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Classiques Garnier

Prologue

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Le Livre de cuisine
  • Pages : 29 à 30
  • Collection : Textes de la Renaissance, n° 171
  • Série : La société de la Renaissance, n° 1
  • Thème CLIL : 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
  • EAN : 9782812444593
  • ISBN : 978-2-8124-4459-3
  • ISSN : 2105-2360
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4459-3.p.0029
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 14/10/2011
  • Langue : Français
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Prologue

Prologue du présent livre. Adressé au sérénissime roi don Ferdinand de Naples. Composé par maître Roberto, son premier cuisinier.

À plusieurs reprises, sérénissime roi et puissant seigneur, Votre Majesté m’a demandé, à moi, Roberto, son très fidèle serviteur, cuisinier de sa maison royale, de rédiger un traité sur cet art que par mon métier j’exerce afin que ceux qui m’assistent en gardent quelque mémoire, et disposent ainsi des fondements de cet art d’apprêter à manger, d’accommoder plats et ragoûts.

Votre Majesté désire peut-être par cet ordre s’assurer de ce que, après ma mort, l’un de mes assistants puisse me succéder en sa maison royale, afin que le service que je rends ne vienne point à manquer. Dieu m’est témoin qu’il me serait fort douloureux de quitter ce monde en pensant que mon absence puisse troubler gravement votre régime de vie. Bien qu’il y ait d’autres officiers que moi en mon office, et d’un plus grand talent, aucun sans doute, par manque de pratique, d’usage, d’apprentissage, ne connaît comme moi les aliments, les mets, les plats qui sont les plus agréables à votre goût, car je les connais pour en avoir été familier de nombreuses années, au temps où Votre Royale Personne jouissait d’une santé prospère comme au temps où elle était souffrante. Un tel manquement m’affligerait plus que la mort elle-même, car je suis au plus haut point attaché au service de Votre Majesté.

Quoi qu’il en soit, afin d’obéir comme fidèle serviteur et sujet à l’ordre de Votre Majesté, j’ai entrepris ce que Votre Sérénité m’avait demandé. Le présent livre ou traité comporte quelque doctrine à propos du service et des serviteurs et officiers des maisons des rois, des grands seigneurs, gentilshommes et autres de moindre état et de la façon de cuisiner les mets, les ragoûts et les sauces, pour les jours de chair comme pour les jours de carême, ainsi que quelques préparations très nourrissantes pour

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malades. Je soumets le tout à ceux qui sont plus habiles que moi en cet art et qui pourront l’amender.

Bien que ce que j’écrive ici ait été dûment mis en pratique et achevé, celui qui exerce cet art avec bon sens et intelligence pourra inventer à son tour diverses sortes de plats et préparations selon sa propre fantaisie et son bon jugement. J’ai fait ce que me permettaient de faire l’étendue de mes facultés et mon faible savoir, afin d’obéir à l’ordre de Votre Majesté, que je supplie d’accepter cet hommage, que notre Seigneur garde et protège sa haute et Sérénissime personne et sa royale et haute condition un grand nombre d’années.

Ce traité a été traduit de la langue catalane à notre langue maternelle et vulgaire castillane dans la ville de Tolède, alors que l’Empereur don Carlos y résidait ; il a été achevé le huit août de l’année mille cinq cent vingt-cinq, et il a été complété dans la ville de Logroño par celui-là même qui l’avait fait imprimer à Tolède, en l’an mille cinq cent vingt-neuf.