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Classiques Garnier

Préface

  • Publication type: Book chapter
  • Book: Théâtre complet. Tome I
  • Pages: 7 to 8
  • Collection: French Theatre Library, n° 11
  • CLIL theme: 3622 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Théâtre
  • EAN: 9782812439353
  • ISBN: 978-2-8124-3935-3
  • ISSN: 2261-575X
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-8124-3935-3.p.0007
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 02-21-2013
  • Language: French
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PRéFACE

Par sa stature et par l’abondance de sa production, Alexandre Hardy domine de haut le premier tiers du xviie siècle théâtral. Ce poète à gages publia quelque trente-cinq pièces (dont une en fait composée de huit tragi-comédies) entre 1623 et 1628 ; mais celles-ci et plusieurs centaines d’autres – selon ses dires – furent écrites et jouées plus tôt, dans les années 1610-1620, voire avant. Dramaturge génial, il illustre la période en même temps qu’il en marque le terme, bousculé qu’il fut, à la fin de sa carrière, par de jeunes dramaturges qui brandirent contre lui l’étendard de la modernité. Changement du goût !

L’avènement et la primauté des règles renforcèrent la désapprobation à l’égard d’un poète que son ami Théophile de Viau admirait pour « un torrent de tant de vers1 », pour l’éclat et la violence de son théâtre. Obnubilé par la régularité et la bienséance, ce solide théoricien mais petit esprit de l’abbé d’Aubignac pense que l’abondance de Hardy ne visait qu’à « divertir le peuple » et donna l’exemple du désordre dans la dramaturgie2. Quand, en 1660, Pierre Corneille relit sa première comédie, Mélite, il s’excuse sur son irrégularité en affirmant qu’il n’avait « pour guide qu’un peu de sens commun, avec les exemples de feu Hardy, dont la veine était plus féconde que polie3 » – et fort peu régulière ; je veux pourtant déchiffrer en même temps dans ce jugement une manière d’hommage à ce guide, dont il s’est souvenu plus souvent qu’on ne le dit – à l’instar de la génération des contestataires qui s’empressèrent de récrire le vieil Hardy.

Hardy impressionne encore notre modernité avec son style rocailleux, que ses jeunes adversaires trouvaient ampoulé et surchargé, avec sa dramaturgie qui fit passer – révolution capitale dont bénéficièrent Corneille et les autres – du statisme de la Renaissance à un théâtre de l’action, avec sa pensée, enfin, où la violence passionnelle est jugée par un constant souci moral.

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On peut s’étonner qu’un dramaturge de cette importance – et de surcroît si fort représentatif d’une certaine esthétique baroque – n’ait pas bénéficié d’un travail éditorial équivalent. Nous n’avons pas d’édition critique vraiment scientifique de son théâtre complet, digne de ce nom ; depuis trente-cinq ans de bonnes ou d’excellentes éditions séparées d’à peine une dizaine de pièces avaient pourtant ouvert la voie.

Nous entreprenons donc de fournir aux lecteurs un Théâtre complet d’Alexandre Hardy, à savoir l’énorme tragi-comédie de jeunesse (un cycle de huit pièces dramatiques en cinq actes) de Théagène et Chariclée, sa première œuvre publiée en 1623, et les cinq volumes du Théâtre d’Alexandre Hardy, Parisien, qu’il fit imprimer entre 1624 et 1628 – sorte d’anthologie de ce qu’il put ou voulut donner au public, et reprise par nous selon la distribution originelle des volumes et de leur contenu.

Ce ne peut être le fruit que d’un travail d’équipe : il s’agit de donner une édition impeccable et selon les principes de la collection, de plus de quarante pièces ! En tenant compte des aléas propres à ce genre d’entreprise collective, il a été possible de réunir une équipe d’éditeurs (parfois de jeunes éditeurs) tout à fait internationale : notre vieil Hardy n’intéresse pas seulement la France mais aussi des chercheurs d’Italie, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, jusqu’au Japon… Ce sera aussi, inévitablement, une entreprise de longue haleine.

Pour le présent tome 1, j’ai réuni une équipe composée de Johana Porcu-Adams (Université de Manchester), Sandrine Berrégard (Université Marc Bloch-Strasbourg II) Fabien Cavaillé (Université de Caen-Basse Normandie), Ludwig Hochgeschwender (Université de Göttingen), Christine Noille-Clauzade (Université Stendhal-Grenoble 3). Devant mettre au point tous les principes de l’édition, cette équipe a mené un travail véritablement commun, depuis le choix du texte de base (la première édition publiée par Jacques Quesnel, en 1624), jusqu’à la relecture croisée des travaux des uns par les autres. Elle a dû également suppléer à une défaillance imprévue, de manière généreuse. De tout cela, je la remercie vivement.

Au suffisant lecteur de ce premier volume d’apprécier les prémices du vaste projet !

Charles Mazouer

1 Dans l’émouvante « Prière aux poètes de ce temps », Troisième partie de ses Œuvres, v. 111.

2 Pratique du théâtre, éd. Hélène Baby, Paris, Champion, 2001, Livre II, chap. vii, p. 177.

3 Examen de Mélite.