L’utilisation de l’activité partielle en France pendant la crise de la Covid-19 Une analyse empirique sous l’angle du genre
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Socio-économie du travail
2020 – 2, n° 8. Genre et politiques de l’emploi et du travail - Auteurs : Calavrezo (Oana), Hounkpevi (Lewis), Journeau (Florence), Robin (Yoan)
- Résumé : L’activité partielle est une mesure phare mise en avant par les pouvoirs publics pour lutter contre les répercussions de la crise sanitaire sur l’emploi. En utilisant des données originales d’enquête, cet article interroge les aspects genrés liés à l’utilisation de l’activité partielle en France pendant la crise de la Covid-19. Globalement, nous avons pu constater que le recours des femmes et des hommes à l’activité partielle était assez semblable. Quelques différences ont été mises en avant mais d’assez faible intensité. Notamment les femmes avec enfant ont plus été en activité partielle, constat à relier au fait que l’activité partielle indemnisait également des situations pour garde d’enfant. Les conséquences économiques de plus long terme seront à étudier, notre enquête montrant que les femmes et les hommes ayant connu l’activité partielle ne sont pas prêts aux mêmes concessions pour garder leur emploi.
- Pages : 163 à 201
- Revue : Socio-économie du travail
- Thème CLIL : 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
- EAN : 9782406123613
- ISBN : 978-2-406-12361-3
- ISSN : 2555-039X
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12361-3.p.0163
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 08/12/2021
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Covid-19, activité partielle, genre, parcours sur le marché du travail, concessions, confiance
L’utilisation de l’activité partielle
en France pendant la crise
de la Covid-19
Une analyse empirique sous l’angle du genre
Oana Calavrezo
Unédic et Laboratoire d’économie d’Orléans
Lewis Hounkpevi
Unédic
Florence Journeau
Unédic
Yoan Robin
Unédic
Introduction
Comme observé lors de précédentes crises (Bettio, 2002 ; Rubery, 2010), la crise de la Covid-19 est susceptible d’avoir d’importantes conséquences sur la distribution genrée du travail. Une littérature en plein essor s’intéresse aux effets socioéconomiques de la Covid-19 (Adams-Prassl et al., 2020 ; Blundell et al., 2020), et notamment aux aspects genrés (Hupkau et Petrongolo, 2020 ; Lambert et al., 2020 ; Boring et al., 2020 ; Bajos et al., 2020 ; Collet et Gayraud, 2021). Notre 164recherche contribue à la littérature sur les effets de la crise sanitaire sur le marché de l’emploi salarié1 en interrogeant les aspects genrés liés à l’utilisation de l’activité partielle. Le dispositif d’activité partielle (ou chômage partiel), qui est un dispositif ancien en France visant à éviter les licenciements économiques tout en permettant aux entreprises d’adapter le volume d’heures travaillées de leurs salariés aux variations de leur activité, a été adapté aux caractéristiques de cette crise. Depuis le 1er mai 2020 notamment, les arrêts pour garde d’enfant ou personnes vulnérables sont intégrés temporairement dans le dispositif d’activité partielle. Il a ainsi été au centre de la politique menée en France pour soutenir l’emploi dans le cadre des mesures de confinement prises face à la crise de la Covid-19. Son utilisation, d’une ampleur sans précédent a permis, au plus fort de la crise sanitaire, de protéger plus de 8 millions de salariés et plus d’un million d’établissements en France (Calavrezo et al., 2020).
Dans sa conception réglementaire, l’activité partielle est un dispositif neutre en termes de genre (gender-neutral) : il ne s’adresse pas à un sexe plutôt qu’à un autre. La littérature montre cependant que de tels dispositifs a priori aveugles aux différences femmes-hommes peuvent donner lieu à une utilisation qui, elle, est genrée et nourrit des inégalités femmes-hommes. Cette analyse d’un dispositif non-genré donnant lieu à une utilisation genrée s’applique-t-elle à l’activité partielle ? L’article pose la question pour la France dans le contexte de la crise de la Covid-19 : l’utilisation de l’activité partielle au cours du premier confinement de 2020 et de la période qui a suivi a-t-elle été neutre en termes de genre ? Nous répondons à cette question en testant différentes hypothèses.
Dans la continuité des travaux de Maruani et Nicole (1989) puis Maruani (1996), qui ont souligné que lors de crises précédentes les femmes étaient moins mises en activité partielle que les hommes d’une même entreprise et à poste équivalent, mais plus souvent sorties du marché du travail, nous faisons l’hypothèse que, durant la crise sanitaire actuelle, les femmes sont moins souvent que les hommes en activité partielle, toutes choses égales par ailleurs.
Considérant les caractéristiques particulières de la crise de la Covid-19 liées au premier confinement et à la mise en arrêt des écoles, et étant donné 165que les femmes prennent plus souvent en charge le travail domestique et les tâches parentales que les hommes (Garner, Méda et Senik, 2005 ; Pailhé et Solaz, 2009 ; Pfefferkorn, 2011 ; Bèque, 2019 ; Eurofund, 2020 ; Collet et Gayraud, 2021), nous faisons l’hypothèse que les femmes ont été davantage concernées par les arrêts de travail pour garde d’enfants. Nous testons cette hypothèse en analysant séparément pour les hommes et les femmes le lien entre le fait d’avoir des enfants et la probabilité d’avoir été en activité partielle entre le 17 mars et le 31 août 2020 compte tenu du fait qu’à partir du 1er mai 2020, l’activité partielle indemnisait également, temporairement, des situations pour garde d’enfant ou pour personnes vulnérables.
L’enquête mobilisée dans ce travail renseigne en outre sur les différents états possibles sur le marché du travail entre le premier confinement et la fin de l’été 2020 (maintien au travail, activité partielle, chômage, congés). La mise en activité partielle n’a pas le même sens selon qu’elle intervient alternativement au chômage total ou à l’emploi. En partant de résultats observés lors de crises précédentes et en les extrapolant, nous faisons l’hypothèse ici que l’articulation entre ces états diffère entre les hommes et les femmes.
En complément de ces analyses, cette recherche s’intéresse à des points de vue plus subjectifs liés à la mise en activité partielle ouvrant en même temps sur les répercussions de plus long terme que le confinement est susceptible d’avoir sur les situations professionnelles des femmes et des hommes, notamment au travers des questions sur les concessions que les unes et les autres seraient prêts à faire ou encore la confiance dans leur avenir professionnel ou dans l’économie. Comme les femmes sont moins protégées que les hommes, à situation égale, et peuvent parfois être perçues comme « une armée de réserve » (Rubery et Tarling, 1988 ; Rubery, 2010), nous faisons l’hypothèse que les femmes en activité partielle sont prêtes à plus de concessions pour garder un emploi que les hommes. Nous supposons par ailleurs que les hommes et les femmes auraient des niveaux de confiance différents dans leur avenir professionnel et dans l’économie, selon les parcours qu’ils rencontrent durant la crise sanitaire et notamment selon la place occupée par l’activité partielle au sein de ces parcours.
Pour répondre statistiquement à ces questions et vérifier nos hypothèses, après avoir présenté brièvement le dispositif d’activité partielle et la littérature, nous mobilisons l’enquête « Impact de la crise de la Covid-19 sur 166le marché du travail » et estimons des modèles économétriques analysant l’effet du sexe sur deux variables de résultat relatives à l’activité partielle : la mise en activité partielle proprement dite ainsi que le fait de connaître un parcours plus ou moins marqué par l’activité partielle, le chômage ou l’emploi au cours de la période considérée. Nous étudions également les résultats liés à des aspects plus subjectifs de la mise en activité partielle en mobilisant des statistiques descriptives sur la confiance en son avenir professionnel et les concessions qui pourraient être acceptées.
I. Règlementation et revue de littérature
I.1. Quelques rappels réglementaires
Nous présentons ici brièvement la règlementation d’activité partielle en vigueur entre le début de la crise sanitaire et le 31 décembre 2020. La réglementation a été plusieurs fois modifiée afin de tenir compte des évolutions de la crise de la Covid-19. En France, l’activité partielle ou le chômage partiel est un dispositif de sauvegarde de l’emploi encadré par la loi. Aujourd’hui, l’allocation d’activité partielle est financée par l’État à hauteur de 67 % et par l’Unédic à hauteur de 33 %. Il s’agit d’un dispositif ancien : les partenaires sociaux ont défini les modalités de mise en œuvre du chômage partiel par l’accord national interprofessionnel du 21 février 1968.
