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Classiques Garnier

Introduction

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Entreprise & Société
    2022 – 1, n° 11
    . varia
  • Authors: Méric (Jérôme), Jardat (Rémi)
  • Pages: 15 to 18
  • Journal: Business & Society
  • CLIL theme: 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
  • EAN: 9782406138006
  • ISBN: 978-2-406-13800-6
  • ISSN: 2554-9626
  • DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-13800-6.p.0015
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 07-20-2022
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
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PRéSENTATION DU NUMéRO

Jérôme Méric

CEREGE-IAE de Poitiers

Rémi Jardat

LITEM –
Université dÉvry-Paris-Saclay

Les sciences de gestion, notamment parce que leur statut fait lobjet de discussions internes et externes, nont pas fini de sinterroger sur leur nature, autant que sur celle de la connaissance quelles engendrent. En France, le courant de pensée initié par Centre de Gestion Scientifique porte depuis plus de trois décennies le projet de proposer une vision unifiée de ce qui fait les sciences de gestion. Léquipe de rédaction dEntreprise & Société (ENSO) a proposé à Armand Hatchuel, pour le « Grand Angle », de se prêter au jeu du regard rétrospectif – et prospectif – sur sa contribution à ce courant et à ses interactions avec les auteurs de qui se sont penchés sur lépistémologie du champ. De son attachement à Michel Foucault, à Gilbert Simondon et à John William Miller, il retient les piliers de sa pensée que sont, successivement, lintrication des savoirs et de relations, lorganisation comme un objet dingénierie, et limportance des normes de gestion comme « face visible » de laction collective, lénigme dont lépistémologie constitue le fondement des sciences de gestion. Loccasion dun échange où tour à tour sont abordés les travaux dArmand Hatchuel et des membres du CGS sur la société à mission, linnovation, la raison créatrice.

Il est des événements de la vie des entreprises qui frappent soudain le ronronnement des affaires de coups de tonnerre. Il sagit souvent de 16scandales, qui exposent momentanément ce monde discret à lopinion publique, au prix démois, de lynchages, et parfois deffets tardifs sur la réglementation (Garlot-Falguières, 2021). Il sagit plus rarement de situations ou dactes dont la portée symbolique interroge les évolutions de la société. Ce que nous appelons ici « laffaire Faber-Danone » relève bien de ce second cas de figure. Dune part Danone porte limage dune entreprise engagée sociétalement sous limpulsion dAntoine Riboud, alors à la tête de BSN. Notre revue a rappelé la teneur de cet engagement grâce à la contribution de Gérard Thoenig dans la rubrique « Éclairage » du numéro 8, sous le titre de la « révolution de la cinquième équipe ». Emmanuel Faber perpétuait – à sa manière – le « double projet » économique et social de lentreprise, en faisant de lentreprise la première société à mission du CAC 40. Le coup de tonnerre advint en mars 2021, avec le limogeage du PDG de Danone, suite au vote dune motion de défiance par le conseil dadministration, moins dun an après ladoption par lassemblée générale du statut dentreprise à mission.

Cette « affaire » interroge les évolutions de la société à plusieurs égards. À la surface des choses, peut-être, la sous-performance boursière de Danone à légard de ses concurrents aurait conduit à linsatisfaction de fonds activistes et à des jeux dinfluence – nécessairement indirects, ces fonds étant minoritaires – auprès des membres du CA. Mais daucuns ont vu la sanction infligée au PDG dalors davoir doté lentreprise dune mission sociétale, alors quelle était cotée en bourse. Sur ce dernier point, les questions fusent : le statut de société à mission est-il compatible avec la cotation boursière ? Si cest le cas, cela signifie-t-il pour autant que ladoption dun tel statut permet de dépasser le stade dun certain « green » ou « social washing » au point de déranger les investisseurs ou leurs représentants ? À ces questions très contemporaines, des interrogations plus pérennes ont refait surface comme la question du profil du dirigeant et de sa manière de perpétuer – ou non – lhistoire dune grande entreprise.

La revue Entreprise & Société (ENSO) ne pouvait faire léconomie de revenir sur cet événement, et dappeler des chercheurs à semparer de ce « matériau chaud » (Aggeri, 2016), dans un numéro intégralement consacré à cette actualité. Nous visions à la fois à privilégier la prise de distance et lémergence dun débat éclairé sur ce que veut dire l« affaire Faber-Danone ». Pour cela, la revue a organisé un séminaire de pré-publication à la fin de lannée 2021, qui a permis de recueillir 17et dévaluer des contributions qui répondent à la nécessité douvrir une disputatio harbermassiennesur le sujet.

Cest à linvitation de Roland Pérez que des contributions ont pu être collectées et choisies, qui abordent une ou plusieurs des questions quune telle affaire a suscitées, dans lesprit douverture au monde professionnel et à la transdisciplinarité qui caractérisent notre ligne éditoriale. Pierre Victoria et Jean Noël Vieille portent un regard dexperts sur la performance boursière de Danone dans les mois qui ont précédé léviction dEmmanuel Faber. Souvre ensuite le cahier scientifique, où Xavier Hollandts et Benjamin Chapas font lhypothèse dune hypertrophie de la RSE dans le projet dEmmanuel Faber, susceptible de diviser plus quelle ne rassemble. Nicolas Cuzacq porte un regard juridique sur lentreprise à mission, et appelle à la mise en place de dispositifs propres à doter le statut de société à mission dun caractère opposable à la dure loi des affaires. Kevin Levillain, Armand Hatchuel, Jérémy Lévêque et Blanche Segrestin proposent pour leur part de pousser plus loin linvestigation sur la société à mission et suggèrent que les pratiques organisationnelles que ladoption de ce statut a permis de renforcer ou dadopter se perpétuent au-delà de léviction du dirigeant qui a initié ce changement. Amélie Artis interroge pour sa part le caractère effectif de la société à mission, et souligne ses faiblesses par rapport au modèle coopératif. Enfin, Bernard Ramanantsoa adopte une visée philosophique pour opposer le paradoxe dune entreprise devenue une institution, dont les dirigeants contribuent à construire lhistoire, mais une histoire qui les transcende.

Deux recensions complètent opportunément les débats restitués dans ce numéro. Roland Pérez commente la parution des Grands auteurs en Management Public dans la collection bien connue dEMS, sous la direction de Stéphanie Chatelain-Ponroy, Patrick Gibert, Madina Rival et Alain Burlaud. Clément Carn se penche sur la Philosophie dune écologie anticapitaliste – pour un nouveau modèle de gestion écologique, publié par Alexandre Rambaud et Jacques Richard.

Et puisque lactualité soulève aujourdhui plus que jamais les questions de linteraction entre la société et les entreprises, léquipe éditoriale de la revue a fait le choix de consacrer son numéro 12 aux effets de la crise pandémique sur léconomie sociale et solidaire, une intrication de maladies et deffets denvironnement qui invitent à revisiter le concept de syndémie.

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BIBLIOGRAPHIE

Aggeri, F. (2016), « La recherche-intervention : fondements et pratiques », Barthélemy J. et Mottis N.,À la pointe du management. Ce que la recherche apporte au manager, Malakoff, Dunod, p. 79-100.

Garlot-Falguières E. (2021), Financial Scandals in France : Historical construction of responsibility and Outcomes, Thèse de doctorat de luniversité PS, Université Paris-Dauphine.