîne l’obligation morale d’améliorer les caractéristiques de la nature humaine qui, comme on le sait, n’a aucune consistance ontologique1.
Sans entrer dans une analyse longue et détaillée que demanderait le méliorisme explicite de ces thèses2, on peut reconnaître que
l’enhancement, qu’il soit physique, cognitif ou émotif, pose des problèmes tant moraux que politiques d’une grande portée. Mais les solutions proposées se réduisent le plus souvent à de simples réaménagements théoriques. Ainsi, par exemple, on se demande si l’enhancement cognitif représente une forme de tricherie sociale ou remet en question les formes de justice distributive des sociétés libérales, ou encore on s’interroge sur la capacité de l’enhancement émotif à contrôler les comportements et à les formater3.
Malgré leur diversité, toutes ces formes d’enhancement présentent un élément commun : elles suscitent des réflexions qui, pour s’occuper de problèmes nouveaux (c’est-à-dire posés par les innovations technologiques des toutes dernières années), adoptent toutefois une démarche assez classique qui présente deux problèmes fondamentaux.
Le premier est que la validité d’une thèse, surtout si elle est favorable aux changements et à l’enhancement, n’est presque jamais affirmée de manière positive. On passe en réalité toujours par un raisonnement que
Pascal définissait comme apagogique, c’est-à-dire par la démonstration de la fausseté de la thèse contraire, ce qui est un évident élément de faiblesse théorique.
Le second, encore plus important, est que toute cette littérature se concentre sur un élément à la fois, sans arriver jamais à un moment de synthèse théorique qui puisse rendre compte, grâce à un regard à 360 degrés, de l’ensemble des changements que ces petites modifications individuelles et spécifiques sont à même d’engendrer. On porte souvent un regard trop tourné vers l’avenir proche et les détails individuels sans tenir compte des conséquences que telle ou telle autre forme de modification pourrait avoir dans un futur plus lointain et dans un cadre plus élargi. Cela pose un problème dans la mesure où on peut y déceler une finalité qui, pour ne pas être consciente, produit tout de même des effets politiques remarquables. Car, plus que de faiblesses théoriques, ces deux éléments témoignent d’un type d’argumentation « minimaliste » qui a un but précis. Le transhumanisme représente, dans un monde sans idéologie, la résurgence la plus virulente d’une idéologie dont la spécificité est de réfuter toute lecture idéologique de ses théories, donc de se soustraire à une quelconque lecture politique de sa démarche. Encore plus inquiétant : malgré l’aura révolutionnaire sous laquelle le transhumanisme se cache, il semble bien en phase avec la configuration politique de notre époque qu’il contribue à renforcer, comme j’essaierai de le démontrer.
Ces deux faiblesses, ou mieux ces deux éléments critiques, se retrouvent dans toutes les discussions sur l’enhancement, notamment dans le débat sur le prolongement de l’existence humaine, considérée comme le saint Graal de l’enhancement4. Il s’agit d’un domaine particulièrement sensible car ce changement pourrait remettre en cause la structure même de nos sociétés. Il est donc absolument nécessaire d’abandonner l’idée que le lifespan enhancement ne propose que l’adaptation de telle ou telle doctrine ou de tel ou tel concept à une nouvelle forme que l’homme aurait pris. Ce serait la meilleure manière de se fourvoyer et de laisser de côté les vrais problèmes que nous posent les formes d’immortalisme.
1. L’espoir, la volonté ou le souhait que l’on puisse éliminer la mort est présent depuis toujours dans l’histoire intellectuelle de l’humanité.
On se plait à rappeler toutes les stratégies que les hommes ont inventées depuis l’aube des temps pour maîtriser l’angoisse qui nous saisit face à la mort. La liste, par ailleurs bien connue, en serait longue, ce qui rend assez superflu de la commenter ou de la reprendre. Il y a toutefois un moment précis où ces stratégies ont pris une autre direction, marquant un vrai tournant dans l’histoire de la médecine, que l’on peut situer entre la fin du xixe et le début du xxe siècle. À ce moment-là, grâce aux travaux du généticien August Weissman5, du biologiste Ilya Mečnikov6 et de son collaborateur et collègue Serguei Metalnikov7, le regard que nous portons sur la mort a changé. Alors qu’on la considérait comme un état naturel, physiologique du corps humain, exposé par sa nature même de corps vivant à un cycle qui va de son apparition à sa disparition, la mort est devenue la conséquence évitable d’un état pathologique, une maladie dont on peut guérir, quelque chose qui n’est pas naturel. Elle apparaît désormais comme l’effet d’un état morbide qui a tendance à s’intensifier et à s’accélérer pendant la vieillesse. Ce qui a eu l’inévitable conséquence logique d’établir une équivalence entre vieillesse et maladie. L’hypothèse sur laquelle on a alors commencé à travailler est que si l’on veut éloigner le plus possible la mort, il faut agir sur les causes de la vieillesse, qui devient ainsi elle-même une pathologie8. Il s’agit évidemment d’un changement épistémologique radical qui est à la base de toutes les recherches contemporaines sur la mort, dont la légitimité est en quelque sorte augmentée par l’idée que le vieillissement n’est pas un phénomène nécessaire du point de vue évolutif9. Ce changement radical a eu également des retombés sur la conception et les finalités de la médecine, qui semblent désormais inclure, de manière tout à fait nouvelle, la lutte contre les causes biologiques de la mortalité humaine. La question est ouverte, tout comme reste entier le problème de savoir
si la mort est une maladie ou si elle n’est pas plutôt inscrite dans la structure même de la biologie humaine.
