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Classiques Garnier

L’expertise Knightienne du capital-risqueur De l’intérêt des travaux de Frank Knight pour éclairer les enjeux économiques du xxie siècle

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Entreprise & Société
    2021 – 2, n° 10
    . varia
  • Auteur : Dubocage (Emmanuelle)
  • Résumé : La pensée de Knight est très riche et apporte un éclairage original aux enjeux actuels de la vie économique. L’objectif de cet article est de montrer que ses travaux permettent d’éclairer théoriquement l’expertise d’un financier particulier : le capital-risqueur. Son expertise que nous qualifions de knightienne est fondée sur sa capacité de jugement en incertitude radicale dont les piliers sont l’expérience et l’intuition.
  • Pages : 119 à 136
  • Revue : Entreprise & Société
  • Thème CLIL : 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
  • EAN : 9782406126980
  • ISBN : 978-2-406-12698-0
  • ISSN : 2554-9626
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12698-0.p.0119
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 19/01/2022
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : incertitude radicale, capital-risque, expertise, jugement, expérience
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Lexpertise knightienne
du capital-risqueur

De lintérêt des travaux de Frank Knight pour éclairer
les enjeux économiques du xxie siècle

Emmanuelle Dubocage

Université Paris Est Créteil, Université Gustave Eiffel, IRG

INTRODUCTION

Frank Knight (1921) est souvent cité dans la littérature académique pour son concept dincertitude radicale (en opposition au risque) sans que lapport de ses travaux ne soit davantage approfondi. Or, la pensée de Knight va bien au-delà de la distinction entre incertitude radicale et risque. Lobjectif de cet article est de montrer comment loriginalité de louvrage de Knight Risk, Uncertainty and Profit publié en 1921 permet déclairer les enjeux actuels de la vie économique. Robert Boyer (2020) faisant référence à la crise sanitaire mondiale de la COVID19 pose la question épineuse de la décision en situation dincertitude radicale. Cette dernière se distingue de léconomie du risque dans la mesure où lenjeu se formule de la façon suivante : « Comment décider lorsque lon sait que lon ne sait pas encore ce que lon finira par savoir, mais trop tard ? » (Boyer, 2020, p. 47). Si la pandémie du coronavirus place de manière radicale lincertitude radicale au centre de la décision, celle-ci est également présente dans des situations plus ordinaires de la vie économique. Lobjectif de cet article est danalyser en quoi les écrits de Knight (1921) 120permettent déclairer la décision dun financier particulier : le capital-risqueur qui finance des innovations disruptives. La société Moderna Therapeutics qui a développé un vaccin à ARN-messager contre la COVID19 a, par exemple, été financée par des capital-risqueurs. Au-delà de la simple distinction entre incertitude radicale et risque, Knight (1921) met laccent sur les capacités de lagent économique à agir en situation dincertitude radicale. Cest sous cet angle que nous traiterons des apports de Knight en montrant quils donnent un fondement théorique à ce qui constitue la compétence du capital-risqueur (Dubocage, 2003 ; Dubocage, 2006). Après avoir présenté lactivité du capital-risque (partie 1), nous exposerons précisément lapport de louvrage de Knight sur la capacité de lentrepreneur à agir en incertitude radicale (partie 2). Enfin, nous montrerons en quoi cette grille théorique nous paraît idoine pour rendre compte de lexpertise du capital-risqueur (partie 3).

