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Classiques Garnier

Le référendum d’entreprise La démocratie sociale contre les syndicats ?

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Socio-économie du travail
    2018 – 2, n° 4
    . La démocratie au travail : usages et catégories / Democracy at work: uses and categories
  • Auteurs : Denis (Jean-Michel), Pernot (Jean-Marie)
  • Résumé : Le référendum d’entreprise est une pratique ancienne qui jusqu’à récemment ne jouait qu’à la marge du système des relations professionnelles. Deux lois récentes en étendent le champ et renforce les possibilités données aux employeurs d’y recourir, soit pour combler un vide de la représentation soit pour contourner un refus d’accord de la part des syndicats majoritaires. L’article rappelle la généalogie du référendum dans l’entreprise pour interroger l’effectivité de ses pratiques ainsi que sa portée démocratique.
  • Pages : 55 à 80
  • Revue : Socio-économie du travail
  • Thème CLIL : 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
  • EAN : 9782406088578
  • ISBN : 978-2-406-08857-8
  • ISSN : 2555-039X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08857-8.p.0055
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 11/02/2019
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Référendum, consultation, négociation collective, syndicats, démocratie sociale
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Le référendum dentreprise

La démocratie sociale contre les syndicats ?

Jean-Michel Denis

UPEM/LATTS

Jean-Marie Pernot

IRES

La pratique du référendum dans lentreprise ou létablissement nest pas neuve. Longtemps tenue aux marges du système représentatif, cette modalité de consultation directe des salariés semble promise depuis quelques temps à un rôle plus important dans le cadre des relations professionnelles. En effet, deux textes législatifs récents (la loi no 2016-1088 du 8 août 2016 relative à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi El Kohmri », et les ordonnances portant réforme du code du travail du 23 septembre 2017, dites « ordonnances Macron ») lont successivement ouverte à de nouveaux usages en lui accordant une place potentiellement plus grande dans les processus de validation des accords dentreprise. Instrument qui permet à des syndicats minoritaires de tenter de contourner lopposition de syndicats majoritaires lors de la signature de tels accords dans la loi de 2016, le référendum est officiellement présenté comme un outil visant à combler labsence syndicale dans les ordonnances de 2017 ; avec, dans les deux cas, le recours à lopinion des salariés dans les processus de construction des accords collectifs (cf. encadré 1).

Mais le référendum ne constitue pas un dispositif à part. Il sintègre dans une dynamique amorcée depuis plusieurs décennies : celle du renforcement de la négociation dentreprise, et de la redéfinition du profil 56des acteurs sociaux dans les situations qui dérogent au modèle traditionnel de la négociation collective, en labsence de délégués syndicaux (DS)1, et particulièrement dans les petites et moyennes entreprises2. Doù lémergence de « processus atypiques » de la négociation collective dans lentreprise, celle-ci étant désormais ouverte aux représentants élus (en cas de carence syndicale) et à validation par la consultation directe des salariés (Naboulet, 2014). Jusquà présent, les enquêtes menées sur le sujet ont conclu à la complémentarité entre ces formes atypiques et celles plus institutionnalisées, davantage quà leur substitution progressive (Naboulet, 2014). La possibilité récente octroyée par le législateur de pouvoir y recourir plus largement est-elle de nature à changer la donne ? Surtout, quelle conception de la démocratie sociale laisse-t-elle entrevoir ? Sinscrit-elle dans la continuité, pour ne pas dire dans le renforcement, de la loi de 2008 sur la représentativité syndicale qui promouvait une conception élective de la démocratie sociale (Béroud et al., 2012) ? Ou en contrepoint de celle-ci, dans la mesure où la loi de 2008 cherchait à renforcer les accords collectifs par la consolidation des acteurs favorables à la négociation ? Car y compris ces derniers considèrent désormais lutilisation du référendum dans les petites et moyennes entreprises, promue dans les dernières ordonnances, comme une manière dimposer « une forme de monologue social3 ». En effet, si le référendum a été dénoncé lors de la loi El Kohmri comme permettant le contournement des syndicats traditionnellement les plus hostiles aux réorganisations managériales, il est plus largement considéré aujourdhui par lensemble des forces syndicales comme un principe antinomique à la négociation collective, un mécanisme de ratification dun texte élaboré unilatéralement par lemployeur.

Cette actualité du référendum nous donne loccasion de revenir sur sa place et son rôle dans lespace des relations professionnelles. Encore faut-il savoir de quoi lon parle exactement lorsque lon évoque cette 57notion de référendum. En effet, un brouillage sémantique existe entre ce terme, très peu présent dans la loi, et ceux de consultation et de ratification. Lobjet de la première partie de cet article sera dessayer dy voir plus clair à son sujet, en lui consacrant un travail de définition et de généalogie. Pratique dont nous nous proposons, en deuxième partie, de mesurer létendue et lintensité. Jusquaux deux textes de loi évoqués ci-dessus, celle-ci a été plutôt réduite puisquelle a principalement concerné les négociations relatives à lépargne salariale et lintéressement et, de façon plus marginale, labsence de représentation sociale dans les petites entreprises. Nous nous intéresserons aux difficultés liées à son usage, dans un troisième temps, à partir de lanalyse de plusieurs situations empiriques, avant daborder enfin la question de son devenir. Car le focus placé aujourdhui sur le référendum ne signifie pas nécessairement que lon y aura davantage recours dans le cadre de la négociation collective. Rien ne dit en effet que les acteurs sociaux sempareront de ce « nouvel » outil et quil ne restera pas sur les étagères déjà encombrées des fausses bonnes idées destinées à « débloquer » les relations professionnelles dans une logique de bénéfices mutuels.

I. Le référendum dentreprise :
généalogie dune pratique

Inscrite dans la loi, la pratique du référendum saccompagne singulièrement de la rareté du mot lui-même dans les textes qui y font référence. En effet, on ne le trouve dans le code du travail que depuis lordonnance du 20 décembre 2017. Lui étaient préférés jusque-là les termes de consultation ou de ratification4. Cette quasi-absence ne concerne pas uniquement le droit du travail. Technique issue du droit constitutionnel (Duverger, 1996), le référendum, qui existe pourtant depuis la Révolution Française, 58napparaît pas réellement dans les constitutions françaises avant 1958 et là encore, lemploi de termes approchants est systématiquement privilégié5. En droit du travail, il est moins question de référendum que de « pratiques référendaires ».

I.1. La place du référendum dans le droit du travail :
un renforcement institutionnel graduel

Dans une certaine mesure, cest par une porte dérobée que le référendum fait son entrée dans le cadre des relations professionnelles car il y pénètre par le Code de la Sécurité sociale et non par le Code du travail. En effet, il sera associé à la mise en place de ladhésion à lAGIRC (Association Générale des Institutions de Retraite des Cadres) en 1947 et, plus tard, de lARRCO (Association pour le Régime Complémentaire des Salariés), quil y ait ou non représentation syndicale. Ces nouveaux régimes dassurance contenant des dispositions qui pouvaient modifier certains termes du contrat de travail, il était ainsi nécessaire, afin de pouvoir les instaurer, de consulter directement les salariés pour obtenir leur aval (Barthélémy, 1993). De la même façon, lordonnance du 17 août 1967 sur la participation des travailleurs « aux fruits de lexpansion des entreprises » prévoit le recours au référendum en alternative ou en complément des accords conclus avec les syndicats représentatifs (Le Crom, 2011)6. Cest donc à la périphérie des institutions de la négociation collective que se développera un premier type de référendum.

