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Classiques Garnier

Négocier et contester la nouvelle organisation du temps de travail dans une usine automobile

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Socio-économie du travail
    2019 – 2, n° 6
    . Tant de capital, temps de travail ?
  • Auteur : Carbonell (Juan Sebastian)
  • Résumé : Plusieurs « accords de compétitivité » ont été signés dans l’industrie française depuis 2012. Ces accords modifient, entre autres, l’organisation du temps de travail des salariés, dans le but de rétablir les marges de profit des entreprises et de les rendre plus compétitives. Dans cet article, nous étudions les conséquences des modifications de l'organisation du temps de travail sur la main-d’œuvre de l'usine PSA-Mulhouse, où deux accords de compétitivité ont été signés en 2013 et en 2016.
  • Pages : 91 à 118
  • Revue : Socio-économie du travail
  • Thème CLIL : 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
  • EAN : 9782406100539
  • ISBN : 978-2-406-10053-9
  • ISSN : 2555-039X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10053-9.p.0091
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 17/02/2020
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : industrie automobile, PSA, temps de travail, compétitivité, flexibilité
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Négocier et contester
la nouvelle organisation
du temps de travail
dans une usine automobile

Juan Sebastian Carbonell

Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne
et Centre Maurice Halbwachs

Introduction

La compétitivité de lindustrie française fait lobjet dune politique gouvernementale active depuis le début de la crise économique de 2008 (Sauviat et Serfati, 2013)1. Ainsi, le rapport Gallois (2012) remis au Premier ministre le 5 novembre 2012 défend, dune part, une baisse des cotisations sociales des entreprises, et de lautre, un renforcement de la compétitivité de lindustrie. De même, depuis la signature de lAccord national interprofessionnel sur la compétitivité des entreprises et la sécurisation de lemploi du 11 janvier 2013, des « accords de maintien de lemploi » (appelés également « accords de compétitivité ») peuvent être négociés dans des entreprises en difficulté, à limage de Sevelnord en 2012, de la Française de Mécanique, ou de Renault en 2013. Appelés désormais « accords de performance collective » depuis les ordonnances du 22 septembre 2017, ces accords modifient, entre autres, lorganisation du 92temps de travail des salariés, dans le but de rétablir les marges de profit des entreprises (Freyssinet, 2013). Comme le soulignent Élodie Béthoux et al. (2015), ils impliquent que les salariés réalisent des concessions en échange dun engagement de la part de lemployeur soit de maintenir lemploi ou un niveau de production, soit de ne pas fermer de sites, au moins pendant quelques années. Il sagit là de lexemple dune « négociation à coût nul » pour les employeurs (Freyssinet, 2011, p. 48).

Cest le cas du groupe PSA, où deux accords de compétitivité ont été signés en octobre 2013 et en juillet 2016 entre la majorité des organisations syndicales représentatives et la direction de lentreprise, appelés respectivement Nouveau contrat social (NCS) et Nouvel élan pour la croissance (NEC). Ces accords ont été présentés comme nécessaires à la survie du groupe après la dégradation de la situation économique de ce dernier en 2012. Au comité central dentreprise qui se réunit le 12 juillet à Paris, la direction de PSA annonce un plan social majeur qui prévoit la fermeture de lusine dAulnay-sous-Bois, une suppression de 1 400 emplois à PSA-La Janais, dans la banlieue de Rennes, de même que la suppression de 3 600 emplois supplémentaires sur lensemble des sites français. Les discours alarmistes dans la presse2, ainsi que le « rapport Sartorius » remis au gouvernement le 11 septembre 2012, contribuent à imposer dans les esprits la nécessité de la négociation dun accord de compétitivité, donc à faire des choix « douloureux » mais « nécessaires » (Sartorius et Serris, 2012). Cependant, contre une lecture « événementielle » de la crise du groupe PSA, celle-ci doit être comprise dans la « restructuration permanente » (Bouquin, 2006 ; Lomba, 2018) de lindustrie automobile. En outre, il faut rappeler à la suite de certains travaux (Fligstein et Shin, 2007), le lien entre financiarisation des groupes industriels, sous-investissement et réduction des effectifs. Comme le montre Michel Freyssinet (2009), les problèmes auxquels est confronté le groupe PSA pendant la période 2012-2013 ne datent pas dhier : la distribution de dividendes aux actionnaires avant et pendant la crise aurait privé le groupe de ressources financières précieuses pendant la crise3.

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Enfin, les mesures introduites par les accords de compétitivité peuvent aussi être comprises dans le cadre plus général de la mise en concurrence des usines françaises avec les sites de production à bas coût dans dautres pays. Pour certains auteurs (Jürgens et Krzywdzinski, 2009), lintégration de plusieurs pays dEurope de lEst à lUnion Européenne pourrait provoquer une « race to the bottom » des salaires et des conditions de travail. Il en est de même au niveau des relations professionnelles, où les pays de lEst apparaissent comme des laboratoires de formes renouvelées de « dialogue social » (Delteil et Dieuaide, 2010). En témoignent des propos de représentants syndicaux et de tracts qui dénoncent la mise en concurrence des usines du groupe PSA en Europe, mais aussi en France, dans lattribution des nouveaux modèles de véhicules4.

Une nouvelle organisation du temps de travail est au cœur des accords de compétitivité de PSA. Dun côté, un dispositif appelé overtime est mis en place afin dajuster la production à la demande, non pas dune semaine sur lautre, ni dun cycle de production à un autre, mais en temps réel (Carbonell, 2018). De lautre, les deux accords se placent dans la continuité de celui sur les 35 heures à PSA, dont le but est dorganiser le temps de travail sur lannée en le rendant plus flexible, sans pour autant avoir recours à une réduction de la masse salariale ou à des délocalisations. Que font ces dispositifs à lorganisation du temps de travail et quelles appropriations et contestations suscitent-ils ? Nous démontrerons dans cet article que ces modifications renforcent une nouvelle norme temporelle (Bouffartigue, 2012) en raison de la flexibilité et de la disponibilité temporelle accrue (Devetter, 2006) pour les ouvriers de PSA. Nous nous appuyons sur une enquête de terrain menée entre 2013 et 2017 sur les conséquences de la crise économique de 2008 auprès des ouvriers de lusine PSA à Mulhouse, le deuxième site du groupe quant aux effectifs ouvriers. Notre accès au terrain a été facilité par deux responsables syndicaux, lun à la CGT, lautre à la CFDT. Nous avons réalisé une cinquantaine dentretiens ethnographiques, souvent répétés, avec des ouvriers, syndiqués et non syndiqués, de latelier montage et ferrage de lusine. Nous mobilisons aussi des documents internes à lentreprise 94(bilans sociaux, comptes-rendus CHSCT, etc.) et des archives syndicales de la CGT et de la CFDT depuis 2012.

Nous verrons tout dabord comment ces accords et leur négociation sinscrivent dans lhistoire récente du temps de travail en France. Nous allons détailler ensuite comment ces dispositifs transforment lorganisation du temps de travail à PSA-Mulhouse. Enfin, nous nous attarderons sur les possibles aménagements et contestations individuelles et collectives mises en œuvre par les ouvriers du site mulhousien.

