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Classiques Garnier

Table des matières anlytique

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Les Rencontres d’Apollon et Saturne
  • Pages : 967 à 988
  • Collection : Lire le xviie siècle, n° 17
  • Série : Voix poétiques, n° 3
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782812440380
  • ISBN : 978-2-8124-4038-0
  • ISSN : 2257-915X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4038-0.p.0967
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 09/11/2012
  • Langue : Français
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TABLE DES MATIÈRES ANALYTIQUE

PRÉFACE

Le Parnasse de Saturne 11

INTRODUCTION GÉNÉRALE 19

PREMIÈRE PARTIE

POÉTIQUE DE LA RÊVERIE

INTRODUCTION 35

La « rêverie » mélancolique apparaît comme le mode d’appréhension du monde qui gouverne la poésie du premier xviie siècle et préside à l’élection de ses thèmes majeurs. Elle détermine une poétique et permet de cerner l’essence même de cette poésie.

DE LA MÉLANCOLIE À LA FURIE 39

De la crainte et de la tristesse à la rage et à la furie : les oscillations de la lyre mélancolique. – La mélancolie et la manie, deux états d’un même mal variant en intensité.

Les états de la mélancolie 42

Ambivalence et unité duelle de la mélancolie.

La langueur 44

La langueur recouvre des symptômes à la fois psychiques et corporels. Elle témoigne du rôle des passions, causes de troubles organiques. – La physiognomonie et la physiologie médicales déterminent une topique de la langueur. – Le code lyrique du premier xviie siècle établit une correspondance entre la physionomie et la psychologie triste et craintive du mélancolique. – Le pas tardif, effet d’une contemplation excessive. – La pesanteur mélancolique. – Le motif de la tête penchée. – Le topos de la mélancolie au miroir des eaux.

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La fureur 56

La manie, délire sans fièvre avec rage et furie. – Différences et affinités de la manie et de la mélancolie. – La manie, forme paroxystique de la mélancolie. – Un quatuor de chantres furieux : Béroalde, d’Aubigné, Birague et Nuysement. – La topique de la fureur noire, expression des extrêmes effets de la mélancolie : désir de carnage et pulsion de mort.

Rhétorique de la mélancolie 67

Deux modèles rhétoriques et stylistiques traduisent poétiquement l’ambivalence de la mélancolie : le discours languissant et le discours furieux.

Les voix de la mélancolie 68

Deux voix trahissent l’affection atrabilaire du sujet lyrique : les « piteux accents » du poète languissant et la « voix brusque et forte » du chantre furieux. – La voix est le miroir des passions : les traités de rhétorique du xviie siècle proposent une sémiotique naturelle de la parole faisant correspondre à chaque sentiment un accent particulier. – La voix, indice de tempérament et de maladie d’après les traités de médecine de l’âge baroque qui développent une physiologie et une pathologie de la parole. – En figurant tantôt la tristesse, tantôt la furie, le lyrisme mélancolique recourt à une rhétorique de la diversité : le poète doit varier son style selon les sentiments qu’il exprime. Cette mimèsis des passions apparente le discours poétique au discours dramatique. – Stylistique de la fureur et de la langueur.

Discours tragique, discours élégiaque :
les modulations de la plainte mélancolique 82

Le registre tragique sert d’expression à la fureur maniaque, tandis que le registre élégiaque convient à la langueur mélancolique. – L’élégie est par excellence la « Muse mélancolique » de l’âge baroque : pour La Mesnardière, le « caractère élégiaque » définit une tonalité de discours plus qu’un genre poétique précis. – Par les registres antithétiques qu’il met en œuvre, le discours mélancolique témoigne des tendances esthétiques qui traversent la production poétique du premier xviie siècle : si la rage tragique ressortit au baroque, la langueur élégiaque relève du maniérisme.

LA SOLITUDE, LOCUS MELANCHOLICUS 95

La solitude, un thème particulièrement en vogue dans la poésie lyrique du premier xviie siècle où le paysage se voit doté d’une signification affective et morale. – Poésie de la nature et symptomatologie mélancolique : la phuganthropie de l’atrabilaire alimente le goût des lieux

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solitaires et place sous le signe de Saturne l’imaginaire de la retraite qui sous-tend la lyrique baroque.

Solo e pensoso : le goût de la retraite   97

L’autoportrait du « je » lyrique « solitaire et pensif » s’origine dans une double tradition littéraire et savante, pétrarquiste et médico-philosophique. D’inspiration pétrarquisante, la poésie de l’âge baroque diffuse un imaginaire qui associe indéfectiblement solitude et mélancolie.

Solitude et psychopathologie mélancolique   98

Le goût de la solitude, un symptôme ancien de mélancolie inséparable des affects de crainte et de tristesse : l’atrabilaire recherche les lieux déserts afin de se consacrer entièrement à son mal. – L’exemple légendaire de Bellérophon : au chant vi de L’Iliade, Homère nous offre une image emblématique de la solitude mélancolique. – Importance du silence dans la retraite mélancolique : la tranquillité des déserts répond à la taciturnité du malade répugnant à toute conversation. – La représentation allégorique des « Quatre complexions de l’homme » dans l’Iconologie de Cesare Ripa insiste sur le naturel solitaire et silencieux des mélancoliques. – La poésie baroque déploie l’« ombre de Démocrite » (J. Pigeaud). – Le caractère farouche et sauvage du mélancolique ; sa tendance à la misanthropie. – Les liens de la solitude avec la mélancolie se trouvent confirmés par le traitement moral de la maladie : exhortations à fuir la solitude. – L’exaltation lyrique des charmes de la solitude ne doit pas masquer l’offensive antimélancolique de la première moitié du xviie siècle : le solitaire, assimilé à l’atrabilaire, est le contre-modèle de l’honnête homme.

Solitude sacrée, solitude profane : la figure de l’ermite 115

L’érémitisme, un symptôme traditionnel du mal noir. – La figure de l’anachorète dans la lyrique religieuse baroque indique que la poésie sacrée est fécondée par des « Muses solitaires et champêres » (Gody). – La topique de l’ermitage amoureux transpose la thématique religieuse en domaine profane : assimilation de la figure de l’ermite à celle de l’amant malheureux et contamination du thème de la pénitence par la poésie néo-pétrarquiste.

Un tableau de la mélancolie : le paysage maladif 128

Du sentiment de la nature à la création d’un décor symbolique : l’âge baroque marque l’avènement du « paysage maladif », emblème du mal noir.

