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Classiques Garnier

Self-employment designed for and by the family? Mompreneurs and the “auto-entrepreneur” regime

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Socio-économie du travail
    2016, n° 1
    . Être entrepreneur de soi-même, l’auto-emploi
  • Author: Landour (Julie)
  • Abstract: Through a research combining quantitative datas and interviews, this article aims at discussing the effects of the sole-trader device through a specific public: the Mompreneurs. Gathered in particular organizations in France, Mompreneurs define themselves as women who created their own independent business after having a child. Among them, many use this recent device that is supposed to generalize individual economic initiative. The way gender may impact these paths will be particularly explored, as they surprisingly seem to mix the more risky self-employment with the stronger needs for protection that maternity engenders.
  • Pages: 95 to 124
  • Journal: Social Economy of Labor
  • CLIL theme: 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
  • EAN: 9782406068594
  • ISBN: 978-2-406-06859-4
  • ISSN: 2555-039X
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-06859-4.p.0095
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 04-28-2017
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
  • Keyword: Auto-entrepreneur, domestic economy, family, gender, break with wage employment
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Un auto-emploi pensé
pour et par la famille ?

Les Mompreneurs
et le régime de lauto-entrepreneur

Julie Landour1

Centre Georg Simmel
(EHESS – UMR 8131 CNRS)

Promulgué par la loi de modernisation de léconomie du 4 août 2008 et entré en vigueur en janvier 2009, le statut de lauto-entrepreneur a été pensé comme « pied à létrier » pour les personnes désirant se lancer à plein temps dans lactivité entrepreneuriale et « complément de revenu » pour les salariés ou retraités. Dispositif phare des politiques promouvant linitiative économique individuelle (Abdelnour, 2013), il sinscrit dans la lignée des nombreuses mesures prises depuis la fin des années 1970 pour favoriser la création dentreprise et ainsi lutter contre le chômage et développer la croissance (Darbus, 2008). Ce régime participe tant de la « balkanisation des formes demploi » (Supiot, 2007 [1994], p. 34), que du brouillage entre salariat et indépendance (Dupuy et Larré, 1998 ; Caveng (2007).

Cette promotion dune indépendance dont il convient encore de dessiner les contours suscite depuis quelques années un regain dintérêt chez les chercheurs (Granovetter, 2003 ; Zalio, 2004 ; Pavis et Garcia-Parpet, 2007 ; Bessière, 2010 ; Jourdain, 2010 ; Frau, 2012 ; Zalc, 20122). Au sein de ces travaux, la question des rapports sociaux de sexe est partiellement étudiée, et cette partialité doit être reliée au « sexe » des objets étudiés. Dans la lignée des enquêtes pionnières de Bernard Zarca (1979 ; 1986 ; 1993) et des perspectives tracées par lethnographie économique (Weber 96et Dufy, 2007), certaines recherches ont certes démontré lintérêt détudier lintrication entre rapports de production et rapports familiaux pour comprendre lunivers professionnel de lindépendance. Ce sont toutefois très majoritairement des structures économico-familiales dirigées par des hommes qui sont examinées, dans lesquelles les femmes jouent un rôle déterminant mais déresponsabilisé (notamment sur le plan juridique) et invisibilisé (Bertaux-Wiame, 1982 ; Schepens, 2004 ; Bessière et Gollac, 2007). Peu de travaux existent ainsi pour examiner lengagement en propre des femmes dans lactivité indépendante, si ce nest au détour de quelques enquêtes récentes et stimulantes (Lambert, 2012 ; Abdelnour, 2012, p. 419-421 ; Rabier, 2013 ; Abdelnour et Lambert, 20143).

Cest cette voie que nous proposons dexplorer dans cet article, en envisageant les effets de lauto-emploi tel quil est encadré par le régime de lauto-entrepreneur4 au prisme du genre. Pour cela, nous raisonnerons à partir du cas des Mompreneurs. Réunies dans des réseaux professionnels dédiés, les Mompreneurs se définissent comme des femmes qui créent une activité à larrivée dun enfant5, quittant un poste salarié qui ne les satisfaisait plus pour mieux articuler vie professionnelle et familiale. Adhérant à une identité commune, où la maternité est valorisée, les membres de ces collectifs affichent des propriétés demploi variées : outre la grande diversité des secteurs dactivité dans lesquels elles simplantent, les statuts juridiques empruntés sont multiples. Toutefois, 47 % se déclarent auto-entrepreneures, forme daccès à linitiative économique qui est ainsi la plus fréquemment utilisée au sein de notre population ; pour 93 % dentre elles, il sagit de la seule activité professionnelle rémunérée6. Nous laisserons ainsi de côté, dans cet article, lensemble 97des Mompreneurs7 pour nous centrer sur ces mères qui deviennent auto-entrepreneures pour créer leur emploi (MAE pour faciliter la lecture) : ce focus permet en effet à la fois dexplorer un objet qui reste encore relativement inédit, celui des femmes, qui plus est mères, à la tête dune activité non-salariée, tout en questionnant à laune des rapports sociaux de sexe un dispositif public qui semble consacrer lauto-emploi.

En élisant le régime de lauto-entrepreneur tout en liant leur passage dans lindépendance à leur entrée dans la maternité, les MAE semblent proposer une alternative pour articuler travail et famille qui ne rejoint ni le travail salarié à temps partiel ni le retrait du monde du travail vers l« inactivité ». Notre ambition est de comprendre les ressorts qui conduisent des femmes anciennement salariées à créer leur emploi dans un cadre moins protecteur (les cotisations sociales ne sont pas systématiquement acquittées) et moins rémunérateur (le chiffre daffaires est plafonné). Trois questions doivent nous y aider : ces femmes qui quitteraient le salariat pour devenir auto-entrepreneures à la suite dune grossesse présentent-elles des caractéristiques, voire des dispositions, particulières ? Quelle est linfluence de la maternité, et plus largement de la famille, sur la constitution de cet auto-emploi ? En confrontant leurs caractéristiques aux arrangements concrètement mis en place entre travail et famille, dans quelle mesure le régime de lauto-entrepreneur constitue-t-il une opportunité pour ces femmes ?

À lappui dun matériel quantitatif et qualitatif (voir encadré méthodologique), nous présenterons dans un premier temps le profil sociologique de ces Mompreneurs qui ont opté pour le régime de lauto-entrepreneur : si elles appartiennent initialement à des catégories 98sociales plutôt favorisées, ces mères font avant tout état dun lien fragilisé à lemploi et au travail symptomatique des transformations du travail contemporain. La description de leurs conditions dinstallation permettra, dans un deuxième temps, de comprendre pourquoi ces femmes globalement privilégiées élisent un régime limitatif de mise à son compte : cest notamment leur position infériorisée dans les rapports sociaux de sexe qui vient réduire les bénéfices de leurs différentes ressources. Enfin, la dernière partie consacrée aux conditions dexercice de leurs activités viendra souligner les ambivalences dun auto-emploi, certes pensé avec la famille, mais qui nest pas pour autant soutenu par la famille.

Encadré méthodologique

Cet article mobilise une partie dun terrain conduit entre 2012 et 2014 au sein de lun des réseaux français de Mompreneurs. Il sappuie principalement sur les données statistiques issues dun questionnaire en ligne passé du 17 septembre au 6 octobre 2013 auprès de lensemble des adhérentes du collectif étudié. Sur 417 femmes, 268 ont répondu à lintégralité du questionnaire, soit un taux de retour de 64 %8. 47 % des répondantes se sont déclarées auto-entrepreneures.