I. Négocier le temps de travail après la crise

I.1. La mise en crise du temps industriel

Pour Paul Bouffartigue, une « norme temporelle de travail » est une manière de faire, dêtre et de penser qui sert de référence dans lorganisation du temps de travail dans les sociétés. Cette approche des normes va au-delà des simples définitions juridiques. En ce sens, elle inclut une dimension de prescription et de légitimité, tout en étant le résultat dun compromis – le plus souvent instable et contradictoire entre les parties qui définissent la norme. De la même manière, la dimension vécue et pratique dune norme temporelle est centrale pour lanalyse. Le régime temporel fordiste, autrefois dominant – caractérisé par la régularité et la prévisibilité des horaires, ainsi que par la séparation étanche avec dautres temps (temps de repos, temps pour soi, temps pour les autres) et une reconnaissance monétaire du travail à des horaires atypiques –, est entré en crise depuis une quarantaine dannées. Cependant, lérosion statistique de la norme fordienne na pas eu pour conséquence lémergence dun nouveau régime temporel hégémonique, mais plutôt lapparition une diversité de situations à légard du temps. On peut parler à ce titre dun « temps de travail en miettes » (Freyssinet, 1997), ou dun « éclatement du temps de travail » (Thoemmes, 2000). Plusieurs travaux saccordent pour situer le moment de basculement entre les lois Auroux de 1982 et les lois Aubry de 1998 et 2000. La réduction du temps de travail mise en place par ces dernières est dune nature différente de celle des décennies précédentes. Auparavant la réduction 95du temps de travail était une contrepartie aux gains de productivité du travail, or les 35 heures ont été présentées principalement comme un outil de lutte contre le chômage et comme un moyen daménager le temps de travail visant à améliorer la compétitivité des entreprises.

Pour Annette Jobert (2010), lépisode des 35 heures laisse place à partir de 2002 à toute une série de lois qui cherchent désormais à assouplir les 35 heures, sinon à les remettre en cause. Une des particularités de ce mouvement, qui sest confirmé depuis la loi El Khomri et les ordonnances du 22 septembre 2017, est le poids accru du cadre de lentreprise dans la détermination du régime temporel de travail : « La négociation dentreprise, dans un contexte daugmentation du chômage et de faiblesse des organisations syndicales, et en labsence dun encadrement législatif et conventionnel conséquent, apparaît à beaucoup comme un instrument qui désormais profite très largement aux employeurs, un outil “dautorégulation” de lentreprise » (Jobert, 2010, p. 373). Constat partagé par Jérôme Pélisse (2008), pour qui « on sort en quelque sorte dun cycle dassouplissement du droit du travail qui passait par la négociation collective et lexistence de contreparties jugées suffisantes car collectives, pour aller vers une technique de modification du droit qui renforce la prérogative de lemployeur et le lien de dépendance individuel, affaiblissant la portée collective des règles du travail ».

La crise du groupe PSA se déroule dans un contexte de renforcement dune législation qui a tendance à favoriser la négociation collective et à la décentraliser au niveau de lentreprise (Bloch-London et Pélisse, 2008 ; Pélisse, 2009). LANI de janvier 2013 vise en effet à « donner aux entreprises les moyens de sadapter aux problèmes conjoncturels » (ANI, p. 149) en favorisant la négociation d« accords de maintien de lemploi » portant sur le salaire, lemploi et le temps de travail. Il sopère alors un changement dordre qualitatif dans les représentations des syndicalistes, car la négociation collective – qui était synonyme damélioration des conditions de travail ou daugmentation des salaires – implique, depuis plusieurs années, de demander des « sacrifices » aux collectifs de travail dans le but de « préserver lemploi ». De sorte que les exigences en matière de temps de travail se font en échange dun emploi stable. Les accords de compétitivité signés en France dans lindustrie depuis 2012 sinscrivent dans cette nouvelle logique caractérisée par un échange inégal entre employeurs et employés autour de lemploi. Ainsi, pour Béthoux 96et al. (2015), « lexistence dun débat sur lemploi dans lentreprise est aujourdhui largement acquise, reconnue et le plus souvent recherchée par les représentants des salariés » (p. 95).

De ce mouvement il ne ressort pas tant une augmentation quune flexibilisation du temps de travail comprise comme une « remise en cause de la stabilité des repères temporels » (Thoemmes, 2000, p. 58). Cette dernière sattache à introduire de lirrégularité et à normaliser les horaires « atypiques » (travail le samedi, le dimanche, les jours fériés, etc.). Pour Paul Bouffartigue (2012), nous serions passés dans les années 2000 du « travailler moins pour travailler tous » au « travailler plus pour gagner plus ». Avec les transformations de la négociation sur le temps de travail depuis le début de la crise économique de 2008, nous pouvons ajouter que nous sommes désormais entrés dans une logique de « travailler plus pour garder son emploi ». On peut alors dire que pour les secteurs dactivité où la précarité est généralisée et qui sont concernés par une hétéronomie de leur norme temporelle, les contreparties, quil sagisse de lemploi ou du salaire, sont en général absentes. Ce nest pas le cas de lindustrie automobile où la question des contreparties est au centre de la négociation autour de la nouvelle norme temporelle.

I.2. Une flexibilité sans contreparties ?

La mise en avant par lentreprise de facteurs objectivant la crise du groupe PSA, ainsi que la création dun cadre législatif favorisant la négociation daccords de compétitivité en 2013, ont contribué à imposer lidée quil était nécessaire de négocier le premier accord de compétitivité, le Nouveau contrat social. Lentreprise annonce dès septembre 2013 un ensemble de mesures majeures quelle souhaite faire figurer dans le NCS. On y trouve la baisse, voire la suppression pure et simple de plusieurs primes (prime dévolution, prime daléas de carrière, prime de rentrée, etc.). À ceci sajoute la baisse de la majoration de nuit ou du samedi (de 50 % à 25 %), la mise en place de lovertime et une plus grande flexibilité du temps de travail sur lannée. Plusieurs syndicats répondent à cette annonce par un appel au débrayage dans toutes les usines du groupe pour le 11 septembre, jour de la dixième réunion de négociation5. La 97CFTC de lusine PSA-Mulhouse, peu habituée à appeler à la grève, décide de se joindre au mouvement. Seuls la CFE-CGC et FO nappellent pas au débrayage6. Le 11 septembre 2013, autour de 900 ouvriers sur les 7 400 du site débrayent sur les trois équipes (matin, après-midi et soir), ce qui est le plus grand mouvement de grève depuis 1989.

Suite à ce débrayage, la direction du groupe PSA décide de revenir sur certaines de ses propositions. Ainsi, la prime de rentrée et la prime de nuit sont maintenues sans changement. Les autres primes sont revues à la baisse, intégrées dans le salaire, ou leurs modalités dattribution sont modifiées. Cependant, les mesures qui visent à réviser le temps de travail sont maintenues. Lors de lavant-dernière réunion de négociation, PSA présente des « contreparties » aux syndicats. Dans ses engagements, on trouve la promesse de produire un million de véhicules par an en France, de ne pas fermer dusines avant 2016, de lancer un nouveau modèle dans les usines terminales (usines dassemblage), dinvestir 1,5 milliard deuros sur trois ans et de maintenir 75 % des activités R&D du groupe en France. Début octobre 2013, après 13 séances de négociation, la CGT et la CFDT font savoir quelles ne signeront pas le NCS. Ces deux refus nempêchent pas le NCS dêtre adopté le 24 octobre après la signature de la CFTC, la CGC-CFE, FO et le SIA. Largumentaire avancé par les syndicats signataires pour justifier cette prise de position est de deux ordres : la situation de lentreprise est jugée suffisamment grave pour quils considèrent qu« une restructuration est indispensable » et les mesures de laccord sont jugées « supportables » pour les salariés7.