La sympathie avec la nature 129

L’appel lyique à la sympathie de la nature, un topos ancien hérité de l’Antiquité et de la Renaissance. – Les poèmes invocatifs érigent

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les lieux solitaires en fidèles secrétaires des ennuis qui tourmentent le mélancolique. – Le thème de la discrétion amoureuse est mis au service de l’èthos de sincérité de l’amant. – La confidence à la nature sert de compensation au silence infligé par une Belle inhumaine. – Le motif de la compassion de la nature ; contraste de la pitié du décor avec la froide indifférence de la femme aimée.

Le décor, emblème du corps 140

Dans la poésie du premier xviie siècle, le paysage est conçu selon un code emblématique comme une allégorie de la mélancolie. – L’époque baroque marque l’avènement d’une nouvelle stylisation du paysage qui se développe à travers le topos de la solitude sauvage, miroir de la mélancolie du « je » lyrique. – Le traitement moral de la maladie, qui préconise la fréquentation de lieux plaisants et agréables, confirme a contrario l’inclination des mélancoliques pour les lieux hostiles et effrayants. – La promotion esthétique du locus terribilis, sorte de locus amoenus à rebours, est révélatrice d’une nouvelle sensibilité nourrie par l’imaginaire du mal noir.

Le sombre 148

L’âge baroque oppose à l’imaginaire diurne de la Renaissance un imaginaire nocturne qui revêt une signification médicale : de nombreux poèmes associent plus ou moins explicitement l’évocation de la nuit à l’expression de la mélancolie du « je » lyrique. – Dans la tradition médico-philosophique, le goût des lieux sombres est un symptôme de mélancolie. Cet attrait de l’obscurité est attribué par les théoriciens à la couleur de la bile noire. – Contamination de la poésie pastorale par l’imaginaire sombre de la mélancolie : les modifications du décor bucolique, ordonné au modèle du paysage maladif.

Le funèbre 157

Le paysage maladif traduit l’obsession de la mort. Le mélancolique s’enchante d’un lieu qui lui « donne pour plaisir l’image de la mort » (A. d’Aubigné). – L’attrait mélancolique des tombeaux et le topos de la solitude sépulcrale. – La topique du paysage funèbre relève du paradoxe de l’horreur agréable qui exprime la morbidité des mélancoliques : le décor sinistre obéit à un principe de subjectivation. – L’univers infernal, enrichissement du modèle de la solitude funèbre, est une composante originale du paysage maladif.

IMAGINATIO PHANTASTICA 171

Définition de l’imagination d’après la « Digression sur l’anatomie de l’âme » de R. Burton. – Sa double fonction. – Différence de la faculté imaginative chez l’homme et l’animal. – La force de l’imagination, symptôme de mélancolie. – Un thème poétique particulièrement en vogue

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à l’époque baroque : les visions diurnes et nocturnes. Hallucinations et cauchemars déterminent un lyrisme « fantastique » qui trahit l’action imageante de la fantaisie mélancolique.

D’« étranges fantaisies » 176

Le motif poétique des visions étranges est inséparable d’une étiologie médicale qui impute à la mélancolie le délire du sujet lyrique. Le fantastique tient à une déformation systématique du réel par le « miroir obscur » (J. Guibelet) de l’esprit mélancolique.

L’imagination, puissance de métamorphose 178

Une topique au croisement des poétiques baroque et maniériste : les imaginations mélancoliques s’accordent à la vision d’un monde où triomphe l’apparence et où se confondent réalité et illusion. – Un lieu commun de la vulgate médicale depuis l’Antiquité : la compilation des bizarres appréhensions des mélancoliques. – Ut pictura poesis : les fantasques imaginations des mélancoliques se prêtent à une transposition poétique d’ordre pictural, le discours lyrique dépeignant les fantômes de la fantaisie troublée. – Le lyrisme fantastique rend compte d’une vision déformante car la mélancolie se marque par « une irrésistible aversion à l’égard du réel » (A. Chastel). – L’« inversion métaphorique » (G. Genette) s’inscrit dans une rhétorique de l’opposition qui traduit stylistiquement l’action dissolvante de l’imagination blessée. – Le phénomène de néantisation du réel marque considérablement le lyrisme fantastique de l’ère baroque. Il intervient notamment dans la poésie de la nature où il détermine la progression du poème du réel à l’imaginaire.

Atra phantasia : un fantastique ténébreux 194

La tristesse et la crainte à la fois causes et effets des visions mélancoliques. Ces deux passions sont indissociables des hallucinations funèbres et démoniaques que retranscrit la poésie du premier xviie siècle. – Le « style funeste » (Saint-Amant) des auteurs de visions mélancoliques. – Au début du xviie siècle, l’étiologie des visions associe à une psychologie des passions une physiologie de l’humeur noire : les médecins attribuent la crainte et la tristesse à la noirceur des esprits obscurcis par les vapeurs d’atrabile. Cette double causalité inspire aux poètes un lyrisme marqué par un fantastique ténébreux. – Le topos du monde renversé, expression d’une vision d’horreur : l’hallucination chaotique est au service d’une « mélancolie cosmique » (C.-G. Dubois).

Tristia somnia 206

Les « songes effroyables », un symptôme ordinaire de mélancolie qui enrichit le lyrisme fantastique de l’âge baroque d’un imaginaire onirique inquiétant. – Fécondité des « rêveries du dormir » (P. Le Loyer) mélancoliques qui fascinent les poètes.

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Le songe corps et âme 209

Influence de la médecine du songe sur le lyrisme onirique du premier xviie siècle qui se réfère à l’étiologie savante des rêves. – Union syncrétique des causalités psychique et somatique du songe dans les traités savants. – Le « Discours des Songes » de J. Auvray, poème didactique et scientifique. – L’union de la lyre et de la science dans les récits oniriques. – L’étiologie naturelle des rêves d’après la doctrine des quatre humeurs ; le modèle du songe mélancolique féconde la poésie onirique de l’âge baroque. – L’influence de la doctrine onirologique sur la production lyrique se manifeste exemplairement dans le diptyque que forment le poème des « Plaintes d’Acante » et ses « Annotations ».

Ut pictura somnium 218

Le poète fantastique se livre à une mimèsis picturale en représentant les visions du rêveur mélancolique. – Le thème du « songe ennemi » se développe en relation avec la symptomatologie mélancolique. – Le lyrisme onirique du premier xviie siècle est sous-tendu par une psychophysiologie du cauchemar mise au service d’un effet d’« inquiétante étrangeté » (S. Freud). – Le songe mélancolique dans la taxinomie des rêves à l’âge baroque ; rapport établi entre l’humeur noire et la nature des images oniriques. – L’onirologie mélancolique nourrit la poésie fantastique du premier xviie siècle d’un imaginaire funèbre et infernal. – D’une rhétorique de l’enargeia : rentabilité de l’hypotypose dans le genre poétique fantastique ; par ce moyen, le poète reproduit l’évidence de la vision onirique.