Les progrès théoriques et biologiques de la médecine n’ont pas empêché de questionner la légitimité éthique de cette volonté de lutter contre la mort, avec des arguments inégaux. Si l’on s’en tient à ce que Christine Overall en dit, un premier camp est constitué de ceux qu’elle appelle les « apologistes », qui acceptent la mort en tant que limite naturelle de l’existence et pensent que ce n’est pas une bonne chose d’essayer de la retarder à tout prix. Cette position est motivée en général de quatre manières : il ne faut pas craindre la mort, comme l’affirment Lucrèce et Épicure ; la mort fait partie du rythme naturel de la vie ; l’existence humaine est assez longue pour permettre d’avoir une vie bonne ; les coûts sociaux du prolongement de l’existence seraient trop élevés. L’autre camp est occupé par les chercheurs qui, s’opposant terme à terme à ces positions, pensent que la tentative de retarder autant que possible la mort est moralement légitime, à condition que la vie soit bonne10.
2. Cette différence de vue étant posée, le combat contre la mort peut avoir différentes finalités, car la prolongation de l’existence peut prendre deux directions assez différentes : soit le prolongement du stade final de l’existence (au lieu de mourir, par exemple, à 70 ans, on mourrait à 120 dans l’état de santé d’un individu de cet âge), soit le prolongement de chacune des phases de l’existence, donc une vie faite de stades (enfance, adolescence, maturité, vieillesse) dont la durée serait bien plus importante que celle que nous connaissons11.
Observons que la notion de prolongement de la durée de la vie humaine est tout à fait différent des notions d’espérance de vie (life expectancy) ou de durée moyenne de la vie humaine (average death)12. Ces deux dernières sont des paramètres statistiques, alors que la première renvoie au fait brut que la vie humaine sera sensiblement plus longue, ceteris paribus.
Pour terminer ces remarques introductives, notons enfin que la recherche de l’immortalité et la volonté de prolonger indéfiniment la vie humaine sont deux choses bien distinctes. La première concerne essentiellement
la recherche de moyens pour abolir complètement les causes de la mort de l’individu, qu’elles soient accidentelles ou naturelles – ce qui pose des problèmes théoriques redoutables. La seconde ligne de recherche, que l’on a baptisée « prolongevity » (c’est-à-dire une « significant extension of the lenght of human life, free from the diseases and disabilities now associated with old age »13), est de manière tendancielle dirigée vers un état que l’on peut appeler amortalité, pour reprendre la définition de Morin. Dans la recherche de l’amortalité, il s’agit d’éliminer les causes biologiques qui conduisent les organismes vivants à mourir.
3. La prolongation de la durée de la vie est recherchée de trois façons : par une diminution des maladies (compression de la morbidité), par une décélération du vieillissement, enfin par un arrêt du processus général de vieillissement14. Ces trois manières ont un impact plus ou moins efficace sur le prolongement de l’existence, la dernière étant censée produire les résultats les plus visibles et les plus importants. Si jamais il se vérifiait que l’arrêt du vieillissement était réalisable, alors « the reversal of the aging process would result in the absence of senescence and the achievement of a perpetually youthful physiological state »15. C’est dans cette direction que le transhumaniste Aubrey de Gray essaye de progresser. Il a mis en place un programme, Strategies for Engineered Negligible Senescence (SENS), fondé sur un présupposé biologique assez spécifique : le vieillissement est la conséquence directe d’une altération du métabolisme. Et puisque le métabolisme est sans cesse modifié, cela veut dire qu’il y a un seuil au-delà duquel ces altérations deviennent dégénératives et donc produisent le déclin général de l’organisme, visible dans son vieillissement. Autrement dit, « les conséquences directes du métabolisme intermédiaire s’accumulent tout au long de la vie, mais ne provoquent pas de déclin fonctionnel et aucune maladie tant que le métabolisme est en mesure de les contourner ». La solution pour éliminer le vieillissement et par conséquent la mort de l’organisme, qui en est l’effet direct, consiste à identifier les moyens de réparer les dommages causés par le
métabolisme et donc à « reporter leurs conséquences fonctionnelles à un âge plus avancé »16 ou, encore mieux, à éliminer totalement l’impact des pathologies liées à l’âge sur les fonctions organiques. Cela devrait être le premier pas décisif vers la stabilisation de la temporalité humaine dans l’état d’amortalité, qui lui-même précéderait l’immortalité17.