Au cours de lenquête, 54 femmes ont été sollicitées pour réaliser un entretien par récit de vie. Ces femmes rencontrées au cours de nos différentes observations du collectif investigué se sont toutes prêtées à la démarche, et nous navons ainsi essuyé aucun refus. Parmi elles, nous avons interrogé 23 auto-entrepreneures en Île-de-France et dans lHérault. Dune durée d1h25 à 3h et généralement conduits à leur domicile (pour 12 dentre eux), ces entretiens mettent en lumière le processus qui conduit ces femmes à rompre avec le salariat : sy révèlent le cadre idéologique, institutionnel et familial dans lequel ce changement sinscrit, mais aussi les pratiques professionnelles et maternelles plus largement mises en œuvre.

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I. Se dire mère et (auto-) entrepreneure

Un auto-emploi réservé aux plus favorisées

Les premiers travaux sur les Mompreneurs sont apparus dans les sciences de gestion, en particulier dans lunivers anglo-saxon (Korsgaard, 2007 ; Nel, Maritz et Thongprovati, 2010 ; Ekinsmyth, 2011). En France, deux chercheures ont travaillé à partir des données publiées sur Internet par certaines femmes se revendiquant Mompreneurs (Andria et Richomme-Huet, 2011 ; 2012). À linstar des travaux portant sur les « entrepreneurs9 » et plus particulièrement sur les femmes entrepreneures (Geoffee et Scase, 1985 ; Brush et Hisrich, 1991 ; Buttner et Moore, 1997), ces travaux sattachent à identifier les leviers et motivations spécifiques aux Mompreneurs, tout en soulignant, mais sans le creuser davantage, le contexte maternel. Le silence est total sur les positions et dispositions de ces entrepreneures qui se disent dun genre nouveau. Or, décrire les contours de leurs activités ou encore les ressources, économiques, sociales ou culturelles dont elles disposent permet de comprendre que nimporte qui ne devient pas entrepreneur, Mompreneur, et parmi elles, auto-entrepreneur. Si les Mompreneurs constituent une catégorie empirique plutôt favorisée, dont lengagement dans le travail a régulièrement été contrarié lorsquelles étaient salariées (Landour, 2015b), nous montrerons que celles qui sinstallent en tant quauto-entrepreneur sont individuellement un peu moins favorisées, notamment dans leur ancrage dans le salariat, mais toutefois mieux protégées par leur situation conjugale. Elles présentent en cela des traits spécifiques par rapport à lensemble des auto-entrepreneurs.

Encadré 1. Une comparaison limitée
avec lensemble des auto-entrepreneurs.

Le Système dinformation sur les nouvelles entreprises (SINE)10 permet danalyser, en France métropolitaine et dans les DOM, le profil du créateur 100dentreprise et les conditions de démarrage des nouvelles entreprises, les conditions de développement, les problèmes rencontrés par les jeunes entreprises lors des cinq premières années de leur existence et les effets sur lemploi des créations dentreprises. Créée en 1994, lenquête réalisée par voie postale consiste à sélectionner, tous les quatre ans, une nouvelle cohorte dentreprises récemment créées. Chaque cohorte sélectionnée est interrogée trois fois sur la base dun échantillon représentatif nationalement et régionalement de 30 à 50 000 entreprises. La cohorte de 2010 intègre les auto-entrepreneurs : léchantillon a été modifié et comprend 55 000 créateurs dentreprises « classiques » et 40 000 auto-entrepreneurs, sur la base de questionnaires spécifiques. Au moment de la rédaction de cet article, lINSEE ne délivre à partir des données de 2010 que des informations parcellaires et régulièrement asexuées. Il est ainsi difficile de retrouver la profession ou catégorie sociale de lauto-entrepreneur avant son immatriculation, et encore plus de lobtenir par sexe. Aussi, nous tâcherons de comparer les MAE avec lensemble des auto-entrepreneurs, ou des femmes auto-entrepreneures dès que cela est possible, en nous appuyant sur les données rendues disponibles sur le site de lINSEE11 ou dans les publications de linstitut (Domens et Pignier, 2012 ; Barruel et al., 2012a ; 2012b ; 2014).

Un filet de sécurité familial et conjugal initial

Les données quantitatives établies au cours de lenquête permettent de situer avec une relative précision les Mompreneurs qui créent une activité sous le régime de lauto-entrepreneur. Comme lensemble des Mompreneurs, les MAE appartiennent plutôt aux franges les mieux dotées de la société française : 47 % disent ainsi appartenir aux catégories supérieures dans leur emploi précédent (ingénieures, cadres ou directrices et indépendantes), 26 % aux classes moyennes (agent de maîtrise et technicienne ou assimilée) et 27 % aux milieux moins aisés (ouvrière ou assimilée et employée de bureau, de commerce, personnel de services) (tableau 1). On constate toutefois un léger décalage par rapport à lensemble des répondantes de lassociation : celles qui se lancent dans lindépendance via le statut dauto-entrepreneur occupaient en effet, un peu moins fréquemment que les autres membres du collectif, un emploi dingénieure, cadre ou directrices et indépendantes dans leur emploi précédent (47 % contre 55 % en moyenne ).

101

Dans le dernier emploi salarié occupé, étiez-vous : 

Effectif

En % des MAE

Indépendante ou à votre compte

4i

3i

Directrice générale, adjointe directe, ingénieure, cadre

55

44

Agent de maîtrise, technicienne ou assimilée

32

26

Employée, ouvrière ou assimilée

34

27

i.Attention, effectif faible

Enquête Mompreneurs 2013

Champ : femmes sétant déclarées auto-entrepreneures (n=125) – calculs de lauteure.

Tabl. 1 – Catégorie socioprofessionnelle précédemment occupée.

Sil nest pas possible actuellement de comparer ce positionnement socioprofessionnel à celui de lensemble des auto-entrepreneurs, les informations disponibles sur la population active féminine en signalent le caractère très favorisé12, qui se confirme à lexamen de la position des parents. 74 % des pères sont déclarés cadres ou indépendants ; cest le cas de 37 % des mères, ce qui ancre plus fréquemment les MAE au plus haut de lespace social. En outre, 92 % dentre elles sont en couple, contre seulement 63 % des auto-entrepreneurs (quil sagisse des hommes comme des femmes). Le soutien des conjoints est décisif pour comprendre les conditions dentrée dans lindépendance, et il est ici dautant plus important que ces derniers occupent eux aussi une profession les situant plus nettement dans les catégories les plus favorisées : 65 % seraient ainsi cadres ou exerçant une profession intellectuelle (contre 12 % dans la population française masculine), et 15 % artisans, commerçants ou chefs dentreprise (contre 5,3 % daprès lEnquête Emploi 2011).

Les Mompreneurs qui ont eu recours au régime de lauto-entrepreneur semblent ainsi disposer dune position sociale initialement favorisée, nuançant la démocratisation de linitiative économique défendue par les pouvoirs publics à la mise en place du dispositif (Abdelnour, 2012). En comparaison des autres Mompreneurs, elles sont légèrement déclassées : 102leur position est plus régulièrement héritée et entretenue par celle du conjoint que par leur appartenance professionnelle antérieure. Ce positionnement ne permet pas toutefois de pleinement comprendre leur sortie du salariat : dans quelles circonstances ces femmes apparemment bien insérées professionnellement quittent-elles le salariat ? Quel rôle y joue la maternité ? Comment en viennent-elles à privilégier lauto-emploi ? Cest en revenant sur leur parcours salarial dabord, puis en affinant leurs dispositions familiales que séclairent les conditions de leur passage du salariat à lauto-entreprise.