1. Présentation du capital-risque

La littérature sur le capital-risque prête à lAmerican Research & Development Corporation (ARD) la primeur de lactivité de capital-risque moderne. Bertonéche et al. (1987) soulignent que dans le rapport annuel de lARD de 1947, son fondateur – le Général Doriot – affirme que « La direction de lAmerican Research & Development Corporation (ARD) souhaite souligner que lactivité quelle entreprend est difficile, nécessitant un bon jugement sur des hommes et des idées (…). Notre société na pas lavantage de mener ses affaires sur la base dactifs physiques mesurables. Lanalyse statistique, lanalyse des ratios sont de peu de valeur dans ce métier. Les hommes et les idées sont nos actifs. Leur mesure et leur évaluation sont notre problème ». Le pionnier du capital-risque moderne livre ainsi dans ces quelques phrases les clefs essentielles permettant de comprendre les mécanismes spécifiques de cette activité complexe quest linvestissement en capital-risque. Rappelons que le capital-risque se définit comme un mode financement spécifique des jeunes entreprises innovantes à fort potentiel de croissance (Landström et Mason, 2014). Il sagit dun apport de fonds propres effectué par 121des investisseurs spécialisés qui interviennent dans les orientations stratégiques de lentreprise pour participer à la création de valeur de lentreprise et ainsi se rémunérer par plus-values lorsque la cible entre sur le marché financier ou est rachetée. Il sagit dun investissement de long-terme, la sortie de linvestissement se faisant au bout de 5 ans en moyenne1. Le capital-risqueur est un intermédiaire financier qui, afin de faire fructifier les capitaux qui lui sont confiés, investit exclusivement dans des entreprises récentes – ou même en création – qui sont innovantes et à fort potentiel de croissance. Linnovation mise en œuvre par les entreprises doit être radicale : pour espérer être financée par le capital-risque, la start-up doit proposer des produits ou des services disruptifs. La croissance de lentreprise doit être exponentielle, tous les capital-risqueurs ayant comme idéal la trajectoire des GAFA menant une petite start-up à un géant technologique. Économiquement, cela signifie des rendements croissants et une situation de monopole si lentreprise remporte la course de linnovation.

1.1. Typologie des incertitudes auxquelles sont confrontées
les entreprises financées par le capital-risque

Il est possible de dresser une typologie des incertitudes auxquelles sont confrontées les entreprises financées par le capital-risque (Dubocage, 2003 : Dubocage, 2006). La première incertitude peut être qualifiée de technologique. Elle rend compte du fait que la faisabilité de linnovation technologique est imprévisible dans la mesure où les obstacles à la réalisation du projet se découvrent au fur et à mesure des essais. Par exemple, lefficacité dun nouveau médicament nest connue que quand il a franchi toutes les étapes de lAMM. Deuxièmement, linnovation est marchande, cest-à-dire liée à lampleur de son succès lorsquelle sera confrontée à la réalité du marché. Lincertitude est également de nature concurrentielle car la start-up évolue dans une concurrence de type monopolistique dans laquelle seul le vainqueur remporte la mise. Lincertitude est directement liée à la place de lentreprise dans la course à linnovation. Le vainqueur de la course dispose dun avantage considérable qui conduit à lélimination des concurrents. En outre, lincertitude est liée aux compétences du dirigeant comprises comme 122sa capacité à gérer une jeune entreprise en forte croissance. Elle est essentielle à évaluer dans la mesure où elle est une source importante déchecs. Enfin, laléa est de nature financière dans la mesure où, le délai avant dêtre bénéficiaire, le montant des investissements nécessaires et in fine la performance financière de linvestissement sont affectés par le caractère imprévisible de toutes les incertitudes mentionnées ci-dessus. Pour ces raisons, les performances des firmes et la profitabilité des investissements sont également difficiles à prédire.

1.2. Les pratiques de gestion des capital-risqueurs

Lobservation des pratiques des capital-risqueurs a fait lobjet de travaux de recherche antérieurs (Dubocage, 2003 ; Dubocage, 2006 ; Château-Terrisse et Jougleux, 2018). Ils convergent pour montrer que les échanges informels autour du Business Plan associés aux pratiques consistant à tronçonner les apports de capitaux et à les subordonner au franchissement détapes intermédiaires et à la mise en place dun pacte dactionnaires contenant des clauses contingentes sont autant de façon pour le capital-risqueur de gérer les incertitudes entourant ses investissements.

Le plan de développement est un des éléments essentiels utilisés par le capital-risqueur pour sélectionner et évaluer lentreprise. Il offre une projection de lentreprise sur trois ans avec une présentation du projet et un Business Model. Par rapport à un Business Plan dune entreprise traditionnelle, les données chiffrées se limitent en général à une approximation des capitaux requis et le délai pour atteindre le point mort. Les incertitudes sont telles que le fondateur ne peut pas les embrasser et présenter des scenarii. La métaphore de Schumpeter (1942) à ce sujet est édifiante : les possibilités technologiques sapparentent à une mer dont la carte ne pourrait être tracée (Dubocage, 2006). Cela conduit à une situation paradoxale où une unique trajectoire (accompagnée de quelques études de sensibilité) est prise en compte : la plus favorable. Ceci sexpliquer par le fait que lobjectif du Business Plan dans le cas dune jeune entreprise de haute technologie nest pas de prévoir au mieux ce qui va réellement se passer mais de faire rêver les investisseurs (Dubocage, 2003 ; Château-Terrisse et Jougleux, 2018). Les discussions, les arbitrages, les compromis trouvés entre les financiers et le dirigeant 123(ou léquipe dirigeante) prouvent ou au contraire infirment les possibilités de coordination des parties dans un contexte hautement incertain. Lensemble des parties prenantes sait que le Business Plan présenté ne va pas se réaliser. Il est dailleurs actualisé de façon régulière. La trajectoire sur laquelle les deux parties se sont mises daccord sert de point dancrage. Elle constitue un cadre conventionnel commun (Salais et Storper, 1993) à partir duquel les déviations seront envisagées. Les mises à jour du Business Plan permettent une action séquentielle.