Alors que les lois Auroux (1982) délaisseront le référendum par peur quil « nanéantisse le monopole syndical » (Gaurieau, 1998, p. 339), ce sont les lois Aubry et singulièrement la loi Aubry II du 19 janvier 2000 qui linscriront juridiquement dans le champ des relations professionnelles. Son utilisation sera rendue possible dans trois cas de figure : celui dun accord paraphé par des organisations minoritaires dans lentreprise ; en cas dabsence dorganisations syndicales dans lentreprise et lorsquun 59accord est signé par un salarié mandaté ; dans celui enfin des entreprises de moins de 11 salariés paraphant un accord sur le temps de travail (Le Crom, 2011). La loi dite Fillon du 4 mai 2004 et celle du 20 août 2008 accroissent sa part avant quelle ne soit amplifiée, une nouvelle fois, par la loi Travail de 2016 (loi El Khomri) et les « ordonnances Macron » de 2017 (cf. encadré 1). Son renforcement juridique doit beaucoup, nous lavons dit, à la décentralisation de la négociation collective vers lentreprise. Mais aussi au fait que celle-ci porte de plus en plus sur des éléments clefs du rapport salarial : la durée et laménagement du temps de travail, les salaires et lemploi. Autrement dit, si lextension de la négociation collective est un vecteur important du recours accru au référendum, il ne sy réduit pas. Intervient également un autre facteur : la multiplication des accords de type « donnant-donnant » qui ne répondent plus aux seules revendications syndicales mais intègrent, dans léchange, les revendications patronales (Naboulet, 2014).

Cette tendance était déjà présente dans les années 1990 où le référendum a été mobilisé dans le cadre de la réorganisation du temps de travail, dans le secteur privé (mise en place dhoraires décalés ou des 5X8) ou dans la fonction publique, en dehors de toute codification légale, avec limplantation des horaires variables. Elle sest poursuivie avec lessor des restructurations dentreprise où se sont multipliés les accords défavorables aux salariés suite à ce que François Hénot a appelé des référendums « abdicatifs7 ». Comme ceux relatifs au passage aux 35h, ces accords ont soulevé le problème de la représentativité des syndicats signataires et, dans de nombreux cas, ont conduit, pour la vérifier, à des consultations directes des travailleurs.

Au-delà de cette dynamique institutionnelle, il est également possible de sérier les référendums, dans le temps ordinaire de la négociation collective, selon leur registre de légitimité8. Ce qui amène à distinguer quatre cas de figure – qui croisent en partie ceux évoqués précédemment : celui où le référendum parachève une négociation avec les délégués syndicaux ou élus du personnel signataires dun accord collectif ; celui où il valide un texte ou une décision proposé unilatéralement par la 60direction de lentreprise ; celui où il affermit une représentativité faible du côté des salariés ; celui enfin où les syndicats recherchent lapprobation préalable des salariés compte tenu des conséquences de laccord sur ces derniers. À ces cas de figure ordinaires, sopposent les référendums qui sont organisés « en dehors des configurations juridiquement prévues », le plus souvent dans le cadre de restructurations ou de fermeture de site de travail : référendums « passage en force » qui visent à peser sur le rapport de force dans un sens ou dans un autre ; référendums « participatifs » qui confortent la négociation et lobjectif de trouver un accord partagé (Astrées, 2014, p. 56)9.

1. Le référendum : un dispositif renforcé par quatre réformes successives

La loi n o  2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (dite Loi Fillon) autorise la négociation et la signature d accords collectifs dans les entreprises, en cas d absence de DS, par des élus du personnel ou un salarié mandaté. Dans de tels cas, l organisation d un référendum vise la sécurisation de l accord négocié puisque la validité de celui-ci est subordonné à lapprobation dune majorité de salariés par consultation directe.

La loi n o  2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail autorise une consultation directe lorsquil est impossible détablir les seuils de 30 % et de 50 % nécessaires à lapprobation ou la contestation dun accord (en cas de carence syndicale ou dabsence de quorum au premier tour des élections professionnelles par exemple).

La loi n o  2016-1088 du 8 août 2016 relative à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi El Khomri », renforce le principe de laccord majoritaire en hissant le seuil de cette « majorité » à 50 % contre 30 % antérieurement (loi de 2008)10, donnant alors la possibilité pour des organisations signataires minoritaires (30 % au minimum) de demander lorganisation dune consultation directe des salariés. Le décret du 20 décembre 2016 « relatif aux modalités dapprobation par consultation des salariés de certains accords dentreprise » en précise le cadre et les modalités dapplication. Ses dispositions concernent exclusivement les accords relatifs à la durée du travail, les repos et les 61congés à lexception donc de tout autre motif ; et « ses modalités dorganisation [] sont fixées par le protocole conclu avec les organisations syndicales signataires » (art. 1)11, excluant donc les syndicats non-signataires de la dite organisation.

Les ordonnances portant réforme du code du travail du 23 septembre 2017, dites « ordonnances Macron », modifient les mesures précédentes en matière de consultation directe des salariés ; les dispositions concernant le référendum sont édictées dans le Titre II (« Favoriser les conditions de mise en œuvre de la négociation collective ») au chapitre 1 (« Modalités de négociation, de conclusion dun accord collectif et de recours à la consultation des salariés ») et au chapitre 3, article 10 (modalités dappréciation du caractère majoritaire des accords). Les dispositions contenues dans le chapitre 1 sinscrivent dans la philosophie officielle du texte selon laquelle les entreprises doivent pouvoir bénéficier daccords dentreprise même en labsence dimplantation syndicale. Cest le cas de 96 % des petites et moyennes entreprises (PME), ce qui amène les promoteurs de la réforme du code du travail à la présenter comme donnant pour la première fois « la priorité aux TPE [très petites entreprises] et aux PME12 ». De fait, lélargissement des conditions dusage du référendum vise principalement ces dernières, selon deux cas possibles. Le premier cas concerne les entreprises de moins de vingt salariés dépourvus délus du personnel au sein desquelles les employeurs pourront désormais proposer unilatéralement un projet daccord aux salariés ; pour être ratifié cet accord devra être approuvé par les deux tiers du personnel. Le second cas vise les entreprises de cinquante salariés ou plus, dépourvus délus du Conseil Social et Économique, dans lesquelles la négociation dun accord collectif pourra être menée par un salarié mandaté ; pour être valide, cet accord devra être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

Au-delà de lélargissement de son usage, cest également lorganisation du référendum qui est modifié dans les TPE puisque celle-ci est désormais définie par lemployeur13. Le chapitre 3 concerne les accords qui nont pas reçu lassentiment des organisations majoritaires mais le soutien dorganisations représentant 30 % au moins des votants. Sauf si lensemble des organisations syndicales en rejette le principe, lemployeur peut mettre en œuvre un référendum si les organisations minoritaires (représentant au moins 30 % des votants) nont pas elles-mêmes formulé la demande à lissue dun délai de deux mois. Dans ce cas, un protocole reste « conclu entre lemployeur et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés14 ».