Ces positions engendrent de multiples critiques, tant biologiques que théoriques et éthiques.
Indépendamment de la faisabilité de ces idées ou encore de leur efficacité, il faut aussi s’interroger sur le rôle de la mort dans le mécanisme général de l’évolution. Pour penser l’éliminer sans produire d’effets catastrophiques, il faut d’abord comprendre les raisons de sa présence, en espérant évidemment qu’elle n’en ait aucune, ce qui n’est pas du tout sûr. Bien au contraire, malgré l’extrême variabilité des espèces vivantes sur ce point, il semble bien que la mort soit un mécanisme bénéfique à l’échelle de l’espèce et de la vie sur la terre. Il suffit de penser aux innombrables problèmes écologiques qu’entraînerait une surpopulation pour se rendre compte que la suppression de la mort n’aurait pas que des effets positifs18. D’un point de vue plus strictement théorique et philosophique, les choses ne sont pas plus simples. Bien qu’on puisse intuitivement y voir des avantages, des philosophes que l’on pourrait qualifier de particulièrement pessimistes ont objecté que cela poserait des problèmes remarquables. Par exemple, on doute du fait que l’identité personnelle puisse résister à la durée d’une vie prolongée à l’infini19, ou encore on craint d’être submergés par l’ennui d’une vie sans fin, dans laquelle on répéterait à l’infini les mêmes gestes et les mêmes actions20. D’un point de vue politique enfin, les objections les plus pertinentes
pointent le danger que le prolongement de la vie ferait courir à une juste distribution des ressources, parmi lesquelles il faut compter évidemment celle nécessaire au prolongement de la vie à l’infini, d’autant plus que les coûts sociaux des soins nécessaires à ce prolongement seraient énormes et donc difficilement supportables pour les sociétés quelles qu’elles soient21.
4. Quand on se penche sur les questions théoriques directement liées à l’immortalisme, les choses deviennent si possible encore plus compliquées, car elles se mélangent avec leurs retombées pratiques et économiques dans un imbroglio qui n’est pas facile à démêler. L’immortalisme est une théorie qui trouve son origine dans les travaux des auteurs les plus impliqués dans le transhumanisme (l’Extropy Institute et la World Transhumaniste Association). Son but explicite est de rendre l’individu immortel soit en éliminant les défauts du corps humain qui tiennent à sa biologie, soit en le détachant de celui-ci. Rendre les gens immortels veut donc dire éliminer toute possibilité de décès accidentel ou naturel par différents moyens, dont la cryogénie ou le transfert du contenu du cerveau (c’est-à-dire, selon une certain théorie de l’identité individuelle, la personne elle-même) sur un disque dur – vieux phantasme de la littérature de science-fiction.
Ces pratiques sont présentées dans des ouvrages comme The prospect of immortality de Robert Ettinger (1962), décédé en 2011 mais mis en état d’hibernation avec sa mère et ses deux femmes, ou encore chez des auteurs comme Ray Kurzweil ou Marvin Minsky22. Actuellement les immortalistes sont assez présents tant scientifiquement que socialement : deux compagnies (Alcor et The Cryonic Institute, cofondée par Ettinger) soutiennent et pratiquent la cryoconservation. Parmi les organisations dont le but est de lutter contre la mort, il faut compter l’American Academy of Anti-Aging Medicine (A4M), la Metuselah Foundation, cofondée par Aubrey de Grey, qui finance le Mprize pour les recherches sur la longévité, le Buck Institute et enfin l’Immortality Institute, fondé en 200223.
5. Au-delà des aspects biologiques de l’éloignement de la mort, directement liés à notre ontologie, c’est le sens de la mort et son rapport à la technique qu’il faut interroger, comme cet entrelacement entre biologie, économie et philosophie nous le suggère. Un bref essai, intitulé « La mort comme question »24, de H. G. Gadamer, qui rappelle deux interprétations assez différentes de la figure de Prométhée, celle d’Eschyle et celle de Protagoras, constitue une introduction assez claire à la question des rapports plutôt contrastés entre technique et mort. Alors que pour le philosophe, Prométhée est l’ami des hommes parce qu’il leur a donné le feu et la raison pratique, pour le poète l’action qui a valu à Prométhée d’être considéré comme le bienfaiteur de l’humanité, et par conséquent d’être puni des autres dieux, est de leur avoir offert le futur en leur cachant le moment de leur disparition. Mais ce cadeau de Prométhée aux hommes a eu l’effet néfaste de rendre la pensée de la fin insupportable. Cette double lecture du rôle et de la figure de Prométhée, qui se prêterait à une longue interprétation25, a un sens assez clair : la technique – dont Prométhée est le représentant – cache le sens de la mort, elle fait de la mort une chose, un événement qui n’a pas de sens, et par là même vide de sens toute l’existence.