Rupture salariale et bain entrepreneurial :
un terrain propice à l
auto-emploi

Si la grossesse et laccouchement sont présentés comme les déclencheurs du choix de lindépendance de toutes les Mompreneurs, les éléments collectés tant dans lenquête quantitative que dans les entretiens viennent relativiser linfluence de la maternité, pour mieux mettre en lumière linfluence des expériences salariales antérieures et de la socialisation primaire. Lenquête quantitative révèle notamment que les MAE avaient régulièrement un lien altéré à lemploi avant de créer leur activité (tableau 2) : si 61 % des MAE occupaient un emploi salarié (privé ou public), 28 % étaient au chômage (dont 18 % au chômage de longue durée) et 7 % inactives. Au total, 37 % des MAE nétaient pas en emploi avant de créer leur auto-entreprise, une situation similaire à celle observée chez les premiers auto-entrepreneurs étudiés par Barruel et al. (2012a ; 2012b).

AVANT DE CRÉER VOTRE ACTIVITÉ ACTUELLE, quelle était votre principale situation :

Effectif

En %
des MAE

Salariée (agent de la fonction publique et du secteur privé)

77

61

Au chômage

35

28

Autre (étudiante, indépendante ou à son compte, sans activité professionnelle …)

13

11

Enquête Mompreneurs 2013

Champ : femmes sétant déclarées auto-entrepreneures (n=125) – calculs de lauteure.

Tabl. 2 Statut occupé avant la création de lauto-entreprise.

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Autre facteur atténuant limpact de la maternité sur les parcours, la sortie du dernier emploi (pour les salariées) semble plus souvent subie que choisie : 15 % ont fait face à un licenciement et 15 % à la fin dun CDD (et notamment deux salariées sur les 11 anciennes agents de la Fonction publique)13 – voir tableau 3.

Vous avez quitté votre dernier emploi salarié suite :

Effectif

En % des MAE

À la fin dun contrat à durée déterminée (CDD)

16

15

À la fin dune mission dintérim

1i

1

À un licenciement

16

15

À une démission

25

22

À une rupture conventionnelle

46

42

Vous êtes toujours salariée

8i

7

i.Attention, effectif faible

Enquête Mompreneurs 2013

Champ : femmes anciennes salariées sétant déclarées auto-entrepreneures (n=112) – calculs de lauteure.

Tabl. 3 – Mode de sortie du salariat.

Celles qui, parmi les Mompreneurs, deviennent auto-entrepreneures affichent donc un rapport altéré à lemploi que la mise en avant de la maternité contribue à masquer. Ce phénomène renvoie aux difficultés de maintien dans lemploi également observées auprès de lensemble des auto-entrepreneurs. En outre, les entretiens dévoilent des expériences dengagement contrarié dans le travail dont Carine rend bien compte. Mompreneur parmi les moins qualifiées que nous ayons rencontrées, cette mère de deux jeunes enfants, âgée de 34 ans, occupait des fonctions dassistante dans une petite entreprise spécialisée dans la formation dans son dernier poste salarié. Employée en CDD, elle dit avoir renoncé au CDI qui lui était proposé à lissue dun premier contrat. Ses emplois antérieurs ont tous été décrits comme difficiles ; elle affirme même avoir « subi du harcèlement moral ». En comparaison, elle apprécie la place quelle 104occupe alors, mais ressent un malaise persistant dans une entreprise quelle qualifie de très « familiale » : « Jétais enfin bien, mais ça nallait toujours pas, ça allait mieux, mais ça nallait pas, jétais encore pas bien ». À cette période, elle raconte que sa meilleure amie lui a offert un appareil photo : renouer avec cette passion denfance également partagée par son père, récemment décédé, lui fait « tout remettre en question ». De façon déconnectée de la maternité (Carine dit même que ses grossesses ont été un frein à son investissement entrepreneurial), elle pense entrevoir dans la création de son auto-entreprise une piste pour exercer une activité qui « léclate » à tout niveau :

Ça sest imposé à moi si je veux bosser dans la photographie, il est hors de question que je retourne dans les bureaux, donc je me lance à mon compte, je suis auto-entrepreneur.

Le cas de Carine signale ainsi un cumul entre des conditions demploi et un rapport au travail qui pénalisent lattachement des MAE au salariat. Cette relation contrariée au travail salarié peut par ailleurs être alimentée par un bain entrepreneurial préalable qui, par contraste, fait de lindépendance un possible enviable. Lenquête quantitative souligne une surreprésentation de MAE dont les parents et conjoints sont indépendants, cette transmission gagnant en profondeur grâce aux entretiens. Ainsi, Laetitia est fille de petits commerçants du Sud de la France et épouse dun architecte installé en libéral. Cette trentenaire diplômée dune école de commerce change fréquemment de postes pendant 10 ans, tout en soutenant activement la carrière professionnelle de son conjoint : elle occupe différents emplois de commerciale dans des entreprises de la région et travaille, avant la naissance de son enfant, quelques mois dans la boutique tenue par sa mère et son beau-père. Le commerce familial est finalement liquidé et après 18 mois de chômage au cours desquels elle sest occupée de son bébé, elle retrouve un poste de cadre commerciale dans une entreprise pharmaceutique. Elle tient deux ans, jusquà ce quelle se fasse surprendre par un « burn out » : après plusieurs mois de fatigue et dune grande irritabilité liés au sentiment de « ne jamais y arriver », elle seffondre psychologiquement et physiquement et un arrêt maladie de plusieurs mois est prescrit par son médecin. Cest au cours de cet arrêt maladie quémerge son souhait de « ne plus avoir de patron », ce quelle met rétrospectivement en lien avec ses ascendants :

105

Bon, je viens dune famille de commerçants, même mon père était indépendant ! (…) Donc du coup, cest très dur de se mettre dans le moule. Lui, tu vois, il avait sa société et voilà, donc si tu veux je pense que cest très compliqué de se mettre dans le moule et dêtre salariée quand on a baigné là dedans si tu veux, (…) voilà, je suis pas faite pour être salariée en fait.

À la lueur des chiffres et des récits, se dessine ainsi un profil des Mompreneurs devenues auto-entrepreneures décalé de lidentité initialement promue : loin dêtre converties par une révélation engendrée par leur maternité, ces femmes déçues ou rejetées du salariat semblent trouver, à travers lindépendance, une manière de se maintenir dans lactivité, voire dy trouver une voie dengagement renouvelé dans le travail. Toutefois, le recours à un régime limitant demblée le développement de lactivité étonne chez des femmes initialement favorisées, protégées par leur situation conjugale et affichant une proximité importante avec le non-salariat. Comment en viennent-elles à privilégier lauto-entreprise ? Si linfluence de la maternité a été nuancée dans les parcours tant elle est décorrélée de lentrée dans le non-salariat, ne joue-t-elle pour autant aucun rôle ? Plus largement, comment articulent-elles auto-emploi et famille ? Ce sont ces questions que nous proposons de traiter dans le deuxième mouvement de cet article.

II. Créer un auto-emploi
sans compromettre la famille

Face aux multiples statuts qui existent pour créer une activité indépendante, le choix de ces mères, plutôt favorisées et affichant même une relative proximité avec le non-salariat, étonne. En effet, opter pour le régime de lauto-entrepreneur permet certes dalléger les charges mais impose demblée une limitation des revenus et de la protection sociale, a fortiori lorsque cette activité est exercée en complète substitution dun emploi salarié. En outre, si le positionnement social et le rapport à lemploi et au travail salariés des MAE permettent de comprendre leurs conditions de sortie du salariat, ils ne donnent pas dindications sur les arrangements entre travail et famille qui seraient propres à cette 106mise à son compte ; pourtant valorisée dans la définition indigène de la catégorie, la première partie de notre développement tend même à faire de la question de la maternité une dimension secondaire voire marginale. Lexamen des modalités concrètes dinstallation de ces femmes devrait permettre de résoudre cette double interrogation : nous verrons ainsi que si les Mompreneurs semblent disposer a priori de ressources initiales importantes, elles sont peu soutenues pour se réengager dans le travail. Si le poids du genre se lit à travers la faiblesse des transferts et transmissions de capitaux, il émerge également dans le rôle ambivalent que joue la famille comme ressource : bien au-delà de la maternité, la famille constitue en effet à la fois un support et une contrainte dans la constitution de ces auto-emplois.

