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Classiques Garnier

Chômage et parcours professionnels : quelles relations ? Une analyse à partir de l’enquête Formation et Qualification Professionnelle

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Socio-économie du travail
    2020 – 1, n° 7
    . varia
  • Auteurs : Lainé (Frédéric), Prokovas (Nicolas)
  • Résumé : La prise en compte des épisodes de chômage et de leur durée permet de décrire le fonctionnement des différents segments du marché du travail français au regard des trajectoires professionnelles. Ainsi la durée du chômage est positivement corrélée avec la probabilité de changer de métier, de basculer dans un contrat précaire ou dans un emploi à temps partiel, ou encore de connaître une mobilité sociale descendante. Cependant un scoring des situations professionnelles à cinq ans d’intervalle met en évidence le fait qu’une partie des personnes passées par le chômage peut bénéficier de « ports d’entrée » conduisant à des mobilités ascendantes ou à un accès à des emplois stables. Les parcours professionnels des personnes touchées par le chômage apparaissent ainsi très hétérogènes. Ce papier prolonge ainsi les enseignements de précédentes études portant sur la mobilité professionnelle.
  • Pages : 85 à 128
  • Revue : Socio-économie du travail
  • Thème CLIL : 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
  • EAN : 9782406114093
  • ISBN : 978-2-406-11409-3
  • ISSN : 2555-039X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-11409-3.p.0085
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 01/03/2021
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : mobilité professionnelle, chômage, parcours, segmentation
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Chômage et parcours professionnels : quelles relations ?

Une analyse à partir de lenquête
Formation et Qualification Professionnelle

Frédéric Lainé1

Direction des Statistiques,
Études et Évaluation, Pôle emploi

Nicolas Prokovas

Pôle-Emploi, DSEE et
Université Sorbonne-Nouvelle, ICEE

Introduction

Le fonctionnement du marché du travail français a été complètement bouleversé à la suite du développement dun chômage de masse, depuis les années 1980, et de la multiplication des formes particulières demploi, essentiellement précaires, qui alimentent et amplifient les flux dentrée au chômage. La modification de lappareil productif et lévolution des modes de gestion de la main-dœuvre ont conduit à une contraction des marchés internes et à lexpansion des marchés externes qui, à leur tour, ont renforcé les transitions entre emploi et chômage. En même temps, les politiques de lemploi qui visent à accroître la flexibilité du marché du travail et, plus particulièrement, les politiques dites d« activation » des chômeurs, ont favorisé les sorties du chômage, même si toutes les 86sorties ne sont pas durables dans un contexte où les contrats de travail sont de plus en plus courts.

De nombreuses études ont ainsi mis laccent sur les effets que peut avoir le passage par le chômage sur les trajectoires professionnelles. Parmi ces effets, lon observe que les reprises demploi après un épisode de chômage induisent des changements en termes de statut et de conditions de travail entre la situation qui prévalait avant lépisode du chômage et celle retrouvée après la sortie ; elles introduisent alors des mobilités subies, souvent déclassantes.

Dans le présent travail, nous nous proposons dapprofondir la question de lincidence du chômage sur le cheminement professionnel au moyen dune observation des parcours professionnels pendant une période de cinq ans. Nous avons mobilisé pour cela comme source lenquête Formation et qualification professionnelle (FQP) dont lexploitation, grâce au caractère longitudinal de cette enquête, nous a permis dopérer des comparaisons entre les trajectoires incluant des périodes de chômage et les trajectoires demploi en continu, en tenant compte des caractéristiques intrinsèques des personnes (sexe, âge, niveau de formation, lieu de résidence) et des emplois (catégorie socioprofessionnelle, nature du contrat de travail, temps de travail). Nous avons pour cela limité le champ de notre analyse aux seules personnes qui se trouvaient en emploi aussi bien au début quà la fin de la période dobservation.

Après la présentation des hypothèses théoriques qui sous-tendent notre analyse (1), nous procèderons à une présentation générale des trajectoires observées, en les mettant en regard avec les caractéristiques de la population étudiée et de la nature de sa relation demploi (2). Nous proposerons ensuite une description détaillée des mobilités constatées sur les marchés primaire et secondaire au sens de la théorie de la segmentation (Doeringer et Piore, 1971), appuyée par une recherche de corrélations à laide de modèles de régression logistique (3). Après avoir identifié les différentes évolutions défavorables des situations demploi, dans la dernière partie de cet article, nous étudierons léventualité que ces évolutions se cumulent et affectent systématiquement une partie ciblée de la population (4).

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I. Le chômage, élément structurant
de la dualité du marché du travail français

I.1. Une progression des emplois de courte durée
et une forte récurrence du chômage

La dégradation des conditions demploi et de travail, lisible depuis plusieurs décennies sur le marché du travail français (Askenazy et Palier, 2018), prend notamment la forme dune augmentation des contrats de très courte durée (Picart, 2017). En particulier, le nombre de contrats très courts (contrat à durée déterminée de moins de trois mois, voire moins dun mois, ou mission dintérim dune durée analogue) a beaucoup progressé depuis le début des années 2000, surtout dans le secteur tertiaire (Bornstein et Perdrizet, 2019) ; ce type de contrats concerne pratiquement un vingtième de la population en emploi (Jauneau et Vidalenc, 2019). Par ailleurs, le développement des « CDD dusage » dans certains secteurs dactivité sest traduit par une forte augmentation des contrats dune durée inférieure à un mois (Berche et al., 2011). Cette précarité de jure saccompagne dune précarité de facto sous forme de CDI « non pérennes » (Paraire, 2015).

Bien que la hausse des « formes particulières demploi » sinscrive plus dans le flux que dans le stock de lemploi (leur part dans lemploi total reste relativement stable – Barlet et al., 2014 – et il ny a pas de baisse significative de lancienneté moyenne de lemploi – Ramaux, 2006), la précarisation contribue à laccroissement des mobilités externes (Picart, 2014), pour la plupart subies, dans la mesure où elles impliquent souvent des passages par le chômage. Ce sont les travailleurs les moins diplômés et les moins qualifiés qui sont davantage exposés au risque du chômage (Lopez, 2004 ; Simonnet et Ulrich, 2009), tandis que les cadres et les professions intermédiaires restent plus fréquemment chez le même employeur depuis le début de leur carrière (Amossé, 2002 ; Gazier et Petit, 2019). La mobilité des travailleurs semble alors liée aux caractéristiques des entreprises (Mansuy et Minni, 2004 ; Gazier et Petit, 2019) ; elle est structurée par les modes de gestion de la main-dœuvre, à la fois via la sélection à lentrée et via lorganisation du travail qui reste fortement polarisée selon des logiques sectorielles.

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Le marché du travail français fait cohabiter à la fois un volet de travailleurs instables aux trajectoires professionnelles précaires et un volet de travailleurs stables, protégés par les marchés internes (Amossé et Ben Halima, 2010 ; Duhautois et al., 2012). Cela explique le maintien dun noyau de travailleurs stables et, en même temps, la multiplication des contrats très courts, voire de la récurrence des embauches par le même employeur (Picart, 2017 ; Flamand, 2016). Ce dernier point mérite plus de précisions : les trois quarts des établissements qui ont recours à des contrats dun mois ou moins font appel à des anciens salariés. Ces contrats sont souvent renouvelés avec la même personne (« réembauche ») et sur le même poste de travail (Rémy, 2019) et voient leur durée sallonger mais ne se convertissent en CDI que très rarement. Il sagit de « relations de travail suivies », concentrées dans certains secteurs dactivité et affectant une main-dœuvre essentiellement féminine (Journeau, 2019). Loin dêtre négligeables, les réembauches représentent sept recrutements hors intérim sur dix ; quant à lintérim, 85 % des recrutements correspondent à des réembauches par le même employeur (Benghalem, 2016).

I.2. Un marché du travail segmenté

Tous ces différents phénomènes sinscrivent dans le cadre dune forte segmentation (au sens de Doeringer et Piore, 1971) du marché du travail français, observée et analysée depuis longtemps (Boyer et al., 1999) : le marché interne, érodé par des facteurs organisationnels et technologiques, se transforme en « polyvalence stabilisée », les formes anciennes des marchés externes laissent leur place à une « flexibilité de marché », à côté de laquelle émerge un marché professionnel pour les plus qualifiés (Germe, 2001). Des études plus récentes ont mis laccent sur la différenciation de la segmentation en fonction des branches professionnelles (Gazier et Petit, 2007), ainsi que le fait que la progression des marchés externes, avec leur lot de flexibilité, mobilise la partie la plus fragile de la population active (dont les chômeurs, outsiders par définition), pour laquelle laccès aux « bons emplois » devient de plus en plus problématique (Liégey, 2009 ; Picart, 2017). Les mobilités sont ainsi à la fois différenciées et largement subies : avoir travaillé dans une « entreprise de marché secondaire » limite léventualité de promotion ou de mobilité vers une « entreprise de marché primaire » (Gazier et Petit, 2019).