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I.2. Une généalogie qui emprunte
également au mouvement syndical

La pratique référendaire sinscrit également dans la longue durée des modalités daction du mouvement syndical. Malgré une méfiance historique vis-à-vis du fait électif, celui-ci na pas hésité à lintégrer dans son répertoire daction collective. On peut ainsi voir dans le référendum lémanation de la parole et de la décision ouvrières qui se formalisent, entre autres, dans les figures de la grève, de lassemblée générale, des comités de grève, du conseil dusine jusquau groupement syndical. Claude Didry (2004) a ainsi montré quà son origine, à la fin du xixe siècle, lorganisation de la grève passe non seulement par lélection de représentants chargés de mener les négociations avec les employeurs mais aussi par la proposition de mettre en place des « référendums ouvriers pour imposer la grève à la minorité de ceux qui, dans lentreprise, la branche ou la région, ne lauraient pas votée » (p. 9). On retrouve ce principe de légitimation, issu du vote, à lœuvre dans le cadre des assemblées générales, autre dispositif de démocratie directe, lors des grèves et, plus largement, des mouvements sociaux. Celles-ci tirent leur pouvoir de décision du vote de leurs participants qui, à linstar des citoyens, parlent en leur nom propre (Le Mazier, 2013).

Au sein du mouvement syndical, la pratique du référendum renvoie au principe de lélection en permanente tension avec le principe de la désignation. On le sait, le syndicalisme des origines nest pas favorable aux formes de la démocratie représentative. Le syndicalisme révolutionnaire est un syndicalisme de minorités, pensé comme tel, qui ne veut pas être freiné par la masse dans son mouvement et il ne fait nulle place au vote des travailleurs. À cet égard, cette position concorde avec le mode de reconnaissance légal des syndicats. La loi de 1884 est essentialiste dans ses principes : le syndicat représente par définition tous les travailleurs et il ny a nul besoin délection pour le confirmer. Les premières expériences électives dans le cadre syndical concernent les délégués ouvriers à partir de la fin du xixe siècle dans quelques entreprises et surtout dans les usines darmement au cours de la Première Guerre mondiale (Le Crom, 2011). Elles seront imposées aux syndicats, favorables au canal désignatif, comme sera 63également imposé à la CGT en 1936 lélection des délégués du personnel, dispositif qui sera néanmoins mis à larrêt pendant la guerre. Le débat reprend à la Libération, il ne concerne plus lélection, dont le principe est acquis avec les premières élections dadministrateurs à la toute nouvelle Sécurité sociale au printemps 1947 et la création des Comités dentreprises (CE) élus – autre manière de marquer la rupture avec les comités sociaux de Vichy. La question se porte alors sur le mode de scrutin, proportionnel ou majoritaire aux élections de CE. La dynamique de lélection samplifie par la suite, notamment aux Conseils des Prudhommes à partir de 1979, et par son rythme, les délégués du personnel et les comités dentreprise étant renouvelés tous les deux ans.

Le fait de lélection est donc acquis dans une logique de désignation de représentants. Mais sur la consultation directe également, les syndicats peuvent utiliser le référendum à lappui de leur stratégie. Celle-ci peut être offensive comme, par exemple à France Telecom en 1997 où le syndicat SUD-PTT (Solidaires, Unitaires et Démocratiques aux PTT) a organisé un référendum sur louverture du capital de lentreprise qui a été rejetée par le personnel15. Ou défensive lorsquun syndicat appelle au référendum dans le cadre de la construction dun accord particulièrement difficile, pour sonder létat desprit des salariés et/ou les impliquer. Il peut également y avoir recours dans le cas dun accord multidimensionnel, qui comporte des garanties mais aussi des renoncements qui rendent larbitrage complexe. Un syndicat peut ainsi ressentir le besoin de faire couvrir son acceptation par une consultation, un autre sen remettra aux salariés plutôt quau vote de ses seuls adhérents, un autre encore cherchera à faire du référendum un élément clef du rapport de force. Ainsi, à Continental (Clairoix) en 2006, la CFTC, majoritaire dans létablissement et opposée à la proposition de la direction du groupe daugmenter le temps de travail à 40 heures contre une faible compensation salariale, fera avaliser son refus par une majorité du personnel16.

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On le voit, sous ce vocable unique de référendum, la réalité atteste dune pléiade de pratiques dont aucun acteur na le monopole.

II. Le référendum dentreprise :
effectivité et tendances

Il est imprudent aujourdhui de présager lusage que feront les acteurs des nouvelles dispositions contenues dans les textes législatifs de 2016 et 2017. En revanche, il est possible dobserver létendue de lusage des pratiques référendaires dans le cadre des établissements au cours de ces dernières années, pour autant que lon puisse approcher le phénomène avec toute la précision requise.

II.1. Un usage du référendum
jusquà présent plutôt réduit

Pour établir cette mesure, il convient de rappeler les différentes modalités de ratification des accords dentreprise. La Direction Générale du Travail (DGT) en distingue cinq : la signature des textes par des délégués syndicaux ou des salariés mandatés, la signature des textes par des élus du personnel, les textes qui relèvent dune décision unilatérale de lemployeur, ceux ratifiés par référendum, et enfin les textes dont le signataire est incertain ou non renseigné. Comme lindique le tableau 1 ci-dessous, la part du référendum dans lensemble des modalités de ratification des accords ne révèle aucune tendance particulière. La seule qui peut éventuellement se dégager est contre-intuitive. Car, à rebours des discours politiques et médiatiques qui laissent plutôt croire à laffaiblissement du rôle de lacteur syndical dans le cadre de la négociation collective, celui-ci en reste un acteur central. En atteste le nombre croissant de textes signés par les délégués syndicaux entre 2010 et 2015.

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Tab. 1 – Répartition des accords signés et enregistrés (en %).

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Textes signés par des DS ou des salariés mandatés

36,4

46

47,9

48,5

50,5

51,4

Textes signés par des élus du personnel

14,1

12,1

11,5

11,9

9,1

8,4

Décisions unilatérales de lemployeur

27,8

16,6

18,9

21,8

21,7

21,6

Textes ratifiés par référendum (à la majorité des deux tiers pour lessentiel)

21,2

25

21,2

17,4

18,7

18,5

Textes dont le signataire nest pas renseigné ou présente une incertitude

0,5

0,3

0,5

0,4

0,1

/

Source : bilans annuels de la négociation collective (compilations)
– Ministère du travail.

En valeur absolue, le référendum évolue fort peu quantitativement depuis une dizaine dannées (cf. tableau 2). Après la période des « 35 heures », lévolution du référendum est presquentièrement due au développement de lépargne salariale qui constitue le thème de 97 % des référendums enregistrés par la DGT (Desage, Rosankis, 2012).