Pour les syndicats qui refusent de signer le NCS, celui-ci napporte aucune véritable « contrepartie » à la suppression ou baisse de primes, ainsi quà la nouvelle flexibilité du temps de travail exigée. Cest ainsi que lexprime dans un entretien de septembre 2013 Denis, ouvrier au ferrage et secrétaire de la CFDT PSA-Mulhouse jusquen 2014 :

Lovertime passe assez mal. Ça leur fait peur effectivement [aux salariés]. Bon, aujourdhui on finit à 20h30, les gens tiennent à ces horaires-là. Si on repousse dix minutes, voire une demi-heure la fin de poste, ça va pas passer 98bien. Après, les heures seront payées dans le mois en heures supplémentaires. Il y a aussi cet aspect-là des choses. Certains accepteront, mais ceux qui sont à attendre [les bus] quils arrivent pendant dix minutes, ils auront du mal à laccepter. Ça cest clair.

Denis refuse que son syndicat signe le NCS car celui-ci fait perdre aux salariés des primes importantes, acquises de haute lutte lors de conflits collectifs, et instaure une nouvelle organisation du travail qui désorganise les vieilles habitudes ouvrières. Ce refus est dautant plus justifié à ses yeux que les changements introduits apparaissent comme « définitifs ».

Début 2016, des négociations reprennent en vue de la signature dun autre accord de compétitivité, le Nouvel élan pour la croissance. Cet accord se place dans la continuité du précédent, dans la mesure où il reconduit et approfondit la plupart des mesures du NCS de 2013. Or les négociations sur le NEC ont lieu dans un contexte économique différent. Lentreprise connaît un lent redressement après la période de crise de 2013-2014 (Grosset, 2016). En effet, le groupe PSA a progressivement renoué avec les profits suite au plan « Back in the race » qui est une des déclinaisons du NCS. Les ventes de PSA repartent à la hausse dès 2014 (+5,4 % dans le monde, dont +7 % en Europe)8, ce qui se concrétise ensuite par un dépassement des objectifs initiaux de 2015. Cette conjoncture nest pas sans effet sur les stratégies syndicales à légard de la récente flexibilité du temps de travail. Élodie Béthoux, Anette Jobert et Alina Surubaru (2014) distinguent une démarche syndicale dans lurgence et une action syndicale dans lanticipation. Lurgence place clairement les équipes syndicales dans une position défavorable et défensive, où les menaces sur lemploi font que les marges de manœuvre sannoncent étroites. La négociation dans lurgence peut encourager une démarche contestataire, comme cela a été le cas en 2013. A contrario, une démarche danticipation dans un contexte économique favorable à lentreprise facilite des négociations qui aboutissent à des concertations. Les marges de manœuvre sont plus larges et il est possible de négocier des contreparties en échange de la signature dun accord.

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Ainsi, lorsque lusine PSA-Mulhouse connaît un surcroit de commandes de Peugeot 2008 au cours de lannée 2016, la CFDT profite de cette situation pour demander des contreparties monétaires à une flexibilité accrue du temps de travail contenue dans le NEC, notamment le paiement dun samedi sur trois travaillé en modulation, en échange de sa signature du nouvel accord. Cest ce que formule en entretien Patrick, devenu secrétaire de la CFDT PSA-Mulhouse à partir de 2014. Il nest pas question ici de revenir à un état précédent de la norme temporelle, mais dinclure le paiement dun samedi travaillé sur trois :

Pour le NEC, on a dit à la direction : « Si vous voulez que la CFDT sintègre dans le NEC, on a des incontournables ». On nest pas utopiques non plus. On na pas dit : « On veut le retour des acquis ». Ça on sait que… Demander du rêve, cest comme ça, cest difficile, hein. Ça on la pas demandé. On a dit : « On veut un paiement par étapes [des samedis] » (…) « Si on sengage dans le NEC, ça aussi doit être mis sur la balance ». Donc, cest ce quon a avancé tout doucement. Cétait pas gagné et après, au bout du bout, on a eu des acquis. Notamment le [paiement] dun [samedi] sur trois, une vraie idée CFDT, ils lont mis.

En diminuant la majoration du travail les samedis après la signature du NCS, la disponibilité temporelle exigée par lentreprise, traduite par le fait de devoir travailler plus de samedis sans que ceux-ci soient rémunérés, avait peu de légitimité aux yeux des salariés. Largument du maintien de lemploi a permis déviter quelle apparaisse comme une flexibilité sans contreparties. Seulement une progressive sortie de crise du groupe PSA a autorisé les syndicats à négocier des contreparties financières autour du travail du samedi, sans que celles-ci représentent un retour à la norme précédente. Nous avons vu dans cette partie comment les accords de compétitivité négociés par PSA et les organisations syndicales se placent dans le cadre des mesures visant à modifier les normes temporelles de travail. Nous allons voir maintenant comment ces accords se traduisent concrètement en une nouvelle organisation du temps de travail à PSA-Mulhouse.

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II. La réorganisation du temps de travail
au cœur des mesures de compétitivité

II.1. La flexibilisation du temps de travail quotidien

Organiser le travail cest organiser le temps de travail et les capacités des salariés (Linhart, 2005). Autrement dit, la gestion du temps de travail constitue un « élément central de lorganisation des activités professionnelles » (Thoemmes, 2000, p. 2), ce qui a pour conséquence de mettre le temps de travail au centre de lactivité de négociation en entreprise. Le NCS affirme que « lorganisation actuelle du travail nest pas en totale adéquation avec lactivité et les besoins réels » de lentreprise (p. 19). En ce sens, laccord met au centre de la « flexibilité industrielle » deux nouveaux dispositifs : lovertime et la modulation collective. Dun côté, lentreprise vise à adapter le temps de travail journalier des ouvriers en fonction des « aléas de production » (pannes, problèmes avec les fournisseurs, etc.) afin datteindre les programmes de production. De lautre, elle cherche à réajuster les « séances de travail » (cest-dire les journées de travail) au caractère « saisonnier » du marché automobile, ainsi quaux surcroits de commandes de voitures.

Les études sur les temporalités du travail ont peu traité de la journée de travail et de ses variations. Seuls quelques rares travaux ont été consacrés au temps de pause, ses usages et ses significations sociales (Boisard, 2006 ; Bozon et Lemel, 1990 ; Hatzfeld, 2002). Une des raisons tient sûrement au fait que le cadre temporel dominant sest déplacé progressivement pendant le xxe siècle de la journée de travail à la semaine, puis à lannée (Marchand et Thélot, 1997). Néanmoins, il est apparu au fil des entretiens avec les ouvriers de PSA-Mulhouse que le dispositif dovertime était au centre des inquiétudes des enquêtés. Celui-ci a commencé à être mis en place en 2014, puis son usage sest généralisé les années suivantes au point que, pendant certaines périodes, les salariés font de lovertime tous les jours de la semaine.