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Les transitions professionnelles sur le marché du travail sont ainsi fortement déterminées par les situations antérieures quont connues les salariés et notamment par leur étendue : les emplois précaires, surtout quand ils sinscrivent dans la durée ou quand ils sont irréguliers et saccompagnent de périodes de non-emploi, ne conduisent pas souvent à des emplois stables (Blasco et Givord, 2010), même en période de conjoncture favorable (Amossé et al., 2011). De surcroît, laccès à un contrat à durée indéterminée nest pas un gage de stabilité de lemploi (Lizé et Prokovas, 2014) ; dans ce cadre, le segment secondaire du marché du travail ne peut se restreindre aux seules personnes ayant un contrat de travail à durée limitée. Cest lancienneté qui protège des mobilités subies, notamment des transitions de lemploi vers le non-emploi (Cochard et al., 2010 ; Behaghel, 2003), tandis que toute rupture professionnelle, a fortiori le chômage – rupture subie par excellence (Amossé, 2002) –, devient à son tour génératrice de précarité : pour plus du tiers des salariés, la rupture de la relation demploi – hors départ à la retraite – entraîne une trajectoire négative, de déclassement ou de sortie du marché du travail (Amossé et al., 2011). Or, la précarisation de lemploi, qui sest accentuée ces dernières années sous leffet de la crise (Redor, 2016), a alimenté les passages par le chômage.

La sortie du chômage et la reprise demploi induisent de fréquentes mobilités professionnelles, volontaires ou non (Matus et Prokovas, 2014), entraînant souvent des trajectoires déclassantes (Lizé et Prokovas, 2009). En effet, les stratégies microéconomiques dinsertion ou de réinsertion professionnelle sinscrivent dans un contexte macroéconomique dégradé, où la pénurie demploi accroît les mobilités subies ; pour la majorité des chômeurs la reprise demploi est ainsi dictée par lurgence de trouver du travail, assortie dune absence dalternative par rapport à lemploi ou au type de contrat trouvé. Par ailleurs le chômage, surtout lorsquil est de longue durée, peut engendrer une obsolescence des compétences des chômeurs, une perte de confiance ou encore des préjugés de la part des employeurs qui seront réticents à embaucher ces personnes suivant une logique de discrimination, au sens de Becker, ou de signalling, au sens de Spencer (Gazier et Petit, 2019). Au sein du marché secondaire du marché du travail, une durée du chômage longue peut ainsi être plus pénalisante.

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I.3. Chômage et approche longitudinale
des parcours professionnels

Analyser le fonctionnement du marché du travail nécessite alors de porter un regard spécifique sur le parcours des personnes qui parviennent à sortir du chômage et à trouver un emploi : de quelle nature est lemploi quelles ont retrouvé, quelles sont les caractéristiques formelles de son exercice, quelles sont les conditions pratiques dans lesquelles il a pris forme ? Afin de statuer sur léventuelle incidence du chômage sur le parcours professionnel, il faudrait en outre comparer lemploi retrouvé à celui précédemment exercé, avant lépisode du chômage, et mettre en regard ces observations avec la durée du chômage et les attributs sociodémographiques des personnes (âge, sexe, niveau de diplôme…). Autrement dit, il convient davoir une approche longitudinale des parcours professionnels et de combiner une approche descriptive et une approche qui essaie didentifier les différents facteurs associés à ces parcours professionnels.

Afin de répondre à ces interrogations, nous avons choisi dutiliser les données provenant de lenquête Formation et qualification professionnelle (FQP) de lInsee. Cette source, grâce à son calendrier professionnel détaillé que les personnes interrogées ont rempli, nous donne de précieuses informations à la fois sur la fréquence et lintensité des transitions professionnelles et sur la trajectoire professionnelle à moyen terme, dans la mesure où elle permet de connaître la nature des emplois occupés à cinq ans dintervalle (Cf. encadré 1 « Source et méthode »). La dernière livraison de lenquête FQP que nous avons mobilisée porte sur une période (entre 2009-2010 et 2014-2015) qui sinscrit dans un contexte particulier marqué par la crise économique ; cela a pu influer sur les évolutions observées, sans cependant que lon soit en mesure den préciser lintensité.

1. Source et méthode

L enquête FQP

La présente étude se base sur lexploitation des données de la septième enquête « Formation et qualification professionnelle » (FQP), réalisée par lInsee entre 2014 et 2015. Cette enquête constitue une irremplaçable source dinformation sur la situation des personnes sur le marché du travail et sur son évolution à cinq 91ans dintervalle. Elle permet notamment dobserver la mobilité professionnelle et sociale, ainsi que les relations entre formation initiale et professionnelle, emploi et salaires. Un calendrier rétrospectif permet également de connaître de façon précise les périodes demploi, de chômage, dinactivité ou de formation (Cf. https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1293, consulté le 25/11/2020). Lenquête FQP 2014-2015 a été effectuée auprès dun échantillon de personnes âgées entre 18 et 65 ans (26 861 réponses conservées), représentatif dune population totale de 33 millions dindividus.

Le champ de l étude

Dans le cadre de cette étude, léchantillon a été restreint aux seules personnes qui étaient en emploi aussi bien en début quen fin de période, cest-à-dire en 2014 ou 2015 et en 2009 ou 2010 respectivement ; lon obtient ainsi un échantillon de 16 623 enquêtés, représentatifs dune population de 20,5 millions de personnes. Cette restriction nous permet de comparer les deux emplois afin de saisir les changements, révélateurs de transitions professionnelles, affectant le métier, le statut, le contrat de travail ou la quotité du travail exercé (mais pas le salaire qui nest pas connu en n-5). Lannexe 1 présente lévolution des situations individuelles entre les deux dates.

Les trajectoires professionnelles avec ou sans chômage

Le fait que les personnes soient en emploi en début et en fin de période nexclut pas quelles aient eu des trajectoires heurtées par le chômage : en utilisant le calendrier mensuel de lenquête, nous pouvons estimer les périodes totales demploi, de chômage, dinactivité ou de formation pendant les cinq années qui séparent le moment de lenquête de la situation de départ, ce qui nous permet disoler lincidence du chômage – et notamment de sa durée – sur les trajectoires observées. Par ailleurs, pour les personnes nayant pas connu le chômage, la distinction entre les parcours professionnels se déroulant auprès du même employeur et les parcours impliquant un ou des changements demployeurs, qui renvoie respectivement aux catégories de « segment inférieur » du marché primaire et de « segment supérieur » ou de « marché professionnel » (Gazier et Petit, 2019), permet de saisir leur influence sur les trajectoires professionnelles. Six principales trajectoires professionnelles sont ainsi distinguées :

– avoir toujours eu le même employeur, sans épisode de chômage (12 685 observations dans lenquête) ;

– avoir changé demployeurs, sans épisode de chômage (2 376 observations) ;

– avoir connu le chômage pendant une durée cumulée dun à cinq mois (473 observations) ;

– avoir connu le chômage pendant une durée cumulée de six à onze mois (402 observations) ;

– avoir connu le chômage pendant une durée cumulée de douze à vingt-trois mois (451 observations) ;

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– avoir connu le chômage pendant une durée cumulée dau moins vingt-quatre mois (236 observations).

Le découpage par durée cumulée de chômage permet de distinguer les épisodes ponctuels de chômage de courte durée des situations plus pérennes de chômage (chômage récurrent ou chômage de longue durée). Lenquête FQP ne permet pas de savoir si ces périodes de chômage ont été indemnisées. Lorsquune période dun mois comprend une combinaison dépisodes demploi, de chômage ou dinactivité, une modalité particulière « occupation variable » est renseignée. Les personnes ayant connu au moins une occupation variable se répartissent de façon relativement homogène dans les différentes populations identifiées (5 à 9 % des effectifs de chaque catégorie), à lexception de ceux qui sont restés auprès du même employeur sans période de chômage, auquel cas elles ne représentent que 0,5 % des effectifs.

Majoritairement, les personnes ayant eu un épisode de chômage ont changé demployeurs entre 2009-2010 et 2014-2015. Cependant 11 %, avec une forte surreprésentation des travailleurs intérimaires, déclarent avoir toujours travaillé auprès du même employeur ; il sagit de personnes ayant eu une durée cumulée de chômage soit faible soit importante, ce qui ne nous permet pas de les traiter en tant que catégorie à part. Cette population est donc éclatée et classée dans les différentes sous-catégories identifiées selon leur durée de chômage.

I. Les évolutions des situations professionnelles
sur cinq ans

Centrer lanalyse sur le segment de la population qui se trouvait en emploi à la fois en début et en fin de période nous permet de cerner les éléments explicatifs de la segmentation du marché du travail, la population qui a fait lexpérience du chômage entre deux emplois étant différente de celle qui ne la pas faite. Affiner lanalyse en fonction de la durée cumulée du chômage nous montre que la précarité des contrats va de pair avec des périodes hors-travail dont la durée est variable.

II.1. Marché primaire, marché secondaire :
les populations concernées

Si lon regarde les situations respectives de la population étudiée en début et en fin de période, lon constate que parmi les personnes qui étaient en emploi en 2009-2010, la majorité (83 %) lest toujours cinq 93ans plus tard, le reste étant essentiellement partagé, à parts égales, entre chômage et retraite.

Isoler les individus qui se trouvaient en emploi aussi bien au début quà la fin de la période de lobservation nous a permis de comparer deux situations demploi et détudier les transitions stricto sensu en termes de métier, de groupe socioprofessionnel, de statut, de contrats et de durée de travail, de façon à pouvoir statuer sur leurs éventuelles améliorations ou dégradations. Cela nous a conduit à distinguer deux cas emblématiques : dun côté, un segment composé dindividus dont la trajectoire ne comprend aucune phase de chômage ; ils constituent la majorité de la population étudiée (90,7 % du total, Cf. Annexe 2). Dun autre côté, les individus qui, pendant la période étudiée, ont connu un ou plusieurs épisodes de chômage dau moins un mois ; les durées de lensemble de ces épisodes ont été cumulées.