Tab. 2 – Les référendums dentreprise sur huit années (en effectifs).

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Référendums

12 342

12 332

15 733

14 189

14 581

13 875

11 317

11 453

11 322

Source : bilans annuels de la négociation collective (compilations) – Ministère du travail

Selon la DARES, en dehors des accords relatifs à lépargne salariale, 4 000 référendums environ ont été répertoriés entre 2009 et 2015. La moitié approximativement concerne des entreprises de moins de 50 salariés. La présence dinstitutions représentatives du personnel, quelles soient désignées ou élues, étant plus faible dans les entreprises de petite taille, on peut faire lhypothèse quune majeure partie de ces référendums ont été organisées pour combler une représentation sociale 66manquante17. En outre, 1 000 autres cas ont été répertoriés dans les entreprises entre 100 et 500 salariés et 350 référendums auraient eu lieu pendant la même période dans des entreprises de plus de 500 salariés – soit soixante grandes entreprises concernées en moyenne par an, ce qui est peu. La base de données dont sont tirés ces chiffres na pas pu faire lobjet dune analyse systématique par les auteurs de ces lignes mais il semble que les cas de référendum évoqués ici renvoient plutôt à des situations exceptionnelles, ne faisant pas de ce dernier un dispositif régulièrement utilisé en matière de dialogue social. De ce fait, on peut raisonnablement faire lhypothèse quil en va des référendums comme des conflits du travail : il existe un effet loupe à partir des cas les plus symboliques et/ou spectaculaires, principalement dû à leur couverture médiatique, à linstar de Continental (Clairoix, puis Midi Pyrénées), de General Motors à Strasbourg en 2010, ou encore de Smart à Hambach en 2016. Si ces référendums recouvrent des statuts et objectifs divers, le contournement des organisations syndicales majoritaires apparaît néanmoins comme lun des traits communs de ces consultations « passage en force » (Astrées, 2014) ; ce quavaient montré, en leur temps, les référendums dAir France en 1993, Michelin en 2001, Caterpillar en 2009 et 2011, Continental, Goodyear en 2008, Faurecia, Ascometal, Revima en 2013, etc. Sur la période récente (non encore enregistrée dans la base de la DARES évoquée ci-dessus), on constate une vague de consultations destinées à contourner le blocage syndical sur le travail du dimanche (FNAC, Sephora, Marionnaud…). Pour le reste, les référendums semblent surtout une affaire de PME ; ils leur servent à respecter les obligations légales soumises à pénalités financières.

II.2. Un dispositif à lavenir incertain

Ce dispositif est-il appelé à connaître un essor significatif après les deux réformes récentes qui ont élargi la possibilité dy avoir recours ? Ces dernières tendent en effet à en recommander lusage, non de manière épisodique afin de passer un cap difficile, comme dans le cadre dune restructuration dentreprise par exemple, mais comme un outil du quotidien. Lordonnance du 20 décembre 2017 prévoit en effet sa banalisation 67dans les TPE où le référendum deviendrait un mode ordinaire de la prise de décision (cf. encadré 1). Celle-ci sinscrit elle-même dans une logique relativement claire puisquil sagit de maximiser les conditions de possibilité de laccord dentreprise, y compris au prix du contournement de lacteur syndical voire de sa substitution18. On voit la trace de cette logique dans la loi El-Khomri qui établit une sorte de droit dappel contre le rejet dun projet daccord par un ou des syndicats majoritaires (cf. encadré 1). Agressive vis-à-vis de la représentation majoritaire du personnel, cette mesure est contradictoire avec la réforme de 2008 qui visait plutôt à conforter les syndicats majoritaires (à travers lintroduction du principe électif comme base de légitimité en lieu et place de la seule accréditation par lÉtat). Le relèvement du taux de signature nécessaire à la ratification dun accord (passage de 30 à 50 % de la fraction nécessaire à la validation) était certes exigeant mais prévu à terme par la loi de 2008 et nullement assorti de ce droit dappel dépourvu de réciprocité.

Au-delà de son incohérence juridique (cf.infra), on peut penser, sans trop prendre de risques, quune telle disposition ne peut que renforcer le travers classiquement reproché à la pratique du référendum, à savoir la fabrique mécanique des divisions du corps social. Son déploiement fait clairement courir le risque de créer de nouveaux clivages ou de renforcer des clivages déjà existants : dune part entre les organisations représentatives et dautre part entre les salariés. La possibilité de saisine du référendum dépendant de laccord entre la direction de lentreprise et le(s) syndicat(s) minoritaire(s) dans le cadre dun protocole commun, la contestation légale du fait majoritaire prend ainsi corps à partir dune alliance de fait entre ces deux catégories dacteurs. Ce type de protocole est nécessairement sous-tendu par un intérêt commun entre la direction de lentreprise et le ou les syndicat(s) minoritaire(s), celui de triompher des syndicats majoritaires. Il sagit donc bien là dune alliance de lutte construite à loccasion du référendum, alliance qui dresse un camp syndical contre un autre et qui renforce par la même occasion un différend 68de nature agonistique entre deux parties du personnel. Sans compter que cette modalité organisationnelle ne dit rien du caractère extrêmement sensible de la question inscrite dans le référendum, qui camoufle souvent, et plus ou moins subtilement, une menace (un chantage) sur lemploi.

Cette logique de contournement a été perçue comme telle de la part de plusieurs forces syndicales qui ont déposé une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QCP) devant le Conseil Constitutionnel et un recours en Conseil dÉtat19. Elles ont obtenu gain de cause devant ces deux institutions qui ont considéré que lorganisation du référendum par lemployeur et les seuls syndicats signataires de laccord instituait une différence de traitement entre les syndicats, « qui ne repose ni sur une différence de situation ni sur un motif dintérêt général20 ». Cette disposition spécifique na donc pas été reprise dans les ordonnances de 2017. Dans le cas, prévoient-elles, où un employeur constaterait lexistence dune minorité dau moins 30 % sur un projet daccord refusé par des syndicats représentants 50 % au moins des suffrages, il peut de lui-même et sans recours aux syndicats minoritaires déclencher la procédure de consultation (cf. encadré 1). La main est donc désormais clairement donnée à lemployeur21.

Entre la loi de 2016 et les ordonnances de 2017, une seule petite année qui naura donc pas permis à ce dispositif de connaître un décollage significatif. Est-ce seulement par manque de temps ? Sans pouvoir totalement répondre sur le fond, constatons que la première initiative de référendum dans le cadre de la loi « El-Khomri » a été un échec pour ses initiateurs. En effet, peu après la parution des décrets de la loi, un référendum a été organisé à la direction de la maintenance RTE (Réseau de Transport dÉlectricité), filiale dEDF. Il a été appelé par la CFDT et la CFTC (34,37 % des voix à elles deux) suite à un accord sur 69le temps de travail rejeté par la CGT (première organisation syndicale dans lentité avec 58,39 % des suffrages exprimés). Ainsi, 4 258 salariés ont eu à sexprimer par voie électronique sur lapprobation de cet accord ; avec une participation de 76 %, celui-ci a été rejeté par 70,8 % des salariés contre 29,2 %22.