Au moment de lenquête, trois équipes travaillent dans les ateliers de production de PSA-Mulhouse. Deux équipes alternent le travail une semaine le matin et une semaine laprès-midi dans des horaires de doublage, tandis quune troisième équipe travaille pendant la nuit. Le 101rythme de travail garde en principe une unité importante sur toutes les usines terminales (emboutissage, ferrage, peinture et montage), néanmoins cette unité se voit progressivement brisée par lintroduction de lovertime à lusine. En France, cest dabord Toyota qui a mis en place le dispositif dans son usine dOnnaing en 2001. La direction du site peut exiger de ses salariés quelques dizaines de minutes de travail de plus en moyenne chaque jour en fin de poste, avec un délai de prévenance de plusieurs jours. Le dispositif a ensuite été introduit dans les usines PSA par le Nouveau contrat social : il peut modifier la durée quotidienne de travail effectif de dix à vingt minutes selon la tournée. Dans le NCS, il est pensé ouvertement en complément à la modulation collective ou aux heures supplémentaires habituelles (NCS, p. 20). Lorsque lovertime est annoncé en tournée du matin à PSA-Mulhouse, celui-ci a lieu à 11 heures pendant la pause casse-croûte (celle-ci est réduite de 31 à 21 minutes). Sil a lieu en tournée de laprès-midi, celui-ci se déroule en fin de poste, à 20h32 : la journée de travail est prolongée de dix minutes. Enfin, sil a lieu en tournée de nuit, il a lieu à 3h54 et il dure 20 minutes. De telles formes dextension de la journée de travail ont déjà été décrites par dautres travaux. Ainsi, le journaliste Satoshi Kamata affirme dans son récit du travail aux usines Toyota dans les années 1970 au Japon avoir fait à plusieurs reprises des heures supplémentaires en fin de poste (Kamata, 2008, p. 34, 39, 40 et 54). De même, Terry L. Besser (1996) décrit aussi des rallongements horaires dans une usine Toyota dans le Kentucky, aux États-Unis, dans les années 1990. Il sagit néanmoins dune nouveauté dans les usines de lindustrie automobile en France. Enfin, dix minutes de travail supplémentaires sur une journée peuvent sembler négligeables. Cependant, la plupart des enquêtés saccordent pour affirmer que le dispositif, parce quil est perçu comme un temps sans valeur pour les ouvriers, et parce quil se place dans le contexte dune intensification du travail, fait lobjet dun grand mécontentement.

Comme le montrent Armelle Gorgeu et René Mathieu (2005), le transfert dune partie de la production à des sous-traitants et à des fournisseurs sest fait dans le cadre de la mise en place dune organisation de livraison en juste-à-temps. Les impératifs de la production conditionnent donc le temps de la production, puisqu« une défaillance dun des équipementiers qui dépasserait [le temps de livraison] peut arrêter la ligne de montage du constructeur » (Idem, p. 177). Le constructeur 102exerce donc une pression temporelle importante sur le fournisseur. La principale nouveauté de lovertime tient au fait que le dispositif cherche à ajuster la production du constructeur au marché en temps réel : si les programmes de production journaliers ne sont pas atteints pour une quelconque raison, lovertime peut être déclenché. De plus, à un moment où la vitesse de chaîne correspond plus ou moins à une voiture par minute, dix voitures peuvent être construites pendant lovertime. Ce dispositif a été présenté comme un moyen de garantir la production journalière et de mieux répondre à une variation non planifiée de la production.

Dans un processus qui renforce la fragmentation des temps de travail à lusine, lovertime peut concerner un seul atelier, voire un seul secteur. Cest linquiétude qui est exprimée par Halim, délégué CFDT au ferrage, lors dun entretien collectif au local syndical au mois de février 2017. Pour lui, lovertime peut avoir des conséquences sur le nombre de bus assurés par lentreprise :

Lovertime ça peut juste être un secteur. Ça peut vraiment être un secteur, donc dix personnes. Les autres sen vont, et de ce fait là, ils ont décalé les bus pour tout le monde. Tout le monde est impacté par ça si tu veux. Donc cest vrai que du coup les gens, en après-midi, il y a 50 % de moins de gens qui prennent les bus.

En effet, en raison de lenclavement de lusine dans une forêt, entre deux autoroutes et un chemin de fer, à six kilomètres de Mulhouse, les ouvriers dépendent fortement des « cars Peugeot » ou de leur voiture personnelle. Ils sont plus dépendants encore de lorganisation du temps de travail et dun éventuel rallongement horaire.

Cest ce que rapporte aussi Mohamed, ouvrier en habillage caisse et militant CFDT au montage. Dans cet extrait, il explique que certains secteurs sont plus affectés par lovertime que dautres, ce qui provoque chez lui un sentiment de honte lorsquil passe devant les salariés du secteur montage voiture qui continuent de travailler :

Dans le montage même, cest toujours les mêmes secteurs. Je veux dire, les gens qui sont en MV [montage voiture] par exemple, je donne un exemple classique. Nous, en moyenne dans mon équipe [en habillage caisses], on va faire, allez, trois overtime dans la semaine, biens placés ou mal placés ça cest une autre discussion, mais trois ou quatre overtime. MV, si nous on fait un overtime, juste un, on peut être sûr quasiment que toute la semaine en passant on les croise quoi. Quand on est de laprès-midi lovertime est à 20h32. Nous 103on part, et je te dis les gens ils sont comme ça (Il fait un geste pour signifier lexaspération)…

Comme nous lavons rappelé, une des principales conséquences de lintroduction de lovertime est la réduction du temps de pause des ouvriers. Les pauses ne sont pas seulement des moments de récupération des forces physiques, elles sont notamment des moments où les liens se nouent et où les groupes informels se constituent. Cest ce que mettent en avant Michel Bozon et Yannick Lemel (1990) lorsquils approchent le temps informel au travail comme un temps « qui ne découle pas strictement des exigences de la coopération professionnelle » (p. 106). Ils donnent alors lexemple de la parole au travail : « Les discussions non professionnelles entre collègues jouent un rôle important et méconnu de ciment du groupe » (Idem). Cest ce que rapporte notamment Christian, ouvrier au montage et militant CGT. Il exprime dans lextrait dentretien suivant la manière dont lovertime intègre du temps hors travail, soit pendant la pause, soit en fin de poste, dans le temps de travail et renforce la disponibilité temporelle, provoquant du mécontentement chez les ouvriers :

Le soir [lannonce] cest avant 18h, parfois ils arrivent à 18h pile et ils nous disent il y aura overtime, ou alors ils prononcent lovertime et ils viennent un quart dheure avant et il y a pas overtime. (…) Le soir pareil, quand il y a les gens qui ont les bus et qui finissent à 20h42, quand il y avait le système 2, il y en a qui travaillaient loin, les anciens je sais même pas comment ils faisaient pour courir au bus. Combien de gens jai vu louper le bus à cause de lovertime. Il y a eu des gros loupés. Pareil, le repas de midi cest quand même sacré, ils nous ont détruit les self, on na pratiquement plus de moyens de restauration corrects et en plus on na plus le droit davoir du temps pour manger. Et la seule remarque quon nous fait cest : « Vous navez quà ne pas être fumeur ». Faut plus être fumeur parce que Peugeot a décidé quon navait que 20 minutes. Ça cest empiéter sur notre vie personnelle, je lappelle comme ça.