Cette séquentialité est essentielle dans le contexte dincertitude radicale, elle permet de réajuster les prises de décision au fur à mesure des connaissances acquises. Le découpage se fait au niveau de linvestissement lui-même. Le financement se fait par tours de table (financial round) et linvestissement par tours de table est lui-même graduel (staged investment) i.e quil est tronçonné, lapport de chaque tranche de capitaux complémentaires est conditionné par latteinte dobjectifs stratégiques intermédiaires (dépôt de brevet, atteinte dun seuil de chiffre daffaires, etc.).

La gestion de lincertitude radicale par le capital-risqueur passe aussi par le rôle joué par le capital-risqueur dans les orientations stratégiques des entreprises de son portefeuille. Le capital-risqueur chef de file de la syndication est un investisseur « hands-on ». Cela ne signifie pas une gestion de fait que les financiers cherchent précisément à éviter pour ne pas être appelé au comblement du passif en cas de faillite de lentreprise. Lexpression utilisée par le monde professionnel est celle du « suivi de la start-up ». Ce suivi comporte une double dimension : une dimension assez classique dans la littérature mobilisant la théorie de lagence et de linformation relative au contrôle et une autre dimension relative au tutorat. In fine, il sagit toujours pour le capital-risqueur de maximiser la valeur de lentreprise. Elle se concrétise par une intervention dans la vie de lentreprise par des contacts fréquents, des conseils de nature différente sur linternationalisation, la protection des inventions, le recrutement de nouveaux talents, le rachat dautres start-ups etc.

Pour gérer lincertitude entourant le devenir des start-ups de son portefeuille, les parties prenantes incluent dans le pacte dactionnaires un certain nombre de clauses contingentes visant à récompenser ou sanctionner lune ou lautre partie en fonction de décisions prises (départ, revente de parts) ou dobjectifs intermédiaires atteints (dépôt de brevet, 124seuil de résultat dexploitation) (Kaplan et Strömberg, 2003 ; Lang et Wirtz, 2021). Le pacte dactionnaires inclut dautres clauses standards non contingentes comme celle qui empêche la dilution de la part du capital détenue par les capital-risqueurs en place et celle de préemption réciproque par les contractants. Ces dispositions contractuelles originales visent à réduire les conflits potentiels mais aussi à tronçonner les décisions au fur et à mesure de lacquisition de nouvelles connaissances (Dubocage, 2003 ; Dubocage et Rivaud-Dasnet, 2006).

2. Lapport des travaux de Knight2

Se pencher avec soin sur le concept dincertitude permet danalyser le financement par le capital-risque. Chez Knight, lincertitude a pour origine un défaut de connaissance. Loriginalité de ses travaux repose sur le fait quil propose un traitement positif de lincertitude radicale reposant sur la compétence des agents économiques fondée sur lintuition et lexpérience.

2.1. La distinction entre risque
et incertitude radicale chez Knight

Dans Risk, Uncertainty and Profit, Knight (1921) présente la distinction entre risque et incertitude. Cette dernière est connue, mais les différentes modalités de traitement de lincertitude, quant à elles, le sont moins (Dubocage, 2003).