Le nouveau dispositif enregistrera-t-il plus de succès suite aux ordonnances de 2017 ? Il connaîtra certainement un essor au niveau des TPE puisquil prend place dans le vide de la négociation collective23. Pour les autres entreprises, on peut penser quil sera plutôt utilisé comme un outil de gestion managériale afin de faire accepter aux collectifs de salariés des réorganisations de leurs conditions demploi et de travail. Relevons néanmoins que la partie patronale nest pas unanime quant à son usage. Certes, la Confédération des petites entreprises (CPE) sest félicitée de lorientation favorable aux TPE des ordonnances de 2017 ; le référendum apparaît aux yeux de ses représentants comme un moyen pour mobiliser les salariés dans ces dernières. Elle a été rejointe par le Medef qui, par la voix de son président, a évoqué la possibilité de « déblocage » (sous-entendu, le contournement des organisations syndicales majoritaires) offerte par la nouvelle procédure, tout en ajoutant aussitôt : « Lidée nest pas de négocier, au jour le jour, à coups de référendum24 ».

Néanmoins, il semble que cette apparente unanimité doive être relativisée, ne serait-ce quen raison du faible nombre de référendums organisés dans le quotidien des négociations collectives. Lors de ladoption de la loi Travail en 2016, lAssociation nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) a ainsi déclaré ne pas noter dengouement particulier pour cette modalité de consultation, considérant que les chefs dentreprise privilégiaient laccord majoritaire afin déviter toute stratégie de la tension contraire à la mobilisation du personnel25. De son côté, suite à un sondage mené auprès de ses adhérents sur la loi Travail en 2016, le Cercle des DRH a également noté que le recours au 70référendum arrivait en avant-dernière position des mesures plébiscitées par ses adhérents26. Les positions reflétées par ces deux organismes représentent-elles létat moyen des pratiques patronales et managériales aujourdhui en France ? Nous ne pouvons le dire. Elles sont surtout à prendre en considération pour leur dimension prudentielle, le fait quelles pointent implicitement la dangerosité de la pratique référendaire qui peut certes apporter une réponse rapide à une difficulté immédiate mais qui est porteuse de tensions et de déchirements potentiels du collectif salarié à moyen et long terme.

Quoi quil en soit, tout se passe au niveau de lacteur étatique comme si la médiation syndicale, qui est au cœur même de la négociation collective, constituait une gêne et un frein au dynamisme entrepreneurial.

III. Référendum versus syndicalisme ?

La disposition du référendum, à loccasion de ces deux réformes récentes du Code du travail, est présentée par ses promoteurs comme une extension de la démocratie dans lentreprise puisquelle vise à donner plus de pouvoir aux salariés en les instituant directement acteurs des choix collectifs faits en leur nom. Cette présentation contient deux présupposés : dune part, que le référendum est par essence démocratique et, dautre part, que les principes qui régissent la démocratie politique sont transférables dans la sphère des relations professionnelles. Mais est-ce si évident ?

III.1. Le référendum dentreprise : un dispositif démocratique ?

En premier lieu, rappelons que le caractère direct et démocratique du référendum fait débat dans la sphère politique française. Couramment pratiqué dans dautres pays (en Suisse par exemple ou dans certains états aux États-Unis), le référendum reste entaché en France par son usage plébiscitaire sous le Second Empire jusquau Général de Gaulle27. Sa 71résurrection récente à propos de lautodétermination de la Nouvelle Calédonie (1988) ou de la réforme de la durée du mandat présidentiel (2000) a été marquée par une abstention massive (respectivement 63 % et 70 %) ; et si les deux consultations relatives à lintégration européenne (Référendum sur le Traité de Maastricht en 1992, Projet de Traité constitutionnel européen en 2005) ont connu une forte participation, le résultat du second na pas réellement été respecté.

Le régime politique de la IIIe République et ses successeurs ont plutôt affirmé une préférence pour la démocratie représentative au détriment de la démocratie participative (Manin, 1995). Pour autant, limaginaire référendaire reste mobilisé au nom de la démocratie directe (prendre en compte lopinion de chacun sur un sujet qui concerne lensemble) comme si lunivers de lentreprise se prêtait à un tel exercice28. Largument démocratique, régulièrement rappelé pour défendre le recours accru au référendum, tient difficilement dans ce cas précis. Dune part, il convient de rappeler que lentreprise nest pas un espace public mais un espace privé et lindividu, même sil nest pas débarrassé de lensemble de ses droits fondamentaux, ne peut y exercer sa citoyenneté dans toute son étendue et en toute autonomie ; il y reste salarié-citoyen plutôt que citoyen-salarié29. Dans lespace de lentreprise, il ny a pas de peuple souverain, le seul souverain est lemployeur. Cest un cadre marqué juridiquement et effectivement par la subordination. Dès lors, la collectivité de travail « nest pas maîtresse de son destin », et elle se trouve à sexprimer sur des décisions « sur lesquelles elle na pas de prise » (Lyon-Caen, 2011, p. 5).

Dautre part, si lon considère que le renforcement du nombre et du rôle des référendums dans les relations sociales est une manière de prendre davantage en compte lavis des salariés, on peut aussi y voir une manière de ne pas le faire en subvertissant laccord majoritaire ; car, quest-ce quun accord majoritaire si ce nest un accord paraphé par une ou des organisations considérées par une majorité de salariés comme aptes à les représenter face aux déterminants complexes dune négociation ? Sur ce point, ny-a-t-il pas une contradiction entre linsistance mise sur la nécessaire professionnalisation des représentants des salariés afin de 72les aider à mieux saisir la complexité grandissante des enjeux économiques et sociaux auxquels sont aujourdhui confrontés les entreprises, et cette promotion des référendums qui prennent moins la forme dune consultation que dune ratification. Ni une forme réellement délibérative dailleurs à la fois parce que les salariés ne sont pas toujours détenteurs de toutes les informations nécessaires leur permettant de juger en toute connaissance de cause – et pour autant que leur employeur leur reconnaisse cette capacité dexpertise – et quils nont dautre choix que daccepter ou de refuser une décision qui leur est de toute façon imposée.

Si donc le caractère démocratique du référendum dentreprise fait au minimum débat, la place grandissante qui lui est accordée dans les dernières réformes du droit du travail nen traduit pas moins une tentative de placage des principes organisateurs de la démocratie politique sur la démocratie sociale30. Non seulement en renforçant la place du vote au sein de celle-ci mais aussi en considérant de plus en plus la communauté des salariés comme une communauté délecteurs31. Le groupe des salariés est ainsi assimilé à un groupe séparé dindividus et ces derniers sont essentiellement considérés sous langle de leur liberté de choix (de voter favorablement ou défavorablement à une question) indépendamment voire même contre toute médiation corporative. Dans une période marquée par lindividualisation du travail, où sa dimension collective (sous ses multiples formes : collectifs de travail, coopération entre les salariés, recomposition des équipes du fait des réorganisations dentreprises de la filialisation et de lexternalisation) est clairement fragilisée, on ne mettra jamais assez en garde contre le déploiement de dispositifs qui contribuent à renforcer encore davantage léclatement des communautés de travail. Dautant que le risque du référendum nest pas seulement de diviser le corps des salariés mais également de monter les catégories professionnelles les unes contre les autres.

