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Classiques Garnier

Préface

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Préface

Représenter lInde, pour le xviie siècle français, cest la recréer à partir des informations transmises par les voyageurs. Intrinsèquement liée au contexte politique et commercial, mais aussi à lart et à la culture antique, la littérature de voyage de la première modernité précise les traits dune Inde française. Cette étude, tournée vers le domaine littéraire, prend en compte linterdisciplinarité du sujet traité pour tenter de mieux souligner la complexité des problématiques abordées. La période considérée sétend des premiers voyageurs français à découvrir lInde jusquaux débuts de la fondation de Pondichéry en tant que principale base commerciale française. Centrée autour de la représentation de lAutre et de soi, cette étude sintéresse également à lécriture de limage, en tant que ce qui est donné à voir pour servir des enjeux commerciaux, religieux, politiques mais surtout littéraires des voyageurs. Il sagit alors de réfléchir sur les textes à partir de leur inscription dans la modernité cest-à-dire de leur matière transgénérique réactualisant limaginaire antique et prolongeant limaginaire oriental.

Afin de comprendre la mise en place de lindianité dans les textes sources de cette étude, plusieurs ouvrages critiques ont été porteurs. Les problématiques mises à jour par Sylvie Requemora-Gros et Sophie Linon-Chipon ont permis daborder les récits à partir de la fictionnnalisation de lécriture du voyage. Il est important de préciser que, dans ce sens, le Centre de recherche sur la Littérature des Voyages (CRLV, Sorbonne), fondé par François Moureau a été une ressource capitale grâce aux nombreuses conférences accessibles en ligne. La thèse de Sylvie Requemora-Gros, intitulée : Littérature et voyage au xviie siècle, ouvre dimportantes pistes détude concernant lanalyse des récits de voyageurs français en Inde au xviie siècle. Ses travaux sur lécriture du voyage, analysée à partir des interférences entre le récit de voyage, le roman, le théâtre et la poésie dévoilant les enjeux dun enrichissement mutuel des 12genres littéraires, les questions de la mise en espace et son examen des Turqueries, sont une source importante de réflexion pour notre étude. Plus particulièrement, en cherchant à comprendre ce qui caractérise la représentation de lOrient au xviie siècle, la thèse de Sophie Linon-Chipon Gallia orientalis. Voyages aux Indes orientales, 1529-1722. Poétique et imaginaire dun genre littéraire en formation, permet dentrer dans laire géographique orientale, en continuité de laquelle sinscrit cette étude. En effet, fondée sur une soixantaine de récits de voyage, son travail sintéresse à la tension narrative, caractéristique de ce genre littéraire qui alterne volonté dobjectivité et anecdotes digressives. Les travaux de Frédéric Tinguely sur la littérature de voyage des xve et xviie siècles ainsi que son intérêt pour une possible ou impossible interculturalité littéraire jouent également un rôle important dans notre réflexion1.En effet, le roman, pendant la période « baroque », tend à évoluer vers le réalisme en se détachant de limagination traditionnelle. Ainsi le genre des relations de voyage commence à se développer à partir des années 1650, en parallèle du genre romanesque. Jean-Michel Racault2 souligne dailleurs quà cette période, se déclenche la « crise de la fiction », où lintérêt pour le roman décline alors que celui pour la littérature de voyage sépanouit grandement. Pourtant, Jacques Chupeau, remarquant les interventions narratives des voyageurs, interroge les frontières entre ces deux genres3. Enfin, les recherches de Marie-Christine Pioffet concernant lécriture viatique et la cartographie de limaginaire ont été particulièrement structurantes et inspirantes. La dimension interdisciplinaire de cette étude nécessite également des connaissances historiques, géographiques et culturelles. Ainsi, spécialiste polyglotte de lInde du Sud aux xvie et xviie siècles, Sanjay Subrahmanyam veut rendre compte de ce quil appelle lHistoire connectée, en croisant diverses archives. Ses travaux, ainsi que ceux de Serge Gruzinski, qui sintéresse aux colonisations de 13lAmérique et de lAsie, nous ont permis daborder la mise en place des premiers mouvements et échanges entre lEurope et le reste du monde, particulièrement avec lInde. Par ailleurs, lintroduction de LInde des Lumières4 écrite par Marie Fourcade et Ines G. Županov permet de dresser un tour dhorizon critique concernant linfluence de lAsie du Sud sur la pensée européenne des Lumières et inversement. Sinscrivant à la suite des réflexions de Sylvia Murr, à laquelle louvrage rend hommage, les divers exposés croisent les analyses historiques et historiographiques afin de mettre au jour de nouvelles perspectives théoriques, incitant à linterdisciplinarité5. Enfin, le site French books on India, fondé par Ian Magedera est un véritable outil de travail qui recense les ouvrages français sintéressant à lInde durant la période allant de 1530 à 2016.Cependant, si lInde a été un objet de recherches passionnant pour la plupart des domaines des sciences humaines, il apparaît que la critique littéraire concernant la période pré-coloniale de la première modernité a négligé cette source dintérêt.