CONCLUSION 233

DEUXIÈME PARTIE

SPLENDEURS ET MISÈRES
DE L’AMOUR NOIR

INTRODUCTION 237

Affinités d’une poétique de l’outrance avec une pathologie de l’« amour violente » (A. Du Laurens). – Fécondité et dualité du modèle de l’atrabilaire amoureux dans la poésie du premier xviie siècle, où il est à la fois célébré et tourné en ridicule. – Le néo-pétrarquisme, une vision de l’amour malade entre baroque et maniérisme.

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LA MALADIE D’AMOUR 247

La mélancolie amoureuse, maladie de l’âme et du corps conjoints qui donne à la lyrique néo-pétrarquiste sa composante doloriste et pessimiste.

L’« amoureux martyre » : consécration
et contestation d’un modèle 249

Les souffrances de l’amant, un thème d’élection de la lyrique néo-pétrarquiste dont le traitement relève de la « dépense maniériste » (R. Melançon) propre à la poésie du premier xviie siècle. – La rhétorique hyperbolique des auteurs témoigne d’une vision noire d’Éros assimilant pleinement l’amour à une espèce de mélancolie. – Le thème de l’Enfer d’Amour correspond à une conception redoutable de l’amour-supplice que les poètes partagent avec les spécialistes de la mélancolie érotique. – La vogue des poèmes « sur les misères d’Amour » et les sonnets d’infinitifs. Signification de la structure énumérative. – Le topos de l’exemplarité de l’amant, caractéristique d’un lyrisme de la véhémence. – Le courant antipétrarquiste, signe majeur de l’« impetus antimélancolique » (M. Fumaroli) qui marque la première moitié du xviie siècle. – Comment la poésie satirique démystifie l’amour mélancolique. – Essor du réalisme sentimental qui soustrait l’amant au martyre mélancolique ; il oppose une esthétique de la douceur à une esthétique de la fureur.

Généalogie de l’amour : origine et progression du mal 274

Traitement du thème à travers le motif de l’innamoramento, topos traditionnel hérité de la Renaissance. – Le modèle ficinien de la contagion oculaire et son intégration à la doctrine de la médecine érotique au début du xviie siècle. – En poésie, la première vision de l’aimée et la transformation de l’amant trahit une conception physiologique de la passion. – Coup de foudre et choc visuel : le rôle du regard, source de nombreuses variations. – Le traitement tragique d’un thème conventionnel est significatif du lyrisme de l’« Amour noir » (A.-M. Schmidt) propre à la période baroque.

Remedia amoris : un mal incurable ? 287

De l’Éros à l’Anteros baroques, le thème de la guérison d’amour révèle l’influence de la doctrine du mal noir sur la production poétique.

Le pessimisme de la lyre néo-pétrarquiste 287

Le topos lyrique de l’incurabilité de la mélancolie amoureuse trahit le pessimisme de l’érotique néo-pétrarquiste. – Le sonnet d’invocation au médecin, une forme-sens qui permet de dénoncer l’inefficacité des remèdes. – Le motif de la maladie rebelle à tout traitement. – Critique par les poètes des moyens psychothérapeutiques : l’éloignement est vain.

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– Les méfaits de la solitude, reconnus aussi bien par les poètes que par les médecins. – Inutilité des bons conseils et de la persuasion. – La mélancolie enracinée, déclarée inguérissable par les médecins, sert de caution scientifique au discours poétique. – L’hostilité du malade, principal obstacle à l’efficacité du traitement d’après les médecins. Comment le néo-pétrarquisme met en scène la figure de l’amant rebelle à toute médecine. – L’amour de la Belle, un sûr moyen de guérison de l’avis des médecins comme des poètes.

Les facéties des Muses gaillardes 311

Le traitement burlesque et parodique du thème traditionnel des remèdes d’amour par les poètes du Parnasse satyrique. Le rire, arme contre l’humeur noire. – Un topos de la poésie bachique : la louange du vin, puissant antidote contre la mélancolie érotique. – D’une adoration à l’autre, fortune du motif palinodique : comment le culte de la bouteille se substitue à l’idolâtrie de la femme aimée. – Les remèdes de la « Muse lascive » (M. Jeanneret) ; gaillardises antipétrarquistes et antimélancoliques qui détournent le thème de la guérison d’amour dans un registre allant de la grivoiserie à la pornographie.

L’ÂME EN PEINE 325

La mélancolie amoureuse, une maladie de l’âme. – Une passion multiple : diversité des troubles de l’esprit amoureux. – Une affection paradoxale qui cause des perturbations contradictoires. – Deux symptômes psychiques majeurs : la crainte et la tristesse. – Le lyrisme néo-pétrarquiste se fonde sur la psychopathologie mélancolique pour exprimer des affects sombres et négatifs.

La tristesse 328

La tristesse, passion mélancolique qui rencontre le masochisme de l’amant néo-pétrarquiste. – L’absence et le printemps, deux thèmes caractéristiques de la topique littéraire de l’éros mélancolique.

La nuit de l’absence 330

Le mal de l’absence, symptôme de mélancolie amoureuse pour les médecins comme pour les poètes. – La nuit, métaphore privilégiée pour désigner l’absence de l’aimée et la tristesse qui en découle. Signification médicale de l’image.

Le printemps d’amour 335

Le printemps, saison de la mélancolie dans la lyrique néo-pétrarquiste. – La mélancolie et la théorie médicale des saisons du corps au début du xviie siècle. – Isolement du malade d’amour étranger aux beautés de la nature printanière. – Hostilité de l’amant furieux

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au printemps, saison tempérée ; sa prédilection pour les inégalités de l’automne, saison déréglée. – Opposition du cadre printanier à l’hiver mental de l’amant malheureux. – Chargée de connotations affectives contradictoires, l’évocation du printemps dépend de la présence et de l’absence de la femme aimée.