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III.2. Un dispositif qui oppose les catégories professionnelles

Lhistoire des référendums en entreprise en fournit différents exemples. Nous en évoquerons deux. Le premier cas concerne un référendum organisé chez Michelin le 20 mars 2001 dans le cadre dun projet daccord sur les 35 heures. Cet accord avait été refusé par une alliance syndicale majoritaire dans lentreprise (CGT, CGT-FO, CFDT, CFTC) ; y compris donc par la CFDT mais à lencontre de sa fédération de rattachement, la fédération Chimie-Énergie qui, elle, soutenait le projet. Cette fédération a soutenu également le référendum proposé par la direction (Béroud et Mouriaux, 2001). Celui-ci a donc eu lieu le 20 mars, le recours en annulation déposé par la CGT et la CGT-FO au motif que la demande de consultation navait pas été formulée par une section syndicale de lentreprise, ne faisant que le retarder. Il a remporté une victoire franche, les 26 000 salariés de lentreprise se prononçant à 59,5 % en faveur de laccord. Par leur vote, les salariés de Michelin ont ainsi entériné le projet de la direction, soit : onze jours de congé annuel supplémentaire (plus quatre au titre de lancienneté), les 1 000 embauches sur le plan national, le maintien du pouvoir dachat jusquen 2003, la revalorisation des salaires de 3,5 à 4 % pour 2001, plus 1 % à la signature de laccord, mais en échange dun surcroît de flexibilité avec lacceptation dune quinzaine de samedi travaillés par an. Le détail du vote montrera que cette contrepartie avait par contre été refusée à 51 % par le collège ouvrier, le plus impacté par ces réorganisations du travail. Suite à ce référendum, la CFDT Michelin implosera, donnant naissance à SUD-Michelin.

Le second cas est plus récent ; il concerne un référendum organisé dans lentreprise SMART sur son site dHambach en Lorraine en 2015. Dans ce cas, la direction de lentreprise proposait un plan de retour aux 39 heures payées 37 heures en échange du maintien par le groupe (Daimler) de lactivité sur le site jusquen 2020 plutôt que son transfert en Slovénie. Comme dans lexemple précédent, le référendum imposé par la direction a été approuvé par une majorité (56 %) des quelques 800 salariés travaillant sur le site. Mais alors quil la été par 74 % des cadres et agents de maîtrise (385 salariés), il a été rejeté par 61 % du collège ouvrier (367 salariés). À lépoque, ce référendum ne possédait pas encore le caractère contraignant que lui octroie désormais la loi32 ; la direction 74de lentreprise a donc dû faire signer individuellement aux salariés des avenants sur leur contrat de travail. Outre là encore, le contournement de la représentation majoritaire, il a résulté de cet épisode une forte « amertume » parmi les ouvriers de sêtre fait imposer « par les cadres » un régime de travail refusé par une majorité dentre eux33.

Lévocation de ces exemples suscite deux questions. La première, la plus évidente, interroge la qualité dune politique de ressources humaines qui utilise de telles procédures compte tenu des conséquences produites sur le climat social de lentreprise : « La direction a créé deux clans dans lusine, il va falloir trouver une solution pour que les salariés de ce site ne sentredéchirent pas » déclarait ainsi Gilles Hemmerling, président de la CFE-CGC en Lorraine, suite au référendum chez SMART (alors que la CFE-CGC, contrairement à la CGT, CFDT et CFTC, était favorable à laccord)34. La seconde concerne le périmètre de la consultation. Car, pour reprendre lexemple de SMART, le changement des régimes de travail a touché non seulement les salariés directement employés par lentreprise mais également les 900 autres qui travaillaient sur le site pour des entreprises sous-traitantes et qui nont pas été consultés dans le cadre de ce référendum.

III.3. Le périmètre de représentation,
une fonction syndicale captée par lemployeur

Qui interroge-t-on et à quelles fins ? La détermination du périmètre de la consultation ne vaut pas seulement en matière référendaire. Elle concerne nimporte quelle modalité de la négociation collective. Lorsquune évolution circonscrite à une activité ou un service est à lordre du jour, la communauté de travail considérée est-elle constituée de ceux et de celles directement concernés ou doit-elle être entendue dans un sens plus large qui engloberait dautres composantes de lentreprise (Denis, 2018) ? La question se complique davantage lorsque lentreprise est un groupe ou lorsquelle est organisée en filières métiers ou par 75fonctions. Et elle lest encore plus lorsquinterviennent sur le site de travail concerné des salariés dentreprises sous-traitantes. À cet égard, le cas de louverture du dimanche des grands magasins parisiens est intéressant. Car les enseignes ont arraché, dans des conditions très diverses, louverture du dimanche par accord ou référendum mais sans que les démonstrateurs payés par les marques ne soient en rien consultés alors quils constituent parfois jusquaux deux tiers du personnel concerné par le travail dominical35.

Un exemple tiré de lactualité sociale récente illustre limportance de cette question du périmètre. Il est donné par la négociation de laccord sur les conditions de travail et lévolution des métiers de facteur à La Poste en février 2017. Signé par quatre organisations syndicales (CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC), il a été rejeté par la CGT et SUD-PTT qui représentaient à eux deux plus de 50 % dans la branche Services-Courrier-Colis. Elles nont néanmoins pas pu user de leur droit dopposition en raison de lextension par la direction de lentreprise du champ de laccord au groupe La Poste tout entier au sein duquel la CGT et SUD-PTT ne pèsent plus que 46,71 %. Dans ce cas précis, un simple changement de périmètre a suffi à changer lappréciation de majorité des signataires36.

Le même enjeu de détermination du périmètre existe dans le cas du référendum. On le retrouve par exemple dans celui organisé chez Goodyear en 2008 à loccasion dune consultation sur le temps de travail qui visait la mise en place dune organisation des horaires de travail en 4X8. Lors de cette consultation, 73 % des salariés de lentreprise sy sont montrés favorables alors que 75 % de ceux directement concernés par ces nouveaux rythmes de travail y étaient opposés37. Le problème posé par le référendum ne se limite donc pas à la question au centre de la consultation. Sy ajoute celui des frontières de la communauté ou du corps électoral interrogé. La loi Travail de 2016 renvoyait la définition du périmètre au protocole conjointement adopté par lemployeur et le 76ou les syndicat(s) minoritaire(s), négociations dont étaient exclus les syndicats majoritaires qui disposaient de huit jours pour saisir le tribunal dinstance. Selon la loi, « le protocole conclu avec les organisations syndicales détermine la liste des salariés couverts par laccord38 ». Mais si lon reprend lexemple du référendum organisé chez RTE évoqué plus haut, quels sont les salariés concernés ? Les 2 000 salariés des équipes chantiers directement affectés par laccord ? Les 4 258 salariés de la maintenance de RTE dont ils font partie ? Ou tous les salariés de la filiale (8 849 en 2015) ?