En raison de l’épidémie de Covid-19, le dispositif a été réformé afin de limiter les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. En 2020, pour chaque heure chômée, l’indemnité versée au salarié devait être égale à 70 % de sa rémunération brute et ne pouvait être inférieure à 8,03 €. Dans le cadre de la réforme de l’activité partielle, outre l’extension temporaire du dispositif à de nouveaux bénéficiaires (particuliers employeurs, salariés de droit privé d’employeurs de droit public, à partir du 1er mai 2020, arrêts pour garde d’enfant ou pour personnes vulnérables, etc.), l’allocation versée aux entreprises a été revalorisée et modulée :
167–Du 1er mars au 31 mai 2020, elle a été portée à 70 % de la rémunération horaire brute de référence (limitée à 4,5 Smic) afin de neutraliser le coût de l’activité partielle pour les employeurs avec un minimum de 8,03 € (étant donné que l’indemnité versée au salarié ne peut pas être inférieure à ce seuil) ;
–Du 1er juin au 31 décembre 2020, elle a été portée à 60 % de la rémunération horaire brute de référence (limitée à 4,5 Smic), hormis pour les entreprises de secteurs particulièrement affectés par la crise sanitaire (secteurs « protégés » : tourisme, restauration, sport, culture, évènementiel, etc.) et les entreprises de secteurs faisant l’objet de restrictions législatives ou réglementaires particulières, qui continuent d’être indemnisées à hauteur de 70 % de la rémunération horaire brute de référence (limitée à 4,5 Smic). Durant cette période, l’allocation minimale perçue par l’employeur s’élève à 8,03 €.
En outre, un dispositif spécifique d’activité partielle de longue durée (APLD) s’applique depuis le 1er juillet 2020. La mise en œuvre de l’APLD est conditionnée à la conclusion d’un accord collectif comportant notamment des engagements de maintien dans l’emploi et validé au préalable par l’autorité administrative compétente, la DIRECCTE (DREETS depuis le 1er avril 2021). Ce dispositif est applicable pour 6 mois renouvelables, dans la limite de 24 mois et est limité aux accords transmis pour validation à l’autorité administrative. La réduction de l’horaire de travail d’un salarié ne peut dépasser 40 % de l’horaire légal par salarié, sur la durée totale de l’accord2.
I.2. marché du travail et genre
Rubery et Tarling mettent en évidence dès 1988 l’existence d’une ségrégation genrée sur le marché du travail, entre des emplois majoritairement féminins et d’autres majoritairement masculins. Si cette ségrégation s’est légèrement amenuisée, quoique toujours très prégnante (Lemière et Silvera, 2014), elle se fait de plus en plus sur la qualité de l’emploi. En effet, les femmes sont plus souvent sujettes au temps partiel et aux CDD (Silvera, 2017), notamment à des âges extrêmes de 168la vie ce qui exclut le choix de cette forme d’emploi pour concilier vie professionnelle et vie familiale (Maruani, 2002). Cette ségrégation de la qualité de l’emploi serait à l’origine des bons taux d’emploi affichés dans le Nord de l’Europe, mais au détriment de la qualité de l’emploi féminin, très soumis au temps partiel (Maruani, 2017). Une explication de cette ségrégation trouve son origine dans le constat que les femmes sont sous-représentées dans le monde syndical et en conséquence moins bien défendues. Ceci en raison à la fois de difficultés d’articulation entre temps militant, temps professionnel et familial, et la nécessité fréquente d’avoir le soutien de son conjoint pour parvenir à être une femme responsable syndicale (Le Quentrec et Rieu, 2003), ainsi que d’une culture syndicale fondée sur des normes masculines (Silvera, 2012). Les femmes seraient toujours, en 2010 en France, moins bien représentées que les hommes à tous les échelons syndicaux (Lescurieux, 2019).
Si la ségrégation par secteur réduit la compétition directe entre les femmes et les hommes sur le marché de l’emploi, elle les expose aussi différemment selon les effets récessifs et les secteurs et emplois touchés (Bettio, 2002 ; Rubery, 2010 ; Rubery et Rafferty, 2013). La crise de 2008-2009 a ainsi d’abord été nommée « he-cession » en raison de son impact récessif majoritairement sur les secteurs masculins (Rafferty, 2015). C’est depuis cette crise que le sur-chômage féminin observé en France a pris fin (Meurs et Pora, 2019), même si les femmes restent plus exposées à l’inactivité et au sous-emploi (Guergoat-Larivière et Lemière, 2018).
Cependant, quand l’amélioration économique survient, des changements dans la ségrégation peuvent intervenir à la faveur d’une substitution de genre, au profit d’un genre ou de l’autre (Bettio, 2002 ; Rubery, 2010), notamment en conséquence des politiques publiques anti-crise. Lors de la crise de 2008-2009, en Angleterre, si les hommes ont été plus touchés par la crise, les femmes ont plus subi les conséquences des mesures d’austérité car elles sont plus souvent employées du secteur public et bénéficiaires de prestations sociales (Rubery et Rafferty, 2013 ; Rafferty, 2015). Deux rapports d’audit genrés sur les politiques publiques mises en œuvre en Angleterre après la crise de 2008-2009 ont par exemple mis en évidence qu’entre 74 % et 81 % des revenus tirés des augmentations d’impôts et des réductions d’aides viendraient des femmes (House of Commons Library, 2010 ; Women’s budget group, 1692012). En France, un rapport sur l’impact genré des mesures de soutien à l’économie à la suite de la crise de la Covid-19 (Collet et Gayraud, 2021) souligne le risque de renforcer les inégalités femmes-hommes sur le marché du travail en mobilisant la plupart des moyens sur des secteurs très masculins (bâtiment, aéronautique, automobile, numérique, transition écologique…).
Les politiques publiques, et notamment les politiques de soutien à l’économie en crise, peuvent donc ne pas être neutres sur le plan du genre et tendre au contraire à renforcer la prépondérance d’un sexe ou de l’autre sur le marché du travail ou dans certains secteurs. Cet effet indirect peut avoir lieu alors même que les politiques publiques ne sont pas conçues pour favoriser un genre par rapport à l’autre. L’activité partielle n’échappe pas à cette analyse : si de prime abord lors des précédentes crises les chiffres indiquent que les hommes subissent plus souvent l’activité partielle que les femmes (en France, 29 % de l’activité partielle est féminine entre 1992 et 1994 (Calavrezo et Duhautois, 2013) et 25 % entre le 4e trimestre 2008 et le 2e trimestre 2010 (Calavrezo et Lodin, 2013)), Maruani et Nicole (1989) puis Maruani (1996) expliquent que dans une même entreprise, les femmes pourraient être plus contraintes au temps partiel et les hommes au chômage partiel. La conséquence pour les femmes serait de tomber de façon structurelle et non plus conjoncturelle dans un sous-emploi, avec une baisse de salaire non prise en charge par l’État comme c’est le cas pour l’activité partielle.
Notre article apporte à cette littérature un éclairage sur les potentielles inégalités femmes-hommes liées à l’activité partielle lors de la crise de la Covid-19 en France. Les spécificités de cette crise et de ses réponses par les politiques publiques ont en effet des implications différentes des précédentes crises étudiées sur la mise en activité partielle des femmes et des hommes.
I. Description des données utilisées
Dans cet article, nous nous appuyons sur le volet « salariés » de l’enquête « Impact de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail » 170réalisée par l’Unédic en collaboration avec l’institut de sondages CSA. Il s’agit d’une enquête qui s’intéresse aux effets de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail en recueillant les points de vue des demandeurs d’emploi, des salariés et des employeurs. Elle vise à mieux comprendre l’impact de la crise sanitaire sur les transformations à l’œuvre sur le marché du travail en abordant plusieurs thématiques comme par exemple le recours à l’activité partielle, la confiance dans l’avenir, le projet professionnel, la recherche d’emploi, l’accompagnement ou encore la formation (voir Ducroz et Martin, 2021).
Dans le volet « salariés » de l’enquête, 2 028 personnes ont été interrogées en ligne entre la mi-septembre et la mi-octobre 2020 (soit avant la mise en place du couvre-feu dans certaines régions puis l’annonce d’un second confinement) à propos de la période allant du premier confinement à la fin de l’été 2020 soit entre le 17 mars et le 31 août 2020 (voir Tableau 1).