L’obsession 346

L’obsession amoureuse ou fixation constante sur l’image de l’aimée, un symptôme de mélancolie érotique au centre de la lyrique néo-pétrarquiste. – L’énumération des beautés de l’aimée, thème poétique traditionnel qui assimile l’amour au délire monomaniaque des mélancoliques. – Un motif caractéristique de l’esthétique maniériste et de son érotique narcissique. – Solitude et contemplation excessive. – La méditation passionnée, remède contre le mal de l’absence. – Puissance de l’imagination amoureuse ; liens entre érotomanie et hypocondrie. – L’extase amoureuse, forme extrême de la cogitation passionnelle. – De la rêverie diurne à la contemplation nocturne : le rêve érotique et le « songe de la jouissance », topos néo-pétrarquiste.

Les veilles et les songes 366

Le motif de la mauvaise nuit, vaste thématique par laquelle le néo-pétrarquisme souscrit à l’érotique mélancolique. – Le parallèle jour / nuit et l’inquiétude continuelle de l’amant. – Les affres de la nuit. – Étiologie des insomnies qui bourrellent l’atrabilaire amoureux. – Les veilles, topos lyrique de la poésie du premier xviie siècle. – Antithèse entre l’amant insomniaque et la Belle endormie. – Le penser obsédant, cause des pénibles veilles. – Le topos du songe déceveur. – Les cauchemars qui effraient le malade d’amour, thème fécond de la poésie néo-pétrarquiste. – La jalousie, cause d’insomnies et de songes épouvantables.

La jalousie 385

La jalousie, « variante de la mélancolie amoureuse » (R. Burton). – Pour le poète néo-pétrarquiste, la jalousie est le signe d’une passion ardente et véritable. – Absence et jalousie, deux thèmes entrelacés par la Muse zélotipique. – Déplorations pastorales sur l’inconstance féminine. – La jalousie, forme pathologique d’amour assimilée par les poètes à la mélancolie. – Différence de l’amour et de la jalousie dans la poésie sentencieuse et les traités des passions ; une réflexion qui alimente aussi la lyrique néo-pétrarquiste. – Description du fléau de la jalousie, redoutable passion qui fait l’objet de personnifications effrayantes sous les traits d’une vieille Harpie. – La jalousie, « mal fantastique » (J. Ferrand) de type mélancolique. – Jalousie et satire des mœurs conjugales chez les poètes normands. – Le jaloux mélancolique, personnage conventionnel des satires misogynes d’inspiration juvénalienne qui associent les thèmes de la jalousie et du cocuage.

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LE VISAGE LANGUISSANT 409

Les signes corporels, compagnons des symptômes psychiques. – La passion trahie par le langage du corps. – Expressivité du visage transformé par la langueur et les pleurs. Elle signale l’interdépendance du physique et du psychique.

La pâleur 412

Le teint blême, élément essentiel du portrait de l’amoureux dans la lyrique néo-pétrarquiste. – Signification médicale de la couleur pâle. Les textes poétiques reprennent l’étiologie savante qui attribue la pâleur à une méditation excessive. – Comment l’interprétation psychophysiologique supplante l’explication traditionnelle des couleurs par les humeurs. – Le teint pâle, présage funeste.

Les pleurs 419

Définition des pleurs, un symptôme de mélancolie multiple et varié. Différence d’avec les larmes. – Le motif des pleurs mis au service du pathétique de la plainte amoureuse et du registre élégiaque propre à la « Muse mélancolique » (H. de La Mesnardière). – Deux circonstances qui font verser des larmes à l’atrabilaire amoureux : les dédains et l’absence de l’aimée. Si l’humeur noire est par nature contraire aux larmes, les affects mélancoliques de tristesse et de crainte sont en revanche réputés causer les pleurs. – Les larmes amoureuses relèvent des pleurs volontaires engendrés par les passions. – Les larmes d’amour, un motif privilégié de l’érotique néo-pétrarquiste. En quoi elles jouent un rôle expressif, en formant un langage de l’âme par la voie du corps. – Fonction purgative des larmes cautionnée par les médecins du xviie siècle. Un remède fallacieux dénoncé par les savants et les poètes. – Comme les larmes, les soupirs n’apportent qu’un soulagement illusoire au mal d’amour. – La cause des soupirs est rapportée par les spécialistes de la mélancolie érotique à l’intense méditation de l’amant sur le portrait de l’aimée. Comment le discours médical informe le motif de « cette véhémente exhalation » (M. Equicola).

MYTHES DE L’ÉROS MALADE 437

Utilisation rhétorique des mythes à l’âge baroque qui est marqué par une véritable « crise de foi » (G. Mathieu-Castellani). – Le succès des Métamorphoses d’Ovide dans la poésie du début du xviie siècle. – Trois fables de l’éros mélancolique : Écho, Narcisse et Clytie sont les figures emblématiques de l’« Amour noir ».

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Poétique du mythe : les métamorphoses d’Éros 439

Rencontre du thème de la métamorphose avec le modèle protéiforme de la mélancolie qui voue l’amant au change perpétuel.

Sous le signe de Protée 440

Ovide et le goût baroque de la métamorphose. – La passion amoureuse, expérience du perpetuum mobile dans la poésie du premier xviie siècle. – Comme l’érotique néo-pétrarquiste, l’amour mélancolique est placé sous le signe de Protée et de l’inconstance.

Pour un Narcisse 445

Fiction mythologique et vision maniériste de l’amour : le traitement des mythes témoigne d’une régression narcissique vers l’ego de l’amant-poète. – Fiction fabuleuse, rêverie mélancolique et mythification du sujet lyrique : la Fable antique est mise au service de l’affabulation de l’atrabilaire amoureux qui se rêve toujours autre.

Un trio légendaire d’atrabilaires amoureux :
Écho, Narcisse et Clytie 451

Ovide, chantre de l’« Amour noir » et des curieux effets de la mélancolie érotique. – Vérité scientifique des fables poétiques. – Légende ovidienne et psychophysiologie mélancolique : les héros fabuleux peuvent être envisagés comme des « cas médicaux » exemplaires des troubles qu’engendre une affection morbide.

Le deuil triste et craintif 452

Le motif mythologique du chagrin d’amour vécu par les héros des Métamorphoses offre une illustration poétique au discours médical qui fait des dédains une cause de mélancolie érotique. – Écho et Clytie, deux nymphes rendues mélancoliques par le refus de l’aimé. – Cruelle douleur de Narcisse condamné à un amour impossible.

La pensée amoureuse 458

Les héros ovidiens ont chacun été en proie à la cogitatio immoderata qui ronge les atrabilaires amoureux. – Écho, symbole d’idolâtrie amoureuse. – Narcisse passionnément épris de son image. – La fixation de Clytie sur les divines perfections d’Apollon.