Au sein du premier segment de notre population (celui composé de personnes nayant connu aucune période de chômage), plus des trois quarts ont toujours travaillé auprès du même employeur (Cf. tab. 1). Nous pouvons faire lhypothèse quil sagisse de « marchés internes » institués, où les travailleurs sont stables et doivent bénéficier de « bons emplois » en termes de salaire et de conditions statutaires et dune évolution de carrière (Doeringer et Piore, 1971). Cette population est en effet nettement plus âgée, compte davantage de cadres ou de professions intermédiaires et de personnes de nationalité française.

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Tab. 1 – Caractéristiques sociodémographiques des personnes
en fonction de leur situation vis-à-vis de lemploi (en %).

En emploi en n-5 et n

Aucun épisode de chômage

Au moins un épisode de chômage

Variable

Modalité

Même employeur

Différents employeurs

Ensemble

Sexe

Homme

50,3

56,8

51,1

49,3

Femme

49,7

43,2

48,9

50,7

Âge en 2009-2010

< 25 ans

4,6

18,7

8,1

21,4

25 - 40 ans

39,0

51,3

41,6

48,3

40 - 50 ans

35,5

21,8

32,3

22,6

>= 50 ans

21,0

8,1

17,9

7,7

Niveau de formation

Sans diplôme

16,4

13,8

16,1

17,0

CAP - BEP

28,1

26,5

27,9

29,0

Bac

17,5

19,5

18,1

21,0

Bac+2

17,6

16,9

17,3

15,3

>=Bac+3

20,5

23,3

20,6

17,7

Groupe socioprofessionnel en 2009-2010

Artisans et chefs dentreprise

8,4

7,8

8,0

4,8

Cadres et professions intellectuelles supérieures

17,6

16,9

16,9

11,2

Professions intermédiaires

26,9

23,5

26,0

22,8

Employés qualifiés

15,9

12,4

15,3

14,4

Employés non ou peu qualifiés

12,3

12,7

12,7

16,0

Ouvriers qualifiés

13,3

17,7

14,4

18,2

Ouvriers non ou peu qualifiés

5,6

8,9

6,7

12,5

Nationalité

Française

96,7

92,0

95,7

93,6

Étrangère

3,3

8,0

4,3

6,4

Total

Nombre (pondéré),
en milliers

15 676

2 907

18 583

1 906

%

76,5

14,2

90,7

9,3

Lecture : les hommes représentent 51,1 % des personnes n ayant connu aucun épisode de chômage entre 2009-2010 et 2014-2015 ; ils représentent 49,3 % des personnes ayant connu au moins un épisode de chômage pendant la même période.

Champ : population en emploi (y compris non-salarié) en début et en fin de période.

Source : Insee, enquête FQP, 2014-2015 ; calculs des auteurs ; données pondérées.

95

La catégorie composée de personnes ayant changé demployeurs sans intervalle de chômage, en revanche, comprend essentiellement des hommes, des personnes âgées de moins de 40 ans, et des titulaires dun diplôme équivalent au moins à Bac+3. Les personnes de nationalité étrangère y sont également surreprésentées, ainsi que les ouvriers qualifiés. Cette catégorie de la population pourrait être assimilée, pour une part importante, au segment « primaire supérieur » où des travailleurs ayant des qualifications spécifiques fortement demandées sur le marché du travail obtiennent leur promotion par la mobilité externe, en enchaînant des contrats de travail sans interruption auprès de différentes entreprises au sein de leur « marché professionnel » (Gazier et Petit, 2019).

Les caractéristiques sociodémographiques de la population passée par le chômage diffèrent de celles de la population restée en emploi en continu. Les jeunes de moins de 25 ans, à qui laccès au marché interne est plus difficile (Germe, 2001), les non diplômés ou les diplômés du secondaire, ainsi que les ouvriers et les employés peu qualifiés sont surreprésentés dans la population ayant eu au moins un épisode de chômage. Cette population marquée par des transitions professionnelles entre emploi et chômage a les attributs sociodémographiques du segment secondaire du marché du travail. Le cumul des durées de chômage pouvant conduire à des situations fort contrastées, nous pouvons tenter de mesurer la relation entre la durée du chômage et la trajectoire professionnelle et tester lhypothèse que, a priori, plus (ou moins) la durée sera importante, plus (ou moins) elle entraînera des ruptures dans la linéarité de lévolution professionnelle. Au sein de cette population, les durées de chômage les plus longues concernent davantage les femmes, les personnes âgées dau moins 50 ans, les non diplômés et les ouvriers et les employés peu ou non qualifiés (Cf. fig. 1).

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Fig. 1 – Caractéristiques sociodémographiques
selon la durée cumulée du chômage (en %).

Lecture : les femmes représentent 47 % des personnes ayant connu au total entre un et cinq mois de chômage en cinq ans ; elles représentent 56 % des personnes dont la durée cumulée de chômage était de deux ans ou plus.

Champ : individus en emploi en 2009-2010 et 2014-2015.

Source : Insee, enquête FQP, 2014-2015 ; calculs des auteurs ; données pondérées.

II.2. Marché primaire, marché secondaire : les statuts d emplois

La population en CDI en 2009/2010 est très majoritairement composée de personnes ayant travaillé auprès du même employeur sans épisode de chômage (Cf. tab. 2), confirmant le lien existant entre marché interne et CDI. Cependant, être en CDI nexclut pas dans certains cas, notamment concernant les ouvriers et les employés non qualifiés, le passage par le chômage et même par le chômage de longue durée, ce qui témoigne de lexistence de CDI fragiles. De lautre côté, la population initialement en CDD, en intérim ou en contrat dapprentissage a en majorité soit changé demployeurs sans passer par le chômage, soit connu au moins un épisode de chômage. La succession de contrats précaires qui caractérise le fonctionnement du marché secondaire, inclut des périodes de chômage 97plus ou moins longues. Les missions dintérim se renouvelant plus fréquemment que les contrats à durée déterminée, la durée cumulée de chômage des intérimaires est plus faible que celle des personnes en CDD.

Les personnes touchées par le chômage ont eu en moyenne moins de deux épisodes de chômage en cinq ans, le nombre doccurrences de chômage progressant logiquement avec la durée cumulée de chômage. Par ailleurs, ces personnes ont connu davantage de périodes demploi que de périodes de chômage, ce qui témoigne de lexistence de situations dallers-retours entre emploi et chômage.

Tab. 2 – Ventilation de la population en fonction du type de contrat de travail
(en %) et du nombre moyen de périodes demploi et de chômage.

Situation vis-à-vis de lemploi

Contrat de travail en 2009-2010

Nombre moyen de périodes demploi

Nombre moyen de périodes de chômage

CDI

CDD

Intérimaire

Apprenti

Non salarié

Aucun épisode de chômage

Même employeur

80,7

41,5

29,4

28,0

81,6*

1,2

Employeurs divers

12,2

27,4

39,1

40,7

13,7

1,9

Au moins un épisode de chômage

Durée totale 1-5 mois

2,1

9,3

10,6

12,4

1,6

2,6

1,1

Durée totale 6-11 mois

1,8

7,8

9,5

10,4

1,5

1,5

1,4

Durée totale 12-23 mois

2,2

8,5

7,8

6,6

1,1

2,9

1,7

Durée totale >=24 mois

1,1

5,4

3,7

1,9

0,6

2,6

1,8

Total

100

100

100

100

100

1,4

0,1

Lecture : parmi les personnes en CDI en 2009-2010, 2,1 % ont connu une période de chômage entre un et cinq mois en cinq ans. Les personnes qui sont restées au chômage entre un et cinq mois au total ont eu 2,6 épisodes d emploi et 1,1 épisode de chômage en moyenne. * Pour les non-salariés, par « même employeur » il faut entendre « même entreprise ».

Champ : individus en emploi (y compris non-salarié) en 2009-2010 et 2014-2015.

Source : Insee, enquête FQP, 2014-2015 ; calculs des auteurs ; données pondérées.

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I. Quelles mobilités sur le marché du travail,
quels liens avec le chômage ?

Trois types de mobilités sur le marché du travail sont pris en considération dans lanalyse (Cf. encadré 2) : les mobilités professionnelles (changement de métier), les mobilités sociales (changement de qualification appréhendé par le groupe socioprofessionnel) et les mobilités de type demploi (changement de statut – salarié/indépendant, CDL/CDI – ou de quotité de travail). Ces changements sont fréquents et les précédentes exploitations des enquêtes FQP ont mis en évidence le fait que les mobilités sociales sont en hausse depuis la fin du xxe siècle (Monso, 2006).

En dissociant les personnes dont les parcours professionnels ne sont pas heurtés par le chômage de celles dont les parcours comprennent des phases de chômage et en tenant compte du temps total passé au chômage sur lensemble de la période étudiée, nous démontrons que la durée du chômage – encore plus que lexistence du chômage elle-même – est déterminante pour le sens de la mobilité, à savoir si elle sinscrit dans un mouvement de promotion ou, au contraire, de déclassement professionnel. Nos résultats confirment et prolongent ceux de précédentes études.