Les organisations syndicales se sont saisies de cette question et du mécontentent des salariés dès que le dispositif a été mis en place début 2014. La CGT a été la première à dénoncer le dispositif dans une série de tracts, à travers une pétition contre lovertime, puis par des appels à débrayer au mois de mars 2014. Voyant que la question des horaires de travail était au cœur des inquiétudes des salariés, les autres syndicats (CFDT et CFTC principalement) ont emboîté le pas et ont également 104produit des tracts dénonçant lusage « abusif » du dispositif. Comme nous le verrons dans la troisième partie, ce dispositif, désormais généralisé dans lindustrie automobile et présenté comme une aubaine par les constructeurs, fragilise organisationnellement la production par la disponibilité temporelle quil exige. Il produit une situation pénible et contraignante pour les salariés, exposés à limprévisibilité des horaires de travail (Carbonell, 2018). En outre, ces effets se voient redoublés par le système de la modulation horaire.

II.2. La flexibilisation du temps de travail sur l année

Nous pouvons trouver les origines de la modulation collective telle quelle se pratique aujourdhui à PSA dans lAccord cadre sur lamélioration de lorganisation et la durée du travail, la formation et lemploi du 4 mars 1999, complété ensuite par plusieurs avenants, afin de mettre en place les 35 heures dans lentreprise. Cet accord, signé par lensemble des organisations syndicales représentatives, à lexception de la CGT, vise à « aborder le passage aux 35 heures dans un cadre plus large que celui défini par la loi » (Accord cadre, p. 4), de même quà annualiser le temps de travail. Il se place donc dans la perspective de flexibiliser le temps de travail sans pour autant avoir recours à une réduction de la masse salariale ou à des délocalisations. En outre, il rend possible lorganisation de cycles de travail de six jours, du lundi au samedi, pour les tournées du matin. Le samedi, « ombre profane du dimanche » (Verret, 1982, p. 112), a donc été désacralisé par PSA depuis plusieurs années. En effet, lAccord cadre affirme que « le travail, dans le cadre de cycles à temps plein, pourra être organisé sur 3, 4, 5 ou 6 jours par semaine » (p. 10) et que « lentreprise pourra faire varier lhoraire collectif à la hausse pour faire face à une augmentation de la demande ou à la baisse, pour sajuster à des diminutions conjoncturelles des besoins » (p. 13). Enfin, un avenant à lAccord cadre négocié à Mulhouse met un place un système de travail dun samedi travaillé toutes les huit semaines.

Cette modulation du temps de travail est modifiée lors de la mise en place du NCS en octobre 2013. Laccord sappuie explicitement sur celui du 4 mars 1999 « créant des aménagements adaptés pour faire face aux enjeux et répondre aux ambitions actuelles et futures de lentreprise » (NCS, p. 35). Le nouvel accord fixe alors le cadre dans 105lequel aura lieu la modulation par salarié, avec une « borne basse » de -5 jours (soit -35 heures), et une « borne haute » de +5 jours (soit +35 heures). Cest-à-dire que si un salarié travaille au-delà de cinq jours en modulation, ces heures seront payées en heures supplémentaires (cest à dire à 125 %), ou converties en repos « à linitiative du salarié ». À linverse, si son compteur est inférieur à -5 jours, en raison dannulation de séances de travail, il sera en « activité partielle » et payé au titre de chômage technique. De plus, le NCS a aussi pour conséquence quà PSA-Mulhouse, tous les samedis sont travaillés en modulation pour les tournées du matin (cest-à-dire deux samedis par mois pour une tournée en roulement). Le NEC de 2016 modifie la modulation collective en « créant une borne basse à -12 jours et une borne haute à +8 jours » (NEC, p. 6). Si un salarié chôme au-delà de 12 jours il passe en activité partielle et est donc payé à 90 % de son salaire par PSA. Cela constitue une protection réelle face aux aléas du marché, notamment en cas de baisse des commandes. Pourtant, il « doit » douze jours de travail à PSA pour que son compteur revienne à zéro. Pour quensuite un samedi puisse être payé pleinement (payé à 125 %), un salarié dont le compteur est à zéro doit travailler huit samedis sans que ceux-ci soient payés.

La forte variabilité de la demande du marché automobile, variabilité accentuée depuis la crise économique de 2008, a justifié aux yeux de PSA la négociation de ces différents accords depuis la fin des années 1990 visant à flexibiliser le temps de travail dans lentreprise. Ainsi, PSA affirme dans ces accords que le marché automobile présente un caractère saisonnier, avec des périodes de réduction de lactivité, suivies de périodes daccroissement brusque des commandes. La « charge instantanée » (terme employé par PSA) des usines peut donc varier radicalement dun mois à un autre. Devenue trop grande, lincertitude de la demande deviendrait une des principales contraintes dans lorganisation du temps de travail. Un des buts des constructeurs est alors de réduire les coûts en évitant de devoir recourir à un stockage de véhicules. Dune part, ce stockage représente un coût financier, de lautre, ces marchandises stockées ne correspondent pas à une demande à moyen terme et elles se trouvent immobilisées en attente découlement.

Lovertime et la modulation ont donc pour finalité de rendre flexible et extensible le temps de travail des ouvriers devant des variations non planifiées de la production. Derrière les objectifs affichés par lentreprise 106de réduction des coûts, de suppression de stocks, plusieurs travaux ont démontré pourtant que le système en juste-à-temps sur lequel sappuient ces dispositifs est loin de contribuer à une adéquation parfaite entre la demande et la production. Comme le montre Tommaso Pardi (2005, 2009) à partir dune étude sur lusine Toyota à Valenciennes, les heures de travail supplémentaires font partie de la gestion normale de la production : « Le management utilise cette stratégie de façon délibérée et en permanence, en planifiant des volumes de production systématiquement supérieurs aux capacités de production, surtout en termes de contingents de main-dœuvre, ce qui oblige les salariés soit à augmenter leur productivité, soit à travailler plus longtemps pour réaliser les objectifs journaliers de production » (Pardi, 2009, p. 55). Il ny a rien détonnant à ce mécanisme, dans la mesure où un des principaux moyens pour faire travailler plus les ouvriers de PSA sans perturber lorganisation de la production est la variabilité des horaires. De même, comme le montrent des enquêtes européennes (Valeyre, 2006, 2007), les organisations en juste-à-temps sont une de celles où la flexibilité des horaires est la plus diffusée, avec une prédominance des pratiques de travail le samedi ou le dimanche. Dans le cas de PSA-Mulhouse, un des effets essentiels de lorganisation de cycles de travail sur six jours une fois toutes les deux semaines et de lorganisation de séances de travail certains jours fériés est la manifestation dun sentiment aigu de fatigue chez les ouvriers enquêtés – tout particulièrement chez les salariés âgés et/ou avec des restrictions médicales. Cette situation a eu tendance à sétendre pendant la durée du terrain en raison du vieillissement de la main-dœuvre. Si les salariés âgés entre 45 et 54 ans représentaient 28,4 % des salariés du site en 2010, ils étaient 36 % en 2016 ; de même, les salariés âgés de 55 ans et plus représentaient 16,4 % des salariés du site en 2010 puis 19,9 % en 20169. Lemprise temporelle de la variabilité des horaires sétend ainsi au hors travail, puisque le propre du sentiment de fatigue exprimé est quil ne se manifeste pas seulement pendant les heures de travail, mais surtout après. Il apparaît comme une « mauvaise fatigue » (Loriol, 2003) accumulée et qui ne peut pas être récupérée. Enfin, cette variabilité des horaires et ce surcroit de travail ont pour effet paradoxal de désorganiser la production par des attitudes de retrait (cf. infra).