Les symptômes corporels :
maigreur, pâleur et langueur 465

Les Métamorphoses d’Ovide sont sous-tendues par une physiologie de l’amour qui prête à ses héros tous les symptômes corporels de la mélancolie. – Fables de la métamorphose, les trois légendes offrent une représentation allégorique de l’amaigrissement et du dépérissement engendrés

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par le mal d’amour. – Par sa transformation en souci, Clytie incarne la pâleur qui affecte le visage des amants mélancoliques. – Narcisse, emblème de langueur amoureuse ; le symbolisme funèbre de l’eau-miroir.

CONCLUSION 475

TROISIÈME PARTIE

DE LA DAMNATION À LA RÉDEMPTION :
DESTINS DE L’ATRABILAIRE RELIGIEUX

INTRODUCTION 479

La lyrique religieuse du premier xviie siècle reflète l’angoisse métaphysique qui tourmente l’homme baroque ; elle trouve dans le modèle éthique et médical de la mélancolie la source d’un riche imaginaire spirituel pour exprimer une mentalité collective. – Le concept de mélancolie religieuse, alors théorisé par T. Bright et R. Burton, marque une étape essentielle dans l’histoire du mal noir et de son interprétation théologique : il se substitue à la notion médiévale d’acedia pour définir la « maladie du scrupule » (J. Delumeau), véritable mal du siècle assimilé au syndrome atrabilaire. – L’essor de la veine poétique pénitentielle dévoile la réversibilité de la mélancolie, située dans une dialectique de faute et de repentance, de damnation infernale et de céleste rédemption.

L’ENFER OU LE CIEL ?
LA RÉVERSIBILITÉ MÉLANCOLIQUE 485

« Aut daemon aut deus » : ambiguïté d’appréciation du typus melancholicus. – De la dualité à la réversibilité : la pénitence situe le mal noir dans une dialectique du péché et du salut.

La faute mélancolique 486

La peur de Dieu et la peur du diable, deux éléments constitutifs de l’imaginaire spirituel baroque que détermine une « religion de l’anxiété » (J. Delumeau) fortement culpabilisante. – La mélancolie, humeur maudite, à la fois cause et conséquence du péché.

Le châtiment d’Adam 487

La notion de culpabilité, au centre de la culture baroque, féconde la lyrique religieuse du premier xviie siècle à travers le motif du châtiment

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d’Adam. – Solidarité d’Adam et de sa descendance, également victime de l’ire divine. – Exégèse biblique et étiologie médicale : le péché originel, cause des maladies et de la mort ; la mélancolie, conséquence de la faute adamique et du courroux céleste. – Dieu, une cause de mélancolie d’après l’Anatomie de R. Burton. – Comment cette conception de la mélancolie détermine la topique religieuse à l’époque baroque. – La vogue du « sickness poem » (T. C. Cave) : le motif biblique de la prière du malade se trouve renouvelé par l’imaginaire de la mélancolie ; identification du pécheur au typus melancholicus.

Le diable au corps 503

Peur du diable et mythologie démoniaque marquent fortement l’imaginaire culturel baroque. – Comment les cas de sorcellerie et de possession suscitent un discours médical qui réactualise la notion médiévale de « bain du diable ». – Transpositions poétiques du concept de « Balneum Diaboli ». Deux motifs font du mélancolique la cible du Malin : les scènes de tentation et les illusions diaboliques. – L’ermitage, lieu de désespoir et de tentation. – Visions démoniaques et chimères mélancoliques : la représentation du sabbat des sorciers. – Les songes diaboliques, intégrés à la doctrine mélancolique, nourrissent le lyrisme fantastique du premier xviie siècle.

La voie du salut 522

La notion de « bain du diable » est contrecarrée par une conception positive de la bile noire comme humeur divine. – Cette ambivalence de la mélancolie est au service d’une vision métaphysique faisant de l’atrabile le lieu d’un conflit entre Dieu et Satan.

Balneum Dei 524

Deux symptômes de la mélancolie divine : le mépris du monde et l’aspiration céleste, thèmes caractéristiques du « lyrisme anxieusement religieux » (J. Rohou) de l’âge baroque. – Contemptus mundi et « vanitas poetry » (T. C. Cave) : comment la lyrique religieuse est l’expression d’une mélancolie inséparable du mépris de la vie. – Amour de Dieu et déréliction mélancolique au cœur des lamentations spirituelles. – De la mélancolie érotique à la mélancolie religieuse : l’appropriation du discours profane par les Muses théologiennes du premier xviie siècle. – Les déserts solitaires, dépositaires des chagrins de l’atrabilaire religieux.

Homo duplex 538

Dualité du mal noir, tantôt fureur divine, tantôt délire satanique. – Réhabilitation de l’humeur maudite par la tradition péripatéticienne du Problème xxx, 1 qui détermine une physiologie de l’homo religiosus ; sous quelles conditions la bile noire peut être

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cause d’une dévotion exceptionnelle. – Comment l’ambivalence de la mélancolie, humeur à la fois noire et blanche, maléfique et sainte, se trouve exprimée par l’opposition clarté-obscurité qui caractérise la lyrique baroque et son imaginaire religieux. – Les images médicales de la maladie et de la guérison placent la mélancolie au centre d’un itinéraire spirituel menant à Dieu. – L’interprétation boehméenne de la mélancolie est révélatrice du caractère rédempteur de l’atrabile à l’époque baroque. – Mélancolie et conversion du pécheur ; illustration de la double vocation spirituelle de l’atrabile et de son potentiel vertueux.

LES TOURMENTS DU PÉCHEUR :
LA PÉNITENCE MÉLANCOLIQUE 557

À l’âge baroque, la pénitence est un thème poétique extrêmement fécond qui déploie la dualité du mélancolique, à mi-chemin entre Dieu et Satan. – « Mémoire fantasmatique » (M. Préaud) et culpabilité : la mélancolie est par excellence la maladie du remords et de la pénitence. – Les Muses théologiennes à la croisée de l’histoire du mal noir et de l’histoire de la religion chrétienne : la vogue du lyrisme pénitentiel se fait l’écho d’un type spécifique de mélancolie qui accable les fidèles soumis à une culpabilité intensive.

Le mal pénitentiel 560

Sous la forme de la maladie du scrupule, la pénitence constitue un fléau caractéristique de l’époque baroque. – Le rattachement de ce mal à la nosographie mélancolique fait alors débat mais R. Burton y consacre la dernière partie de son Anatomie. Chez les poètes, la pénitence est totalement intégrée à un imaginaire saturnien dont témoigne notamment l’Iconologie de C. Ripa.