2. La mobilité sur le marché du travail

Trajectoires professionnelles et mobilité

Dans notre étude, la notion de mobilité est analysée au regard des changements du métier, du niveau de qualification (mobilité ascendante ou descendante entre groupes socioprofessionnels), du statut du contrat de travail et de la quotité de travail. Les changements de métier sont analysés en utilisant la nomenclature des familles professionnelles construite par la Dares, qui comprend 87 familles (http://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/statistiques-de-a-a-z/article/la-nomenclature-des-familles-professionnelles-fap-2009). Les niveaux de qualification pris en compte pour construire les indicateurs de mobilité ascendante et descendante sont hiérarchisés de la façon suivante : cadres, professions intermédiaires, employés qualifiés, employés non qualifiés, ouvriers qualifiés et ouvriers non qualifiés. La délimitation des ouvriers non qualifiés repose largement sur des conventions collectives ; elle est reconnue et légitimée par les partenaires sociaux et les pouvoirs publics. Pour les employés non qualifiés, est adoptée la proposition de classification de Chardon (2002) : un employé est défini comme non qualifié si son accès en début de carrière ne nécessite pas de posséder une spécialité 99de formation spécifique. Sont ainsi comptabilisés comme employés non qualifiés les agents dentretien, les gardiens, les employés de lhôtellerie-restauration, les caissiers et vendeurs de produits alimentaires, les assistants maternels, les employés de maison et les aides à domicile. Les champs définis pour chacune des mobilités sont les suivants :

– changement de métier appréhendé par la famille professionnelle (tous niveaux de qualification, salariés et non-salariés) ;

– mobilité sociale ascendante (ouvriers, employés ou professions intermédiaires en 2009-2010, en excluant les agriculteurs et les artisans, commerçants en 2014-2015) ;

– mobilité sociale descendante (cadres, professions intermédiaires, ouvriers ou employés qualifiés en 2014-2015, en excluant les agriculteurs et les artisans, commerçants en 2014-2015) ;

– transition vers un emploi en CDI (personnes en emploi à durée limitée – CDD, intérim, apprentissage – en 2009-2010) ;

– transition vers un emploi en contrat à durée limitée (personnes en CDI en 2009-2010) ;

– transition vers un emploi à temps plein (personnes en emploi à temps partiel en 2009-2010) ;

– transition vers un emploi à temps partiel (personnes en emploi à temps plein en 2009-2010).

La modélisation des mobilités

Le croisement entre trajectoires et mobilité est analysé au moyen de statistiques descriptives et de modèles « toutes choses égales par ailleurs », ce qui permet de valider lhypothèse dune corrélation entre durée de chômage et mobilité. Les éventuels biais de sélection liés au champ de lanalyse (personnes en emploi aux deux dates et champs restreints pour les mobilités et les transitions), ainsi que dautres variables sociodémographiques comme la situation familiale, ne sont pas pris en compte dans cette analyse. La restriction aux personnes en emploi au début et à la fin de la période dobservation sursélectionne les individus les moins fragiles (les personnes au chômage en 2009 ont certainement plus de chances dêtre à nouveau au chômage en 2014), surtout en période de crise. Cest la raison pour laquelle nous ne faisons pas état de causalités, mais plutôt de corrélations entre variables.

III.1. Le chômage incite à la mobilité professionnelle…

Dans notre analyse, la mobilité professionnelle est mesurée par des changements de métier appréhendés par la famille professionnelle (Cf. encadré 2 « La mobilité sur le marché du travail ») entre le début et la fin de la période observée, ce qui peut conduire à des métiers proches de ceux initialement exercés ou pas (la proximité des métiers est définie à partir du calcul dune distance entre métiers, Cf. Lainé, 2016). Pour lensemble de la population étudiée, le changement de métier reste relativement faible 100(21 %, pratiquement identique à celle observée par Lhommeau et Michel, 2018 sur un champ un peu différent). Il faut cependant distinguer les salariés qui nont pas changé demployeur, dont la mobilité est très faible (Cf. fig. 2), de ceux qui en ont changé sans épisode de chômage ou qui ont connu des épisodes de chômage et qui affichent une mobilité cinq fois supérieure. Les changements de métier deviennent majoritaires dès quune séquence de chômage intervient, leur intensité cependant se stabilise pour les durées de chômage supérieures ou égales à six mois.

Pour les personnes qui ont changé demployeurs sans passer par le chômage, nous pouvons faire lhypothèse quil sagit pour lessentiel de mobilités choisies, constitutives de plans de carrière et génératrices de promotions associées à la mobilité externe, à linstar de phénomènes déjà observés par le passé, qui constituent un signe de dualisation et de flexibilité du marché du travail français (Amossé, 2003). Au contraire, pour les personnes ayant connu le chômage, il sagit souvent dune mobilité contrainte par lurgence de reprendre un emploi (Matus et Prokovas, 2014).

Fig. 2 – Part de personnes ayant connu un changement de métier
(appréhendé par la famille professionnelle) selon la trajectoire observée (en %).

Lecture : 10 % des personnes qui en cinq ans n ont connu ni chômage ni changement d employeur, ont changé de famille professionnelle entre le début et la fin de la période observée.

Champ : individus en emploi en 2009-2010 et 2014-2015.

Source : Insee, enquête FQP, 2014-2015 ; calculs des auteurs ; données pondérées.

101

Une analyse « toutes choses égales par ailleurs » confirme ces observations et permet dattester de la corrélation qui existe entre chômage et mobilité professionnelle. Les changements de famille professionnelle sont plus fréquents en cas de passage par le chômage : à caractéristiques identiques, les personnes ayant cumulé au moins six mois de chômage en cinq ans, comparées à celles qui nont eu aucun épisode de chômage et qui ont eu plus dun employeur, ont plus de chances dexercer un métier autre que leur métier dorigine et le rapport des chances progresse suivant la durée de chômage (Cf. Annexe 3).

Cependant, en dehors de la durée du chômage, les transitions professionnelles sexpliquent également par dautres variables telles que le groupe socioprofessionnel de départ (par rapport aux professions intermédiaires, la probabilité de connaître une mobilité professionnelle est plus forte pour les ouvriers non qualifiés et les employés qualifiés et moins forte pour les cadres, les agriculteurs et les ouvriers qualifiés) ou encore le niveau de diplôme (les personnes sans diplôme ou avec un diplôme inférieur au baccalauréat ont moins de mobilité professionnelle que les bacheliers). Les plus âgés changent moins de métier également, il en est de même des femmes. Cette dernière situation pourrait sexpliquer par le fait que celles qui ont de jeunes enfants changent moins de métier (Lainé, 2010). Une autre explication possible est un effet de nomenclature : les métiers majoritairement exercés par des femmes sont moins détaillés dans la nomenclature des professions que les métiers exercés par des hommes (Amossé, 2004).

La formation professionnelle2 semble exercer une influence importante sur la mobilité professionnelle : elle accroît sensiblement la probabilité de sorienter vers un autre métier. Cependant, aucune causalité ne peut être établie : il se peut que la formation professionnelle fût consécutive au changement de métier. Enfin, avoir un emploi stable dans le secteur public (appartenir, donc, par convention, au « segment inférieur » du marché primaire, selon une version plus détaillée de la théorie de la segmentation) induit moins de changements de métier. Dans lensemble, les résultats de nos régressions logistiques sont cohérents avec les enseignements dautres explorations statistiques de lenquête FQP 2014-2015 (Lhommeau et Michel, 2018).

102

III.2. … et s accompagne d une mobilité descendante

La mobilité professionnelle va souvent de pair avec une mobilité sociale, essentiellement entre groupes socioprofessionnels voisins (Chapoulie, 2000). Cette mobilité sociale, faite de promotions et de déclassements (Monso, 2006), peut être ascendante ou descendante, suivant la hiérarchie des groupes socioprofessionnels (Amossé et Chardon, 2006). La mobilité ascendante est cependant supérieure à la mobilité descendante pour les personnes qui nont pas quitté la sphère de lemploi, tandis que la mobilité descendante est dautant plus prononcée que la durée cumulée du chômage sallonge (Cf. fig. 3).

Fig. 3 – Situation par rapport à lemploi
et changement de groupe socioprofessionnel (en %).

Lecture : 2 % des personnes ayant travaillé auprès du même employeur pendant cinq ans, sans épisode de chômage, se sont trouvées dans un groupe socioprofessionnel inférieur (mobilité descendante) ; 7 % se sont trouvées dans un groupe socioprofessionnel supérieur (mobilité ascendante).

Champ : individus en emploi en 2009-2010 et 2014-2015.

Source : Insee, enquête FQP, 2014-2015 ; calculs des auteurs ; données pondérées.

Ce résultat est conforme aux conclusions de précédentes études qui ont montré que la stabilité de lemploi protégeait des trajectoires de mobilité sociale descendante, trajectoires affectant particulièrement les personnes qui avaient connu des périodes de non-emploi (Lainé, 2010), 103plus précisément les chômeurs et notamment les chômeurs de longue durée (Lizé et Prokovas, 2009). Nous pouvons supposer en effet que le déclassement constitue, pour une partie des chômeurs, un moyen de retrouver plus rapidement un emploi. Une période de chômage peut également engendrer une obsolescence plus rapide des aptitudes professionnelles ou avoir un effet stigmatisant, deux effets qui rendent difficile le maintien dans la même position sociale.