Les personnes interrogées étaient salariées au moment de l’enquête. Il s’agit d’un échantillon national (France métropolitaine) représentatif des salariés de 18 ans ou plus qui travaillent dans les entreprises privées ainsi que dans les grandes entreprises publiques hors salariés embauchés par des particuliers employeurs et hors agriculture. La représentativité est assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, sexe croisé avec l’âge, catégorie socioprofessionnelle, type d’entreprise, taille d’entreprise, taille d’agglomération et secteur d’activité). Les données sur lesquelles sont déterminés les quotas sont issues du fichier « salariés » DADS grand format 2015 en se restreignant aux emplois ordinaires chez des employeurs privés ou des personnes morales de droit public soumises au droit commercial et dont les établissements embauchent un salarié ou plus3. Les 2 028 personnes interrogées ont été retenues à partir du panel d’internautes CSA Link de près de 140 000 panélistes en appliquant les quotas précédemment identifiés.
Au-delà du caractère original et de la fraicheur des données mobilisées, ces dernières présentent quelques limites. En effet, la représentativité des données étant basée sur les quotas décrits ci-dessus, des déformations peuvent être observées pour certaines autres caractéristiques en lien avec 171la structure du panel mobilisé (voir notamment la sous-représentation des contrats à durée limitée ou encore la surreprésentation des femmes parmi les cadres et les professions intellectuelles supérieures).
Les caractéristiques sociodémographiques des individus ainsi que les caractéristiques des emplois occupés au moment de l’enquête sont considérées entre la mi-septembre et la mi-octobre 20204. Les individus sont par ailleurs interrogés quant à leur situation sur le marché du travail entre le 17 mars et le 31 août. Séparément, pour les périodes du 17 mars au 10 mai (i.e. la période du premier confinement soit 8 semaines) et du 11 mai au 31 août (c’est-à-dire entre le premier déconfinement et la fin de l’été 2020 soit 16 semaines), les individus ont déclaré le nombre de semaines occupées dans une des quatre situations suivantes (avec rotation aléatoire des items au moment de l’interrogation) :
–en activité partielle (chômage partiel), en arrêt maladie ou en arrêt de travail pour garde d’enfants ou pour personne vulnérable
–au travail, sur le lieu de travail ou à distance (télétravail)
–au chômage, c’est-à-dire sans contrat de travail pendant cette période
–en congés payés ou RTT.
Par la suite, et pour simplifier la lecture, nous ferons référence à la première catégorie comme à de l’activité partielle. La mesure de l’activité partielle dans l’enquête est différente de celle des données administratives de l’agence de services et de paiement (ASP), qui est l’organisme qui verse les allocations d’activité partielle auprès des employeurs, ce qui peut conduire à des résultats parfois différents mais dont nous tenons compte dans notre analyse.
Premièrement, les données de l’enquête sont déclaratives et les questions peuvent donner lieu à une interprétation qui ne correspond pas à la lettre au dispositif tel que prévu dans la loi. Notamment, l’enquête interroge sur un nombre de semaines en activité partielle alors que les 172données administratives renseignent l’activité partielle dès la première heure effectuée. Cette différence peut avoir pour effet de diminuer la part de salariés en activité partielle dans l’enquête par rapport à la même période dans les données administratives, ce que nous constatons en effet : 49 % des salariés de l’enquête ont déclaré avoir été en activité partielle entre le 17 mars et le 31 août 2020 (Tableau 1), contre 55 % des salariés du privé selon une estimation réalisée à partir des données administratives combinées à l’enquête Emploi 20195.
Deuxièmement, l’activité partielle telle que mesurée dans l’enquête intègre les arrêts pour maladie, garde d’enfants ou pour les personnes vulnérables à la Covid-19, alors que le dispositif d’activité partielle n’intègre que temporairement les arrêts pour garde d’enfant ou pour les personnes vulnérables à partir du 1er mai 2020. Cette différence dans la définition de l’activité partielle peut avoir pour conséquence d’augmenter l’activité partielle dans les données de l’enquête pour la période avant le 1er mai comparativement aux données administratives en particulier pour les femmes qui s’occupent plus souvent des personnes à charge (Albouy et Legleye, 2020 ; Barbara, 2020 ; Lévy, Potéreau et Prunier, 2020 ; Recchi et al., 2020 ; Barhoumi et al., 2020 ; Collet et Gayraud, 2021)6. D’après une enquête de l’Ugict-CGT, pendant le 1er confinement, ce sont en majorité les femmes (70 %) qui ont pris un congé maladie pour garde d’enfant. Par ailleurs, lors du 1er confinement, 21 % des mères de famille se sont arrêtées de travailler pour s’occuper des enfants contre 12 % des hommes (Collet et Gayraud, 2021 citant des données de l’assurance maladie).
Les statistiques descriptives de l’enquête sont retranscrites dans le Tableau 1.
173Tab. 1 – Caractéristiques des individus interrogés (en %).
Activité partielle entre le 17 mars et le 31 août 2020 |
N’avoir pas déclaré de l’activité partielle |
51 |
Avoir déclaré de l’activité partielle |
49 |
|
Sexe |
Homme |
57 |
Femme |
43 |
|
Âge |
Moins de 30 ans |
22 |
30 à 49 ans |
52 |
|
50 ans ou plus |
26 |
|
Lieu de résidence |
Île-de-France |
24 |
Autre région |
76 |
|
Type de contrat de travail |
Contrat à durée limitée (CDD, intérim) |
4 |
CDI |
96 |
|
Catégorie socioprofessionnelle |
Cadre et professions intellectuelles supérieures |
19 |
Profession intermédiaire |
19 |
|
Employé |
33 |
|
Ouvrier |
29 |
|
Diplôme |
Moins que le Bac |
24 |
Bac |
25 |
|
Bac+2 |
25 |
|
Bac+3 ou plus |
26 |
|
Nature de l’employeur |
Entreprise privée, association |
98 |
Entreprise publique (EDF, La Poste, SNCF, etc.) |
2 |
|
Secteur d’activité |
Industrie |
18 |
Construction |
7 |
|
Commerce (commerce, transports et entreposage, hébergement et restauration) |
33 |
|
Services |
42 |
|
174
Ancienneté dans l’entreprise |
Moins d’un an |
9 |
De 1 an à moins de 3 ans |
19 |
|
De 3 ans à moins de 10 ans |
34 |
|
10 ans ou plus |
38 |
|
Taille de l’entreprise |
Moins de 10 salariés |
23 |
De 10 à 49 salariés |
30 |
|
De 50 à 249 salariés |
27 |
|
250 salariés ou plus |
20 |
|
Enfants de moins de 14 ans vivant au sein du foyer |
Au moins un enfant |
37 |
Aucun enfant |
63 |
|
Personnes dans le foyer |
1 personne |
22 |
2 personnes |
28 |
|
3 personnes |
23 |
|
4 personnes ou plus |
26 |
|
Propriété logement |
Locataire |
43 |
Propriétaire |
57 |
|
Montant mensuel net habituel des revenus du foyer |
Moins de 2 000 euros |
28 |
De 2 000 euros à moins de 3 000 euros |
27 |
|
De 3 000 euros à moins de 5 000 euros |
28 |
|
5 000 euros ou plus |
7 |
|
Ne souhaite pas répondre |
10 |
|
Nombre d’observations |
2 028 |
Source : enquête Unédic « Impact de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail », volet « salariés ».
Champ : salariés de 18 ans ou plus du secteur privé et des entreprises publiques au moment de l’enquête, hors salariés des particuliers employeurs et hors agriculture, France métropolitaine ; statistiques pondérées.
175I. « Toutes choses égales par ailleurs »,
la probabilité d’avoir connu de l’activité partielle est légèrement plus importante pour les femmes
Dans cette partie de l’article, nous nous intéressons aux déterminants de la propension à avoir déclaré une mise en activité partielle entre le premier confinement et la fin de l’été 2020.
Les femmes salariées (hors salariées des particuliers employeurs et hors agriculture) sont légèrement plus nombreuses à avoir connu une période d’activité partielle entre le 17 mars et le 31 août 2020 que les hommes : 51 % contre 48 % (Annexe 1 ; différence qui n’est pas statistiquement significative).