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Les dispositifs décrits participent à lintégration du temps hors travail (les pauses, les samedis, les dimanches ou les jours fériés) au temps de travail et renforcent la disponibilité temporelle des ouvriers. Tout se passe comme si le temps du marché primait sur le temps de la production, donc sur le temps des ouvriers. Les changements quils introduisent correspondent à celles dune période de crise économique, comme le montre Mélanie Roussel (2011) dans son étude sur le temps de travail des ouvriers de lindustrie textile de la Nièvre dans les années 1930. Quand la crise commence à se faire sentir dans la vallée de la Nièvre, le temps de travail est modifié selon les variations de la provision des matières premières. Le temps de travail hebdomadaire peut alors fluctuer considérablement, du simple au double, de 28 heures à 48 heures. Ainsi, dans la Nièvre dans les années 1930 comme à Mulhouse dans les années 2010, les conséquences de la flexibilisation du temps de travail ne se limitent pas aux seuls aspects organisationnels, mais ont aussi des effets sur les temporalités individuelles des salariés. Comme nous allons voir par la suite, lemprise temporelle de lentreprise nest jamais totale, puisquelle se double toujours de contournements et doppositions.

III. Des arrangements individuels
à défaut de mobilisations collectives ?

III.1. Sapproprier des modifications du temps de travail

Comme le rappelle Danièle Linhart, le contrat de travail établit lexclusivité de lemployeur quant à lusage du temps de travail du salarié. Or, rappelle-t-elle, « le temps appartient aux salariés parce que ce sont eux qui le vivent, qui lui donnent sens, cest par eux que cet usage transite, il se confond avec leur vie » (Linhart, 2005, p. 7). Nous avons constaté deux attitudes face aux nouveaux dispositifs dorganisation du temps de travail. Dune part, certains ouvriers cherchent à sapproprier positivement les conséquences du surcroit de travail produit par la modulation horaire. Dautre part, des formes individuelles et collectives de refus peuvent émerger face aux dispositifs.

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Malgré les contraintes temporelles imposées par les fortes variations de la production, des ouvriers peuvent sapproprier à leur manière les modifications introduites dans le temps de travail. On a constaté des « modalités de réappropriations des temps » (Bouffartigue, 2012, p. 22) ou une « appropriation des temporalités construites par les institutions ou les organisations » (Dubar, 2004, p. 122). De plus, les entretiens réalisés autour de cette question montrent que ces modalités correspondent aux propriétés sociales des ouvriers. Selon que lon soit jeune, musulman ou militant syndical, les formes de réappropriation du temps de travail à PSA seront différentes.

À la fin du mois de mars 2017, la direction de PSA-Mulhouse annonce au comité dentreprise une commande supplémentaire de 2 000 voitures Peugeot 2008 par rapport au programme initial de production. La direction décide alors dorganiser plusieurs samedis et dimanches travaillés avant lété, de même que des séances de travail supplémentaires certains jours fériés (le 8 mai et le 25 mai, jour de lascension, par exemple). Aux yeux de certains ouvriers, ce surcroit de travail na pas que des conséquences négatives. Par exemple, des ouvriers au montage comme Mohamed peuvent profiter des samedis et des jours fériés travaillés afin de remplir leur compteur individuel pour ensuite refuser den faire. Ouvrier musulman, Mohamed craint surtout la période des fortes chaleurs pendant le Ramadan, il fait alors le choix daccumuler des jours et des heures de travail « en plus » pour les échanger contre du non-travail pendant le mois de jeûne :

Après, les samedis je pense que [je vais venir travailler]. Alors, je vais peut-être choquer, parce que là hier on sest battus vu quon a beaucoup de samedis, pour quun jour sur deux soit [au volontariat]. Ben, je pense que je vais venir, pour ceux qui sont pas [au volontariat]. Je vais plus venir pour remplir mon compteur. Je vais essayer de magouiller pour avancer sur mon compteur, mais je pense que le mois de mai va quand même permettre avec ces jours fériés-là de faire mes samedis, de faire la totale. Je pense pas que je vais avoir besoin de pas faire les samedis. Cest un calcul à faire pour chacun.

Le revers de la médaille des tentatives daménagement de ce surcroit de travail est lindividualisation des stratégies face à la modulation horaire et les samedis obligatoires. Cest-à-dire que si le chômage technique peut concerner tous les ouvriers dun atelier (voire toute lusine terminale, montage, ferrage, peinture), le compteur personnel et le système de 109modulation horaire concernent les ouvriers pris séparément. La fragmentation du temps de travail collectif et la mise en place dun compteur pour chaque salarié entraînent ces calculs individuels, puisque comme le dit Mohamed, « cest un calcul à faire pour chacun ». Néanmoins, dautres critères peuvent jouer dans ladoption dattitudes personnelles vis-à-vis du temps de travail, et il existe des stratégies dappropriation qui sont interdites à certaines catégories douvriers. Cest le cas notamment des responsables syndicaux de la CGT. Dans lextrait suivant, Luc, ouvrier au montage, embauché dans les années 1990, et représentant de la CGT au comité dentreprise, explique quil refuse de se soumettre à la temporalité patronale en travaillant les jours fériés, notamment en raison de limage quil doit donner de son engagement syndical auprès du reste des salariés. Ce refus est dautant plus étonnant aux yeux de ses collègues quil se fait contre son intérêt matériel.

Si javais voulu travailler de nuit, ou les jours fériés par exemple, jaurais fait 200 euros en une journée. Je fais deux journées comme ça, ça fait 400 euros. Les mecs ils se bagarraient [pour les faire] ! Les mecs ils menvoyaient des SMS, dautres tournées, parce quil y a quune tournée qui travaille, comme ça tu arrives à trouver du monde. Les mecs se bagarraient : « Tu viens pas au travail ? Je peux prendre ton poste ? » Cest pas quils veulent travailler, mais ils voient largent quil y a au bout.

Ces deux enquêtés décrivent ici une des formes des « conduites de dépense » déjà relevées par la sociologie des classes populaires. Daprès Olivier Schwartz, la « boulimie de travail est largement dictée par des contraintes économiques. Rien de tel que les bas salaires pour inculquer le goût des heures supplémentaires » (2012, p. 292). Par ailleurs, la politique de rigueur salariale de lentreprise entamée dès février 2013 avec un gel des salaires10 peut favoriser ces conduites de dépense. Effectivement, si lon compare pendant la période étudiée les rémunérations mensuelles moyennes des « agents professionnels de fabrication » (catégorie au plus bas dans la hiérarchie des salaires, correspondant au profil de la plupart de nos enquêtés travaillant au montage et au ferrage), on remarque que le salaire na pas progressé pendant cette période (2221 euros bruts en 2012 contre 2194 euros en 2016)11.

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Dautres critères, tel que le statut de lemploi, peuvent entrer en jeu dans les appropriations des temps. Cest ce que laisse entendre Craig, jeune intérimaire au montage depuis 2014, en ce qui concerne la différence entre intérimaires et embauchés face aux nouveaux dispositifs. Pour lui, les intérimaires ne sont pas en position de négocier sils veulent faire de lovertime ou travailler les jours fériés, cest donc un « privilège » de négocier la récente organisation du temps de travail. Je linterroge sur les débrayages ayant eu lieu en 2016 contre lovertime et sa réaction face à ces mobilisations :

Après comme nous on est intérimaires et on a un contrat à renouveler, voilà on peut pas, on essaie de rester, on est entre lenclume et le marteau. On peut ne pas se faire renouveler parce que voilà il a pas fait ceci… On na pas trop le choix. Parce que si on avait le choix, on demanderait ! On dirait pas (en criant) « overtime ! ». Ils diraient : « Écoute, est-ce que tu veux bien rester ? » (…). Les embauchés ont quand même certains privilèges quoi. Par exemple, le lundi [8 mai] on va travailler, cest férié. Mais les embauchés choisissent. Sils veulent venir, ils peuvent venir, sils veulent pas, ils restent chez eux. Cest une journée chômée payée. Nous on a pas trop le choix, nous on doit venir. Et là on va travailler deux jours fériés.