Une série de régressions logistiques, dont lobjectif est de tester la corrélation entre le chômage et les caractéristiques individuelles sur la mobilité sociale, confirme, globalement, les observations faites à partir des statistiques descriptives : la mobilité ascendante (accéder à un groupe socioprofessionnel plus élevé que celui initial) est plus fréquente pour les personnes qui changent demployeurs sans avoir de séquences de chômage entre deux emplois ou pour celles qui ont suivi une formation (il pourrait alors sagir de « ports dentrée » au marché primaire). Comme cela a déjà été observé par le passé (Chardon, 2001), passer dun emploi non qualifié à un emploi qualifié requiert souvent un changement dentreprise. Par définition, ce type de mobilité est réservé aux groupes socioprofessionnels les moins élevés – employés et ouvriers – qui ont un fort potentiel dascension (comparativement aux professions intermédiaires). Certaines caractéristiques sociodémographiques favorisent cette mobilité, comme le fait dhabiter en Île-de-France (on retrouve ici les résultats de Lainé, 2010) et davoir moins de 25 ans. Parmi les jeunes débutants, beaucoup sont en effet déclassés, en ce sens quils occupent des postes dont le niveau de qualification est inférieur à la qualification à laquelle ils peuvent normalement prétendre compte tenu de leur niveau de diplôme (Nauze-Fichet et Tomasini, 2002). Les trajectoires suivies en début de carrière permettent de résorber une part des déclassements (Couppié et al., 2007). Au contraire, les mobilités ascendantes sont plus faibles pour les personnes âgées de 50 ans et plus. Le fait dêtre diplômé du supérieur favorise également la mobilité ascendante, au contraire un diplôme inférieur au baccalauréat la réduit. Pour les personnes diplômées, il peut sagir ici, dans certains cas, dun reclassement dindividus initialement déclassés. Mais, la formation initiale favorise également des progressions dans léchelle des qualifications. Travailler à temps partiel constitue un frein à la mobilité ascendante. Enfin, être une femme freine considérablement les chances davoir une amélioration de sa position 104socioprofessionnelle (Cf. Annexe 3), nous retrouvons ici les résultats de Monso (2006) et Lainé (2010).

En ce qui concerne la mobilité descendante (qui caractérise davantage les groupes socioprofessionnels les plus élevés, cadres et professions intellectuelles supérieures), les constats sont strictement opposés : la probabilité de subir une telle mobilité progresse fortement avec lallongement de la durée du chômage. Ne pas avoir changé demployeur protège de la mobilité descendante (risque plus faible par rapport à ceux qui ont changé des employeurs sans connaître le chômage). De précédentes études (Alonzo et Chardon, 2006) étaient déjà arrivées à des conclusions comparables : rester dans son entreprise est synonyme de non-progression professionnelle pour les non qualifiés et plus particulièrement pour les femmes, les salariés âgés et les travailleurs non diplômés. Le travail à temps partiel accroît le risque de dégradation de la position socioprofessionnelle. Les femmes, ainsi que les personnes ayant les diplômes les moins élevés sont plus exposées à la mobilité descendante. À noter que les cadres ont plus de risques de connaître une mobilité descendante que les professions intermédiaires ; ceci est à mettre en rapport avec la disparité du groupe des cadres, composé à la fois de personnes hautement diplômées et de « cadres maison », ayant acquis par lancienneté un statut quil est plus difficile de conserver confrontés à un « port de sortie », cest-à-dire quand leur relation demploi avec lentreprise sinterrompt.

III.3. La durée du chômage accroît le risque
de ne trouver qu
un contrat à durée limitée…

Le passage par le chômage peut également saccompagner dun changement du statut dans lemploi. Cela se traduit parfois par des passages du salariat vers le non-salariat, une mobilité qui concerne aussi bien, dans des proportions assez similaires, les personnes qui ont changé demployeurs sans passer par le chômage que celles qui ont connu le chômage. Des mobilités inverses ont également été observées et lon constate que le chômage de courte durée (moins de six mois) est associé à une transition plus importante du non-salariat vers le salariat, tandis que le chômage de très longue durée (deux ans ou plus) contribue davantage à ce que les anciens salariés évoluent vers le non-salariat.

Un autre élément caractéristique des parcours professionnels est la modification du statut juridique du contrat du travail, qui consiste en 105une transformation dun contrat précaire en contrat pérenne ou, plus rarement, le contraire. Sur le champ de létude, deux millions cent mille personnes (données pondérées) avaient un emploi avec un contrat précaire (contrat à durée déterminée, mission dintérim, contrat dapprentissage ou de professionnalisation) en 2009-2010 ; parmi elles, 59 % ont accédé à un emploi durable (contrat à durée indéterminée), mais cette proportion est plus faible lorsque la durée du chômage est dau moins un an (Cf. fig. 4). Ce type de transition concerne plus de 60 % des personnes qui nont pas connu de chômage, mais moins de 40 % de celles qui ont eu des durées cumulées de chômage dau moins douze mois.

Fig. 4 – Situation par rapport à lemploi
et changement de contrat de travail (en %).

Lecture : parmi les personnes en emploi dans la même entreprise et sans connaître de chômage sur l ensemble de la période et qui avaient un CDL en 2009-2010, 61 % ont un CDI en 2014-2015.

Champ : salariés en emploi en 2009-2010 et 2014-2015.

Source : Insee, enquête FQP, 2014-2015 ; calculs des auteurs ; données pondérées.

Le modèle logit confirme que la probabilité dobtenir un CDI diminue avec la durée du chômage. Les autres facteurs déterminants qui augmentent cette probabilité sont lâge (avoir moins de 25 ans au départ) et le diplôme (Bac+2 ou au moins Bac+5) ; tous les autres paramètres, pour peu quils soient significatifs, agissent négativement (Cf. Annexe 4). Les jeunes sont en effet plus souvent que les autres catégories dâge en 106contrats à durée limitée (Jauneau, Vidalenc, 2019). Les débuts de carrière sont alors loccasion, comme pour les reclassements vers un niveau de qualification plus élevé, dessayer de décrocher un CDI. Ces résultats sont conformes à ceux mis en évidence par le Céreq (2017), avec une forte baisse des emplois limités au cours des premières années de vie active. On peut également supposer quavoir un diplôme plus élevé donne plus dopportunités demplois en CDI, de la même manière quil permet dexercer des emplois plus qualifiés.

Le cheminement inverse, passer dun contrat stable à un contrat précaire, est plus exceptionnel : quasi-inexistant pour ceux qui nont pas changé demployeurs pendant la période dobservation, il concerne 3,6 % des 16,2 millions de salariés du champ de létude qui avaient un contrat à durée indéterminée en 2009-2010. Par contre, il progresse rapidement avec la durée (cumulée) du chômage (Cf. fig. 4). Un modèle « toutes choses égales par ailleurs » confirme ces constats. Par rapport aux salariés en contrat pérenne qui nont pas connu de chômage ni de changement demployeur, ceux qui ont connu une durée de chômage inférieure à six mois ont 2,7 fois plus de risque de passer en contrat à durée limitée. Ce rapport est de 3,6 si la durée de chômage a été supérieure ou égale à six mois et inférieure à un an, de 4,8 si elle a été supérieure ou égale à un an et inférieure à deux ans et de 6,2 si elle a été encore plus longue (Cf. Annexe 4). Les autres variables explicatives de cette transition sont le groupe socioprofessionnel (le risque est plus fort pour les employés et les ouvriers non qualifiés), lâge (la probabilité est plus élevée pour les plus jeunes et les plus âgés), la quotité de travail (le risque est plus élevé pour les salariés ayant un temps partiel) et la localisation (le risque est moins élevé pour les franciliens). À linstar des observations faites au sujet des mobilités descendantes, lexercice dun emploi à temps partiel est source de précarisation du contrat du travail.

III.4. … ou de ne trouver qu un emploi à temps partiel

Dernier élément caractéristique des transitions professionnelles observées dans lintervalle de cinq ans que nous autorise lenquête FQP, lévolution des quotités de temps de travail. Les transitions vers le temps partiel pour les personnes initialement à temps complet sont un peu plus fréquentes lorsque la durée de chômage a atteint un an (Cf. fig. 5), et cet effet reste significatif quand on neutralise les autres facteurs explicatifs 107(Cf. annexe 4). Inversement, pour les personnes initialement à temps partiel, les transitions vers le temps complet des personnes ayant connu un chômage dau moins un an sont moins fréquentes que pour celles ayant changé demployeur sans période de chômage. Cependant, cette différence nest pas significative lorsque les autres facteurs explicatifs tels que lâge, le niveau de diplôme ou la catégorie socio-professionnelle sont pris en compte.

Fig. 5 – Situation par rapport à lemploi
et changement de quotité de temps de travail (en %).

Lecture : 19 % des personnes en emploi dans la même entreprise, sans période de chômage et initialement à temps partiel ont obtenu un emploi à temps plein. Par ailleurs, 4 % des personnes en emploi dans la même entreprise, sans période de chômage et qui avaient un emploi à temps plein ont obtenu un emploi à temps partiel.

Champ : salariés en emploi en 2009-2010 et 2014-2015.

Source : Insee, enquête FQP, 2014-2015 ; calculs des auteurs ; données pondérées.

Parmi les principaux facteurs explicatifs de lévolution de la quotité de travail il y a lâge : avoir moins de 25 ans est synonyme dêtre dans la première phase de son insertion professionnelle, souvent faite de « petits boulots » ; les « vrais » emplois, que les jeunes trouveront par la suite, seront exercés à temps complet. Lautre facteur en lien avec laugmentation de la quotité du temps de travail est la formation 108professionnelle, notamment diplômante ou certifiante, qui permettra daccroître ses chances de trouver un emploi à temps complet.

Les variables explicatives des transitions du temps complet au temps partiel sont éloquentes et assez révélatrices du fonctionnement du marché du travail français : une durée de chômage supérieure à un an en accroît le risque, de même quun âge supérieur à 50 ans. Cette probabilité augmente sensiblement pour les employés non qualifiés (multipliée par 1,5 par rapport aux professions intermédiaires) et, surtout, pour les femmes qui courent ce risque plus de quatre fois plus souvent que les hommes, toutes choses égales par ailleurs (Cf. Annexe 4).