On pourrait dire qu’alors que la technique vide de sens la mort, la philosophie s’échine à lui en donner un. Ce que Schopenhauer a exprimé de manière assez paradoxale en affirmant que « il est même peu probable, que, sans la mort, on eût pu philosopher », car au fond « la mort est le véritable génie inspirateur et le musagète de la philosophie, et c’est aussi pourquoi Socrate a défini celle-ci thanatou meletè »26. Cette tentative de rendre sensée la négativité absolue et irrémédiable s’est pourtant développée sur au moins deux plans, existentiel et politique.
Quant à la valeur existentielle de la mort, c’est une question qui a été inévitablement centrale dans la philosophie depuis Socrate, comme Schopenhauer le rappelle, et qui continue de l’être, selon des perspectives différentes, dans la pensée de Kierkegaard, de Hegel, de Heidegger, de
Bataille ou de Jankélévitch. Le sens et la fonction de tous ces efforts démesurés sont bien résumés par Émile Cioran qui, dans un texte intitulé – et le titre est déjà un programme – La tentation d’exister, écrit ceci : « La vie, loin d’être, comme pensait Bichat, l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort est plutôt l’ensemble des fonctions qui nous y entraînent. Notre substance diminue à chaque pas ; cette diminution pourtant, tous nos efforts devraient tendre à en faire un excitant, un principe d’efficacité. Ceux qui ne savent tirer bénéfice de leurs possibilités de non-être demeurent étrangers à eux-mêmes : des fantoches, des objets pourvus d’un moi, endormis dans un temps neutre, ni durée ni éternité. Exister c’est mettre à profit notre part d’irréalité, c’est vibrer au contact du vide qui est en nous. Le fantoche, lui, reste insensible au sien, l’abandonne, le laisse dépérir »27.
On appréciera pleinement la distance sidérale qui sépare la pensée de la mort des philosophes de l’immortalité des transhumanistes si, après ces quelques lignes de Cioran, on lit la description de ce que pourrait être la vie d’une personne qui vit bien au-delà des 100 ans :
You have just celebrated your 170th birthday and you feel stronger than ever. Each day is a joy. You have invented entirely new art forms, which exploit the new kinds of cognitive capacities and sensibilities you have developed. You still listen to music – music that is to Mozart what Mozart is to bad Muzak. You are communicating with your contemporaries using a language that has grown out of English over the past century and that has a vocabulary and expressive power that enables you to share and discuss thoughts and feelings that unaugmented humans could not even think or experience. You play a certain new kind of game which combines VR-mediated artistic expression, dance, humor, interpersonal dynamics, and various novel faculties and the emergent phenomena they make possible, and which is more fun than anything you ever did during the first hundred years of your existence. When you are playing this game with your friends, you feel how every fiber of your body and mind is stretched to its limit in the most creative and imaginative way, and you are creating new realms of abstract and concrete beauty that humans could never (concretely) dream of. You are always ready to feel with those who suffer misfortunes, and to work hard to help them get back on their feet. You are also involved in a large voluntary organization that works to reduce suffering of animals in their natural environment in ways that permit ecologies to continue to function in traditional ways ; this involves political efforts combined with advanced science and information processing services. Things are getting better, but already each day is fantastic28.
Si on ne peut pas nier le côté alléchant de ce programme, il faut tout de même reconnaître qu’il s’agit d’une description assez étrange, qui sonne faux, produisant plutôt l’impression d’une vie de papier-mâché. On peut se demander si cette vie sans limites temporelles suffit pour être heureux ou si, dans une vie de courte durée telle que nous la connaissons, le problème ne vient pas de ce qu’elle est faite d’une succession de malheurs et de douleurs de toute sorte29.
Remarquons que les transhumanistes ne s’embarrassent pas des différences entre extension indéfinie de la vie, amortalité ou immortalité. Ce désintérêt n’est pas le fruit d’une certaine superficialité, bien au contraire, il semble posséder une certaine logique. Prolongation indéfinie de la vie, amortalité et immortalité sont trois objectifs successifs inscrits dans une recherche qui pourrait durer plusieurs dizaines, voire des centaines d’années, et dont on ignore tout des possibilités de réalisation. Faire preuve d’un certain minimalisme sur les objectifs que l’on se fixe est donc signe d’une qualité rare et précieuse, l’humilité scientifique. Mais elle est aussi une forme de prudence politique. On avance masqués, « larvatus prodeo » disait Descartes, pour ne pas trop attirer l’attention sur les vraies finalités qu’on se propose.