Parce quil procure peu de profits matériels et symboliques aux yeux des ouvriers, lovertime, contrairement à la modulation, donne moins lieu à des formes dappropriation. Néanmoins, il peut faire lobjet de stratégies de contournement et de compromis informels entre les ouvriers et lencadrement. Ainsi, Craig réussit à convaincre sa monitrice12 de le remplacer quelques minutes avant la pause pour que la réduction du temps de pause lorsquil y a overtime le matin ait le moins de répercussions possibles sur ses habitudes liées au repas. Si les autres enquêtés sarrangent avec le système horaire, cherchant à se lapproprier, ici la posture de Craig, produite par une situation défavorable liée au statut dintérimaire, montre plutôt la volonté de saménager un espace dans le nouvel ordre temporel à lusine.

Parfois il marrive, bon, enfin, cest pas très juste, de demander daller aux toilettes peut-être cinq minutes avant la pause. Si je trouve que la monitrice voilà elle est là et elle na pas beaucoup de choses à faire, je lui demande 111naturellement : « Écoute, je peux plus tenir… » Cest une petite astuce, mais bon : « Je peux plus tenir, il faut absolument que jaille aux toilettes ». (…) Donc, voilà, elle accepte et donc je vais aux toilettes vite fait, je me lave dès que je rentre, cest bon, cest la pause et directement jai plus besoin de me taper deux minutes ou trois minutes (Rire).

Ces différents exemples montrent que des stratégies de réappropriations de lorganisation du temps de travail contenue dans le NCS et le NEC peuvent donc exister. Celles-ci sont néanmoins redevables des propriétés sociales des ouvriers et des relations entre salariés et encadrement. De la même manière, des formes doppositions aux récentes modifications du temps de travail peuvent se manifester à lusine.

III.2. Oppositions et refus

Quels moyens sont à la disposition des salariés lorsquil sagit de refuser le travail le samedi ou les jours fériés ? Pour les organisations syndicales du site, il est difficile, sinon impossible, dorganiser des grèves contre la modulation. Tout dabord, précisément parce que les séances de travail en modulation ont lieu le samedi, les syndicats ont une difficulté particulière pour organiser des débrayages. Appeler à faire grève un samedi voudrait dire que les salariés doivent se déplacer à lusine uniquement pour être présents pendant le débrayage. Ensuite, nous avons dit plus haut que ce dispositif favorise un processus de fragmentation de lunité du temps de travail sur le site. Ceci encourage les stratégies individuelles qui prennent des formes classiques dexpression du mécontentement ouvrier telles que labsentéisme ou le refus de faire les heures supplémentaires, au détriment de formes de contestation collectives.

Alberto, ouvrier au montage et militant à la CFDT, se présente lui-même comme un ouvrier atypique et comme un « jeune embauché chez Peugeot », même sil a la cinquantaine. Comme beaucoup douvriers à partir des années 2000, son entrée à PSA-Mulhouse se fait « par défaut », comme une chance à saisir dans le contexte dun marché du travail difficile. Alberto cherchait un emploi avec des horaires fixes, ce qui est rare dans le bâtiment et dans certains métiers du tertiaire, où il a travaillé avant pendant de longues années. Connaissant les horaires flexibles qui peuvent être pratiqués dans le secteur tertiaire, il voit avec inquiétude les nouvelles exigences horaires chez PSA. Surtout, daprès lui, « la disponibilité quon nous demande nest pas rémunérée ». Le volontariat 112pouvait jouir aux yeux de certains ouvriers dune forme de légitimité, tandis que limposition dun surcroit de travail sans contreparties apparaît comme une obligation insupportable. Doù la reprise par les salariés de lexpression « samedis gratuits » ou « samedis obligatoires » popularisée par la CGT. Voici comment Alberto décrit cette situation :

La direction te laisse plus le choix. Il y a plus le choix. Il faut que tout le monde soit là, point. Cest un peu le même système pour le travail du 8 mai, qui est un jour férié. Avant le chef aurait fait le tour de latelier en disant : « Est-ce que tu viens ? » Maintenant on part du principe que tout le monde vient et si quelquun veut pas venir, il faut quil aille faire la démarche daller voir le chef et lui dire : « Je viens pas ».

Ce qui était un choix devient un impératif par une sorte dinversion de lobligation et de la responsabilité. Si auparavant cétait à la direction de demander aux ouvriers de venir travailler un samedi ou un jour férié, cest maintenant aux ouvriers de faire la demande à la direction de ne pas venir travailler. La question de la maîtrise des temps est au centre des stratégies des ouvriers. Elle nécessite dabord un apprentissage, puis une adaptation à la nouvelle norme horaire. Comme le montre Alberto dans lextrait suivant, cette adaptation peut se manifester ensuite sous la forme dun pas de côté. Avoir recours aux arrêts maladies implique alors de refuser les « conduites de dépense ».

La modulation à la limite je lai acceptée parce que je vais en tirer des bénéfices. Cest-à-dire que je vais mettre de côté du temps, que je vais pouvoir récupérer à ma guise. On va pas pouvoir mempêcher de prendre du temps, quand moi jen aurai besoin. Il y a des gens qui refusent de venir, ou qui posent des congés systématiquement, cest une pratique, ça je lai appris aussi. À partir du moment où tu as des RTT et que tu poses un congé un samedi, comme cest du temps de travail déjà effectué, cest pas comme si tu mettais un congé annuel. Donc, voilà, on fait avec le système et on essaie den tirer parti.

Ces attitudes de retrait se vérifient dans laugmentation du taux dabsentéisme, toutes causes confondues, parmi leffectif ouvrier à lusine pendant la période étudiée. Sil était de 10,8 % en 2013, il grimpe à 16,7 % en 2016. On remarque quil progresse aussi parmi les employés, les techniciens et les agents de maîtrise de létablissement, puisquil passe de 5,6 % à 9,5 % pendant la même période13.

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Pour dautres ouvriers, le refus peut être plus frontal. Si Christian, ouvrier au montage et syndiqué à la CGT, refuse de travailler les samedis et les jours fériés, cest parce que pour lui cest une question de « dignité ». Il adhère à la CGT en 2002, peu de temps après son embauche à latelier peinture. Il tire une mauvaise expérience de ses premières années dadhérent CGT, dabord en raison des intimidations de son chef. Cette expérience va être déterminante dans le développement dattitudes dinsubordination quil entretient à lusine et que lon peut retrouver dans son refus de lovertime et du surcroit de travail les samedis et les jours fériés :

Personnellement moi je suis très content de savoir où je vais, je sais très bien que le samedi ils me verront pas. Malheureusement, les gens se sentent forcés, ils pensent toujours que, voilà, certains parce quils sont délégués, certains parce quils sont bien placés dans un syndicat, quils peuvent pas le faire. Alors que tout le monde daprès la loi, quand on va au comité dentreprise, on peut demander une autorisation dabsence. Maintenant il va y avoir des jours fériés qui seront travaillés, ils sont obligatoires les jours fériés, alors quil faut simplement demander une autorisation dabsence. Mais le chef dit aux gens : « Ah, mais qui je vais mettre à ta place ? Mais tu vois que ça te rapporte autant. Je sais pas comment je vais faire ». Ils sauto-convainquent ensemble, automatiquement.