Une posture entrepreneuriale
aux faibles relais matériels

Pour comprendre le paradoxe de cette entrée par la petite porte de lindépendance chez des femmes qui, compte-tenu de leurs ressources initiales, semblaient disposées à créer des activités denvergure, il convient de sintéresser de plus près au genre des transmissions (Gollac, 2009). Alors que les auto-entrepreneurs salariés représentent 44 % des auto-entrepreneurs (Abdelnour, 2012, p. 34414), seules 7 % des MAE se déclarent encore salariée par ailleurs (voir tableau 3). Empêchées dans le salariat, lactivité exercée en tant quauto-entrepreneur est, pour la quasi totalité des MAE, la seule activité professionnelle.

Cest ce qui explique quau cours des entretiens, elles se disent cheffes dentreprise à part entière, comme en témoigne par exemple Lili. Devenue graphiste indépendante à la suite dune rupture conventionnelle imposée, cette dernière substitue tout au long de notre entretien son statut objectif dauto-entrepreneur par celui de freelance, voire de cheffe dentreprise. Cette trentenaire, mère dun enfant et dont les deux parents ont exercé des activités indépendantes, interroge même le bien-fondé dune différence entre les deux statuts :

Jai vraiment réfléchi, en me disant mais quelle est la différence quand on est freelance avec les filles qui ont un site Internet et qui disent « je suis cheffe 107dentreprise » et bah, finalement je crois que la seule différence, cest dans la tête des gens, parce que finalement quand tes en freelance, tas une clientèle, tu dois démarcher, tu fais tes factures et tu vas te positionner sur un marché et tout ça, donc finalement le processus est plus ou moins le même.

La volonté de se positionner comme responsable dune activité économique dampleur, que sous-entend lusage du terme « chef dentreprise », est manifeste et fait écho à la posture entrepreneuriale de ces femmes plus fortement héritée que dans lensemble de la population. Mais, au-delà de la posture, les transmissions sont limitées : on ne compte ainsi, parmi les 125 MAE de notre échantillon, que deux repreneuses. Dominique, que nous avons pu interroger, est lune dentre elles. Mariée à un « petit »cadre de linformatique, cette ancienne employée de 42 ans a été licenciée pendant un arrêt maladie quelle relie à son épuisement professionnel. Elle a alors repris le commerce de cosmétiques que son père avait créé dans une collectivité dOutre-mer, mais elle ne peut pas limporter en métropole sous la même forme juridique. Elle fonctionne dabord sur « la couveuse de ses parents15 » : elle poursuit les ventes depuis la métropole tout en continuant à facturer outre-mer. Puis, ses parents lui offrent le stock et elle crée un site Internet avec sa prime de licenciement. En 2009, elle transfère lentreprise sous le régime de lauto-entrepreneur, car elle « ne rentre pas assez dargent pour se monter en société », ni même se rémunérer. Son ménage rencontre dailleurs de grosses difficultés financières que le salaire de son conjoint peine à éponger. Si Dominique a le sentiment de poursuivre le rêve de ses parents, pour ces derniers, leur activité a toujours été pensée en complément de leurs deux emplois salariés : si transmission il y a bien eu, cest davantage celle dune passion que dune structure économique suffisamment solide pour faire vivre Dominique.

À linstar de Dominique, les récits des MAE rencontrées permettent de nuancer lapport concret de leur héritage entrepreneurial16, en réalité limité et qui expliquerait leur choix de lauto-entreprise. Lorsquelles font partie dune lignée dindépendants, il sagit plutôt de petits indépendants qui ne sont pas parvenus à maintenir leur commerce (comme le cas de 108Laetitia le suggère) ou qui étaient eux-mêmes en situation dauto-emploi (en exerçant une profession libérale par exemple, comme cest le cas des parents de Lili). Celles dont les parents étaient salariés semblent avoir, de leur côté, plutôt bénéficié dune profonde imprégnation du nouvel esprit du capitalisme (Boltanski et Chiapello, 1999), valorisant notamment lépanouissement de soi dans le travail (qui sexprime dans le cas de Carine) et/ou la transmission de valeurs entrepreneuriales. Il sagit donc de déplacer lappréhension matérialiste de leur positionnement social : sil ne leur fournit pas de ressources importantes pour installer une structure dentreprise solide, il leur permet en revanche de rendre tangible lhorizon de lauto-emploi. La possibilité de sappuyer sur une structure familiale stable, assurée par les revenus des conjoints, le rend dautant plus tangible, à condition toutefois de ne pas la déstabiliser. Cest ce que les conditions daccès à lindépendance dévoilent.

Une installation sous conditions de ressources

Bien que favorisées, et affichant une certaine proximité avec lindépendance, les MAE sinstallent à leur compte avec des ressources limitées. Elles mettent en place des activités légères, simples daccès et qui ne demandent pas dinvestissement important. Affichant une certaine solitude accompagnée dans la création (Landour, 2015a), elles privilégient le statut dauto-entrepreneur pour son accès facile. Cette situation est notamment décrite par Anaïs, ancienne salariée dune administration, qui a démissionné suite à une dépression liée au manque de reconnaissance éprouvée dans son travail. Cette mère de deux enfants a été renseignée par une conseillère au sein de la Maison pour lEmploi (elle-même auto-entrepreneure), cette précarité statutaire en miroir donnant, par lexpérience du vécu, plus de crédit à sa prescription (Brun, Corteel et Pélisse, 2012) :

Dans cette maison de lemploi où javais fini le travail avec ma coach, elle ma un petit peu conseillée pour me lancer, elle ma dit, moi aussi je suis auto-entrepreneuse, vous allez voir cest tout simple, cest ce formulaire là et hop cest fini, elle ma vraiment donné deux trucs administratifs qui mont suffi et dailleurs le site est très bien fait et…

Enquêtrice : Tes allée sur lAPCE17 non ?

Ouais voilà, et puis 2-3 trucs sur Internet et puis cest bon, cest tout simple, pas de contraintes, cest vraiment, ouais, cest le truc minimum.

109

Largument de simplicité se prolonge sur le plan gestionnaire et comptable. Le régime de lauto-entrepreneur est en effet valorisé pour sa simplicité dutilisation, ne requérant notamment pas de traçage financier sophistiqué. Aucune des MAE rencontrées dans les entretiens na dailleurs élaboré de business plan et leurs suivis comptables sont rudimentaires (le plus souvent sur un cahier, parfois sur Excel, mais il sagit avant tout de noter les entrées et les sorties dargent). Cette absence de projection économique est notamment permise par labsence de linstitution bancaire : lenquête quantitative, corroborée par les entretiens, révèle quaucune MAE na eu recours à un prêt bancaire, ce qui allège demblée les obligations de gestion et de comptabilité. Émerge également dans les entretiens un argument plus officieux, dont Carine fait plus particulièrement état. Elle justifie en effet son refus de souscrire à un prêt par la crainte dendetter son ménage, inquiétude liée à son histoire familiale :

Alors, pourquoi auto-entrepreneure ? Parce que quand jétais gamine, mes parents, mon père surtout, a fait des dettes colossales et jusquà sa mort, ma mère a été obligée de rembourser ses dettes et je suis complètement bloquée, je peux pas aller demander de largent à une banque tout ça, je peux pas, je bloque, faire un business plan tout ça, à la rigueur, pourquoi pas sil faut le faire, sauf que cest la crise, tout le monde dit que les banques prêtent moins et tout, et moi commencer à demander tant, même si cest la règle du jeu, je peux pas, et donc je me dis, auto-entrepreneure, bosser comme ça avec le peu dargent que jai de côté.