Pour étudier « toutes choses égales par ailleurs » la corrélation entre sexe et probabilité d’avoir connu une période d’activité partielle entre le 17 mars et le 31 août 2020, et tester notre première hypothèse selon laquelle durant la crise sanitaire les femmes seraient moins souvent concernées par l’activité partielle que les hommes, nous estimons un probit simple (Tableau 2)7. Il apparaît ainsi qu’être une femme par rapport à être un homme augmente la probabilité d’avoir déclaré des situations d’activité partielle, des arrêts maladie ou des arrêts de travail pour garde d’enfants ou pour personne vulnérable même si l’effet n’est pas très massif en valeur absolue8.
Le fait que les femmes sont « toutes choses égales par ailleurs » plus souvent en activité partielle que les hommes abonde dans le sens que les femmes constitueraient une « armée de réserve » et seraient les premières sorties de l’emploi actif en cas de mise à l’écart d’une partie des salariés (Rubery et Tarling, 1988 ; Rubery, 2010). Contrairement aux crises précédentes, le soutien massif au chômage partiel se traduirait ainsi par une féminisation du chômage partiel. L’activité partielle pourrait alors avoir plus protégé les femmes qui en l’absence de ce dispositif auraient 176été plus souvent que les hommes évincées (totalement ou partiellement par une diminution du temps de travail) du marché du travail, comme ce fut le cas lors des crises précédentes (phénomène décrit par Maruani et Nicole, 1989 puis Maruani, 1996). Ce résultat infirme ainsi notre première hypothèse9.
En modélisant séparément pour les hommes et les femmes deux probit simples, nous souhaitons tester notre deuxième hypothèse selon laquelle les femmes ont été davantage concernées par les arrêts de travail pour garde d’enfants durant la crise sanitaire. Nous testons cette hypothèse en analysant le lien entre le fait d’avoir des enfants et la probabilité d’avoir été en activité partielle entre le 17 mars et le 31 août 2020 compte tenu du fait qu’à partir du 1er mai 2020, l’activité partielle indemnisait également, temporairement, des situations pour garde d’enfant ou pour personnes vulnérables (Tableau 2). Dans l’enquête « Impact de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail » nous avons plus précisément l’information sur le fait d’avoir des enfants de moins de 14 ans.
En regardant l’effet de cette variable sur les modèles des sous-populations hommes et femmes, nous remarquons qu’avoir un enfant de moins de 14 ans n’augmente significativement la probabilité d’avoir été en activité partielle que pour les femmes (voir Tableau 2), dans la lignée de la littérature sur le travail domestique (Albouy et Legleye, 2020 ; Barbara, 2020 ; Lévy, Potéreau et Prunier, 2020 ; Recchi et al., 2020 ; Barhoumi et al., 2020 ; Collet et Gayraud, 2021). Ce résultat confirme ainsi notre deuxième hypothèse.
177Tab. 2 – Probabilités d’avoir déclaré la mise en activité partielle.
Ensemble |
Hommes |
Femmes |
||||
Constante |
+0,38 |
(0,24) |
+0,06 |
(0,30) |
+0,90 ** |
(0,39) |
Sexe |
||||||
Homme |
-0,12 ** |
(0,06) |
||||
Femme |
Réf. |
|||||
Âge |
||||||
Moins de 30 ans |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
|||
30 à 49 ans |
+0,10 |
(0,08) |
+0,29 ** |
(0,12) |
-0,12 |
(0,12) |
50 ans ou plus |
+0,09 |
(0,10) |
+0,34 *** |
(0,14) |
-0,20 |
(0,15) |
Lieu de résidence |
||||||
Île-de-France |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
|||
Autre région |
-0,11 |
(0,07) |
-0,06 |
(0,10) |
-0,21 ** |
(0,10) |
Type de contrat de travail |
||||||
Contrat à durée limitée (CDD, intérim) |
-0,40 ** |
(0,16) |
-0,26 |
(0,20) |
-0,54 ** |
(0,26) |
CDI |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
|||
Catégorie socioprofessionnelle |
||||||
Cadre et profession intellectuelle supérieure |
-0,49 *** |
(0,10) |
-0,52 *** |
(0,14) |
-0,74 *** |
(0,17) |
Profession intermédiaire |
-0,01 |
(0,09) |
+0,13 |
(0,12) |
-0,44 *** |
(0,16) |
Employé |
-0,13 |
(0,08) |
+0,06 |
(0,10) |
-0,54 *** |
(0,15) |
Ouvrier |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
|||
178
Nature de l’employeur |
||||||
Entreprise privée, association |
-0,01 |
(0,15) |
-0,03 |
(0,19) |
+0,04 |
(0,28) |
Entreprise publique (EDF, La Poste, SNCF…) |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
|||
Secteur d’activité |
||||||
Industrie |
-0,10 |
(0,09) |
-0,03 |
(0,12) |
-0,30 * |
(0,16) |
Construction |
+0,32 *** |
(0,11) |
+0,42 *** |
(0,14) |
+0,25 |
(0,19) |
Commerce (commerce, transports et entreposage, hébergement et restauration) |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
|||
Services |
-0,28 *** |
(0,07) |
-0,24 ** |
(0,09) |
-0,36 *** |
(0,11) |
Ancienneté dans l’entreprise |
||||||
Moins d’un an |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
|||
De 1 an à moins de 3 ans |
+0,11 |
(0,12) |
-0,07 |
(0,17) |
+0,40 ** |
(0,18) |
De 3 ans à moins de 10 ans |
+0,06 |
(0,12) |
+0,02 |
(0,16) |
+0,13 |
(0,17) |
10 ans ou plus |
+0,03 |
(0,12) |
-0,07 |
(0,17) |
+0,17 |
(0,18) |
Taille de l’entreprise |
||||||
Moins de 10 salariés |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
|||
De 10 à 49 salariés |
-0,08 |
(0,09) |
-0,12 |
(0,12) |
-0,01 |
(0,13) |
De 50 à 249 salariés |
-0,17 ** |
(0,09) |
-0,19 |
(0,12) |
-0,15 |
(0,13) |
250 salariés ou plus |
-0,13 |
(0,09) |
-0,15 |
(0,12) |
-0,12 |
(0,14) |
179
Enfants de moins de 14 ans vivant au sein du foyer |
||||||
Au moins un enfant |
+0,18 *** |
(0,07) |
+0,10 |
(0,09) |
+0,29 *** |
(0,10) |
Aucun enfant |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
|||
Propriété logement |
||||||
Locataire |
+0,03 |
(0,06) |
+0,02 |
(0,09) |
0,00 |
(0,10) |
Propriétaire |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
|||
Montant mensuel net habituel des revenus du foyer |
||||||
Moins de 2 000 euros |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
|||
De 2 000 euros à moins de 3 000 euros |
-0,04 |
(0,08) |
+0,04 |
(0,11) |
-0,16 |
(0,12) |
De 3 000 euros à moins de 5 000 euros |
-0,11 |
(0,08) |
-0,09 |
(0,11) |
-0,18 |
(0,12) |
5 000 euros ou plus |
-0,41 *** |
(0,14) |
-0,16 |
(0,19) |
-0,80 *** |
(0,22) |
Ne souhaite pas répondre |
-0,08 |
(0,11) |
-0,08 |
(0,17) |
-0,12 |
(0,15) |
Nombre d’observations |
2 028 |
1 108 |
920 |
Observations : estimation de probit simples. Sont indiqués les coefficients estimés et les écarts-types entre parenthèses. *** : coefficient significatif au seuil de 1 % ; ** : coefficient significatif au seuil de 5 %, * : coefficient significatif au seuil de 10 % ; « Réf. » correspond à la modalité de référence d’une variable.
Source : enquête Unédic « Impact de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail », volet « salariés ».
Champ : salariés de 18 ans ou plus du secteur privé et des entreprises publiques au moment de l’enquête, hors salariés des particuliers employeurs et hors agriculture, France métropolitaine.
180I. LA RÉPARTITION entre l’ACTIVITÉ PARTIELLE,
LE TRAVAIL ET LE CHÔMAGE EST PEU CORRÉLÉE AVEC LE SEXE
La mise en activité partielle n’a pas le même sens selon qu’elle intervient alternativement au chômage total ou à l’emploi. En partant de résultats observés lors de crises précédentes et en les extrapolant, nous faisons l’hypothèse que l’articulation entre activité partielle, chômage et emploi diffère entre les hommes et les femmes. Pour tester cette hypothèse, dans cette partie de l’étude, nous construisons une typologie de parcours entre le 17 mars et le 31 août 2020.