Chez Knight, quand lincertitude peut être traitée par linférence fondée sur une probabilité statistique, elle est transformée en un risque. Elle peut être transférée à un tiers par un contrat dassurance ou par une imputation dans le coût et le prix. En revanche, lorsque le cas est considéré comme particulier et quaucun principe ne permet de lassimiler à une classe de cas similaires, il est possible de formuler une estimation. La prévision est affaire de jugement, lincertitude est véritable et ne peut pas être éliminée, elle ne peut pas être assurée par ou imputée à des 125tiers (ibid., p. 232) : « La différence pratique entre les deux catégories, le risque et lincertitude, est que, sagissant de la première, la distribution du résultat parmi un ensemble de cas, est connue – soit par le calcul a priori, soit par des statistiques fondées sur les fréquences observées – tandis que ceci nest pas vrai de lincertitude en raison de limpossibilité de regrouper les cas, parce que la situation à traiter présente un degré élevé de singularité3. » Pour pouvoir transformer lincertitude en risque, il faut que la situation puisse être rapprochée de situations jugées similaires afin que les différents résultats possibles puissent être envisagés et que leur distribution soit connue (ibid., p. 234), « Il nest pas nécessaire pour un calcul parfait (…) que tous les événements particuliers soient prévisibles, il suffit que toutes les possibilités alternatives soient connues et que la probabilité doccurrence de chacune puisse être évaluée avec précision » (ibid., p. 198)4. Le caractère unique interdit la répétition à lidentique de la situation. Ceci constitue un obstacle à la définition de probabilités a priori5.

2.2. Les modalités de traitement de lincertitude selon Knight

Knight distingue trois modalités de traitement de lincertitude en référence aux probabilités (Rivaud-Danset, 1998). La première modalité correspond à la probabilité a priori, la démarche est déductive et le raisonnement sous-jacent est logique et mathématique. Les résultats possibles correspondent à des cas équiprobables (ibid., p. 220). Lexemple typique est celui du jeu de dé, les résultats possibles du lancer constituant un groupe homogène. Dans ce cas, il ny a pas de raison de préférer un résultat à un autre (ibid., p. 231). La seconde modalité de traitement de lincertitude correspond à la probabilité statistique ou fréquentiste, la démarche est déductive et empirique, la classification est obtenue à 126partir dun grand nombre de situations (ibid., p. 231) et les différentes situations sont classées empiriquement. Contrairement à la situation précédente, on ne peut pas dénombrer lensemble des résultats possibles de façon équiprobable (ibid., p. 231). Cependant, en vertu du principe de la loi des grands nombres, les effets des facteurs non anticipés se compensent. Enfin, la dernière modalité de traitement de lincertitude est à lœuvre quand il est impossible de procéder à une classification des cas. Elle correspond à un exercice de jugement ou plutôt à deux exercices de jugement. En effet, lentrepreneur prend une décision à lissue dun « processus mental » cognitif qui se décompose en deux temps (ibid., p 227). Le premier exercice de jugement a pour but de formuler une opinion dordre qualitatif quant aux résultats possibles dune action, lestimation quantitative étant impossible. Lentrepreneur procède dabord à une estimation6 puis évalue la confiance que lagent éprouve vis-à-vis de son opinion. Autrement dit, il estime son « estimation », lui accorde un degré de confiance. « Lhomme daffaires lui-même, non seulement forme la meilleure estimation quil peut du résultat de son action, mais il estime vraisemblablement aussi la probabilité que son estimation soit correcte. Le degré de certitude ou de confiance ressentie concernant la conclusion (…) ne peut être ignoré, puisquil est de la plus grande signification pratique » (ibid., pp 226-227)7.

Au final, laction entreprise dépend autant du degré de confiance que du caractère favorable de lopinion : « Le degré de certitude et de confiance … est de la plus grande importance pratique. Laction qui procède dune opinion dépend tout autant de la confiance attachée à cette opinion que de laspect favorable de cette opinion elle-même…La fidélité à la véritable psychologie de la situation des gens daffaires requiert, nous nous devons dinsister, lidentification de ces deux exercices de discernement, la formation dun estimé et lestimation de sa valeur » (Knight, 1921, p. 227). Dans la mesure où le degré de confiance sexprime quantitativement, il se matérialise par une probabilité subjective. En 127revanche, la première étape reste non probabilisable. Au total, les deux étapes menées conjointement sont non probabilisables. Le poids de la confiance dans lestimation semble avoir une certaine similarité avec la conception des probabilités de Keynes (Keynes, 1973, p. 239-308). Cependant, pour Knight, à la différence de Keynes, lestimation relève de lintuition et non de la démarche scientifique de linférence logique. Ce refus dassimiler toute estimation à une probabilité est une position propre à Knight : « Nous devons en conséquence contester laffirmation du Professeur Irving Fisher selon laquelle il ny a quune seule estimation, le sentiment subjectif de la probabilité elle-même8. » Lapproche de Knight se distingue en cela de celle de la théorie de lutilité espérée pour laquelle la formulation dune probabilité subjective constitue la seule estimation fondant la prise de décision. Selon lui, « nous devons admettre que, le plus souvent, nous agissons à partir dune estimation » (Knight, ibid., p. 222-223). Lestimation est synonyme dopinion personnelle et non de probabilité subjective tendant vers une probabilité objective. Dès lors, elle ne peut que partiellement être « justifiée » à des tiers et lappréciation est irréductiblement subjective.