Cest grâce à un croisement interdisciplinaire des méthodes que seront mis en valeur les éléments constitutifs de la représentation indienne renouvelée et recréée par la littérature de voyage aux prémices de la modernité. Il sagit par cette étude de montrer que malgré lhétérogénéité des textes du corpus, un continuum littéraire se met en place, notamment à travers les interférences des différents genres et élabore le portrait de lhomo indianus. Les voyageurs divisent lespace indien en trois grands blocs religieux avec lobservation des tentatives de conversions à la chrétienté, la présence de lIslam notamment incarnée par les figures royales et ce quils nomment la gentilité des autochtones. Cest principalement dans ce dernier ensemble quils trouvent la nouveauté chère au lectorat français. Cette « gentilité » indienne est donc exploitée pour satisfaire les enjeux narratifs des récits de voyage mais le terme renvoyant à lhindouisme* est préféré dans cette étude. En effet, les voyageurs qui 14perçoivent la diversité cultuelle hindoue, tentent, à travers le prisme chrétien, de transposer luniformité religieuse propre à leurs croyances. Or, la littérature française semble commencer à puiser dans les ressources indiennes, alors transmises par les voyageurs, dès le xviie siècle. De cette manière, cest en contrepoint de létude de Guillaume Bridet6 quil sagit danalyser la naissance de lintérêt littéraire pour lInde, dans un contexte pré-colonial.

Au cours du xviie siècle, la tradition des merveilles indiennes influence la dynamique des mutations et des rencontres du monde connecté. La rencontre des voyageurs français avec ce nouvel ailleurs indien les conduit à reporter certaines des considérations apportées par leurs prédecesseurs antiques et médiévaux. Ainsi, le « monde hindou », incarné par un ensemble de personnages indiens prototypiques, est décrit selon un attrait viatique paradoxal entre fascination et horreur. Avec le système des castes, les voyageurs trouvent dans la société indienne un écho à leur volonté de classer et de hiérarchiser : à la manière de dramaturges, ils exposent ce quils comprennent comme étant les diverses catégories sociales. Pour ce faire, ils élaborent une série de personnages stéréotypés grâce à une mise en scène réductrice de lAutre. LHindou apparaît alors bien souvent immoral et pervers : il faut se méfier de la perfidie des hautes castes et de la ruse malintentionnée des basses. De leur côté, les femmes sont décrites comme des êtres doubles pouvant se montrer à la fois lubriques et naïves au point dhonorer le rite de satī, cest-à-dire leur immolation volontaire sur le bûcher de leur défunt mari. Portée par une théâtralisation du discours, lécriture du voyage en Inde repousse la voix de lAutre et naccorde souvent à la parole indienne quune place darrière-plan. Les frontières de lespace indien dessinent un décor sous les traits dun monde antipodique au sein duquel se confrontent les représentants du Paradis et de lEnfer chrétiens. Dun côté les voyageurs témoignent, au fil de leurs pérégrinations, des splendeurs commercialisables et des dangers liés à la présence portugaise qui conduit sur les routes infernales des prisons inquisitoriales.