Nous constatons ainsi que les facteurs qui sont corrélés avec la transition dun contrat stable à un contrat précaire sont très proches de ceux qui conduisent dun temps plein à un temps partiel, avec les conséquences que ces transitions pourront entraîner en termes de revenus ou de carrière professionnelle, pour ne citer que ces deux dimensions du travail.

I. Y a-t-il un cumul
des transitions défavorables ?

Nos précédentes observations et nos analyses économétriques nous ont montré que des durées de chômage longues sont corrélées avec des risques de mobilité sociale descendante, de précarisation du contrat ou de diminution du temps de travail, risques desquels protège une relation demploi continue ou permanente.

La variété des situations rencontrées invite cependant à regarder les combinaisons des différentes mobilités : la mobilité descendante va-t-elle forcément de pair avec un passage vers un emploi précaire par exemple ? Inversement, la transition vers un emploi pérenne saccompagne-t-elle dun passage au temps complet ? De manière plus générale, des « ports dentrée », permettant aux salariés du marché secondaire daccéder au marché primaire, existent-ils ?

109

IV.1. La mobilité descendante ne s accompagne
pas forcément d
un emploi instable

Pour explorer la diversité des trajectoires possibles, nous examinons le lien entre la mobilité descendante (transition vers une catégorie socio-professionnelle inférieure) et la précarisation du contrat de travail (transition dun CDI vers un contrat à durée limitée), ou au contraire sa stabilisation (contrat à durée limitée vers un CDI).

En cas de mobilité descendante, le basculement vers des contrats à durée limitée est plus fréquent quen cas dabsence de mobilité descendante (21,0 % vs 2,3 %, Cf. tab. 3). Ceci concerne notamment les individus ayant connu des épisodes de chômage. Cependant, la mobilité descendante peut également saccompagner dun passage dun contrat à durée limitée à un contrat pérenne (« Stabilisation du contrat de travail » dans le tab. 3). Cela vaut pour les personnes qui nont pas connu de chômage, avec ou sans changement demployeur (plus de 80 %). Malgré la faiblesse des effectifs concernés, nous pouvons alors faire lhypothèse de lexistence de « ports dentrée », en bas de léchelle, permettant dintégrer un marché interne au prix dune plus faible position socioprofessionnelle. La stabilisation du contrat de travail saffirme aussi pour les chômeurs de longue durée (au moins un an de chômage) ayant connu une mobilité descendante et avec un contrat à durée limitée en début de période. Le contrat de travail se transforme en CDI pour deux tiers dentre eux, soit une valeur supérieure à leurs homologues sans mobilité descendante (42 %).

Les stratégies microéconomiques dinsertion professionnelle semblent donc répondre à des situations disparates et complexes : la mobilité descendante peut être un moyen daccès à un emploi stable. En écho, les mêmes constats sappliquent à la mobilité ascendante : elle ne conduit pas forcément à une stabilisation du contrat de travail, surtout lorsque le chômage se prolonge.

Il en est de même des évolutions combinées du contrat de travail et de la quotité de travail. Si laccès à lemploi pérenne va de pair avec un accès plus fréquent à lemploi à temps plein, à linverse, le basculement vers un contrat précaire saccompagne aussi dune augmentation de la quotité de travail : lemploi à temps complet semble alors être préférable à la pérennité du contrat.

110

Tab. 3 – Les mobilités entre contrat à durée limitée et CDI
(stabilisation ou précarisation) en fonction de la présence
ou de labsence dune mobilité descendante (en %).

Stabilisation du contrat de travail

Précarisation du contrat de travail

Mobilité descendante

Absence de mobilité descendante

Mobilité descendante

Absence de mobilité descendante

Aucun épisode de chômage

Même employeur

81,3

64,7

1,2

0,3

Employeurs divers

81,4

71,3

18,2

7,0

Au moins un épisode de chômage

Durée
< 1 an

63,9

67,3

31,6

24,8

Durée
>= 1 an

66,5

41,8

54,1

36,1

Total

72,7

64,7

21,0

2,3

Lecture : 72,7 % des personnes en mobilité descendante qui avaient un contrat précaire ont eu un contrat pérenne en fin de période. Parmi les personnes ayant connu un ou des épisodes de chômage d une durée totale inférieure à un an et ayant subi une mobilité descendante, 63,9 % avaient un contrat pérenne en fin de période, alors qu en début de période elles avaient un contrat précaire.

Champ : salariés en emploi en 2009-2010 et 2014-2015 et cadres, professions intermédiaires, employés ou ouvriers qualifiés en 2009-2010. Les données sont pondérées.

Source : Insee, enquête FQP, 2014-2015 ; calculs des auteurs.

3. Méthode de scoring

Les scores de situations professionnelles

Pour analyser conjointement la situation professionnelle de chaque individu au regard du niveau de qualification, du statut du contrat de travail et de la quotité de travail, nous avons construit des scores de situation professionnelle en 2009-2010, puis en 2014-2015.

Le niveau de qualification permet de prendre en compte directement la position professionnelle au sein de lemploi et indirectement le niveau de salaire, et les conditions de travail (contraintes horaires et pénibilité physique du travail). Ces dernières variables sont corrélées au niveau de qualification (Amossé et Chardon, 1112006 ; Beque et Mauroux, 2017), mais pour FQP soit sont inconnus en n et n-5 pour les conditions de travail, soit ne sont pas connus en n-5 pour le salaire.

On attribue à chaque individu un score de situation professionnelle en n-5 et un score en n, avec les notes suivantes :

– pour le groupe socioprofessionnel douvrier non qualifié et demployé non qualifié,
-4,5 points ;

– pour le groupe socioprofessionnel douvrier qualifié et demployé qualifié, -1,5 point ;

– pour le groupe socioprofessionnel de profession intermédiaire, +1,5 point ;

– pour le groupe socioprofessionnel de cadre +4,5 points ;

– pour les contrats de travail à durée déterminée et les missions intérimaires, -3,5 points ;

– pour les contrats dapprentis, -1 point ;

– pour les contrats à durée indéterminée, +3,5 points ;

– pour une quotité de travail inférieure à 80 % du temps plein, -2 points ;

– pour une quotité de travail supérieure ou égale à 80 % du temps plein, y compris à temps complet, +2 points.

La position socioprofessionnelle donne lieu à un nombre de points plus important que la durée du contrat de travail, qui elle-même est davantage prise en compte que la quotité de travail. La position socioprofessionnelle est davantage valorisée ici car elle résume à elle seule un ensemble dattributs qui sont un statut social, une position dans lorganisation du travail, un niveau de salaire et de conditions de travail. Le contrat de travail est par ailleurs davantage pris en considération que la quotité de travail dans la mesure où il est un déterminant majeur de linstabilité de lemploi (changement dentreprise et risque de chômage). Nous pouvons ainsi calculer la différence entre le score de la situation professionnelle finale et celui de la situation professionnelle initiale.

La durée des contrats limitée nest pas connue dans lenquête. Pour les contrats dapprentis, qui sont des contrats à durée limitée mais ouvrant la voie à un CDI, la note attribuée est de -1, soit une pénalité moindre que pour un contrat à durée déterminée ou de lintérim.

Afin de tester la robustesse des résultats, un score alternatif a été construit en attribuant moins dimportance à déventuels changements de niveaux de qualification et en diminuant lamplitude possible des notes :

– pour le groupe socioprofessionnel douvrier non qualifié et demployé non qualifié, -3 points ;

– pour le groupe socioprofessionnel douvrier qualifié et demployé qualifié, -1 point ;

– pour le groupe socioprofessionnel de profession intermédiaire, +1 point ;

– pour le groupe socioprofessionnel de cadre +3 points ;

– pour les contrats de travail à durée déterminée et les missions intérimaires, -2 points ;

– pour les contrats dapprentis, -1 point ;

– pour les contrats à durée indéterminée, +2 points ;

– pour une quotité de travail inférieure à 80 % du temps plein, -1 point ;

– pour une quotité de travail supérieure ou égale à 80 % du temps plein, y compris à temps complet, +1 point.

Les formes de la distribution des écarts de scores selon la trajectoire professionnelle avec ou sans chômage sont inchangées.

112

IV.2. Le chômage conduit à une dégradation globale
des conditions d
emploi

Les combinaisons des mobilités étant variées, la question qui se pose est de savoir si ces transitions défavorables se cumulent entre elles ou pas. Pour répondre à cette question, nous avons utilisé une méthode de scoring tenant compte de la situation de chaque individu salarié au départ et à larrivée (n+5), de façon à pouvoir en calculer lévolution (Cf. encadré 3 « Méthode de scoring »). Nous avons ainsi imputé un score à chaque individu en fonction du groupe socioprofessionnel, de la nature du contrat de travail et de la quotité du temps de travail.

Les situations stables (écart nul) atteignent logiquement leur valeur la plus élevée (80,8 %) pour les personnes qui nont jamais changé demployeur (cf. tab. 4) ; elles sont également plus fréquentes pour les personnes qui ont changé demployeur sans connaître des périodes de chômage. Les personnes qui ont connu le chômage se trouvent plus rarement dans cette situation. La répartition de la population en fonction de lécart de scores entre 2009-2010 et 2014-2015 montre une dégradation de la situation demploi quand la durée du chômage est importante. Apparaissent alors deux situations que lon pourrait qualifier dantinomiques : dun côté, les meilleurs résultats en termes de stabilité de lemploi, de temps de travail et de positionnement socioprofessionnel sont obtenus par les personnes qui ont changé demployeur sans avoir dépisode de chômage pendant cinq ans ; de lautre, les résultats les moins bons sont obtenus par les personnes qui, dans la même période de cinq ans, ont connu au total au moins un an de chômage.