Ressources peu transformées et attrait pour la facilité entrepreneuriale expliquent en grande partie le recours au régime de lauto-entrepreneur comme forme dauto-emploi. Mais cette contrainte de la simplicité, qui se double dune certaine frilosité à lidée de déstabiliser la famille, a des incidences directes sur linstallation de lactivité : il sagit den limiter les frais. 75 % des MAE ont ainsi utilisé moins de 4000 euros pour installer leur entreprise18. 67 % disent avoir puisé dans leurs ressources personnelles, et 10 % ont fait appel à leur entourage. Avec ces moyens limités, les activités sont donc principalement installées à domicile (dans 91 % des cas) : le logement, dont la plupart des couples sont propriétaires, constitue une ressource à part entière dans la mise à son compte et joue un rôle déterminant dans léconomie domestique réorganisée suite au passage dans lindépendance (Lambert, 2012).

110

Si la maternité est loin dêtre le détonateur volontiers mis en avant, le rôle joué par la famille dans le recours au régime de lauto-entrepreneur est source de multiples injonctions contradictoires pour ces femmes : les ressources familiales sont en effet celles qui inspirent, autorisent et facilitent lalternative non salariée. Dans le même temps, elles la limitent, tant parce que les transmissions sont réduites que parce quil sagit de tenter cette aventure sans faire courir de risque à la famille. Ainsi, en sadossant largement à la famille, mais sans en tirer pleinement partie, les MAE sont en « dette » à légard de leur foyer sans que leur activité nen constitue une « cause commune » (Gollac, 2003 ; Roy, 2005). Ces installations faiblement étayées sinscrivent dès lors dans une économie domestique globale où la situation individuelle de ces mères est peu à peu pénalisée : cest ce que nous examinerons dans le dernier temps de cet article.

III. Lindépendance en trompe-lœil

Le parcours dans le salariat des Mompreneurs qui deviennent auto-entrepreneures et leurs dispositions familiales permettent de comprendre les raisons qui les poussent à ne pas rester dans leur poste ou à se satisfaire dun emploi salarié à temps partiel. Poussées par leur rejet du salariat, elles pourraient sinscrire dans la lignée des femmes qui se retirent de lactivité professionnelle suite à larrivée dun enfant (Pailhé et Solaz, 2007 ; Meurs et al., 2010), un phénomène qui aurait augmenté ces dernières années chez les femmes diplômées (Maison, 2007 ; Gavray, 2008). Entre inspiration et charge, support et contrainte, le rôle de la famille est ambivalent. Il sagit donc dans cette partie de sintéresser aux conditions concrètes du travail pour mieux comprendre ce qui joue dans lexercice de cet auto-emploi. De quelles activités sagit-il ? Comment y est pensée larticulation entre travail et famille et entre les injonctions contradictoires qui leur sont imposées ? Comment y sont éventuellement joués, déjoués ou rejoués les rapports sociaux de sexe ?

En revenant dans cette dernière partie sur lactivité des Mompreneurs auto-entrepreneures et ses conditions dexercice, nous montrerons que, 111sans déstabiliser la famille, cet auto-emploi constitue pour ces femmes lopportunité de maintenir une identité hors du foyer. La réassignation, plus ou moins voulue, aux activités domestiques et maternelles, en autorise lexercice et laffichage tout en favorisant la précarisation de ces femmes initialement protégées.

Sexprimer à travers une activité
pour contrer chômage et inactivité

Si nous avons déjà souligné lattachement au travail des MAE, nous navons pas encore présenté le contenu des activités non-salariées par lequel elles sy réengagent. Les créations dentreprise des MAE sont centrées sur des activités qui permettent à ces femmes de renouer avec le caractère profondément identificatoire du travail : 66 % des Mompreneurs auto-entrepreneures déclarent exercer une activité en lien avec lune de leurs passions, bien plus quavec leur travail antérieur (18 %), la maternité (17 %) ou encore une opportunité de reconversion facile (28 %). Encore plus que chez les auto-entrepreneurs (48 % créent leur entreprise dans un secteur dactivité différent de leur métier initial – Barruel et al., 2012b), lentrée dans lindépendance par lauto-entreprise se fait, chez les MAE, non seulement en substitution du salariat, mais aussi dans la contestation dune dimension purement utilitariste du travail. Ce phénomène est à relier à leur positionnement social qui valorise lépanouissement de soi dans le travail, mais sous un prisme plus libéral que celui observé par exemple chez les femmes au foyer dites hédonistes analysées par Dominique Maison (2007) : plutôt que de sengager dans les domaines artistiques ou bénévoles, cest en saffirmant « cheffe dentreprise » quelles maintiennent une identité médiée par lexercice dune activité hors du foyer.

Pour en choisir le contenu, plusieurs logiques sont à lœuvre, que le cas de Géraldine permet dappréhender dans leur ensemble. Ancienne employée, mariée à un fonctionnaire, cette trentenaire est originaire dune collectivité dOutre-mer quelle a quittée pour suivre son mari dabord en Rhône-Alpes, puis dans lHérault. Lors de la dernière mutation, tout juste licenciée et jeune maman dun garçon, elle na pas retrouvé demploi financièrement intéressant dans le bassin montpelliérain :

112

[au chômage] là je touchais, en fonction du nombre de jours presque 1 400 euros (…) moins les frais de nounou, parce quà Montpellier ils sont plus chers quà Lyon, donc jen avais [pour les] frais de nounou plus nourriture pour 800 euros, après jenlevais 300 euros de CAF je crois, je tombais à 500 euros, donc jallais travailler pour 1 000 et quelques nets, moins 500 euros, donc pour rien quoi, le calcul a été vite fait, là javoue que je me suis occupée de mon fils.

Géraldine ne poursuit pas son parcours dans le salariat parce quelle ne parvient pas à sy maintenir de façon suffisamment favorable, notamment lorsquelle met en balance lapport financier de cet emploi avec lopportunité de soccuper de son jeune fils : elle insiste dailleurs sur le vif plaisir quelle éprouve dans lensemble des tâches parentales, légitimant dautant plus son retrait dun emploi moins gratifiant. Son conjoint étant en fréquents déplacements, elle est par ailleurs très investie dans la tenue du foyer, se qualifiant elle-même de « mère célibataire ». Cest elle ainsi qui gère lintégralité des tâches domestiques, la prise en charge de la fille aînée de son conjoint, de leur garçon et de ses difficultés à lentrée en maternelle (elle le scolarise alors dans une école alternative). Cest également elle qui soccupe de lintégralité de leur déménagement et des travaux à engager dans lappartement de fonction qui leur est dévolu :

Cest ça aussi qui forge le caractère mais quand on a déménagé, y a eu tout un enchaînement en même temps, mon mari est parti six semaines en formation pour intégrer sa nouvelle unité, le déménagement et la rentrée dEnzo à lécole, sa première rentrée.