En réalité, cette question du périmètre permet de comprendre en quoi le recours au référendum empiète sur la fonction de représentation assurée par le syndicalisme. Dans son mouvement historique, les grandes organisations syndicales ont choisi de dépasser le stade purement corporatif pour se définir comme un acteur social porteur de lintérêt général des travailleurs. Dans ses pratiques, cet acteur internalise, sans toujours lexpliciter, une fonction darbitrage au sein des groupes de travailleurs quil entend représenter. À travers le choix de ses revendications, leur hiérarchisation, etc., il définit de fait le périmètre du groupe quil représente effectivement. À lissue dune négociation par exemple, il apprécie le compromis obtenu en fonction dun certain nombre de critères qui prennent en compte, par cercles concentriques, les degrés dengagement des différentes parties du personnel : ceux qui sont principalement concernés, les salariés situés à la périphérie de ce premier groupe et moins directement affectés, et, de proche en proche, la totalité de la collectivité de travail. Il effectue à cette occasion un exercice de pondération qui fait partie intégrante de son travail, plus large, de représentation. Il peut arriver que le syndicat fasse lui-même appel au référendum, soit pour éclairer son choix soit par difficulté darbitrage. Mais dans ce cas, la détermination du périmètre de la consultation lui revient. À linverse, lorsque le référendum lui est imposé, quil est censé trancher à sa place, il le dessaisit de fait dune partie de ses fonctions en même temps que ce dessaisissement rend possible lintrusion de lemployeur dans la définition de ses arbitrages. De tels référendums ne sont pas ainsi « abdicatifs » uniquement par leur seul contenu, ils le sont également par leur forme qui conduit le syndicat à abdiquer son propre rôle.

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Conclusion

Il est difficile de porter un regard sur un système institutionnel aussi complexe que la négociation collective sans considérer lensemble des interactions quil produit en permanence. La modification de lun de ses facteurs (les conditions de recours au référendum par exemple) bouleverse nécessairement la dynamique globale, la place et le rôle occupés par les autres pièces du dispositif ainsi que la représentation que les uns et les autres ont de leur propre position dans cet ensemble. Il va de soi que ce rôle nouveau promis au référendum peut affecter le cadre traditionnel de la représentation et de la négociation collective. Cest dailleurs son objectif. Mais il ne constitue pas une pièce à part. Il prend place dans un ensemble de dispositions, contenu dans les ordonnances de 2017, qui, à ne pas douter, risque de déstabiliser profondément le système de relations professionnelles. À ce titre, on peut voir dans les ordonnances de 2017 relatives au Code du travail, ainsi que dans le recours à larticle 49-3 de la Constitution pour ladoption de la loi Travail en 2016, une intrusion extrêmement autoritaire des pouvoirs publics dans le façonnement des relations professionnelles39.

« En même temps », on peut sinterroger sur le succès à venir du recours au référendum. Nous lavons écrit : celui-ci peut combler institutionnellement la faiblesse ou le manque des syndicats dans les PME et TPE et il peut être instrumentalisé pour contourner certaines majorités syndicales. De là à ce quil se déploie massivement… Dautant que les effets délétères quil peut produire sur le climat social dans une entreprise et sur les relations entre les acteurs rendent difficile son utilisation répétée. Peu dentreprises ont, à notre connaissance, réitéré une telle expérience. Le référendum dAir France en mai 2018 fait exception venant quelque 25 ans après celui appelé par le président Christian Blanc en 1993 : bien que victorieux à lépoque, celui-ci avait dû constater son échec et quitter la direction de lentreprise. Son lointain successeur sest gardé 78de tirer la leçon : le moins quon puisse dire est que lentreprise ny a pas gagné grand-chose40.

Le référendum dentreprise, à nos yeux, ne constitue ni linstrument qui aidera les entreprises à recouvrer leur dynamisme ni celui qui favorise la démocratie sociale. Nous y voyons plutôt un outil supplémentaire dans la palette déjà très étendue des moyens de pression détenus par les employeurs. Il sagit surtout dun défi de taille pour la représentation syndicale qui ne pourra y faire face quen retrouvant un minimum dunité. Un vaste chantier donc.

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1 Dans le code du travail, la négociation collective est un rôle qui est juridiquement dévolu aux délégués syndicaux.

2 En 2011, 25 % des entreprises de onze salariés ou plus déclaraient la présence dau moins un DS. Ce taux augmente de 10 points lorsque lon restreint léchantillon aux entreprises de vingt salariés ou plus, ce qui établit une forte corrélation entre la présence des DS et la taille des entreprises (Dares, 2015).

3 La formule est de Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT, cité in : « Réforme du code du travail : la CFDT saisit le Conseil dÉtat », Le Monde.fr, le 15 novembre 2017.

4 Ces deux termes peuvent eux-mêmes renvoyer à deux types de référendums différents. En effet, à côté du référendum consultatif qui verrait des salariés donner leur avis sur la politique salariale menée par leur entreprise, comme le prévoit et lautorise la Chambre sociale de la cour de cassation, existent des référendums décisionnels dont le résultat, comme leur nom lindique, « décide de la solution adoptée en définitive » (Hénot, 1996, p. 135).

5 Sur les causes de cette absence, voir Manin (1995).

6 Ce cas de figure constituera le cadre privilégié du développement des référendums. Naboulet (2011) a ainsi montré que laugmentation significative du nombre de référendums entre 2006 et 2008 a principalement résulté dun dispositif permettant le versement dune prime de 1 000 euros : « Adossé aux règles de négociation collective propres à lintéressement et à la participation [il a] généré ponctuellement un nombre très élevé daccords ratifiés par référendum à la majorité des deux tiers des salariés dans les entreprises de moins de 50 salariés (Naboulet, 2011, p. 8).

7 Un référendum abdicatif se définit comme une « consultation de la collectivité de travail quant à labandon dun ou de plusieurs droits » (Hénot, 1996, p. 133).

8 Ordinaire au sens où le registre de légitimité dune action diffère selon quelle sinscrit dans la quotidienneté de la vie sociale ou au contraire lors de périodes plus troublées de celle-ci (Weber, 1971).

9 La partie du rapport dAstrées sur les pratiques référendaires a plus particulièrement été écrite par Pélisse (2014).

10 Jusquà la loi de 2008, un accord collectif était valide dès lors quil était signé par une organisation syndicale représentative quel que soit son poids dans létablissement (représentativité irréfragable et descendante) et que les syndicats majoritaires ne sy opposaient pas. Le seuil de 30 % daudience électorale minimale (pour la validité des accords collectifs) sera introduit dans le cadre de cette loi, qui maintiendra par ailleurs un droit dopposition fixé à 50 %, afin de renforcer la légitimité des accords.

11 Cest sur la base de cet article 1 que ce dispositif de la loi « El Khomri » a été retoqué par le Conseil Constitutionnel le 7 décembre 2017 (cf.infra).

12 Ministère du Travail, Renforcement du dialogue social. Présentation des ordonnances en application de la loi dhabilitation, Dossier de presse, 31 août 2017.