6. Il faut néanmoins reconnaître qu’attribuer aux transhumanistes des finalités cachées n’est que pure spéculation. Il n’en reste pas moins que les phrases de Bostrom donnent une certaine idée d’un monde habité par des immortels et qu’elles rappellent ce que Kojève écrit sur la fin de l’histoire, sur la vie des êtres humains une fois l’histoire terminée : une vie de jeux et de loisirs dans laquelle rien n’est important, car il n’y aura plus de conflits30. Mais qui dit fin de l’histoire – et Bostrom comme Kojève au fond nous proposent une mise en scène de la fin de l’histoire –, dit aussi fin de la politique. Il est clair que discuter des conséquences, politiques qui plus est, de l’immortalité peut passer pour un exercice inutile : puisque l’on ne sait ni si ni quand on pourrait atteindre cet état, on ne voit pas de raison de s’en occuper. Malgré cette objection de bon sens, une vraie compréhension des thèses transhumanistes, comme je l’ai expliqué, doit quand même passer par une sorte de philosophie fictive qui s’interroge sur les effets globaux et à long terme engendrés
par la création de cette posthumanité qui sera la récompense de tant d’efforts. Que cette humanité relève du phantasme ou du progrès, qu’elle soit une production de l’imagination ou une extrapolation de ce que la science nous prépare importe peu pour comprendre la vraie teneur du transhumanisme.
En ce sens, il faudrait alors commencer par souligner que la mort est un fait social total31, et que, par conséquent, pouvoir et mort sont intimement liés. Toutefois pas pour la raison assez banale, et néanmoins importante, que la recherche de l’immortalité implique une interrogation sur les coûts de celle-ci, sur la possibilité que la terre puisse supporter une population croissante d’êtres immortels ou avec une vie bien plus longue, ou sur la manière dont ce bien (à condition qu’il s’agisse d’un bien) sera distribué. En réalité, se posent deux questions bien plus essentielles et étroitement liées.
La première concerne le rapport entre mort et politique et consiste à se demander si notre politique n’est pas ce qu’elle est précisément parce que nous sommes des êtres mortels – et le cas échéant, les immortels qui auront la chance de naître dans les siècles à venir devront se préparer à des modifications sociales, politiques et économiques bien plus profondes de ce que nous pouvons imaginer et qui, dans le passage de Bostrom que j’ai cité, ne sont pas même vaguement envisagées.
La seconde concerne la possibilité que notre configuration politique soit déjà porteur d’éléments qui nous laissent entrevoir ce que pourrait devenir la configuration politique d’une société d’immortels.
7. La première question suscite deux sortes de considérations. La première partirait d’un passage de Ricœur qui, dans l’introduction à La condition de l’homme moderne de Hannah Arendt, écrit ceci à propos de la politique : « la politique marque l’effort suprême de l’homme pour s’immortaliser lui-même »32. Cette phrase termine un long paragraphe dans lequel Ricœur remarque que pour Arendt la politique est une œuvre qui, grâce au travail normatif de l’action libre, représente une forme, sinon la forme, que les hommes se sont donnés pour remédier à leur fragilité. Ainsi la politique semble à Ricœur quelque chose de plus
qu’une simple activité d’ingénieurs destinée à construire une communauté comme s’il s’agissait d’une maison. Elle est sûrement une activité de médecin, comme Platon l’indique dans le Politique et dans la République, un remède aux faiblesses du corps humain qui conduisent les individus à leur disparition : la politique est par conséquent censée atténuer la dévastation produite par la mort. Mais elle est aussi quelque chose de plus car elle représente l’espace de la liberté humaine. Or, quand on sait que le lifespan enhancement est une tentative d’atteindre l’immortalité ou l’amortalité qui passe très souvent par une réduction des effets de la morbidité humaine (activité médicale s’il en est) et que les neurosciences définissent toujours mieux ce qu’est la liberté et l’espace de son exercice, qui se réduit au fur et à mesure que les recherches progressent, on peut se demander ce que deviendront la politique et le politique dans cette configuration.
La seconde considération naît de l’affirmation de Castoriadis qui, à propos du rapport entre pouvoir et mort, écrit que « toute vraie politique, en tant qu’elle vise l’institution de la société, est aussi une politique de la mortalité, elle dit aux humains qu’il vaut la peine de mourir pour la sauvegarde de la polis, pour la liberté et l’égalité »33. Pour Castoriadis, la vision du politique, de ses avantages et de ses bienfaits, balance en quelque sorte la douleur de sa propre disparition. Au fond, on peut mourir ou, mieux, on peut se sacrifier, parce que sa propre disparition produit deux biens majeurs, une plus grande liberté et une meilleure égalité – dans la mesure où la liberté et l’égalité sont des biens et que les autres les chérissent en tant que tels. Et on peut penser que la mort est utile parce qu’elle est en quelque sorte la rançon de l’autonomie de l’individu et de la société. La mort est le prix à payer pour la reproduction de la société civile, d’une société qui se veut autonome, dans la mesure où celle-ci est meilleure que l’état de nature. Une politique de la mortalité serait alors dans ce sens simplement un calcul des bienfaits pour la société que produit la disparition de l’individu. « Quelle peut être la position qui ménage à l’être humain à la fois le savoir de sa propre mortalité et le maintien des investissements de soi, des autres et des objets “sociaux” ? », se demande Castoriadis. Ce qui revient à affirmer qu’à ses yeux l’autonomie du sujet passe par une capacité absolue de se
dire et de se savoir mortel : toute autre solution serait l’arbre qui cache la forêt, reviendrait à déguiser, dissimuler, recouvrir la vérité de l’existence humaine lovée dans sa mortalité et surtout le fait que l’autonomie de l’individu est dans l’acceptation de sa dimension d’être fini34.