Toutefois, être au chômage (suite à son licenciement, elle sinscrit à Pôle Emploi et perçoit les indemnités chômage) ne correspond pas à sa « mentalité », et, si elle met en place de nombreuses tactiques pour compenser sa perte de salaire, elle souhaite afficher une autonomie financière à légard de son mari. Elle a donc ouvert une auto-entreprise où elle associe plusieurs compétences et hobbies : dans son activité principale, elle accompagne des particuliers pour mieux ranger leur habitation. Cette activité est directement puisée dans ses compétences domestiques, quelle me dit avoir développées dès sa petite enfance :

Je pense que je suis organisée et ça fait partie de mon caractère, je me souviens quand jétais petite, alors jai aussi eu des passages adolescente où je mettais 113tout en bas de larmoire [elle rit] mais où jouvrais les placards communs, mais je prenais toutes les serviettes, je les mettais par terre et je pliais au carré, voilà, donc je pense que et puis jaime bien quand jouvre un placard que cest rangé, en plus mon plus gros client, cest mon mari !

Ce sont ses amies, admiratives de la gestion de son logement, qui ont dabord bénéficié de ses services, quelle a ensuite décidé de commercialiser. Toutefois, cette activité peine à se développer, car Géraldine ne trouve pas de clientèle ; en complément, elle propose des services administratifs, directement liés à ses compétences professionnelles, mais aussi une offre de traiteur asiatique, liée à ses origines familiales. En devenant auto-entrepreneure, Géraldine entremêle ainsi plusieurs dimensions : en affichant sa volonté de présence auprès de son fils pour justifier sa sortie du salariat, elle réactive une responsabilisation des enfants anthropologiquement attribuée aux femmes. Le choix de ses activités, liées à des tâches domestiques (le rangement, la cuisine ou encore les tâches administratives), loriente également vers un rôle de genre renforcé, puisquil sagit dactivités là aussi considérées comme féminines. Le contenu de lengagement entrepreneurial des MAE semble ainsi relever du phénomène observé par Hélène Stevens chez les femmes cadres dune société informatique (Stevens, 2007) et également analysé chez les femmes cadres dun institut de sondages (Landour, 2012). Chez des femmes qui avaient en quelque sorte transgressé leur genre (féminin), en intégrant un statut (masculin) de cadre, voire en empruntant la voie des carrières scientifiques et techniques (elles aussi masculines), les retournements de carrière, comme on peut ici assimiler la sortie du salariat vers lauto-entreprise, peuvent conduire à renouer avec des activités traditionnellement attribuées aux femmes. Souvent embrassées à ladolescence, période de « cristallisation dune identité sexuée » (Stevens, op. cit., p. 459) et réactivées semble-t-il ici par la maternité, qui tend elle-aussi à réaffirmer le genre et la division sexuelle du travail qui en résulte, ces activités se centrent sur une certaine utilité sociale (Molinier et al., 2009) adressée à des autres dont laltérité est toute relative19.

En choisissant leurs activités, les MAE semblent chercher à maintenir une identité qui passe par lengagement dans le travail, mais 114qui contribue dans le même temps à réactiver leur identité de genre et plus particulièrement leur assignation à la sphère domestique. Ceci se confirme à lexamen de lexercice de leurs activités : installant à domicile des activités faiblement étayées, elles se trouvent prises dans un arrangement entre travail et famille qui se fait peu à peu en défaveur du premier.

De limitations temporelles en limites économiques

Attachées au travail comme marqueur identitaire et source de réalisation de soi, les MAE ont à cœur de ne pas passer pour des chômeuses ou des femmes au foyer. Ce ressort qui contribue à expliquer leur entrée dans lauto-emploi est par ailleurs largement repris dans les discours, lexposé des couchers tardifs ou de leur débordement servant à affirmer un investissement professionnel important. Pourtant, daprès lenquête quantitative centrée sur les auto-entrepreneures, 65 % travaillent 35 heures et moins par semaine20 (tableau 4). Parmi celles qui ont ainsi une activité à temps partiel, la moitié dit travailler au moins à 75 % dun temps complet, 17 % travaillent environ à mi-temps, et 16 % travaillent moins dun mi-temps.

Aujourdhui, combien dheures consacrez-vous à votre activité professionnelle par semaine : 

Effectif

En % des MAE

Moins de 15h par semaine

13

10

15 à 20h par semaine

14

11

20 à 25h par semaine

14

11

25 à 30h par semaine

19

15

30 à 35h par semaine

22

18

35 à 40h par semaine

25

21

Plus de 40h par semaine

18

14

Enquête Mompreneurs 2013

Champ : femmes sétant déclarées auto-entrepreneures (n=125) – calculs de lauteure.

Tabl. 4 – Temps de travail déclaré en tant quindépendante.

115

Ce travail à temps partiel est à relier à la réassignation de ces femmes au travail reproductif dans son ensemble, quil soit parental ou domestique, et que nous avons pu illustrer chez Géraldine. Ces contraintes limitent leur investissement professionnel, et donc leur capacité à développer leur chiffre daffaires. Comme on lobserve déjà auprès de lensemble des auto-entrepreneurs (Domens et Pignier, 2012), les chiffres daffaires sont réduits : 68 % des MAE déclarent un chiffre daffaires inférieur à 10 000 euros, 18 % dans le commerce, 37 % dans les services et 13 % dans dautres activités : au mieux, ces dernières tirent ainsi un revenu de 830 euros par mois de leur activité, soit près de 600 euros de moins que le SMIC mensuel brut (le calcul étant par ailleurs établi sans décompter les 23 % de cotisations sociales et les charges afférentes à lactivité).

Les entretiens ont révélé la difficulté de ces femmes à évaluer leur bénéfice21. Laurence, mère dun enfant mariée à un fonctionnaire et qui vend des accessoires de mode, illustre ce flou des évaluations qui rend dautant plus difficile lestimation de la perte de salaire engendrée par la création de cet auto-emploi :

Si on devait lisser ça sur lannée, on devrait être à 600 euros par mois [] là je te fais mon chiffre daffaires, [] et puis il faut encore que je paie mes emplacements, mes machins, mes trucs, donc ouais je sais pas combien ça fait par mois mais ça doit être quelque chose comme ça quand même.

Ce flou doit être mis en perspective avec la manière dont est considéré le revenu féminin au sein des couples de MAE, une information principalement saisie au cours des entretiens. Salariée dans la communication dans la région montpelliéraine, Cécile a créé son activité en 2011, à 35 ans, après un licenciement en cours de grossesse. Après la naissance de ce second enfant, elle a très rapidement voulu reprendre son activité qui la « passionne », mais ne retrouve pas demploi salarié. Elle me dit avoir alors testé la « vie de femme au foyer » quelle a « détestée » et qui ne correspond pas à « ce qu[elle] veut montrer à [ses] enfants ». Elle précise toutefois quelle ne se serait pas lancée en indépendante sans le statut dauto-entrepreneur et quelle apprécie de « payer [des charges] 116que quand tu rentres de largent », de pouvoir « facturer hors taxes » ce qui lui permet de fournir des prestations moins élevées quelle qualifie elle-même de « low-cost » tout en bénéficiant en parallèle des indemnités chômage. Mariée sous le régime de la séparation et propriétaire dun pavillon avec son conjoint à hauteur de leurs revenus respectifs, dans léconomie domestique, le revenu de son conjoint « servent à payer, le loyer, la nourriture, les activités des enfants, mais pas les extras ». Cest le revenu de Cécile qui sert à les prendre en charge, signalant son caractère accessoire dans léconomie domestique : sil permet à la famille de mieux vivre et à Cécile dafficher sa passion, le travail et sa rémunération ne sont pas pensés comme devant permettre à la jeune mère de vivre tout court.