La différence entre la somme des scores positifs et celle des scores négatifs est très faible pour lensemble de la population, le passage par le chômage se traduit par une amplification de limportance des scores négatifs, au détriment des scores positifs. Lexistence de scores très négatifs en cas de chômage de longue durée laisse à penser que les situations de cumuls dévolution défavorables de lemploi peuvent effectivement exister.

113

Tab. 4 – Répartition de la population en fonction de lécart des scores
entre 2009-2010 et 2014-2015 (en %).

Écart en points

Durée du chômage

< -4 pts

]-4, 0] pts

0 pts

]0, 4] pts

> 4 pts

0 mois (même employeur)

0,8

8,9

80,8

5,3

4,2

0 mois (changement demployeur)

11,8

15,1

41,2

13,7

18,2

1-5 mois

20,3

16,7

28,8

12,3

22,0

6-11 mois

21,9

16,2

26,4

13,4

22,1

12-23 mois

27,5

17,3

27,7

12,6

14,9

>=24 mois

31,4

19,1

24,2

11,9

13,6

Total

10,6

4,6

70,1

7,2

7,6

Lecture : 4,2 % des personnes en emploi auprès du même employeur sans chômage ont amélioré le score de leur situation professionnelle finale par rapport à leur situation professionnelle initiale de plus de 4 points. Au total pour cette catégorie, le score de la situation professionnelle a été amélioré pour 9,5 % et détérioré pour 9,7 % de ces personnes, tandis que pour 80,8 % la situation professionnelle est restée stable (écart nul entre les deux scores).

Champ : personnes en emploi salarié en 2009-2010 et 2014-2015.

Source : Insee, enquête FQP, 2014-2015 ; calculs des auteurs ; données pondérées.

Malgré ce constat binaire, les écarts des scores darrivée et de départ montrent une hétérogénéité importante des évolutions (Cf. tab. 4). Les salariés touchés par des périodes de chômage peuvent connaître, cependant, des trajectoires damélioration de leur situation dans lemploi, même sils ont eu une durée cumulée de chômage importante. Des scores positifs sont ainsi observés, ils sont toutefois rares et moins fréquents que les scores très négatifs.

Lapplication dun modèle logit multinomial permet didentifier des situations propices à des écarts de score, positifs ou négatifs, et à lampleur de ces écarts, toutes choses égales par ailleurs (Cf. Annexe 5). Ainsi, conformément à ce qui vient dêtre observé, la durée du chômage est positivement corrélée avec le risque de voir sa situation professionnelle se dégrader en termes de déclassement socioprofessionnel, de précarisation de lemploi ou de diminution du temps de travail, de manière plus ou moins forte (odds ratio compris entre 1,4 et 2,7 pour les variations négatives de score compris entre 0 et -4 points, et entre 2,8 et 5,2 pour 114les variations très négatives inférieures à -4 points). En même temps, une durée longue de chômage ne limite pas significativement la probabilité dobtenir un écart de score positif par rapport à une personne changeant demployeurs sans épisode de chômage, et une durée courte de chômage est même associée à des variations positives, ce qui montre quune amélioration de la situation professionnelle est possible même en cas de chômage.

Cependant, dautres facteurs exercent également une influence et expliquent ainsi lhétérogénéité observée en statistique descriptive. Les plus diplômés (Bac+2 et plus) ont plus de chances de voir leur situation saméliorer par rapport à ceux qui ont un niveau Bac, et il en est de même pour les moins de 25 ans, comparés à ceux ayant entre 25 et 39 ans, tandis que les personnes âgées de 50 ans ou plus ont moins de chances de connaître une amélioration de leur situation. A contrario, habiter en Île-de-France, peut-être grâce à une demande de travail plus importante, protège du risque dêtre confronté à une situation professionnelle qui se dégrade.

Conclusion

Les résultats de notre étude montrent que, pendant toute la période étudiée, la mobilité, tant professionnelle que sociale, est plus importante pour les salariés qui ont changé demployeurs (sans épisode de chômage) que pour ceux qui nont pas changé demployeur et nont pas connu le chômage : les contours des segments « inférieur » et « supérieur » du marché primaire du travail semblent bien dessinés. Le passage par le chômage, signe dappartenance au marché secondaire du travail, accroît la probabilité de changer de métier et la durée cumulée du chômage favorise les mobilités sociales descendantes et amplifie le risque de ne pas trouver demploi à temps complet ou de contrat de travail pérenne. Toutes ces évolutions se combinent avec dautres variables individuelles, tels lâge, le sexe ou le niveau de formation. Lexistence et la durée de ruptures professionnelles semblent exercer une influence certaine, cependant les autres déterminants sociodémographiques demeurent.

115

Une analyse plus détaillée laisse néanmoins entrevoir des situations assez contrastées, sans forcément que les évolutions favorables – ou défavorables – sur le marché du travail se cumulent, et présumer de la présence de « ports dentrée » au marché primaire. Ainsi, une longue période de chômage, continue ou morcelée, bien quelle soit à lorigine de transitions globalement défavorables, nagit pas de manière unidimensionnelle : obtenir un contrat à durée indéterminée se fait parfois au prix dun déclassement professionnel et connaître une mobilité ascendante peut saccompagner dune succession de contrats précaires, notamment pour des personnes appartenant à des marchés professionnels spécifiques, dont lemployabilité séchange contre une dose de précarité.

116

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119

Annexe 1

Évolution de la situation individuelle
entre 2009-2010 et 2014-2015 (en %)

Situation n (% lignes)

Situation n-5

En emploi

En formation

Au chômage

En cours détudes

À la retraite

Autres inactifs

Total

En emploi

83,2

0,1

6,8

0,2

7,0

2,7

100

En formation

82,8

1,5

10,6

0,5

0,0

4,6

100

Au chômage

45,8

0,4

38,3

0,5

8,5

6,6

100

En cours détudes

58,0

4,0

15,7

19,4

0,1

2,9

100

À la retraite

1,7

0,0

0,0

0,2

97,7

0,4

100

Autres inactifs

18,1

0,1

6,7

0,3

11,6

63,3

100

Total

71,4

0,5

9,3

1,7

9,2

7,9

100

Lecture : parmi les personnes qui étaient en emploi en 2009-2010, 83,2 % sont également en emploi cinq ans plus tard, 7 % sont à la retraite, 6,8 % au chômage, 0,2 % en cours d études, 0,1 % en formation, 2,7 % sont inactives.

Source : Insee, enquête FQP, 2014-15 ; calculs des auteurs ; données pondérées.

120

Annexe 2

Situation par rapport à lemploi

Situation vis-à-vis de lemploi

Nombre dindividus
(en milliers)

%

Même employeur, sans chômage

15 676

76,5

Changement demployeur sans chômage

2 907

14,2

Chômage cumulé 1-5 mois

572

2,8

Chômage cumulé 6-11 mois

496

2,4

Chômage cumulé 12-23 mois

551

2,7

Chômage cumulé >=24 mois

287

1,4

Total

20 489

100,0

Champ : individus en emploi en 2009-2010 et 2014-2015.

Source : Insee, enquête FQP, 2014-2015 ; calculs des auteurs ; données pondérées.

121

Annexe 3

Probabilité de changer de métier ou de connaître une mobilité sociale, ascendante ou descendante (logit) – odds ratios

Probabilité de changer de métier (famille professionnelle)

Probabilité de connaître une mobilité ascendante

Probabilité de connaître une mobilité descendante

Variables/Modalités

Odds ratio

Odds ratio

Odds ratio

CHÔMAGE/DURÉE

Même employeur, sans chômage

0,12***

0,35***

0,08***

Changement demployeur sans chômage

Réf.

Réf.

Réf.

Chômage cumulé 1-5 mois

ns

0,68**

1,51**

Chômage cumulé 6-11 mois

1,75***

ns

1,62***

Chômage cumulé 12-23 mois

1,56***

ns

2,43***

Chômage cumulé >=24 mois

1,69***

ns

3,24***

GROUPE SOCIOPROFESSIONNEL EN 2009-2010

Agriculteurs exploitants

0,22***

Artisans-chefs dentreprise

ns

Cadres et professions intellectuelles supérieures

0,71***

3,20***

Professions intermédiaires

Réf.

Réf.

Réf.

Employés non qualifiés

ns

3,0***

Employés qualifiés

1,20**

4,59***

0,45***

Ouvriers qualifiés

0,77***

1,66***

0,40***

Ouvriers non qualifiés

1,77***

7,61***

ÂGE EN 2009-2010

< 25 ans

ns

1,28***

ns

122

30 à 39 ans

Réf.

Réf.

Réf.

40 à 49 ans

0,91*

ns

ns

> = 50 ans

0,78***

0,71***

ns

SEXE

Homme

Réf.

Réf.

Réf.

Femme

0,85***

0,68***

1,22**

NIVEAU DE DIPLÔME

Au moins Bac+5

ns

4,09***

0,17***

Bac+3, Bac+4

ns

1,97***

0,59***

Bac+2

ns

1,25**

0,47***

Bac

Réf.

Réf.

Réf.

CAP/BEP

0,73***

0,47***

1,37**

Sans diplôme

0,63***

0,35***

ns

FORMATION PENDANT LES 5 ANS

Diplômante/certifiante ou dau moins 6 mois

1,73***

1,31***

1,73***

Autre situation

Réf.

Réf.

Réf.

QUOTITÉ DE TRAVAIL EN 2009-2010

Temps plein

Réf.