LInde des récits de voyage français est également un espace dont les voyageurs recréent la cartographie à partir de leur imaginaire. Les 15personnages historiques indiens deviennent sous leurs plume les représentants souverains de royaumes supplantés par la présence française. Ainsi, les figures du Grand Moghol et de son ennemi Shivaji deviennent les parangons fictifs de la lutte française face à labsolutisme monarchique et face à linvasion musulmane. Grâce aux intrigues de cour et aux rebondissements épiques, la figure dAurangzeb émerge pour mieux être interrogée par François Bernier. Lobservation aiguisée du penseur libertin donne à son récit la dimension pamphlétaire dune critique du pouvoir français. A contrario, sous la plume des voyageurs, le personnage de Shivaji intervient pour incarner lopposition à la tyrannie moghole, donnant à la France un nouveau modèle narratif de héros national et combattant indirectement la menace ottomane. Cest finalement la figure française qui simpose avec lécriture du « je » représentant le voyageur qui détient les informations récoltées en Inde et les diffuse au lectorat français. Si cet aspect de la relation de voyage est présent tout au long de cette étude sous différents points danalyse, cest avec François Martin quil est examiné. En effet, par ses Mémoires, il met en place une écriture de lintime et propose un récit aux allures dintrigue policière qui le place progressivement au premier rang de la narration. Passant de personnage secondaire à protagoniste avisé, le voyageur révèle que le pouvoir se trouve là où se cache linformation.

Enfin, lécriture du voyage en Inde demande davoir une attention particulière pour le thème de lanimal. Alors quelles occupent une place privilégiée au sein du panthéon hindou, les bêtes deviennent un outil servant à la description de la population et de ses pratiques religieuses. Aborder la variété zoologique en vue de la classer permet alors aux voyageurs de révéler certains animaux, chers à la tradition hindoue, afin de mieux interroger la bestialité du peuple indien. Par le biais du bestiaire, ils présentent indirectement une partie des croyances religieuses de ceux quils observent. Plus globalement, les voyageurs français du xviie siècle, trouvent dans le récit de voyage un intermédiaire qui leur permet dintroduire la culture hindoue en France. La curiosité quils éveillent au sein du lectorat français incite les auteurs sédentaires à développer le motif indien dans leur travail de fictionnalisation. Le voyage en Inde simpose alors à travers la traduction de textes antiques mais aussi par la mise en récit de traductions fictives. LInde du Grand Siècle est aussi un espace exploité pour transposer des récits satiriques 16ou peut être sollicité en vue de réactualiser le souvenir dune gloire nationale éteinte. Quoiquil en soit, il est bien question de trouver son inspiration dans les curiosités indiennes en vue délaborer une intrigue franco-indienne. Le dernier chapitre de cette étude propose la juxtaposition de plusieurs vignettes fictionnelles caractéristiques de la situation littéraire du motif indien. Lobjectif de ce panel est de montrer linfluence de la littérature de voyage qui a favorisé la place grandissante de lInde au sein de lhistoire littéraire française et ce, dès le xviie siècle.

Divisée en trois parties et huit chapitres cette étude sintéresse principalement à la construction littéraire de lIndien qui devient, sous la plume des auteurs français, le représentant de la domination culturelle de lEurope sur les pays dOutre-mer. Il ne sagit pas de considérer ces représentations comme des images arbitrairement accolées aux Indiens par les Français. En effet, il faut prendre en compte la relation entre laccumulation dinformations recueillies par les voyageurs et la concision nécessaire à leurs retransmission textuelle pour le public sédentaire. Placée au centre de la vie mondaine et laïque, lAsie déclenche un engouement intellectuel à partir du milieu du xvie siècle. De fait, il devient central de traduire le monde indien à partir de collectes dobjets précieux mais aussi de textes authentiques. Toutefois, la diversité culturelle à laquelle les Européens se trouvèrent confrontés les conduisit à compléter les interprétations de certaines données en sappuyant sur les travaux de leurs prédécesseurs. Les récits de voyage en Inde donnent ainsi à leurs auteurs la possibilité damasser une quantité intéressante de nouvelles informations utiles à létablissement commercial français, tout en attisant la curiosité du public intellectuel mondain. Les voyageurs français peuvent alors, grâce à lécriture, associer leur nom au processus de représentation de lInde en Europe, amorcé au xvie siècle7. Comme la démontré Sanjay Subrahmanyam, « les deux sphères les plus importantes de la vie indienne représentées au début du xviiie siècle furent assurément celles relevant du “politique” et du “religieux”8. » Cest donc inspiré de cette analyse que le plan de notre étude a été construit. À ces deux pôles, nous ajoutons limagologie indienne mise en place par les voyageurs et leurs contemporains sédentaires. Dun 17côté, les voyageurs développent un bestiaire caractéristique du monde indien. Par ailleurs, lInde fournit à lécriture viatique un ensemble de figures typiques qui seront exploitées par les auteurs français. Il sagit en dernier lieu de sintéresser à cette réécriture du voyage par des écrivains qui ne connaissent de lInde que ce quils en ont lu.