Dans l’enquête « Impact de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail », il est possible d’appréhender la situation professionnelle des salariés sur 24 semaines, entre le 17 mars et le 31 août 2020, à l’égard de la durée (exprimée en semaines) passée dans quatre états sur le marché du travail10 : activité partielle, travail (sur le lieu de travail ou à distance), chômage et congés payés / RTT. Un moyen d’examiner les corrélations entre les variables décrivant les parcours des salariés consiste à réaliser une analyse de classification. Comme dans ce travail nous souhaitons identifier des combinaisons récurrentes d’états sur le marché du travail, seules quatre variables décrivant les parcours sont retenues : le nombre de semaines en activité partielle, le nombre de semaines au travail, le nombre de semaines au chômage ainsi que le nombre de semaines en congés payés / RTT. Nous avons élaboré une typologie à l’aide d’une classification ascendante hiérarchique (CAH) sur l’ensemble des salariés interrogés. La CAH répartit les parcours en groupes homogènes, les plus distincts entre eux. Ces groupes sont emboîtés par regroupements successifs en fonction de leur proximité, mesurée ici à partir de la distance de Ward. Le nombre final de groupes est obtenu de façon à maximiser la moyenne de l’indice des silhouettes de Rousseeuw. Par ailleurs, le nombre final de groupes permet que ces derniers conservent une taille suffisante, tout en limitant la perte d’inertie induite par le regroupement.
181IV.1. Les parcours des salariés
entre le 17 mars et le 31 août 2020
La classification des 2 028 parcours professionnels entre le 17 mars et le 31 août 2020 des personnes interrogées conduit à identifier quatre groupes d’effectifs différents. Le groupe « travail », qui est le plus conséquent en termes d’effectifs (58 % des parcours des salariés), rassemble des parcours caractérisés quasi intégralement par le travail. En effet, en moyenne, les parcours comptent un peu plus de 21 semaines sur 24 en travail (télétravail ou sur le lieu de travail), 2 semaines de congés ou de RTT et un peu moins d’une semaine d’activité partielle entre le 17 mars et le 31 août (Tableau 3).
Le groupe « mix travail et activité partielle » rassemble des parcours qui combinent les situations de travail et d’activité partielle et représente 30 % des salariés de l’enquête (voir Tableau 3). Près de la moitié de la période considérée est caractérisée par le travail (11,9 semaines) et un peu plus d’un tiers de la période est caractérisée par l’activité partielle (8,8 semaines). Il s’agit par ailleurs du groupe qui déclare le plus de jours de congés ou de RTT (près de 3 semaines déclarées en moyenne). Les salariés de ce groupe déclarent en outre 0,4 semaine de chômage sur la période d’analyse.
En moyenne, les salariés du groupe « mix chômage et travail » (7 % des enquêtés ; cf. Tableau 3) ont passé près de la moitié de la période étudiée au chômage (11,8 semaines) et près de 10 semaines en travail. Les personnes de ce groupe ont déclaré par ailleurs avoir passé en moyenne environ une semaine en congé et une autre en activité partielle.
Enfin, le groupe « activité partielle », 5 % des salariés, rassemble des parcours quasi intégralement en activité partielle entre le 17 mars et le 31 août (en moyenne, 23 semaines d’activité partielle). Les salariés de ce groupe connaissent également un peu de congés (0,7 semaine en moyenne) et de travail (en moyenne, 0,2 semaine ; voir Tableau 3).
182Tab. 3 – Répartition des parcours des salariés entre le 17 mars et le 31 août 2020 et statistiques descriptives, selon le groupe de parcours.
Groupes de parcours |
Effectifs |
Part |
Moyenne |
|||
Nombre de semaines en activité partielle |
Nombre de semaines au chômage |
Nombre de semaines en congés |
Nombre de semaines au travail |
|||
Groupe « mix chômage et travail » |
121 |
7 % |
1,3 |
11,8 |
1,3 |
9,5 |
Groupe « mix travail et activité partielle » |
600 |
30 % |
8,8 |
0,4 |
2,9 |
11,9 |
Groupe « travail » |
1 205 |
58 % |
0,6 |
0,0 |
2,2 |
21,2 |
Groupe « activité partielle » |
102 |
5 % |
23,0 |
0,0 |
0,7 |
0,2 |
Total |
2 028 |
100 % |
4,3 |
1,0 |
2,3 |
16,5 |
Source : enquête Unédic « Impact de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail », volet « salariés ».
Champ : salariés de 18 ans ou plus du secteur privé et des entreprises publiques au moment de l’enquête, hors salariés des particuliers employeurs et hors agriculture, France métropolitaine ; statistiques pondérées.
La répartition des groupes « travail » et « mix travail et activité partielle » est plutôt similaire entre les femmes et les hommes (Figure 1). La différence femmes-hommes n’est pas statistiquement significative à 10 % pour le groupe « travail » tandis qu’elle est faiblement significative (i.e. significativité à 10 %) pour le groupe « mix travail et activité partielle ». Les différences sont légèrement plus élevées pour les groupes « mix chômage et travail » (6 % des femmes et 8 % des hommes) et « activité partielle » (7 % des femmes et 4 % des hommes). Ces différences femmes-hommes sont statistiquement significatives à 1 %.
183Fig. 1 – Répartition des personnes interrogées selon leur situation
sur le marché du travail par sexe (en %).
Source : enquête Unédic « Impact de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail », volet « salariés ».
Champ : salariés de 18 ans ou plus du secteur privé et des entreprises publiques au moment de l’enquête, hors salariés des particuliers employeurs et hors agriculture, France métropolitaine ; statistiques pondérées.
IV.2. « Toutes choses égales par ailleurs », le sexe
apparaît comme déterminant uniquement pour
le groupe d’individus caractérisés par des parcours
quasi intégralement en activité partielle
Afin d’analyser la corrélation entre sexe et appartenance aux quatre types de parcours, tout en tenant compte des effets de structure, nous estimons un modèle logit multinomial. Plus précisément, à partir de ce dernier, nous présentons les différences de probabilités prédites par le modèle (voir Tableau 4). Ce mode de présentation permet d’alléger fortement les commentaires en ne faisant plus systématiquement mention de la catégorie de référence et de chiffrer l’effet de chaque variable par un nombre de points de probabilité. Les écarts-types sont estimés par bootstrap avec 100 itérations (Afsa-Essafi, 2003). Les statistiques descriptives relatives aux quatre types de parcours sont données en Annexe 2.
184Le sexe n’intervient que pour un seul type de parcours, celui des individus quasi intégralement en activité partielle entre le 17 mars et le 31 août 2020. « Toutes choses égales par ailleurs », la probabilité d’un homme de connaître un parcours de type « activité partielle » est inférieure de 3,09 points à celle d’une femme de connaître ce type de parcours (Tableau 4). Ce résultat, combiné avec les statistiques descriptives de la Figure 1, ne souligne que peu de différences entre les hommes et les femmes dans l’articulation de l’activité partielle avec le chômage et l’emploi entre le premier confinement et la fin de l’été 2020. Cela conduit ainsi à rejeter notre hypothèse selon laquelle l’articulation entre ces états diffère de manière significative entre les hommes et les femmes.
185Tab. 4 – Différences moyennes des probabilités prédites selon les caractéristiques retenues.