Ces activités dappoint ne posent pas seulement question sur le plan des revenus, elles interrogent également les protections sociales. Le régime de lauto-entrepreneur nen fournit que très peu : pensé initialement comme pourvoyeur de ressources complémentaires, il fait le pari dune protection des auto-entrepreneurs assurée par un emploi salarié parallèle, occupé à titre principal. Faiblement accompagnées et portées par leur volonté de promouvoir leur identité professionnelle tout en se montrant très présentes au sein du foyer, ces MAE apparaissent peu au fait des risques encourus par le passage dans lauto-entrepreneuriat (Levratto et Serverin, 2009) – voir encadré 2 ci-après.

Encadré 2 : la protection sociale de lauto-entrepreneur

Lauto-entrepreneur bénéficie, via le régime social des indépendants (RSI), du même système de couverture que les indépendants. Le RSI fournit une protection obligatoire et minimum dès lors que lindépendant fait immatriculer son entreprise.

« Quelle sera votre protection sociale ?

Vous serez affilié au Régime des indépendants (RSI) et bénéficierez des remboursements de soins médicaux à ce titre. Vous bénéficierez également des indemnités journalières en cas de maladie si vous justifiez avoir cotisé aux régimes dassurance maladie du RSI depuis au moins un an (sauf auto-entrepreneurs exerçant une activité libérale).

Cependant, si vous êtes affilié depuis moins dun an et que vous relevez précédemment à titre personnel dun ou de plusieurs régimes, la période daffiliation au régime antérieur est prise en compte pour lappréciation de 117la durée daffiliation à condition quil ny ait pas eu de période dinterruption entre les deux affiliations.

En ce qui concerne vos droits à la retraite, et comme pour les travailleurs indépendants “classiques”, la validation dun ou plusieurs trimestres va dépendre du volume de cotisations versées. En qualité dauto entrepreneur, vos cotisations sont calculées directement sur la base du chiffre daffaires que vous déclarez. »*

Cette dernière ligne sous-entend que lauto-entrepreneur ne cotise pas à la retraite si son chiffre daffaires est nul. Il peut ainsi cumuler des annuités, mais sur une base faible, limitant ainsi le montant de sa pension de retraite.

*Source : site Internet de lAPCE, http://www.apce.com/pid10376/votre-regime-social.html, page consultée le 7 mai 2014.

La question de la retraite a ainsi été régulièrement éludée au cours des entretiens et, lorsque nous avons interrogé les femmes rencontrées sur leur protection en matière de santé, elles se sont montrées également incertaines, même lorsquelles avaient déjà des problèmes de santé. Pacsée avec un cadre de linformatique, Catherine a par exemple déclaré une maladie dégénérative alors quelle était cadre promue dans une entreprise du secteur de la culture. Elle a négocié un licenciement et sest installée comme sophrologue, pratiquant ainsi une médecine douce dont elle a apprécié les vertus face à sa maladie. Lorsque nous linterrogeons sur la façon dont elle est prise en charge en termes de santé, cette presque quarantenaire mère de deux enfants est très évasive et affiche son désintérêt pour la question :

Le régime des indépendants je sais pas trop comment ça fonctionne, mais aussi parce que cétait le moment, à un moment donné on se sent prêt ou pas, donc voilà, mais au niveau santé, franchement, jai tellement limpression de rien avoir que je me pose pas ces questions là, et puis jai changé aussi, grâce à la sophrologie, avant jétais tout le temps dans le pessimisme, pessimisme, voilà, avec mon histoire aussi, et là, bah comme je suis dans loptimisme plus, bon je sais quil faut pas non plus être trop béate et dans loptimisme, mais franchement demain est un autre jour, donc je ne me préoccupe pas de ça et ouais, cest possible que je sois pas couverte, mais après je me dis, bah jai pas de médicaments, on verra, enfin je men fiche en fait.

Cette précarisation est masquée par la situation conjugale, mais elle est dautant plus préoccupante chez celles qui ne font pas toujours jouer à plein lentreprise économique que peut constituer le mariage, 118notamment en cas de décès du conjoint ou de séparation. Anaïs, que nous avons évoquée un peu plus tôt, fournit une parfaite illustration de cette situation : démissionnaire de son administration, elle na pas bénéficié dindemnité chômage ou de dispositifs financiers daccompagnement (elle na dailleurs jamais cotisé au chômage). Elle dégage un chiffre daffaires denviron 4 500 euros annuel et est par ailleurs pacsée avec son conjoint : en cas de décès, elle ne bénéficierait pas dune pension de réversion ; en cas de séparation, une pension alimentaire pourrait concerner les enfants, mais elle ne pourrait pas obtenir une pension individuelle ou une prestation compensatoire, ni même une part dun quelconque bien immobilier car ils sont locataires. Si elle-même se dit peu inquiète de sa situation, elle fait le constat de sa fragilité à travers la lecture quelle donne de la réaction de ses parents (qui ne sont par ailleurs que de « petits » propriétaires) :

Ils en sont malades que jai pas de travail, pas de vrai travail, alors quils ont payé des études cher, cest pas du tout leur milieu lauto-entreprise, donc ça les inquiète, ça leur fait peur, que voilà, si je me fais planter par mon mec du jour au lendemain, je deviens quoi, parce que jai rien, alors jai mes enfants, mais bon, je suis pas mariée en plus !

Or, comme dans toutes les catégories sociales, les Mompreneurs ne sont pas épargnées par les reconfigurations familiales, notamment sanctionnées par des séparations. Après une vie professionnelle précaire, marquée par les contrats courts et linactivité, Sylvie crée en 2010 son auto-entreprise, à plus de quarante ans : il sagit dabord dune activité daccompagnement à la naissance, qui devient ensuite une offre de massages pour bébé, puis, au moment où nous réalisons lentretien, de photographe. Son mari est un ancien cadre qui a lancé une activité indépendante en lien étroit avec son ancien employeur : il lui a annoncé deux mois plus tôt son souhait de se séparer. La relation reste suffisamment pacifiée entre les deux ex-conjoints pour que Sylvie soit peu inquiète à ce stade pour son avenir, dautant quelle se place dans une volonté de positiver cette séparation [Singly (2011)] et que son conjoint continue de lentretenir elle et leurs deux enfants. Confiante dans le maintien de ce support économique, elle envisage de reprendre un temps partiel tout en développant son activité de photographe : après un arrêt de travail de plus de trois ans, dans un bassin demploi marqué par le chômage, et alors 119que son conjoint commence à lui faire part de difficultés dans sa propre entreprise, Sylvie risque toutefois de basculer dans une précarité dont elle navait jusqualors jamais envisagé la possibilité.

Sen tenir à linconséquence de ces femmes pour expliquer cette précarisation serait simpliste. Nous avons ainsi pu entendre au cours des entretiens leur révolte sourde : si elles sont certes galvanisées par lamour de leur(s) enfant(s) et portées par ce réengagement dans le travail, elles sont conscientes dune relégation au domestique quelles ne se sentent plus en mesure de contester. Laurence, évoquée un peu plus haut, le dit ainsi avec véhémence :

Cest POURRRIIIIIIIII ! Je déteste ça, je déteste ça [mais] je peux pas trop gueuler en disant, ah jen ai marre de faire le ménage, alors que je ramène pas une thune et en plus il rentre tard, donc voilà, ce serait un peu déplacé quand même, donc je fais avec mais cest pas hyper agréable.

Si Anaïs avoue avec une certaine nervosité ne pas réfléchir aux conséquences dune éventuelle séparation parce que « ça se passe plutôt bien » avec son conjoint, dautres sinterrogent plus directement sur leur devenir en cas de séparation, mais font là aussi état de leur impuissance, comme lindique Cécile :

Je me suis toujours posée la question, si jamais on se sépare, comment est-ce que je fais ? Parce que financièrement, même si tu travailles, cest très difficile, là moi jai plein damies qui se séparent, bon déjà elles sont restées un an ou deux avec leur ex parce quelles nont pas les moyens, donc ouais, jy pense, mais quest-ce que je peux faire ?