Pour Ricœur, la politique est une construction dont la fonction est de rendre les hommes immortels – ce qui est tout aussi intéressant. On pourrait dire qu’elle fonctionne dans la mesure où elle rend les hommes immortels : la politique est l’immortalisation de l’homme, la construction chargée d’abolir la disparition de l’individu en le rendant immortel par le récit de ses actes qui doivent être rien moins qu’héroïques. Pour Castoriadis, la mort produit l’autonomie des individus et rend possible la liberté de la cité. Tant Castoriadis que Ricœur, au fond, mettent l’accent sur un aspect spécifique : le rapport entre politique et mort est un élément fondateur des sociétés humaines, dans la mesure où, précisément, la politique doit abolir la mort.
8. Nous arrivons donc à notre second point que nous pouvons désormais aborder à partir de la compréhension de la fonction de la politique. Qu’adviendra-t-il de la politique une fois que la mort sera supprimée d’une manière ou d’une autre ? En réalité, il semble bien que nous ayons déjà sous les yeux une ébauche de réponse.
Jusqu’au début de la modernité, on essayait d’éradiquer la mort à travers une sorte de sublimation dans un mouvement proche de la dialectique hégélienne. L’abolition de la mort empruntait des chemins spécifiques, essentiellement politiques, qui n’étaient pas ceux du renforcement de la vie ou de la prolongation de l’existence. Dans la mesure où on ne possédait pas de moyens techniques pour intervenir concrètement sur la durée de la vie, on n’avait à notre disposition que la sublimation littéraire ou politique de la mort.
Le début de la modernité marque un changement dans ce rapport à la mort, dont le premier élément est l’acquisition de connaissances et
la production de techniques permettant d’intervenir directement sur les causes biologiques de la mort. Sans chercher à fixer des rapports de cause à effet ou à formuler des continuités entre des domaines assez hétérogènes comme la science et la politique, on peut observer que ce passage a eu une traduction politique immédiate. Selon Foucault, il a été accompagné par un changement identique dans la pensée politique car c’est à cette époque qu’émerge la biopolitique. Pour reprendre une formule désormais célèbre de Foucault, alors que le pouvoir souverain était un pouvoir de mort (« laisser vivre et faire mourir »), le pouvoir de la modernité est un pouvoir de vie (« laisser mourir et faire vivre »). À partir de ce moment, assez difficile à situer précisément (approximativement fin xvie-début xviiie), le pouvoir s’exerce sur la vie biologique des individus qu’il tend à gérer, gouverner et manipuler35. La thèse de Foucault est que la configuration de la politique contemporaine est représentée par un ancrage direct dans la vie biologique de l’individu (et des populations), laquelle est soumise à toutes sortes de manipulations en vue de son gouvernement exhaustif et illimité.
Ce changement de paradigme gouvernemental s’accompagne, toujours selon Foucault, d’un autre changement tout aussi important mais assez souvent négligé : la souveraineté classique trouvait dans le droit le savoir qui la limitait et disait la vérité de son action, alors que la gouvernementalité biopolitique s’appuie, est soutenue et limitée par l’économie.
L’interprétation foucaldienne de la spécificité de la modernité représente une ébauche de réponse à la question sur l’avenir de la politique, une fois la mort techniquement abolie. Elle sera remplacée par l’économie, la gestion, bref par un savoir économique au sens large du terme, dont l’hégémonie ne cesse de se renforcer depuis le début de la modernité.
Si tel est le cas, l’immortalisme et l’améliorisme ne sont-ils pas autant de prolongements ou de développements de cette configuration biopolitique, que les transhumanistes ignorent sans aucun doute mais qui n’en est pas moins réelle ? Le transhumanisme serait alors, plus précisément, et toujours sans le savoir, au service des finalités implicites de la configuration politique de la modernité. On pourrait donc légitimement penser qu’il est en contradiction avec lui-même : alors qu’il
se propose comme un instrument destiné à abattre tous les obstacles au plein épanouissement de l’individu, toutes les entraves à la pleine et autonome réalisation de soi-même, il est en réalité la manifestation la plus flagrante d’une configuration politique qui œuvre pour réduire l’autonomie de l’individu et le gouverner dans les plus petits détails de son existence.
En poussant le raisonnement, on pourrait se dire que les buts de l’immortalisme ou de l’amortalisme ne sont pas simplement de nous faire mourir le plus tard possible mais de nous gouverner le plus profondément possible. Alors, pour échapper à cette infiltration du pouvoir dans la vie quotidienne des individus, la seule solution est de se réapproprier de sa propre mort – et cela de plusieurs manières, parmi lesquelles il ne faut évidemment pas compter la tentative de la différer, ou de prolonger notre propre existence par tous les moyens et au-delà des limites que le corps nous impose.