13 Décret no 2017-1767 du 26 décembre 2017 relatif aux modalités dapprobation des accords dans les très petites entreprises.

14 Art. L2232-12 du code du travail.

15 Lexercice nest néanmoins pas sans risque. En 2004, la fédération de lénergie CGT a organisé un référendum pour avaliser le protocole quelle avait conclu avec la direction sur une réforme des retraites de lentreprise ; il a été rejeté par le personnel à 53,4 %.

16 La CFTC signera néanmoins quelques mois plus tard avec la CFE-CGC un accord sur le passage aux 40 heures moyennant une augmentation de 92 euros par mois, lembauche de 130 salariés mais avec six jours de RTT contre quinze. Cet accord nempêchera pas la fermeture du site en 2010.

17 En 2011, 63 % des établissements du secteur marchand (hors agriculture) de 11 à 19 salariés et 35 % des établissements de 20 à 49 salariés ne disposaient daucune Institution Représentative du Personnel. Source : Dares, Enquête Réponse.

18 Cette logique de contournement nest pas propre au seul cas français. Dans leur article sur « La négociation dentreprise au piège du référendum. Les enseignements des nouveaux accords dentreprise des usines italiennes Fiat (2010-2011) », Guillaume Gourges et Jessica Sainty montrent que la pratique du référendum a été utilisée par la direction de Fiat dans plusieurs de ses établissements en 2009 et 2010 pour contourner lobstacle syndical alors quil existe dans les relations professionnelles italiennes « une forte culture de la négociation et du compromis qui se méfie du principe de majorité » (2015).

19 La QCP sera déposée par la CGT-FO et le recours en Conseil dÉtat par 38 structures (syndicats et Unions Locales) de la CGT, la CGT-FO et lUnion Syndicale Solidaires.

20 Conseil Constitutionnel, décision no 2017-664 QPC du 20 octobre 2017 et Conseil dÉtat, contentieux numéro 406760, 4 décembre 2017.

21 À noter que le recours déposé par la CGT en référé suspension contre lordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective a été, cette fois-ci, rejeté par le Conseil dÉtat ; il a écarté « comme non sérieux le moyen dirigé contre cet article, tiré de ce quil porterait atteinte à la liberté syndicale et relevé quau surplus, laccord soumis à la consultation des salariés doit lui-même avoir été signé par des organisations syndicales représentatives ayant réuni 30 % des suffrages recueillis par ces organisations », Conseil dÉtat, Décision contentieuse du 16 novembre 2017.

22 À ce sujet, Véronique Le Billon, « Loi Travail : le référendum de RTE conforte la CGT », Les Echos.fr, le 30 mars 2017.

23 En 2015, seuls 7 % des entreprises de 10 à 49 salariés ont engagé au moins une négociation durant lannée écoulée. Ces entreprises représentent 82,9 % des entreprises (de plus de dix salariés ou plus du secteur non marchand non agricole) et 27 % des salariés du champ de lenquête ACEMO « Dialogue social en entreprise » (Dares, 2017).

24 À ce sujet, Séverine Cazes, Bérangère Lepetit, Henri Vernet, « Réforme du code de travail : Gattaz appelle Macron à ne rien lâcher » (entretien), Le Parisien, 28 août 2017.

25 Entreprise & carrières no 1302, 13/09/2016.

26 Sur neuf propositions : http://www.lecercledesdrh.com/sondages/resultats-sondage-loi-travail/.

27 En loccurrence, il est question ici du référendum sur le projet de loi relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat organisé le 27 avril 1969. Son résultat négatif a conduit à la démission du président de la République, Charles De Gaulle, dès le lendemain.

28 http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/citoyen/participation/voter/référendum/quoi-sert-référendum.html.

29 Pour prendre à rebours le titre de louvrage de Laurence Pécaut-Rivolier, Yves Struillou et Philippe Waquet, Pouvoirs du chef dentreprise et libertés du salarié. Du salarié-citoyen au citoyen-salarié, Éd. Liaisons, 2014.

30 À ce sujet, voir larticle de Karel Yon dans ce même numéro.

31 Linstauration de cette « démocratie sociale représentative » (Béroud et al., 2012), ainsi que la logique électorale qui en constitue le pivot, est néanmoins très ambivalente. Dun côté, celle-ci est renforcée par lintroduction du principe électif comme support de la légitimité des syndicats et des accords collectifs ; de lautre, plusieurs consultations ont été supprimées ces dernières années (élections à la Sécurité sociale, élections prudhomales) ou réduites (élections des institutions représentatives du personnel dont le renouvellement passe de deux à quatre ans), ce qui conduit à ne plus réellement savoir si lon assiste à un essor ou à un déclin des élections sociales (Le Crom, 2011).

32 Il sagit dun référendum consultatif, voir supra. note 6.

33 À ce sujet, « À Hambach, lamertume des ouvriers de Smart », Le Monde Économie, 16/12/2015. Celle-ci sera dautant plus forte que cet accord na pas empêché la suppression dune centaine demplois dintérimaires faute de vente suffisante du modèle ForTwo produit par le site.

34 http://www.lepoint.fr/economie/smart-56-des-salaries-votent-en-faveur-d-un-retour-aux-39-heures-11-09-2015-1964071_28.php.

35 À ce sujet, Alexia Eychenne, « La longue marche du travail du dimanche », Liaisons sociales Magazine, no 179, 01/02/2017, p. 28-30.

36 Largument avancé par la direction pour justifier ce changement de périmètre est que dans les TOM et en Corse, les facteurs sont rattachés à la branche réseau et non à celle de la distribution ; doù le fait quà ses yeux laccord sur les conditions de travail des facteurs déborde cette seule branche.

37 Ce système, extrêmement dur et perturbant pour la santé, consiste à faire tourner par roulement de huit heures consécutives quatre équipes sur un même poste, afin dassurer un fonctionnement continu sur les 24 heures dune journée, y compris le week-end.

38 Décret no 2016-1797 du 20 décembre 2016 relatif aux modalités dapprobation par consultation des salariés de certains accords dentreprise, chapitre 1.

39 La fusion obligatoire des instances de représentation du personnel en constitue le symbole par excellence, ainsi que la réduction drastique des moyens alloués aux représentants du personnel. Lanalyse des ordonnances excède de fait largement les limites de cet article.

40 Afin de mettre fin à la grève organisée par dix organisations réunies en intersyndicale et mobilisées pour obtenir une augmentation générale des salaires (5,1 % en 2018), Jean-Marc Janaillac, PDG dAir-France-KLM sest adressé directement au personnel au début du mois de mai 2018 pour leur proposer de répondre à la question suivante : « Pour permettre une issue positive au conflit en cours, êtes-vous favorable à laccord salarial proposé le 16 avril 2018 » (qui prévoyait une augmentation des salaires de 7 % sur 4 ans). Sans base légale, cette consultation se retournera contre son promoteur puisque 55,44 % des 80,33 % des salariés qui participeront au vote la rejetteront, conduisant à la démission du président de la compagnie.