Groupe « mix chômage et travail » |
Groupe « mix travail et activité partielle » |
Groupe « travail » |
Groupe « activité partielle » |
|||||
Sexe |
||||||||
Homme |
+0,52 |
(1,10) |
+0,29 |
(1,80) |
+2,29 |
(1,97) |
-3,09 *** |
(1,16) |
Femme |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
||||
Âge |
||||||||
Moins de 30 ans |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
||||
30 à 49 ans |
+1,17 |
(1,39) |
-6,03 ** |
(2,89) |
+3,52 |
(3,08) |
+1,35 |
(1,12) |
50 ans ou plus |
-0,33 |
(1,48) |
-5,02 |
(3,82) |
+1,46 |
(3,93) |
+3,88 *** |
(1,44) |
Lieu de résidence |
||||||||
Île-de-France |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
||||
Autre région |
-2,53 ** |
(1,24) |
-3,43 |
(2,82) |
+9,08 *** |
(2,84) |
-3,11 * |
(1,58) |
Type de contrat de travail |
||||||||
Contrat à durée limitée (CDD, intérim) |
+1,55 |
(2,32) |
-7,48 |
(4,83) |
+10,04 * |
(5,38) |
-4,12 *** |
(1,10) |
CDI |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
||||
Catégorie socioprofessionnelle |
||||||||
Cadre et professions intellectuelles supérieures |
-3,28 |
(1,98) |
-14,96 *** |
(3,60) |
+24,16 *** |
(3,56) |
-5,92 *** |
(1,96) |
Profession intermédiaire |
-2,14 |
(1,81) |
-2,24 |
(2,89) |
+7,99 ** |
(3,20) |
-3,61 |
(2,22) |
Employé |
-2,38 |
(1,44) |
-3,63 |
(2,95) |
+9,17 *** |
(3,17) |
-3,16 |
(1,99) |
Ouvrier |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
||||
186
Nature de l’employeur |
||||||||
Entreprise privée, association |
+6,00 |
(4,68) |
-10,53 |
(10,86) |
+1,25 |
(6,52) |
+3,28 |
(4,73) |
Entreprise publique (EDF, La Poste, SNCF…) |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
||||
Secteur d’activité |
||||||||
Industrie |
-4,07 ** |
(1,88) |
-6,30 * |
(3,46) |
+12,04 *** |
(3,72) |
-1,68 |
(1,59) |
Construction |
-4,33 ** |
(1,98) |
-0,81 |
(4,47) |
+7,27 |
(4,45) |
-2,13 |
(1,61) |
Commerce (commerce, transports et entreposage, hébergement et restauration) |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
||||
Services |
-4,31 *** |
(1,33) |
-6,88 *** |
(2,45) |
+13,09 *** |
(2,54) |
-1,90 |
(1,38) |
Ancienneté dans l’entreprise |
||||||||
Moins d’un an |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
||||
De 1 an à moins de 3 ans |
-12,75 *** |
(3,24) |
+3,80 |
(4,12) |
+7,96 * |
(4,75) |
+0,98 |
(2,43) |
De 3 ans à moins de 10 ans |
-14,62 *** |
(3,29) |
+3,71 |
(3,79) |
+11,06 *** |
(3,98) |
-0,15 |
(2,27) |
10 ans ou plus |
-16,37 *** |
(3,04) |
+6,28 |
(3,83) |
+11,98 *** |
(4,33) |
-1,89 |
(2,29) |
Taille de l’entreprise |
||||||||
Moins de 10 salariés |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
||||
De 10 à 49 salariés |
+3,35 * |
(1,76) |
-2,25 |
(3,06) |
-1,28 |
(3,18) |
+0,18 |
(1,29) |
De 50 à 249 salariés |
-1,21 |
(1,49) |
-6,72 ** |
(2,78) |
+8,06 ** |
(3,07) |
-0,13 |
(1,26) |
250 salariés ou plus |
-2,36 |
(1,43) |
-3,37 |
(3,25) |
+4,85 |
(3,27) |
+0,88 |
(1,45) |
187
Enfants de moins de 14 ans vivant au sein du foyer |
||||||||
Au moins un enfant |
+0,36 |
(1,04) |
+6,73 ** |
(2,60) |
-7,51 *** |
(2,71) |
+0,43 |
(1,20) |
Aucun enfant |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
||||
Propriété logement |
||||||||
Locataire |
+2,77 ** |
(1,33) |
-0,84 |
(2,10) |
-2,60 |
(2,51) |
+0,68 |
(1,21) |
Propriétaire |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
||||
Montant mensuel net habituel des revenus du foyer |
||||||||
Moins de 2 000 euros |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
Réf. |
||||
De 2 000 euros à moins de 3 000 euros |
+2,11 * |
(1,26) |
-1,24 |
(2,79) |
+0,28 |
(2,92) |
-1,16 |
(1,37) |
De 3 000 euros à moins de 5 000 euros |
+0,37 |
(1,32) |
-3,14 |
(2,91) |
+3,51 |
(2,93) |
-0,74 |
(1,47) |
5 000 euros ou plus |
+5,61 |
(4,14) |
-12,21 *** |
(4,18) |
+7,28 |
(4,56) |
-0,68 |
(2,46) |
Ne souhaite pas répondre |
-1,26 |
(1,56) |
-4,03 |
(3,46) |
+5,96 |
(3,93) |
-0,67 |
(1,94) |
Nombre d’observations |
121 |
600 |
1 205 |
102 |
Observations : différences moyennes des probabilités prédites calculées à partir d’un logit multinomial. Les écarts-types donnés entre parenthèses sont calculés par bootstrap avec 100 itérations. *** : coefficient significatif au seuil de 1 % ; ** : coefficient significatif au seuil de 5 %, * : coefficient significatif au seuil de 10 % ; « Réf. » correspond à la modalité de référence d’une variable.
Source : enquête Unédic « Impact de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail », volet « salariés ».
Champ : salariés de 18 ans ou plus du secteur privé et des entreprises publiques au moment de l’enquête, hors salariés des particuliers employeurs et hors agriculture, France métropolitaine.
188I. L’activité partielle impacte les concessions
des individus ainsi que leur confiance
Nous investiguons ici des dimensions plus subjectives liées à la mise en activité partielle ouvrant en même temps sur les répercussions de plus long terme que le confinement est susceptible d’avoir sur les situations professionnelles des femmes et des hommes notamment au travers des questions sur les concessions que les unes et les autres seraient prêts à faire ou encore la confiance dans l’avenir professionnel ou dans l’économie. Dans un premier temps, nous faisons l’hypothèse que les femmes en activité partielle sont prêtes à plus de concessions pour garder un emploi que les hommes. Dans un second temps, nous faisons l’hypothèse que les hommes et les femmes, en fonction des parcours qu’ils rencontrent durant la crise sanitaire et notamment de la place occupée par l’activité partielle au sein de ces parcours, auraient des niveaux de confiance différents dans leur avenir professionnel et dans l’économie. Ces deux hypothèses sont testées ci-dessous.
V.1. Dans les concessions face à la crise chez les personnes
en activité partielle, les femmes accepteraient plus souvent
un temps partiel et les hommes une réduction du temps
accordé à la famille et aux loisirs
Parmi les individus qui ont été en activité partielle au moins une fois entre le 17 mars et le 31 août 2020 et qui ont déclaré l’envie d’un changement professionnel, les femmes feraient davantage des concessions par rapport au temps de travail que les hommes. En effet, 35 % de ces femmes seraient prêtes à accepter un emploi à temps partiel contre 24 % des hommes (Figure 2). Au contraire, les femmes sont moins disposées à faire des concessions en acceptant des emplois réduisant le temps accordé à la famille ou aux loisirs (19 % des femmes versus 26 % des hommes) ou en acceptant des emplois qui impliquent des trajets domicile-travail plus longs (21 % des femmes contre 34 % des hommes).
Ces résultats peuvent s’expliquer en partie par le fait que les femmes sont déjà davantage plus soumises au temps partiel que les hommes (Maruani, 2017). Femmes et hommes auraient ainsi, pour une partie, 189intériorisé leurs rôles supposés de « M. Gagnepain » pourvoyeur de revenus, et « Mme Gagnemiette » plus centrée sur le rôle domestique (Périvier, 2020). Autrement dit, les femmes valoriseraient plus le temps personnel et les hommes le temps professionnel.
Cette analyse confirme partiellement l’hypothèse faite initialement selon laquelle les femmes en activité partielle seraient prêtes à plus de concessions pour garder un emploi que les hommes. En effet, elles sont favorables à plus de concessions par rapport au temps partiel mais sont moins favorables à des concessions qui affecteraient leur vie de famille.
Fig. 2 – Part d’individus en activité partielle qui se déclarent prêts à accepter certaines concessions, par sexe (en %).
Source : enquête Unédic « Impact de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail », volet « salariés ».
Champ : salariés de 18 ans ou plus du secteur privé et des entreprises publiques au moment de l’enquête, hors salariés des particuliers employeurs et hors agriculture qui se déclarent au moins une fois en activité partielle entre le 17 mars et le 31 août 2020 et qui ont déclaré l’envie d’un changement professionnel (changer de métier, faire une reconversion, changer de secteur d’activité, commencer une formation), France métropolitaine ; statistiques pondérées.