Le choix du corpus viatique sur lequel se construit cette étude sétablit à partir de trois critères majeurs : la datation des voyages, tous effectués par voie maritime, leur itinéraire, faisant intervenir lInde au sein des Indes orientales dans leur ensemble et lauthenticité avérée des écrits étudiés. Partant du postulat que ces récits de voyage relèvent de la littérature9, un ensemble de questions problématiques apparaissent. En effet, les voyageurs français inspirés par leurs pairs antiques, semblent reprendre un ensemble de topoï littéraires, propres au genre du récit de voyage, en sappuyant sur un ensemble de préjugés perpétués de siècle en siècle. Ils élaborent des observations souvent teintées dune objectivité biaisée par leurs attentes et par limpératif de répondre à celles du public. Par ailleurs, les libertins tissent des récits généralement portés par un double discours, au centre duquel le voyageur, dans un état desprit cathartique oscille entre adhésion et opposition face à cet ailleurs lointain.

Le choix de la période qui séquence cette étude sattache à lavant Pondichéry en tant quétablissement français en Inde. Elle commence 18avec le voyage de Pyrard de Laval en 1601 et se clôture sur les Mémoires de François Martin rédigés entre 1665 et 1696. En effet, le découpage choisi obéit aux mouvements charnières de lHistoire des débuts de la présence française en Inde. Ce sont bien les travaux précurseurs de Pyrard de Laval et François Martin de Vitré qui raniment lintérêt de Henri IV pour le développement dune Compagnie des Indes. Inspiré du modèle hollandais, Richelieu relance lactivité française, commerciale et missionnaire, vers lAsie10. Alors que lInde française nexiste pas encore et que les voyageurs sont, pour la plupart, motivés par des intentions commerciales ou politique : ils participent à lappel de lInde, national et prometteur, tant du point de vue commercial que littéraire. Choisir darrêter la période détude au tout début du xviiie siècle, cest sadapter au tournant historique marqué par léclatement de lempire moghol en 1707 et la mort de François Martin, en 1706, suite à laquelle le développement de Pondichéry est fortement ralenti. Dun point de vue littéraire, on assiste à la volonté de valoriser le territoire indien tout en développant le portrait du Grand Moghol, perçu comme un tyran fanatique dont les ressorts absolutistes, inspirés du Moyen-Orient, sont bien connu du lecteur. Enfin, les principaux adversaires européens au xviie siècle sont incarnés par les Portugais, les Hollandais et les Anglais. Toutefois, le rôle de ces derniers nest pas encore central dans la rivalité contre la France qui ne souffrira de leur influence quà partir des années 1730.

Malgré leur part de fictionnalisation, tous les voyages étudiés sont reconnus authentiques au moment de leur parution et encore considérés comme tels par la critique moderne. Par ailleurs, la durée du séjour et la sensibilité du voyageur modifient souvent la conception que se fait ce dernier de lInde, tandis que certains thèmes, descriptifs ou narratifs, souvent repris au modèle antique, sont communs à tous les écrits viatiques. Étudier lécriture de laltérité, à partir dun ensemble de textes publiés durant tout le Grand siècle, met au jour les stratégies discursives développées par les auteurs français pour valoriser lespace indien. Ainsi, les merveilles indiennes stimulent à la fois les ambitions marchandes des commerçants mais elles comblent aussi les aspirations littéraires et idéologiques de leurs plus habiles observateurs.