Un nouveau « mal du siècle » 562

Une cause historique de mélancolie : la pastorale alarmante fortement empreinte d’augustinisme qui caractérise la théologie de l’âge baroque. – Deux symptômes de la mélancolie religieuse : l’énormité du péché et la peur de Dieu. – La rhétorique hyperbolique des poètes répond à celle des médecins qui présentent cette mélancolie comme le pire des maux. – Les appels à la mort traduisent l’exaspération du pécheur contrit.

Affliction de l’esprit ou mélancolie ? 571

Distinction par R. Fornier de la vraie pénitence et de son versant pathologique dans la maladie du scrupule. – Le débat sur la nature de la maladie pénitentielle se trouve incarné outre-Manche par T. Bright et R. Burton. – Radicale hétérogénéité chez Bright de la mélancolie et du tourment spirituel. Ceux-ci sont confondus par

981

Burton en raison de leurs similitudes. – L’imaginaire nocturne qui sous-tend la doctrine de la mélancolie favorise l’assimilation de l’angoisse du pécheur aux affects mélancoliques de tristesse et de crainte. – Le Directeur pacifique des consciences du Père J.-F. de Reims reconnaît la mélancolie comme cause et comme manifestation de la maladie du scrupule. Analyses confirmées par R. Burton et T. Bright. – Chez les chantres de la Muse chrétienne, le mal pénitentiel est évoqué selon les traits psychiques et physiques qui caractérisent la maladie mélancolique.

La Muse pénitentielle 581

La fortune des sept psaumes de la pénitence de David contribue à l’essor du lyrisme mélancolique dans la poésie religieuse.

David, chantre mélancolique 583

David, figure mythique du chantre inspiré des Cieux, est également un modèle de parfaite contrition. – David, patron de la Muse pénitentielle. – Vocation universelle et caractère formulaire des psaumes propres à l’expression des maux de l’homme baroque. – Portrait de David en mélancolique dans l’Anatomie de R. Burton.

Une harpe saturnienne 592

Adaptation des psaumes à la sensibilité des poètes : comment l’hypotexte psalmique nourrit le lyrisme mélancolique de la Muse pénitentielle. La prédilection des auteurs pour la paraphrase, au détriment de la traduction, est significative du travail d’actualisation du texte sacré accommodé à l’expression de la mélancolie religieuse, véritable mal du siècle. – Les paraphrastes renchérissent sur le saturnisme davidique par les techniques de l’amplificatio caractéristiques du baroque et de sa rhétorique de l’excès. – Liberté limitée de l’adaptateur des psaumes qui modifie la lettre du texte sacré tout en restant fidèle à son esprit fortement teinté de mélancolie. – Trois motifs majeurs révèlent les accents saturniens des chants pénitentiels de David.

Un triste penser : obsession et solitude 600

La mélancolie, « angoisse perpétuelle de l’âme, liée à un unique objet » (Arétée). Dans les Ps. 37 et 50, David décrit son remords dans les termes symptomatologiques de l’idée fixe. – Dramatisation pathétique de ce motif dans les paraphrases pénitentielles qui recourent volontiers à une rhétorique de l’evidentia et de l’enargeia pour insister sur le martyre des pensées culpabilisantes. – Images et personnifications expressives qui renouvellent le motif de l’héautontimorouménos. – Solitude du Psalmiste en proie à ses obsessions. – Goût de la solitude et haine du soleil, deux symptômes de la mélancolie pénitentielle de David. – La retraite pénitentielle, une stylisation originale, en domaine sacré, du

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topos de la solitude sauvage ; en quoi la Muse chrétienne contribue à diffuser le modèle du paysage maladif. – Symbolique saturnienne de l’aviaire davidique : au Ps. 101, la référence au pélican, au hibou et au passereau pose le pénitent en solitaire mélancolique. – La fortune du topos de la retraite inscrit l’imaginaire saturnien au cœur du lyrisme pénitentiel. – La classification quadripartite de la solitude par le chanoine J. de Labadie confirme les liens qui unissent solitude, pénitence et mélancolie dans l’imaginaire culturel baroque. – Récurrence du topos de la solitude sauvage dans les vers spirituels de C. de Morenne. – La symptomatologie de J. Guibelet souligne les rapports étroits que la retraite pénitentielle entretient avec la solitude mélancolique. – David, nouveau Timon pour les paraphrastes de l’époque baroque.

Un imaginaire nocturne : la « nuit du péché » 616

Les ténèbres de l’âme pénitente, un topos biblique tiré des Ps. 37 et 142 qui confère à David un des symptômes les plus connus de la mélancolie. – Déploiement de la nocturnité mélancolique dans la poésie religieuse du premier xviie siècle : à partir du Ps. 37, la Muse pénitentielle développe la « mythologie de la Nuit » (J. Starobinski) qui accompagne toute l’histoire médicale de la mélancolie. – Troubles visuels et vaines illusions de David : la thème des visions nocturnes. – Insomnies et cauchemars, signes de la pénitence décrite dans les termes de la maladie mélancolique. Comment l’étiologie des songes naturels et des songes animaux attribue au remords de conscience, et partant à la mélancolie scrupuleuse, d’horribles visions. – Du nocturne au démoniaque : le Ps. 142 au principe d’un imaginaire infernal et diabolique qui amplifie l’expression de la culpabilité mélancolique. – Antithèses appuyées de la nuit du péché à la clarté céleste qui relèvent d’une topique de l’« antipaysage » (F. Joukovsky). Cette opposition structurante du lyrisme pénitentiel exprime le drame spirituel du mélancolique, déchiré entre la nuit satanique et le soleil divin.

Anatomie du pécheur : un corps souffrant 632

Reprenant le motif biblique de la maladie de David, la poésie religieuse du premier xviie siècle accorde une grande place aux symptômes physiques du mal pénitentiel. – Double causalité, naturelle et surnaturelle, des manifestations corporelles dues autant aux tourments de conscience qu’au courroux divin. – Influence de la médecine humorale : la maladie de David est liée à une surabondance de bile noire. – La physionomie du pénitent : autoportrait de David en mélancolique. Langueur, vieillesse prématurée, pâleur, maigreur et pesanteur sont autant de signes de l’habitus melancholicus qui se trouvent récapitulés par les psaumes de la pénitence et amplifiés par les adaptateurs. Signification psychologique de la description physique, conformément aux principes de la physiognomonie médicale du temps.