Et cest bien cette impuissance révélée par la constitution dauto-emplois chez des femmes qui avaient initialement les capitaux suffisants pour construire une émancipation pérenne qui interroge le salariat, la famille et leur articulation conjointe : ce nest pas parce quelles deviennent mères que ces femmes deviennent indépendantes. Cest parce que le salariat les rejette ou quelles nen supportent plus les conditions de travail quelles créent un auto-emploi pour maintenir une face professionnelle et donc une identité légitime compte-tenu de leur positionnement social ; cest parce que la famille leur fournit, au moment de ce rejet, une plus grande sécurité et une source de gratifications tangibles que les protections offertes par le salariat en perdent de leur attractivité ; 120et cest parce que différentes facettes du genre se sédimentent tout au long de la constitution de cet auto-emploi quil ne relève plus que dun travail « à côté » (Weber, 1989) dune famille redevenue le principal capital de ces femmes.

Le cas des Mompreneurs auto-entrepreneures permet denvisager ce dispositif public au prisme du genre. Valorisé pour sa simplicité et son caractère démocratique, il constitue une opportunité professionnelle en trompe-lœil, sappuyant sur des solidarités privées qui masquent leffritement des mécanismes de protection collectifs. Si les femmes qui sen saisissent ici y trouvent une manière de maintenir une activité professionnelle et de sengager subjectivement dans le travail, elles travaillent principalement à temps partiel pour assumer la charge domestique du ménage à laquelle elles sont réassignées et en tirent des revenus qui constituent au mieux des revenus dappoint.

Portée par un cadre familial confortable mais quil sagit de ne pas déstabiliser, cette reconversion professionnelle sous le régime de lauto-entrepreneur ne bénéficie pas de la mobilisation familiale traditionnellement observée dans les structures indépendantes. Linfluence des rapports sociaux de sexe intervient à de multiples niveaux (transmission statutaire ou patrimoniale, choix des activités, organisation familiale) et entrave ainsi le plein exercice de cette activité professionnelle, son potentiel rémunérateur, protecteur et in fine émancipateur.

Cette forme dauto-emploi naggrave ainsi pas seulement les inégalités au sein des couples ; elle présente également un risque de précarisation et de déclassement dindividus qui, initialement, ne comptaient pas parmi les plus fragiles. Sous couvert de démocratisation de linitiative économique et de la responsabilité de soi, lauto-entrepreneuriat fabrique de nouvelles dépendances tout en brouillant les frontières entre activité et inactivité, travail et loisir, émancipation et subordination.

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1 Julie Landour est docteure, associée au Centre Georg Simmel (julielandour@msn.com).

2 La liste est loin dêtre exhaustive et ne met en avant que les travaux les plus récents.

3 Le no 13 de la revue Travail, genre et sociétés, et son dossier sur les « Patronnes », a également posé de premiers jalons sur lobjet en 2005.

4 En théorie, un auto-entrepreneur peut embaucher un salarié. En pratique, démarches et seuils de chiffre daffaires limitent les embauches, cest la raison pour laquelle la création dactivité sous le régime de lauto-entrepreneur est assimilée à un auto-emploi.

5 Selon la définition indigène recueillie sur le site Internet de lun des réseaux de Mompreneurs français : « Qui sont les Mompreneurs ? Véritable phénomène de société aux États-Unis avec plus de 7 millions de Mompreneurs, ces femmes qui créent leur entreprise après larrivée dun enfant sont de plus en plus nombreuses en France », http://www.mompreneurs.fr/, page consultée le 24/09/14. Si cest bien le terme dentreprise qui est mis en avant dans le travail de mise en identité de la catégorie, nous utilisons plutôt le terme dactivité, pour prendre en compte la part non négligeable de femmes auto-entrepreneures.

6 Selon lenquête quantitative menée dans le cadre de cette recherche doctorale (voir encadré méthodologique). Pour les autres Mompreneurs on observe une grande dispersion des statuts juridiques, même si les structures individuelles dominent : 15 % optent pour lEntreprise Unipersonnelle à Responsabilités Limitées et 6 % pour lEntrepreneur Individuel à Responsabilités Limitées, 12 % pour la Société Anonyme à Responsabilités Limitées, 5 % pour la Société par Actions Simplifiées, le reste se répartissant sur dautres formules.

7 Pour plus de détails, nous renvoyons à un article de présentation plus général (Landour, 2015b). Si cest bien avant tout ici celles qui créent une activité via le régime de lauto-entrepreneur qui nous intéressent ici (les MAE), nous pourrons parfois les comparer, en le signalant, avec les Mompreneurs qui ont recours à des statuts plus classiques. Plus généralement, pour nommer les auto-entreprises, plutôt que dentreprise, nous parlerons dactivité non salariée, indépendante, à son compte, ou encore dauto-emploi. Enfin, bien que le terme « entrepreneur » ne soit pas neutre, lobjet de cet article nest pas de lexaminer : aussi, si nous préférons les termes « indépendance » ou « auto-emploi », nous pourrons solliciter « entrepreneur » au cours du texte.

8 La variable statut utilisée dans nos développements est renseignée en cours de questionnaire ; il nest donc pas possible disoler le taux de retour des auto-entrepreneures.

9 En reprenant ici le terme tel quil est utilisé par les chercheur.e.s cité.e.s.

10 Sources : site Internet de lINSEE et plus particulièrement, http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/sys-info-nouvelles-entrep.htm et http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=sources/ope-enq-sine.htm, pages consultées le 20/11/11.

11 Voir notamment cette page du site de lInsee, consultée le 06/11/14 : http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?ref_id=ir-autoentr2010&page=irweb/autoentr2010.

12 La population active féminine comptait, en 2011, 17 % de membres des catégories supérieures (Source : Recensement de la population 2008, calculs de Margaret Maruani et Dominique Meron, 2012, p. 172).

13 Nous navons pas pu reconstruire cette information sur la population des auto-entrepreneurs.

14 Ce résultat est redoublé par lINSEE : 36 % des auto-entrepreneurs aurait une autre activité rémunérée (Barruel et al, 2014).

15 Dominique fait allusion au système des couveuses qui font partie du secteur professionnel de laccompagnement à la création dentreprise : ces structures offrent aux porteurs de projet un hébergement juridique et une offre daccompagnement pour tester les projets sur une durée dun an renouvelable deux fois.

16 Ce qui explique, notamment, que le concept dhabitus de Pierre Bourdieu nait pas été repris au sujet des MAE.

17 LAgence Pour la Création dEntreprises. https://www.apce.com/

18 Les écarts dans la formulation des questions ne permettent pas dopérer une comparaison fiable avec lensemble des auto-entrepreneurs.

19 Aide au rangement ou traiteur, les services proposés par Géraldine sadresse à une cible qui doit avoir les moyens de se payer ce type de prestations, et ne doit donc pas regrouper des personnes en difficultés.

20 On raisonne ici sur un temps plein à équivalent 35 heures. Ne sous-estimons pas par ailleurs dans ces réponses une part sans doute non négligeable de sur-déclaration.

21 Les charges ne peuvent pas être déduites dans le régime de lauto-entrepreneur, car les prélèvements se font sur le chiffre daffaires et non sur le bénéfice ou le revenu. Toutefois, cela nempêche pas de faire par ailleurs le calcul, ce quaucune des femmes rencontrées na semblé être en mesure de faire, la simple estimation du chiffre daffaires annuel étant difficile à établir pour elles.