190V.2. Selon leur parcours, les hommes et les femmes
manifestent une confiance dans l’avenir professionnel
et dans l’économie similaire
Afin d’analyser la confiance des salariés dans l’économie et dans leur situation personnelle et la manière dont le parcours professionnel entre le 17 mars et le 31 août 2020 est corrélé avec ce sentiment de confiance, nous nous appuyons sur deux questions de l’enquête « Impact de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail11 ». Nous considérons les salariés confiants lorsqu’ils répondent « très confiant » ou « plutôt confiant » (en opposition à ceux qui se déclarent « plutôt pas confiant » ou « pas du tout confiant »). Majoritairement, les hommes ont plus confiance que les femmes dans l’économie française mais également dans leur propre avenir professionnel dans les mois à venir (Figure 3). L’écart de confiance entre les hommes et les femmes est le plus élevé pour la confiance dans l’économie, quel que soit le groupe de la typologie concerné.
Fig. 3 – Part de salariés se déclarant confiants,
selon le sexe et la catégorie de la typologie (en %).
Source : enquête Unédic « Impact de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail », volet « salariés ».
Champ : salariés de 18 ans ou plus du secteur privé et des entreprises publiques au moment de l’enquête, hors salariés des particuliers employeurs et hors agriculture, France métropolitaine ; statistiques pondérées.
191La confiance dans l’économie est plus faible que celle dans l’avenir professionnel et varie dans l’ensemble peu selon les catégories de salariés séparées par sexe. À l’inverse, pour les hommes et les femmes, plus l’activité partielle prend de la place dans le parcours professionnel, plus cela diminue la confiance dans la situation personnelle (voir Figure 3).
Ces résultats infirment en partie l’hypothèse testée car, selon leur parcours, on n’observe pas de différences notables entre hommes et femmes en termes de confiance dans l’avenir professionnel et dans l’économie même si les niveaux de confiance sont plus importants pour les hommes par rapport aux femmes.
Conclusion
L’objectif de cet article a été d’analyser si l’activité partielle, qui est un dispositif neutre en termes de genre, a conduit à des utilisations genrées. À partir des données récentes de l’enquête « Impact de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail », nous avons creusé cette question dans le contexte de la crise sanitaire actuelle. Globalement, nous avons pu constater que le rapport des femmes et des hommes à l’activité partielle était assez semblable. Quelques différences ont été cependant mises en avant mais d’assez faible intensité.
Tout d’abord, malgré le fait que l’on trouve que les femmes sont « toutes choses égales par ailleurs » plus souvent sujettes à l’activité partielle, la corrélation mise en évidence entre sexe et activité partielle est relativement faible. Par ailleurs, nous avons trouvé que les femmes ont été davantage concernées par les arrêts de travail pour garde d’enfants en étudiant le lien entre le fait d’avoir des enfants et la probabilité d’avoir été en activité partielle, compte tenu du fait qu’à partir du 1er mai 2020 l’activité partielle indemnisait également, temporairement, des situations pour garde d’enfant ou pour personnes vulnérables.
Une typologie de parcours entre le premier confinement et la fin de l’été 2020 a mis en avant l’articulation de l’activité partielle avec l’emploi et le chômage en dégageant quatre types de trajectoires : des parcours caractérisés quasi intégralement par le travail (58 %), des parcours qui 192combinent les situations de travail et d’activité partielle (30 %), des parcours moitié chômage-moitié travail (7 %) et des parcours quasi intégralement en activité partielle (5 %). La répartition des individus selon ces types de parcours est très proche entre hommes et femmes. En outre, « toutes choses égales par ailleurs », le sexe apparaît comme déterminant uniquement pour le groupe d’individus caractérisés par des parcours quasi intégralement en activité partielle : la probabilité d’un homme de connaître un parcours de type « activité partielle » est inférieure de 3 points à celle d’une femme de connaître ce type de parcours.
À partir de dimensions plus subjectives liées à la mise en activité partielle, nous avons approché les répercussions de plus long terme que le confinement est susceptible d’avoir sur les situations professionnelles des femmes et des hommes notamment au travers des questions sur les concessions que les unes et les autres seraient prêts à faire ou encore la confiance dans l’avenir professionnel ou dans l’économie. Les femmes sont favorables à plus de concessions par rapport au temps partiel mais sont moins favorables à des concessions qui affecteraient leur vie de famille. Selon leur parcours, les hommes et les femmes manifestent une confiance dans l’avenir professionnel et dans l’économie similaire. Par ailleurs, la confiance dans leur avenir professionnel est plus faible pour celles et ceux qui ont connu un parcours en activité partielle.
L’augmentation de la part des femmes dans l’activité partielle par rapport aux crises précédentes (Calavrezo et Lodin, 2013 ; Calavrezo et Duhautois, 2013) semble ainsi liée au caractère inédit, par sa soudaineté et son ampleur, de cette crise, et à la massification de l’usage de l’activité partielle. Cette augmentation n’exclut toutefois pas une inégalité de traitement entre les femmes et les hommes qui pourrait, une fois les dispositifs de soutien à l’économie arrêtés, s’accentuer et se répercuter sur les destructions de poste. Une étude genrée approfondie des conséquences de l’activité partielle sur le maintien dans l’emploi à plus long terme permettrait d’analyser la différence ou non de traitement des femmes et des hommes sur le marché du travail en termes de perte effective d’emplois et d’heures travaillées, les femmes et les hommes n’étant pas prêts aux mêmes concessions pour garder leur travail.
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196Annexe 1
Part de salariés se déclarant en activité partielle entre le 17 mars et le 31 août 2020 selon les caractéristiques des salariés et le sexe (en %)
Ensemble |
Hommes |
Femmes |
||
Âge |
Moins de 30 ans |
48 |
42 |
56 |
30 à 49 ans |
51 |
50 |
52 |
|
50 ans ou plus |
47 |
50 |
44 |
|
Lieu de résidence |
Île-de-France |
49 |
47 |
51 |
Autre région |
49 |
48 |
51 |
|
Type de contrat de travail |
Contrat à durée limitée (CDD, intérim) |
35 |
37 |
31 |
CDI |
50 |
49 |
52 |
|
Catégorie socioprofessionnelle |
Cadre et professions intellectuelles supérieures |
34 |
30 |
37 |
Profession intermédiaire |
53 |
56 |
50 |
|
Employé |
52 |
51 |
52 |
|
Ouvrier |
54 |
50 |
68 |
|
Diplôme |
Moins que le Bac |
56 |
54 |
59 |
Bac |
51 |
49 |
55 |
|
Bac+2 |
50 |
49 |
52 |
|
Bac+3 ou plus |
41 |
38 |
43 |
|
Nature de l’employeur |
Entreprise privée, association |
49 |
48 |
51 |
Entreprise publique (EDF, La Poste, SNCF, etc.) |
43 |
44 |
40 |
|
Secteur d’activité |
Industrie |
50 |
48 |
52 |
Construction |
66 |
67 |
63 |
|
Commerce (commerce, transports et entreposage, hébergement et restauration) |
54 |
51 |
61 |
|
Services |
42 |
40 |
44 |
|
197
Ancienneté dans l’entreprise |
Moins d’un an |
41 |
41 |
41 |
De 1 an à moins de 3 ans |
51 |
45 |
60 |
|
De 3 ans à moins de 10 ans |
51 |
50 |
53 |
|
10 ans ou plus |
48 |
49 |
47 |
|
Taille de l’entreprise |
Moins de 10 salariés |
53 |
53 |
54 |
De 10 à 49 salariés |
50 |
49 |
53 |
|
De 50 à 249 salariés |
47 |
46 |
48 |
|
250 salariés ou plus |
46 |
45 |
47 |
|
Enfants de moins de 14 ans vivant au sein du foyer |
Au moins un enfant |
52 |
49 |
56 |
Aucun enfant |
47 |
47 |
47 |
|
Personnes dans le foyer |
1 personne |
46 |
46 |
46 |
2 personnes |
50 |
48 |
53 |
|
3 personnes |
50 |
50 |
49 |
|
4 personnes ou plus |
51 |
48 |
54 |
|
Propriété logement |
Locataire |
50 |
49 |
52 |
Propriétaire |
48 |
47 |
50 |
|
Montant mensuel net habituel des revenus du foyer |
Moins de 2 000 euros |
53 |
52 |
56 |
De 2 000 euros à moins de 3 000 euros |
50 |
50 |
51 |
|
De 3 000 euros à moins de 5000 euros |
49 |
46 |
52 |
|
5 000 euros ou plus |
29 |
33 |
22 |
|
Ne souhaite pas répondre |
51 |
50 |
53 |
|
Ensemble |
49 |
48 |
51 |
|
Nombre d’observations |
2 028 |
1 108 |
920 |
Source : enquête Unédic « Impact de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail », volet « salariés ».