983

– La guérison du mal pénitentiel : comment la métaphore biblique de la purification, contaminée par la thérapeutique mélancolique, enrichit les paraphrases de psaumes d’un imaginaire médical de la purgation. – Initiée par le Ps. 6, l’image du Dieu-médecin parachève la symbolique médicale des chants pénitentiels de David. Supériorité des remèdes divins sur l’art hippocratique.

Le salut par les vers 649

Le chant davidique, médecine antimélancolique et antidémoniaque : comment les psaumes nourrissent un imaginaire thérapeutique qui prête aux vers spirituels un pouvoir de guérison et de rédemption. – Le motif de l’antidotisme psalmique dans le discours paratextuel des adaptateurs de David ; utilisation du langage médical pour évoquer le profit moral et spirituel des psaumes. – Le psaume, instrument d’une piété enjouée dans l’Introduction à la vie dévote de F. de Sales. – D’une cure musicale : l’efficacité spirituelle des psaumes dépend du pouvoir des accords contre la tristesse et le diable. – La légende de David guérissant Saül avec sa harpe, un lieu commun de l’imaginaire culturel baroque. – Le psaume, modèle de chant antimélancolique d’après le De Vita triplici de M. Ficin. – Analogie de la cure musicale des psaumes avec la purgation lacrymale ; vertu du chant triste.

CONCLUSION 665

QUATRIÈME PARTIE

GÉNIE OU FOLIE ? LES « FUREURS »
DU POÈTE MÉLANCOLIQUE

INTRODUCTION 669

La figuration du poète en mélancolique, lieu commun du premier xviie siècle. – Ambivalence du génie mélancolique, entre bénédiction et malédiction.

LA DOCTRINE DE L’INVENTION MÉLANCOLIQUE 673

Invention, disposition et élocution : comment le modèle rhétorique influence la définition génétique de l’acte poétique. – Le poète naturel. – Les deux acceptions de la « fureur ». – Place de l’imagination dans une physiologie de la création.

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Les fureurs inspiratrices 675

Le premier xviie siècle, âge d’or de la rencontre de la fureur apollinienne avec l’humeur saturnienne.

Une divine ardeur 676

Néo-platonisme et origine céleste de la poésie à la Renaissance. – Désaffection de la théorie du furor divinus et revalorisation de l’art ou « artifice » à l’âge baroque. – Survivance du modèle de l’enthousiasme. La mythologie de l’inspiration au service de la glorification d’un art souvent méprisé. – Les libertins et la démystification de la fable de l’inspiration.

Une fureur plus basse : la mélancolie 690

Pour une physiologie de l’inspiration : le Problème xxx, 1 du Pseudo-Aristote. – Comment au premier livre du De vita triplici, M. Ficin couple la théorie platonicienne de la fureur divine avec la doctrine péripatéticienne au profit de la notion syncrétique d’enthousiasme mélancolique. – Résistances à la diffusion de la génialité mélancolique à la Renaissance : le Solitaire premier de P. de Tyard et l’opposition de deux fureurs inconciliables. – Diffusion de la thèse du Problème xxx, 1 dans les traités de médecine du premier xviie siècle : interprétations données par A. Du Laurens, J. Guibelet et R. Burton. – La conférence du Bureau d’Adresse consacrée à la question de savoir « Si les Mélancoliques sont les plus ingénieux ou Prudents » (1633) révèle l’actualité de la thèse du Problème xxx. – Généralisation et systématisation de la thèse péripatéticienne dans l’Examen des esprits pour les sciences qui assure sa vulgarisation à l’époque baroque. – Retentissement de l’ouvrage de Huarte dans les arts poétiques du premier xviie siècle français. – Influence de la conception ronsardienne du poeta melancholicus. – Diffusion de l’èthos du poète mélancolique dans les textes poétiques de l’âge baroque où se combinent mythologie parnassienne et physiologie saturnienne.

Les pouvoirs de la Fantaisie 714

Suivant Ronsard, les poéticiens du premier xviie siècle condamnent l’invention mélancolique : le bon naturel de l’imagination, dont dépendent les belles conceptions, est ennemi de l’humeur noire qui prive les vers de la clarté requise à la perfection de l’œuvre poétique. – Les textes poétiques célèbrent quant à eux les caprices de la Muse mélancolique, cédant aux prestiges d’une imagination troublée, au détriment de toute exigence d’ordre rationnel.

Une poétique du caprice 716

Essor du phénomène capricieux dans la production poétique du premier xviie siècle. – Caprice et conception humorale du génie : l’esprit

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capricieux se caractérise par le feu de son imagination. – Dans le Problème xxx, le génie est attribué à la chaleur de la bile noire, laquelle, selon Huarte, favorise l’imagination indispensable à la création poétique. – Génie, caprice et mélancolie dans l’Examen des esprits. – Les connivences de la « satyre » et du caprice : de la satura latine au coq-à-l’âne, la satire se définit par sa « bizarrerie » (M. Régnier). – L’invention capricieuse du génie mélancolique se reflète dans une écriture discontinue, caractéristique du maniérisme. – L’« Élégie à une dame » de Théophile, art poétique du caprice mélancolique. – L’errance spatiale, métaphore de la divagation mentale du capricieux mélancolique. – Deux poèmes qui scellent l’union du caprice et de la mélancolie au début du xviie siècle : « Le Mélancolique » de Dupin-Pager et « Le sérieux mélancolique auprès du feu » de Priezac. – Influence des Essais de Montaigne sur la poétique maniériste du caprice mélancolique. – Critique du caprice dans les arts poétiques du xviie siècle.

Les vices de l’imagination 735

Le procès de l’imagination mélancolique dans les arts poétiques du premier xviie siècle : la poétique rationaliste de P. de Deimier. – Mélancolie et conceptions monstrueuses dans les traités de médecine de l’époque baroque. – Importance de la netteté de l’imagination dans La Rhétorique de B. Lamy qui conçoit le discours comme le miroir de l’esprit. – Réhabilitation du jugement dans la doctrine de l’invention poétique. – Assimilation de l’imagination vicieuse au délire atrabilaire. – Le songe grotesque, symbole des conceptions chimériques des mélancoliques, sert de repoussoir esthétique aux poéticiens.

CRISE DE VERS 753

L’âge baroque est marqué par une « crise de l’esthétique » (O. de Mourgues). – Cette béance théorique accompagne une relativisation de l’acte créateur. – La remise en cause des prestiges du poète et de la poésie engendre une profonde mélancolie qui nourrit le sentiment d’une insuffisance et d’une dégénérescence de l’art.