Francesco Paolo Adorno
Université de Salerne
1 Cf. John Harris, “Enhancement are moral obligations”, J. Savulescu & N. Bostrom (eds.), Human Enhancement, New York, Oxford UP, 2009, p. 131-154.
2 À ce sujet on peut lire D. Callahan, False Hopes, New Brunswick, Rutgers UP, 1998, qui n’est pas à ranger parmi les mélioristes, pour avoir une idée assez précise des apories auxquelles pourrait conduire un améliorisme porté à ses conséquences extrêmes. Je me permets aussi de renvoyer à mon ouvrage Le désir d’une vie illimitée. Anthropologie et biopolitique, Paris, Kimé, 2012.
3 La littérature sur l’« enhancement » croît et se multiplie sans fin. Pour une première approche : P. Ramsey, Fabricated Man. The Ethics of Genetic Control, New Haven, Yale UP, 1970 ; E. Regis, Great Mambo Chicken and the Transhuman Condition, New York, Basic Books, 1990 ; J. Harris, Wonderwoman and Superman. The Ethics of Human Biotechnology, Oxford, Oxford UP, 1992 ; C.-H. Gray, Cyborg Citizen, New York, Routledge, 2001 ; F. Fukuyama, La fin de l’homme. Les conséquences de la révolution biotechnique, Paris, Gallimard, 2004 ; J. Habermas, L’avenir de la nature humaine. Vers un eugénisme liberal ?, Paris, Gallimard, 2002 ; C. Elliott, Better than Well, New York, Norton & Co, 2003 ; N. Agar, Liberal Eugenics, Oxford, Blackwell, 2004 ; J. Hugues, Citizen Cyborg, Cambridge, Westview Press, 2004 ; R. Naam, More than Human, New York, Broadway Books, 2005 ; G. Stock, Redesigning Humans: Our Inevitable Genetic Future, Boston, Houghton, 2002 ; P. Miller & J. Wisdom (eds.), Better Humans? The Politics of Human Enhancement and Life Extension, Londres, Demos, 2006 ; P. Barcellona, L’epoca del postumano, Rome, Edizioni Città Aperta, 2007 ; M. Sandel, “The case against perfection : what’s wrong with designer children, bionic athletes, and genetic engineering”, Atlantic Monthly, n. 3, 2002, p. 50-62 ; J.-N. Missa & L. Perbal (dir.), « Enhancement ». Ethique et philosophie de la médecine d’amélioration, Paris, Vrin, 2009 ; N. Agar, Humanity’s End. Why we should reject Radical Enhancement, Cambridge, The Mit Press, 2010 ; A. Buchanan, Better than Human, New York, Oxford UP, 2011 ; J. Savulescu, R. ter Meulen, G Kahane, Enhancing Human Capabilities, Oxford, Blackwell, 2011 ; G.-E. Pence, How to Build a Better Human. An Ethical Blueprint, Lahnam, Rowman & Littlefield Publishers, 2012 ; E. Hildt & A. Franke, Cognitive Enhancement. An Interdisciplinary Perspective, Dordrecht, Springer, 2013 ; I. Persson & J. Savulescu, Unfit for the Future. The Need for Moral Enhancement, New York, Oxford UP, 2013 ; A. Buchanan, Beyond Humanity ?, New York, Oxford UP, 2012.
4 J. Harris, Enhancing Evolution, Princeton, Princeton UP, 2007.
5 A. Weismann, Essais sur l’hérédité et la sélection naturelle, Paris, Reinwald, 1892.
6 I. Mečnikov, Etudes sur la nature humaine. Essais de philosophie optimiste, Paris, Masson, 1903.
7 S. Metalnikov, La lutte contre la mort, Paris, Gallimard, 1937.
8 L’équivalence entre maladie et mort, ou mieux la tentative de pathologiser la mort, ne fait pas que des enthousiastes : par exemple Leonard Hayflick est très sceptique qui propose de nombreux critères pour distinguer la vieillesse des états pathologiques. Voir L. Hayflick, How and Why We Age, New York, Ballantine Books, 1994.
9 G. Barazzetti, « Looking for the Fountain of Youth. Scientific, Ethical, and Social Issues in the Extension of Human Lifespan », in J. Savulescu, R. terMeulen, G. Kahane, Enhancing Human Capabilities, Oxford, Blackwell, 2011, p. 336.
10 Ces thèses son longuement discutées dans C. Overall, Aging, Death, and Human Longevity. A Philosophical Inquiry, Berkeley, University of California Press, 2003, p. 23-63.
11 Ibid., p. 17.
12 Ibid., p. 7.
13 S.-G. Post & R.-H. Binstock (eds), The Fountain of Youth. Cultural, Scientific, and Ethical Perspectives on a Biomedical Goal, Oxford, Oxford UP, 2004, p. 2.