Le travail du samedi et des jours fériés au volontariat a progressivement été remplacé par la responsabilisation des salariés, en vertu de laquelle les chefs font pression sur tous les ouvriers pour quils viennent travailler, avec largument que, sans eux, la production ne sera pas assurée. Dans cet extrait dentretien avec Christian, nous pouvons lire comment des attitudes de « sauvegarde de soi » nimpliquent pas de « prendre des jours » en ayant recours aux RTT, mais, dans le cas de Christian, de refuser de se mettre à la disposition du patron et de faire des samedis, donc refuser la responsabilisation des salariés inhérente au système de la modulation. Christian, qui reconnaît avoir travaillé au volontariat en contre-tournée, fait partie des rares ouvriers qui ont acquis par leur socialisation militante la capacité de se confronter à leur chef et de ne pas être victime du sentiment de responsabilisation. Toutefois, ces capacités restent inégalement distribuées, puisquelles dépendent de la rencontre entre une trajectoire au sein de lentreprise et une trajectoire militante.

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Enfin, certains ouvriers se trouvent incapables de formuler des stratégies visant à sapproprier la temporalité du travail contenue dans les accords. Il sagit le plus souvent des salariés âgés et/ou avec des restrictions médicales (souvent les deux). Lorsquils sont âgés de plus de 57 ans, ils peuvent bénéficier dune pré-retraite prévue dans le NCS. Pour ceux qui sont encore trop jeunes (mais déjà incapables de travailler dans les nouvelles conditions), ils sont poussés progressivement vers la porte de lusine à travers des pressions incessantes des contremaîtres.

Conclusion

Dans cet article nous avons montré quelles sont les conséquences sur le temps de travail des accords dentreprise négociés après la crise de 2008 dans les usines PSA en vue de redresser sa situation économique. Ces accords introduisent deux dispositifs qui ont pour objectif de contribuer à la compétitivité des usines PSA en France, en augmentant la flexibilité du temps de travail et la « disponibilité temporelle » (Devetter, 2006) des ouvriers. Tout dabord, lovertime permet une flexibilisation du temps de travail quotidien. Ensuite, les deux accords contribuent aussi à la flexibilisation du temps de travail sur lannée. Ces modifications de lorganisation du temps de travail nont été possibles que dans un contexte où la peur de la perte de lemploi et des fermetures de sites autorise les directions des groupes industriels à demander des « sacrifices » à leurs salariés. Comme le rappelle Alain Supiot, le contrat de travail nest quune abdication partielle de la liberté des salariés à lautorité patronale : « Cette subordination, dit-il, est cantonnée aux temps et au lieu de lexécution de la prestation de travail » (Supiot, 2011, p. 160). Dit autrement, le droit du travail est censé, entre autres, limiter lemprise temporelle du patron sur la vie du salarié. Or, dans une configuration qui voit le temps de travail se flexibiliser à travers des accords collectifs, ces derniers accroissent la subordination des salariés à la temporalité patronale. En effet, celle-ci sétend au temps hors travail (que ce soit le temps de pause, le week-end ou les jours fériés) en le transformant en un temps que lentreprise peut sapproprier librement, donc en un temps 115effectivement travaillé selon les nécessités de la production. Lintroduction de ces dispositifs qui rendent flexible et extensible le temps de travail à PSA renforce la disponibilité des ouvriers et constitue donc un changement de la « norme temporelle de travail » (Bouffartigue, 2012). Du reste, ces modifications contribuent au processus décrit par Jens Thoemmes (2000) sur lérosion du temps industriel et lémergence dune nouvelle norme temporelle. Celle-ci apparaît chez PSA comme une flexibilité dont la principale contrepartie est la garantie de lemploi – garantie à relativiser dans la mesure où les effectifs de létablissement mulhousien ont baissé de 1 300 salariés entre juin 2013 et juin 2016 (passant de 7 600 à 6 300 entre ces deux dates).

Nous avons observé enfin que les ouvriers enquêtés nétaient pas toujours désemparés devant les transformations de lorganisation du travail et la reconfiguration de la norme temporelle à lusine, et quils essaient tous de mettre en œuvre des stratégies daménagement ou dappropriation des temporalités. Ces stratégies dépendent fortement des propriétés sociales des individus et de la position quils occupent au sein de lorganisation productive. Beaucoup dentre eux optent pour des conduites de dépense, cherchant à accumuler du travail pour ensuite léchanger contre du non-travail. Dautres déploient des stratégies dévitement, cherchant à contourner une exigence temporelle qui ne leur apporte rien. Toujours est-il que ces appropriations sont fortement contraintes par le contexte dans lequel elles ont lieu.

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1 Je tiens à remercier les membres du séminaire Pratiques, travail, organisation (PRATO), ainsi que les rapporteurs de la revue pour leurs remarques et suggestions sur ce texte.

2 « PSA Peugeot Citroën, une entreprise au pied du mur », Le Parisien, 7 juillet 2012 ; « PSA : les marchés sinterrogent sur la possibilité de défaut », Le Monde, 19 juillet 2012.

3 Entre 1999 et 2011, 3 milliards deuros sont consacrés au rachat dactions (Sartorius et Serris, 2012).

4 Cest ce que rapporte la CGT de lusine PSA-Mulhouse dans un tract de janvier 2013, selon lequel lattribution dun nouveau véhicule utilitaire se ferait au site de Vigo en Espagne si les syndicats de Sevelnord ne signent pas laccord de compétitivité. De même, les syndicalistes mettent aussi laccent sur une mise en concurrence des usines françaises entre elles.

5 Tract CFDT PSA-Mulhouse, « Tous en grève le mercredi 11 septembre pendant une heure pour conserver nos acquis sociaux », septembre 2013 ; Tract CFTC PSA-Mulhouse, « Contrat social “compétitivité” 9e réunion : un grand retour en arrière ! ! ! », 6 septembre 2013.

6 Lors des élections de 2011 pour le comité dentreprise, la CGT représentait 30,8 % des voix, la CFDT 20,7 %, lAlliance qui regroupe FO, la CFTC et la CFE-CGC 43,1 %, SUD 2 % et lUNSA 3,4 %.

7 Tract CFTC PSA-Mulhouse, « Contrat social : un Oui pour préserver lavenir des sites en France… », 22 octobre 2013.

8 « Le plan “Back in the Race” très bien engagé. Progression des ventes au troisième trimestre », communiqué de PSA Peugeot Citroën, 22 octobre 2014.

9 Source : Bilan social de lannée 2010 et de lannée 2016.

10 « Négociations salariales 2013. Le Groupe doit maîtriser ses coûts salariaux », communiqué de PSA Peugeot Citroën, 20 avril 2013.

11 Source : bilans sociaux de 2014 et de lannée 2016.

12 Le poste de moniteur apparaît chez Peugeot au milieu des années 1980. Ni simple ouvrier, ni agent de maîtrise, il est chargé de la qualité du travail dans une équipe et na pas a priori de fonction disciplinaire (voir Durand et Hatzfeld, 2002, p. 87-91).

13 Source : Bilan social lannée 2014 et lannée 2016.