La mélancolie des Muses 755

Le mépris et la pauvreté du poète, sources de mélancolie. – La mélancolie du poète, à la fois effet et cause de sa déchéance sociale. – De la dérision à la déploration, le typus melancholicus détermine la représentation du poète.

Satire et caricature du poète 755

La figure grotesque de l’atrabilaire est mise au service d’une satire sociale du poète. – La caricature du poète crotté, reflet de la misère

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de l’écrivain. – Assimilation négative du poète à un « fantasque rêveur » (Théophile de Viau). – Critique des poètes pauvres et serviles, véritables parasites. – La mélancolie, conséquence des injustes moqueries que subit le poète.

Déplorations poétiques 766

Le constat mélancolique du mépris des Muses. – Chez les satiristes, la dévaluation de la poésie est l’indice de la corruption du siècle. – La honte et la disgrâce, causes de mélancolie d’après R. Burton. – Explications données au mépris des Muses : l’indigence des poètes, consécutive à l’ingratitude de leurs commanditaires. – Satires poétiques de l’avarice des Grands. – La pauvreté est l’apanage des Muses : un topos satirique renouvelé par l’imaginaire de la mélancolie. – Le motif satirique de l’adieu aux Muses, expression de la mélancolie du poète.

Un chantre désenchanté 785

Pessimisme et autodépréciation mélancolique. – Les effets négatifs de l’atrabile, obstacle au génie.

Un sentiment de médiocrité 787

Modestie et autocritique : le complexe d’infériorité des mélancoliques. – Le topos humilitatis renouvelé par l’imaginaire mélancolique : il renvoie au contexte historique d’une crise de la poésie. –– Influence des Regrets de Du Bellay sur la rhétorique de modestie des chantres baroques. – Le modèle mélancolique d’un art sans prétention, dédaigneux de toute gloire.

Le spectre de l’impuissance 797

Le motif de la stérilité au service de l’èthos saturnien du poète. – À la Renaissance, le modèle négatif de la mélancolie-acedia se développe contradictoirement au concept de melancholia generosa. – Ambivalence de la bile noire dans les traités de médecine du premier xviie siècle : opposition de la froideur stérile à la chaleur créative. – Condamnation par Colletet de la froide humeur des piètres rimailleurs. – Chez Tristan et chez Théophile, la mélancolie apparaît comme l’ennemie de l’ardeur poétique. – Conséquences funestes de la froideur mélancolique sur la voix du poète ; d’après Huarte, la belle voix requiert la chaleur. – Les voix languissantes du chantre mélancolique. – La récriture du mythe d’Orphée au service du complexe d’infériorité qui définit le poète saturnien. – Symbolisme médical de la fable d’Écho : par la perte de sa voix, la nymphe symbolise la stérilité du poète mélancolique.

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LA MALADIE ET SES REMÈDES 819

La mélancolie de l’étude théorisée par M. Ficin et les risques de l’activité poétique. – Le Problème xxx, 1 et les revers pathologiques de la mélancolie de génie. – Les solutions envisagées par les poètes pour conserver la santé.

Les dangers de l’étude 821

Poésie et labeur acharné. – Les moyens de se prémunir contre les effets de l’étude excessive.

L’adieu aux Muses maladives 821

Le De Vita triplici et l’explication donnée par M. Ficin de la mélancolie des lettrés. – Diffusion de la notion de la melancholia studiosa au début du xviie siècle : analyses de R. Burton, J. Guibelet et T. Bright. – La représentation topique du poète en studieux mélancolique dans la littérature baroque. – Le motif poétique des travaux inutiles. – Le topos de l’adieu aux Muses et les conseils thérapeutiques des médecins.

Les remèdes bachiques 836

Les joies bachiques : un remède cher aux poètes pour contrer la mélancolie des Muses. – Gaieté et régime de santé des mélancoliques dans les traités de médecine du début du xviie siècle. – Influence du discours médico-moral sur la poésie sentencieuse. – Le discours antimélancolique des poètes de cabaret. – Le vin dans le régime alimentaire des mélancoliques. – Parodie et dérision burlesque de la médecine mélancolique dans la poésie bachique. – Mises en garde de R. Burton contre l’ivrognerie. – Célébration bachique et mépris des Muses. – Le topos satirique du banquet des Muses marque l’actualité de la notion ficinienne de la melancholia studiosa dans la production poétique.

Les Muses salutaires 850

Une autre conception de l’art des Muses : la poésie comme remède à la mélancolie. – La préface de J. Rouveau à la Breve description des plaisirs du Printemps présente la poésie comme un « contrepoison » à l’humeur noire. – Poésie, mélancolie et théorie cathartique de la littérature à l’âge baroque.

Les vertus de l’expression 852

Influence de la médecine purgative sur les vertus thérapeutiques attribuées à l’écriture poétique. – Catharsis et mimèsis : le caractère dramatique de la poésie lyrique baroque. – L’œuvre de Tristan est emblématique de la fonction purgative de la poésie. – La

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fictionnalisation lyrique et ses vertus cathartiques dans « Les Plaintes d’Acante ». – La purgation lacrymale, métaphore de l’épanchement lyrique et du pouvoir thérapeutique de la Muse mélancolique.

De la musique avant toute chose… 867

Le premier xviie siècle est marqué par une conception curative de la poésie au croisement de l’histoire de la médecine et de la tradition élégiaque : la notion de catharsis musicale renouvelle le topos littéraire du « chant qui enchante » pour faire des vers un puissant remède contre la mélancolie. – Le poète et le musicien, deux enfants de Saturne d’après l’Examen des esprits du docteur Huarte. – Actualité au xviie siècle de la thérapie musicale dans le traitement de la mélancolie : analyses de R. Burton et de P. Le Loyer. – Les poètes de l’âge baroque sont influencés par un imaginaire médical analogique rapprochant santé et musique, eucrasie et harmonie. – La musique, remède spécifique des studiosi d’après le troisième livre du De Vita de M. Ficin. – Vertus du chant triste : l’influence des Regrets de Du Bellay sur la théorie cathartique de la poésie au début du xviie siècle. – La cure homéopathique au principe de la catharsis musicale. – Le principe rhétorique d’une correspondance entre sons et passions contribue à la croyance en l’efficacité thérapeutique du discours poétique. – Le charme de la poésie mélancolique : plaisir de l’imitation et effet cathartique du chant triste. – Trois emblèmes des pouvoirs thérapeutiques du chant mélancolique : Orphée, Philomèle et le luth du poète.

CONCLUSION 889

CONCLUSION GÉNÉRALE 891

BIBLIOGRAPHIE 897

INDEX DES NOMS PROPRES  961