14 Ibid.
15 G. Barazzetti, “Looking for the Fountain of Youth. Scientific, Ethical, and Social Issues in the Extension of Human Lifespan”, J. Savulescu, R. ter Meulen, G. Kahane, Enhancing Human Capabilities, Oxford, Blackwell, 2011, p. 338.
16 A. de Grey, « Strategie per un invecchiamento trascurabile ingegnerizzato », P. Donghi (dir.), Alterando il destino dell’umanità, Bari-Roma, Laterza, 2006, p. 53.
17 Mis à part les recherches de de Gray, qui sont au stade expérimental, d’un point de vue biologique les méthodes censées produire des résultats sur l’augmentation de l’espérance de vie sont : restriction calorique, traitements à base de hormone de croissance, d’« insulin-like growth factor » (IGF-I), de DHEA, de mélatonine, de testostérone, progestérone et œstrogènes, intervention sur les processus d’oxydation, sur l’activation des télomères, manipulation génétique et recherche sur les cellules souches.
18 Cf. A. Klarsfeld & F. Revah, Biologie de la mort, Paris, Odile Jacob, 2000.
19 B. Williams, “The Macropulos Case. Reflections on the Tedium of Immortality”, B. Williams, Problems of the Self, Cambridge, Cambridge UP, 1981, et, plus récemment, G. Barazzetti & M. Reichlin, “Life Extension and Personal Identity”, J. Savulescu, R. ter Meulen, G. Kahane, Enhancing Human Capabilities, Oxford, Blackwell, 2011, p. 398-409.
20 H. Jonas, Le droit de mourir, Paris, Rivages, 1986.
21 J. Harris, Enhancing Evolution, Princeton, Princeton UP, 2007, p. 61. Cf. aussi C. Overall, Aging, Death, and Human Longevity. A Philosophical Inquiry, Berkeley, University of Californa Press, 2003, qui discute de manière plus articulée toutes ces objections.
22 Sur les questions liées à l’hibernation, il existe un article éclairant de John Hugues, Death: Cryonics and the Telos of Liberal Individualism, que l’on trouve sur Internet.
23 Le fondateur de cette dernière institution, Bruce Klein, considère que le monde oublie trop facilement que chaque jour 150 000 personnes meurent, dont 100 000 à cause de maladies liées à la vieillesse. Ce qui pour Klein est une catastrophe, un tsunami, que l’on sous-estime.
24 H.-G. Gadamer, « La mort comme question » in G.-B. Madison (dir.), Sens et existence. En hommage à P. Ricœur, Paris, Éd. du Seuil, 1975.
25 Cf. U. Curi, Via di qua. Imparare a morire, Turin, Bollati-Boringhieri, 2011, p. 85-86.
26 A. Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, Paris PUF, 1966, « Suppléments », §41, p. 1203.
27 E. Cioran La tentation d’exister, Paris, Gallimard, 1986, p. 230-232.
28 N. Bostrom, “Why I Want To Be a Posthuman When I Grow Up”, Medical Enhancement and Posthumanity, B. Gordijn & R. Chadwick (eds), Springer, Dordrecht, 2008, p. 107-137.
29 Ainsi dans Hérodote, Histoires, III, 44-48.
30 Cf. G. Agamben, L’Ouvert. De l’homme et de l’animal, Paris, Payot, 2006.
31 L.-V. Thomas, Anthropologie de la mort, Paris, Payot, 1975, p. 44.
32 P. Ricœur, « Introduction », in H. Arendt, Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1983, p. 27.
33 C. Castoriadis, Sujet et vérité dans le monde social-historique, Paris, Éd du Seuil, 2002, p. 146. Cf. E. Kantorowicz, Mourir pour la patrie, Paris, PUF, 1984.
34 « C’est pourquoi j’ai été si souvent amené à dire qu’une société autonome ne pourra être vraiment réalisée que lorsque les humains seront capables d’affronter jusqu’au bout et sans fétiches institués leur mortalité. Aussi longtemps que cela ne sera possible, il y aura fuite vers un investissement rigide et illusoire de quelque chose qui recouvre la mort, ou, comme aujourd’hui, vers des divertissements permettant d’oublier la mort. Accumulation des gadgets ou oubli de soi devant la télévision : cela permet aux individus de ne pas être actifs dans la société, cela va ensemble ». (C. Castoriadis, op. cit., p. 149).
35 M. Foucault, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976 ; Id., Naissance de la biopolitique, Seuil-Gallimard, Paris 2004 ; Id., Sécurité, territoire, population, Pairs, Seuil-Gallimard, 2004.
- CLIL theme: 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- ISBN: 978-2-8124-4840-9
- EAN: 9782812448409
- ISSN: 2271-7234
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-8124-4840-9.p.0121
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 09-18-2015
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Biopolitics, immortality, transhumanism, Foucault (Michel), bioethics.