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Classiques Garnier

Éditorial

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Éditorial

Ce numéro est le premier de Socio-économie du travail en tant que revue indépendante et diffusée sur un double support : papier et numérique. La revue Socio-économie du travail sinscrit dans le prolongement direct de la série AB de la revue Économies et Sociétés1, série successivement intitulée Économie du travail puis Socio-économie du travail. Elle sera diffusée en version papier comme numérique par Classiques Garnier et conserve le même comité de rédaction que la série et la même ligne éditoriale réaffirmée ci-dessous.

Socio-économie du travail se propose de contribuer aux renouvellements conceptuels et aux débats didées qui animent aujourdhui son champ scientifique. Ce champ est celui du Travail, au sens large du terme, incluant lEmploi et le Salaire, posture économique traditionnelle, mais également les conditions dexercice de lactivité de travail et les Relations Professionnelles. Dans la tradition de lISMEA et de son fondateur François Perroux, la revue Socio-économie du travail continuera à développer sur ce champ un positionnement déconomie appliquée que lon peut caractériser de la manière suivante : une ouverture aux débats théoriques et aux travaux empiriques, un dialogue indispensable entre les premiers et les seconds. Elle approfondira sa tradition douverture aux autres sciences du travail, considérant que le débat disciplinaire interne senrichit par le regard interdisciplinaire. Dans le champ du Travail tout particulièrement, parait simposer un regard transverse aux diverses disciplines académiques du champ.

Depuis les théories de la segmentation du marché du travail et les premiers développements orthodoxes des hypothèses dinformation imparfaite sur le marché du travail, théorie du job search ou de la discrimination par exemple, le débat théorique sest en effet considérablement 16renouvelé. On peut sans doute admettre avec Olivier Favereau, que laxe théorique central du « mainstream » orthodoxe sest aujourdhui déplacé de la catégorie « marchandise » à la catégorie « contrat », substituant à lhypothèse dune fonction centrale des prix de marché comme mode de coordination des agents économiques, celle du rôle des accords interindividuels et des règles encadrant la relation dautorité constitutive de lemploi au sein de la firme. De son côté, le positionnement théorique de la socio-économie du travail sest lui aussi transformé. Au contrat, elle préfère les catégories « règles », « institutions ». Elle développe, en particulier en France, un positionnement en quelque sorte « institutionnaliste », commun à ses divers courants. Ainsi, les théories des conventions ont insisté, en particulier dans le champ du Travail, sur la variété des stratégies dentreprise et des comportements économiques, qui sont loin dêtre réduits à un principe unique de rationalité, même limitée. Les théories de leffet sociétal ont éclairé et formalisé les relations unissant lentreprise et le milieu social au sein duquel elle sinsère. Les théories de la régulation ont fait prendre conscience dun enfermement de la socio-économie du travail dans la sphère du marché du travail et de lentreprise, et réintroduit la capacité explicative des transformations macro économiques et des institutions qui les régulent, dont naturellement celles du rapport salarial…

La revue Socio-économie du travail sera donc un lieu de débat entre les divers courants qui constituent aujourdhui lapproche économique des phénomènes du Travail et propose dalimenter ce débat par un dialogue interdisciplinaire. Linterdisciplinarité constituait précisément un axe fort sinon essentiel des premiers Labour Economics américains et des premiers travaux dÉconomie du Travail français des années 30 au milieu des années 70. Tous les positionnements hétérodoxes daujourdhui invitent et pratiquent toujours un dialogue interdisciplinaire très éloigné de la stricte disciplinarité du mainstream, qui se nourrit néanmoins, on ne peut lignorer, dincessants « emprunts » dapports disciplinaires variés, quil reconfigure à sa façon. Mais comment, pour ne prendre que ce seul exemple, traiter en France des Relations professionnelles dans une perspective strictement disciplinaire, alors que, à lopposé de la tradition anglo-saxonne des Industrial Relations, aucune discipline académique ne fait de cet objet le centre de ses préoccupations ?

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La disponibilité croissante de grandes bases de données est une chance pour le dialogue entre débats théoriques et travaux empiriques qui caractérisent la démarche déconomie appliquée. Cest dans leur capacité à dialoguer avec les différentes approches théoriques de la socio-économie du travail que les travaux empiriques statistiques ou économétriques seront appréciés.

La revue est ouverte à toute soumission spontanée en cohérence avec cette ligne éditoriale. Elle proposera également régulièrement des appels à contributions qui pourront donner lieu à des dossiers ou numéros spéciaux sur des thématiques ou problématiques que le comité de rédaction souhaite encourager. Si le français est la langue de référence, la revue pourra publier des contributions en anglais lorsque les auteurs ne sont pas francophones.

1 Économies et Sociétés qui était lune des deux revues académiques de lInstitut des Sciences Mathématiques et Économiques Appliquées (Isméa) a cessé ses parutions au dernier trimestre 2015 suite au dépôt de bilan de son éditeur « Les Presses de lIsméa ».