Réf.

Réf.

Temps partiel

ns

0,77***

1,58***

TYPE DE CONTRAT DE TRAVAIL EN 2009-2010

Contrat à durée indéterminée privé

Réf.

Réf.

Réf.

Fonctionnaire, contrat à durée indéterminée public

0,69***

ns

1,93***

Contrat a durée limitée privé

ns

ns

ns

Contrat à durée limitée public

ns

ns

2,34***

LOCALISATION EN 2009-2010

Hors Île-de-France

Réf.

Réf.

Réf.

Île-de-France

1,13**

1,29***

0,82*

123

Lecture : les personnes en emploi pendant toute la période et n ayant pas changé d employeur ont moins de chances de changer de métier (odds ratio de 0,12), de connaître une mobilité ascendante (odds ratio de 0,35) ou, encore moins, une mobilité descendante (odds ratio de 0,08), par rapport à celles qui ont changé d employeurs sans passer par des séquences de chômage.

Réf : modalité de référence ; seuils de significativité : *** 1 %, ** 5 %, * 10 % ; ns : résultat non significatif.

Méthode : logits binomiaux sur données non pondérées. Le premier modèle estime la probabilité de changer de métier (versus stabilité de famille professionnelle). Le deuxième modèle estime la probabilité de connaître une mobilité ascendante (versus mobilité descendante ou stabilité de groupe socioprofessionnel). Le troisième modèle estime réciproquement la probabilité de mobilité descendante (versus mobilité ascendante ou stabilité).

Champ : individus en emploi en 2009-2010 et 2014-2015 ; ouvriers, employés ou professions intermédiaires pour la mobilité ascendante ; cadres, professions intermédiaires, ouvriers et employés qualifiés pour la mobilité descendante.

Source : Insee, enquête FQP, 2014-2015 ; calculs des auteurs.

124

Annexe 4

Probabilité de changer de contrat ou de quotité
de temps de travail (logit) – odds ratios

Variable

Modalité

Odds ratio

Situation en 2014-2015

CDI

Contrat à durée limitée

Temps complet

Temps partiel

Chômage/durée

Même employeur,
sans chômage

ns

0,04***

0,29***

0,30***

Changement demployeur sans chômage

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Chômage cumulé
1-5 mois

0,65**

2,69***

ns

ns

Chômage cumulé
6-11 mois

0,68*

3,57***

ns

ns

Chômage cumulé
12-23 mois

0,30***

4,85***

ns

1,66***

Chômage cumulé
>=24 mois

0,33***

6,16***

ns

2,65***

Groupe

socioprofessionnel en 2009-2010

Agriculteurs exploitants

1,17*

0,45*

Artisans, chefs dentreprise

ns

Cadres et professions intellectuelles sup.

0,39***

0,52***

0,66**

0,72**

Professions intermédiaires

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Employés non qualifiés

ns

1,40*

0,65**

1,51***

Ouvriers non qualifiés

0,59***

1,72***

0,48***

ns

Âge en 2009-2010

Moins de 25 ans

1,43***

1,50***

1,69***

0,71***

25 à 39 ans

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

40 à 49 ans

0,68***

1,25*

0,52***

0,69***

50 ans et plus

0,70***

2,04***

0,30***

1,23**

125

Sexe

Homme

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Femme

ns

ns

**0,68

***4,35

Niveau de diplôme

Au moins Bac+5

1,47*

ns

ns

ns

Bac+3, Bac+4

ns

ns

ns

1,29*

Bac+2

1,40*

ns

ns

1,21*

Bac

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

CAP/BEP

ns

ns

0,76*

ns

Sans diplôme

ns

ns

0,57***

ns

Formation suivie

Formation diplômante/certifiante ou formation dau moins 6 mois

ns

1,40***

1,75***

0,82**

Autre situation

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Quotité de travail en 2009-2010

Temps plein

Réf.

Réf.

Temps partiel

0,68***

1,43**

Type de contrat de travail en 2009-2010

CDI privé

Réf.

Réf.

Fonctionnaire, CDI public

1,87***

1,20*

Contrat à durée limitée privé

ns

ns

Contrat à durée limitée public

2,09***

1,58*

Localisation en 2009-2010

Hors Île-de-France

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Île-de-France

ns

0,68***

ns

0,70***

Lecture : par rapport aux personnes ayant entre 25 et 39 ans, celles âgées de moins de 25 ans ont plus de chances d obtenir un contrat à durée indéterminée si elles ont un contrat à durée limitée (odds ratio 1,43), plus de chances d obtenir un contrat à durée limitée si elles ont un contrat à durée indéterminée (odds ratio 1,50). Elles ont plus de chances de trouver un emploi à temps plein si elles ont un emploi à temps partiel (odds ratio 1,69) et moins de chances de trouver un emploi à temps partiel si elles ont un emploi à temps plein (odds ratio 0,71).

Réf : modalité de référence ; seuils de significativité : *** 1 %, ** 5 %, * 10 % ; ns : résultat non significatif.

Méthode : logits binomiaux sur données non pondérées. Le premier modèle estime la probabilité d obtenir un CDI (versus rester en CDL). Le deuxième modèle estime la probabilité d obtenir un CDL (versus rester en CDI). Le troisième modèle estime la probabilité de travailler à temps plein (versus rester à temps partiel). Le quatrième modèle estime la probabilité de travailler à temps partiel (versus rester à temps plein).

Champ : salariés en emploi en 2009-2010 et 2014-2015 (20 489 325 personnes) et :

126

– en contrat à durée limitée en 2009-2010 (2 081 550 personnes) pour la modélisation de l obtention d un CDI en 2014-2015 (1 230 401 personnes) ;

– en contrat à durée indéterminée en 2009-2010 (16 175 501 personnes) pour la modélisation de l obtention d un CDL en 2014-2015 (584 628 personnes) ;

– en temps partiel en 2009-2010 (2 856 612 personnes) pour la modélisation de l obtention d un temps plein en 2014-2015 (759 297 personnes) ;

– en temps plein en 2009-2010 (17 632 712 personnes) pour la modélisation de l obtention d un temps partiel en 2014-2015 (1 211 417 personnes).

Source : Insee, enquête FQP, 2014-2015 ; calculs des auteurs.

127

Annexe 5

Probabilité dobtenir un écart de score entre n et n+5 (logit) – odds ratios

Variable

Modalité

Odds ratio (référence : absence décart entre la situation de début de période et celle de fin de période)

Écart en points entre 2009-2010 et 2014-2015

>4 pts

Entre

1 et 4 pts

Entre

-1 et -4 pts

< -4 pts

Chômage/durée

Même employeur, sans chômage

0,20***

0,27***

0,18***

0,03***

Changement demployeur sans chômage

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Chômage cumulé 1-5 mois

1,42**

ns

1,38***

2,77***

Chômage cumulé 6-11 mois

1,63**

1,42*

2,12***

3,30***

Chômage cumulé 12-23 mois

ns

ns

1,98***

4,26***

Chômage cumulé >=24 mois

ns

ns

2,66***

5,18***

Groupe

socioprofessionnel en 2009-2010

Cadres et professions intellectuelles sup.

0,24***

0,11***

1,40**

ns

Professions intermédiaires

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Employés qualifiés

2,32***

1,64***

0,77**

ns

Employés non qualifiés

3,91***

1,41***

ns

0,41***

Ouvriers qualifiés

2,08***

ns

0,70**

0,69**

Ouvriers non qualifiés

4,79***

2,37***

0,70**

0,50***

Âge
en 2009-2010

Moins de 25 ans

3,51***

1,32***

ns

ns

25 à 39 ans

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

40 à 49 ans

0,59***

ns

0,78**

1,35**

50 ans et plus

0,55***

0,70***

ns

1,96***

128

Sexe

Homme

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Femme

1,31***

1,20*

2,1***

1,39**

Niveau de diplôme

Au moins Bac+5

3,38***

2,39***

0,41***

0,49***

Bac+3, Bac+4

2,31***

1,68***

ns

ns

Bac+2

1,62**

ns

0,71***

0,65**

Bac

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

CAP/BEP

0,68***

0,64***

ns

ns

Sans diplôme

0,69***

0,53***

ns

ns

Formation

Aucune

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Diplômante/certifiante ou formation dau moins 800 heures

1,59***

1,48***

1,39**

1,40***

Localisation
en 2009-2010

Hors Île-de-France

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Île-de-France

ns

ns

0,75***

0,70***

Lecture : par rapport aux professions intermédiaires, les employés qualifiés ont plus de chances d obtenir un score avec un écart supérieur à 4 points entre le début et la fin de la période d observation (odds ratio 2,32).

Réf : modalité de référence ; seuils de significativité : *** 1 %, ** 5 %, * 10 % ; ns : résultat non significatif.

Méthode : logit multinomial sur données non pondérées. La situation de référence correspond à l absence d écart entre la situation de début de période et celle de fin de période.

Champ : salariés en emploi en 2009-2010 et 2014-2015.

Source : Insee, enquête FQP, 2014-2015 ; calculs des auteurs.

1 Les opinions nengagent que les auteurs et non les institutions auxquelles ils appartiennent.

2 Compte tenu des faibles effectifs ayant répondu avoir suivi une formation diplômante ou certifiante au cours des 5 ans parmi les personnes en emploi à la fois en 2009-2010 et 2014-2015, ainsi que des odds ratios proches entre les personnes déclarant une formation diplômante/certifiante et une formation dau moins six mois non certifiante/diplômante, les deux modalités ont été fusionnées.