1 Frédéric Tinguely, LÉcriture du Levant à la Renaissance. Enquête sur les voyageurs français dans lEmpire de Soliman le Magnifique, Genève : Droz, 2000. –, Le Fakir et le Taj Mahal. LInde au prisme des voyageurs français du xviie siècle, éd. Baconnière Arts / BGE, 2011. –, Le voyageur aux mille tours. Les ruses de lécriture du monde à la Renaissance, Paris, Honoré Champion, 2014. –, La Lecture complice. Culture libertine et geste critique, Genève, Droz, « Les seuils de la modernité », 2016.

2 Marie-Françoise Bosquet (dir.), Aux confins de lailleurs : Voyage, altérité, utopie, Hommages offerts au professeur Jean-Michel Racault, Paris, Klinckieck, 2006.

3 Jacques Chupeau, « Les Récits de voyage aux lisières du roman », Revue dhistoire littéraire de la France, vol. 77, no 3-4 (mai-août), p. 536-553.

4 Marie Fourcade, Ines G. Županov (dir.), LInde des Lumières. Discours, histoire, savoirs (xviie-xixe siècle), Paris, EHESS, coll. « Puruārtha », 2013.

5 « Leur approche à la plupart des historiens français empirique, positiviste des archives et des monuments a été et demeure assurément louable, mais elle sest limitée à la description et à un horizon dinterprétation très étroit. Le refus de linterdisciplinarité les a également coupés dune plus grande communauté intellectuelle de lecteurs qui, lorsquils ont utilisé leur travail lont traité comme une sorte de monument dantiquité. », Marie Fourcade, Ines Županov (dir.), LInde des Lumière, Ibid., p. 18.

6 Guillaume Bridet, LÉvénement indien de la littérature française, ELLUG, coll. « Vers lOrient », 2015.

7 Sanjay Subrahmanyam, LInde sous les yeux de lEurope. Mots, Peuples, Empires, Paris, Alma Éditeur, 2018, p. 42.

8 Ibid., p. 63.

9 « Les années 1660 marquent la promotion de la littérature des voyages “au rang dune littérature de masse” du public cultivé ». (Sylvie Requemora-Gros, « Lespace dans la littérature de voyages », Études littéraires, 341-2, 2002, p. 249) Ainsi, bien quétant considérés comme des ouvrages de documentation et dinformation durant la période du xvie au xviiie siècle, les récits de voyage intéressent la critique littéraire depuis la fin des années 1970. En effet, le voyage sécrit suivant deux pôles : le récit réel narrant lexpérience authentique du voyageur ou le récit imaginaire dont le voyage devient un thème littéraire. Dans le premier cas, le récit se définit grâce à un voyageur-référent véritable qui est contraint de reproduire le monde tel quil est pour en transmettre les informations à son lectorat. Cest dans cet effort didactique que se développe le récit de voyage authentique : « il inscrit donc en littérature le refus même de la littérature, en proclamant la primauté de lexpérience et de la vérité sur limaginaition et ses fictions. » (Pierre Rajotte, « Aux frontières du littéraire : récits de voyageurs canadiens-français au xixe siècle », Voix et Images 193, 1994, p. 548.) Cependant, étant donné que les intentions des voyageurs-auteurs sont particulières à chacun dentre eux, leur travail décriture met au jour une poétique caractéristique de la littérature de voyage. Ainsi, définissant cette dernière comme une littérature hybride, empreinte dinterférences littaires, Sylvie Requemora-Gros propose notamment « détudier lart décrire le voyage, cest-à-dire danalyser les procédés littéraires servant à exprimer le voyage, du point de vue des genres et de leurs structures. », Voguer vers la modernité. Le voyage à travers les genres au xviie siècle, Paris, Presses de lUniversité Paris-Sorbonne, 2012, p. 33.

10 Claude Markovits (dir.), Histoire de lInde moderne, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1994, p. 172.