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Classiques Garnier

[Épigraphe]

  • Publication type: Book chapter
  • Book: Œuvres. Tome V. La Première Maîtresse
  • Pages: 41 to 42
  • Collection: Nineteenth-Century Library, n° 100
  • CLIL theme: 3440 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- XIXe siècle
  • EAN: 9782406133049
  • ISBN: 978-2-406-13304-9
  • ISSN: 2258-8825
  • DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-13304-9.p.0041
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 08-24-2022
  • Language: French
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Si tu as en toi lune de ces forces suprêmes, Génie, Orgueil, Vertu, qui triomphent de tout, et accomplissent fatalement leurs destinées,

Sois lamant de cent femmes ou lépoux dune seule, nimporte, aucun danger : tu es le mage auquel obéit lenfer.

Si tu un brave homme, pareil aux autres braves gens, sans grandeur ni bassesse, sans bons ni mauvais rêves, modéré, paisible, satisfait dêtre ainsi,

Fais la noce, marie-toi, engendre, et veuf, remarie-toi, à moins que ta servante ne soit jeune et grasse ; tu mourras honoré et honorable, pleuré des tiens.

Mais si tu es lun de ces êtres intermédiaires, nayant ni le suprême génie ni le sens commun, ni le serein orgueil, ni lacceptation béate de linfériorité, ni la parfaite vertu ni lhonnêteté banale ; si tu es lun de ces artistes modernes, incertains, tourmentés, bizarres, qui peuvent sélever, qui peuvent tomber, dépendants des circonstances,

Redoute la femme.

Car la femme est la cause la plus active des énervements de la volonté, des déviations de la pensée, des abandonnements de la conscience, des vraies fonctions non remplies, du but non atteint, et, finalement, du mécontentement de soi-même, qui est la pire des angoisses.

Et, entre tous les baisers, crains le Premier Baiser,

Car voici ce qui est arrivé, mille ans après sa mort, au roi Psamétik1. Des violateurs de sépultures le tirèrent, momie, hors de sa gaine rompue, dans le sable, sous la lune ; et, à cause des 42puissants aromates, le corps ne sétait point dissous ; partout intact2, hors en un point du cou, qui était une plaie grouillante de vers, et doù sortait une petite flamme de pourriture. les sacrilèges crurent quil avait été mal embaumé, quon avait négligé de momifier cette partie du cadavre. Mais non, cétait que, là, dans le cou, le roi Psamétik, vivant, jeune, encore ignorant des caresses de la femme, avait été baisé par une courtisane appelée Rhodope3, qui était venue de Grèce, et qui riait.

Quoi ! Vivrai-je seul et chaste ? Chaste, efforce-toi de lêtre ; sois seul, du moins, ou indifférent, – ce qui est presque la même chose, – si tu veux te développer, selon ton devoir, dans le sens normal de tes facultés.

Mais la solitude ou lindifférence, cest lEnnui ?

Crois-tu donc que la joie existe ? Dailleurs, choisis4.

1 Psammétique est la transcription courante de ce nom ayant appartenu à trois rois égyptiens de la XXVIe dynastie (viie et vie siècles avant notre ère).

2 Partout il était intact (V).

3 Rhodope la courtisane est lhéroïne dune comédie posthume de Banville, Ésope (1893).

4 Dans Le Voltaire, on peut lire à la ligne suivante : « (LEcclésiaste commenté.) » Dans ce prologue, Mendès fait mine demprunter le ton du texte biblique, dans lequel on ne retrouve pourtant aucune diatribe contre les femmes. Comme à son habitude, il se joue des références.