Champ : salariés de 18 ans ou plus du secteur privé et des entreprises publiques au moment de l’enquête, hors salariés des particuliers employeurs et hors agriculture, France métropolitaine ; statistiques pondérées.
198Annexe 2
Caractéristiques des individus par groupes de parcours
entre le 17 mars et le 31 août 2020 (en %)
Ensemble |
Groupe « mix chômage et travail » |
Groupe « mix travail et activité partielle » |
Groupe « travail » |
Groupe « activité partielle » |
|
Sexe |
|||||
Homme |
57 |
64 |
58 |
57 |
44 |
Femme |
43 |
36 |
42 |
43 |
56 |
Âge |
|||||
Moins de 30 ans |
22 |
37 |
26 |
19 |
19 |
30 à 49 ans |
52 |
49 |
50 |
54 |
51 |
50 ans ou plus |
26 |
14 |
25 |
28 |
30 |
Lieu de résidence |
|||||
Île-de-France |
24 |
36 |
24 |
22 |
33 |
Autre région |
76 |
64 |
76 |
78 |
67 |
Type de contrat de travail |
|||||
Contrat à durée limitée (CDD, intérim) |
4 |
14 |
3 |
4 |
1 |
CDI |
96 |
86 |
97 |
96 |
99 |
199
Catégorie socioprofessionnelle |
|||||
Cadre et professions intellectuelles supérieures |
19 |
13 |
12 |
25 |
9 |
Profession intermédiaire |
19 |
14 |
20 |
19 |
18 |
Employé |
33 |
29 |
36 |
32 |
35 |
Ouvrier |
29 |
45 |
33 |
24 |
38 |
Diplôme |
|||||
Moins que le Bac |
24 |
19 |
27 |
22 |
29 |
Bac |
25 |
41 |
30 |
21 |
31 |
Bac+2 |
25 |
20 |
25 |
25 |
21 |
Bac+3 ou plus |
26 |
20 |
18 |
32 |
19 |
Nature de l’employeur |
|||||
Entreprise privée, association |
98 |
99 |
98 |
98 |
98 |
Entreprise publique (EDF, La Poste, SNCF, etc.) |
2 |
1 |
2 |
2 |
2 |
Secteur d’activité |
|||||
Industrie |
18 |
15 |
17 |
19 |
16 |
Construction |
7 |
6 |
8 |
7 |
6 |
Commerce (commerce, transports et entreposage, hébergement et restauration) |
33 |
51 |
39 |
27 |
42 |
Services |
42 |
28 |
36 |
47 |
37 |
200
Ancienneté dans l’entreprise |
|||||
Moins d’un an |
9 |
35 |
7 |
7 |
6 |
De 1 an à moins de 3 ans |
19 |
24 |
20 |
17 |
23 |
De 3 ans à moins de 10 ans |
34 |
26 |
35 |
34 |
40 |
10 ans ou plus |
38 |
14 |
38 |
41 |
30 |
Taille de l’entreprise |
|||||
Moins de 10 salariés |
23 |
19 |
25 |
22 |
23 |
De 10 à 49 salariés |
30 |
55 |
31 |
26 |
30 |
De 50 à 249 salariés |
27 |
18 |
24 |
30 |
25 |
250 salariés ou plus |
20 |
9 |
20 |
22 |
22 |
Enfants de moins de 14 ans vivant au sein du foyer |
|||||
Au moins un enfant |
37 |
36 |
41 |
36 |
37 |
Aucun enfant |
63 |
64 |
59 |
64 |
63 |
Personnes dans le foyer |
|||||
1 personne |
22 |
36 |
22 |
21 |
16 |
2 personnes |
28 |
21 |
27 |
29 |
36 |
3 personnes |
23 |
20 |
24 |
23 |
28 |
4 personnes ou plus |
26 |
24 |
27 |
26 |
19 |
Propriété logement |
|||||
Locataire |
43 |
67 |
44 |
39 |
50 |
Propriétaire |
57 |
33 |
56 |
61 |
50 |
201
Montant mensuel net habituel des revenus du foyer |
|||||
Moins de 2 000 euros |
28 |
26 |
30 |
26 |
33 |
De 2 000 euros à moins de 3 000 euros |
27 |
44 |
29 |
25 |
24 |
De 3 000 euros à moins de 5 000 euros |
28 |
17 |
28 |
30 |
27 |
5 000 euros ou plus |
7 |
6 |
4 |
9 |
4 |
Ne souhaite pas répondre |
10 |
6 |
9 |
10 |
12 |
Nombre d’observations |
2 028 |
121 |
600 |
1 205 |
102 |
Source : enquête Unédic « Impact de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail », volet « salariés ».
Champ : salariés de 18 ans ou plus du secteur privé et des entreprises publiques au moment de l’enquête, hors salariés des particuliers employeurs et hors agriculture, France métropolitaine ; statistiques pondérées.
1 Les indépendants sont couverts par d’autres dispositifs de soutien : Fonds d’action sociale, Fonds de solidarité, Prêt garanti par l’État…
2 Aujourd’hui, l’utilisation de l’APLD par les entreprises est marginale comparée à celle de l’activité partielle de droit commun.
3 En outre, pour le calcul des quotas, sont écartés les salariés pour lesquels la catégorie socioprofessionnelle, la taille d’effectif de l’établissement, le secteur d’activité de l’établissement ou la condition d’emploi ne sont pas renseignés.
4 Environ 1 % des salariés interrogés sont des artisans salariés, commerçants salariés ou chefs d’entreprise salariés. Compte tenu de la faiblesse de leurs effectifs et afin de ne pas introduire des déformations supplémentaires dans la représentativité de l’échantillon, ces salariés ont été intégrés dans cette analyse dans la modalité « cadre et professions intellectuelles supérieures » qui est la catégorie socioprofessionnelle la plus proche.
5 Pour les données administratives, il s’agit de salariés concernés par au moins une demande d’indemnisation pour activité partielle déposée par leur établissement employeur pour au moins une heure d’activité partielle entre mars et août 2020.
6 Dans l’enquête « Impact de la crise de la Covid-19 sur le marché du travail », 48 % des salariés hommes et 51 % des salariées femmes se déclarent en activité partielle entre le 17 mars et le 31 août 2020 contre 60 % des salariés hommes et 50 % des salariées femmes à partir des données administratives d’activité partielle combinées avec l’enquête Emploi.
7 Sont considérées des caractéristiques sociodémographiques (sexe, âge, lieu de résidence, enfants de moins de 14 ans vivant dans le foyer, propriété du logement, revenus du foyer) ainsi que des caractéristiques relatives à l’emploi occupé (type de contrat de travail, catégorie socioprofessionnelle, ancienneté dans l’entreprise) et à l’employeur (nature de l’employeur, secteur d’activité et taille d’entreprise).
8 Cette corrélation est également retrouvée lorsque l’on pondère la régression.
9 En complément, nous avons également analysé les déterminants de l’intensité de l’activité partielle (en semaines) à l’aide de modèles tobit. Les résultats ainsi obtenus confirment que les caractéristiques qui accroissent la probabilité d’être en activité partielle accroissent aussi son intensité. Notamment l’intensité de l’activité partielle est plus importante pour les femmes que pour les hommes.
10 Pour chaque état, le salarié déclare un nombre de semaines compris entre 0 et 24, la somme des quatre durées étant de 24 semaines.
11 « De manière générale, lorsque vous pensez à la situation de l’économie française, diriez-vous que vous êtes plutôt confiant ou plutôt pas confiant ? », « Et plus spécifiquement, quand vous pensez à votre avenir professionnel dans les mois à venir, diriez-vous que vous êtes plutôt confiant ou plutôt pas confiant ? ».