Lincertitude quanalyse Knight dans Risk, Uncertainty and Profit ne concerne ni des situations particulières et rares, ni des personnes particulières qui seraient dotées de capacités de prévision exceptionnelles. Ainsi lincertitude est présente de façon constante dans léconomie. Elle a une double origine : la nature et lactivité humaine. « Le profit a pour origine limprévisibilité inhérente, absolue des choses, le fait abrupt que les conséquences de lactivité humaine ne peuvent pas être anticipées, dans la mesure où même un calcul de probabilité les concernant est impossible et na pas de sens9 » (Knight, 1921, p. 311). Le critère de lunicité nest pas suffisant pour qualifier dincertaine une situation. Il faut également quelle dépende de lactivité humaine. Dans une telle situation, il nest pas possible de faire la part entre le rôle joué par la nature et celui joué par lacteur dans lavènement de conséquences imprévues de lactivité humaine (Rivaud-Danset, 1998). Dans le cas de lincertitude radicale, 128la situation dans laquelle lagent évolue se modifie au fur et à mesure de ses actes, le futur est indéterminé. Dans la même optique, Schackle (1979) considère que le futur est non seulement inconnu mais inexistant au moment de la prise de décision.

2.3. Une vision positive de lincertitude basée
sur lexpertise de lagent économique

2.3.1. Une vision positive de lincertitude

Knight développe ce que lon peut considérer une vision positive de lincertitude. Ainsi il met en avant la capacité de lagent économique à formuler une opinion en situation dincertitude radicale. Celui-ci développe des connaissances pratiques pour la gérer. Pour Knight, incertain nest pas synonyme darbitraire et nentraîne ni un comportement irrationnel, ni un comportement mimétique ayant des conséquences néfastes. Lincertitude est saisie positivement comme une ouverture sur des mondes possibles. Lobjectif de son ouvrage est détudier la manière dont lentrepreneur dégage un profit. Il montre que cest la capacité de jugement de ce dernier dans un contexte incertain qui lui permet de formuler une opinion sur un avenir qui ne va pas de soi et cest cette compétence qui est à lorigine du profit.

2.3.2. Les fondements de lexpertise de lagent économique
en incertitude radicale : l
expérience et lintuition

Le traitement de lincertitude radicale est basé sur la connaissance pratique dite également connaissance praticable (workable knowledge), qui est fondée sur lexpérience. Comme lexplique fort justement Salais et al. (1998), « lintelligence humaine limitée peut traiter le monde, parce quelle recourt à deux dogmes : celui de lexistence, en nombre limité, de propriétés des choses ; celui de la constance de ces propriétés. La classification des choses en groupes de choses identiques sous certains aspects – une activité qui mobilise lanalogie – est, pour Knight, essentielle à lintelligibilité du monde. » (p. 20). Ainsi, lintensité du degré de confiance dépend des succès rencontrés lors des estimations antérieures. Lentrepreneur évalue sa capacité à formuler des estimations en faisant le bilan des estimations quil a réalisées auparavant. Cest 129la confiance quil éprouve à légard de sa connaissance pratique qui guide son action. Le principe cognitif à lœuvre est lintuition, Knight parle de « intuitive judgement », « unconscious induction ». Lexpérience et lintuition sont liées par le fait, quen cas de succès, lindividu éprouve une confiance accrue dans son jugement intuitif. Knight considère que la spécialisation est, avec la standardisation, lautre principe essentiel de traitement de lincertitude. « Le spécialiste sait beaucoup plus sur les problèmes dont il traite que quelquun qui ne sy aventurerait quà loccasion » (Knight, 1921, p. 258)10 Lincertitude est réduite quand la qualité de jugement du spécialiste augmente.

La thèse de Knight se distingue de celle de Keynes pour qui lestimation relève de la démarche scientifique de linférence logique. En effet, selon ce dernier, elle correspond à une croyance de lagent économique relative à une relation de cause à effet concernant plusieurs événements. Ceci amène Keynes à définir la probabilité de la façon suivante : « Si nos prémisses consistent en un ensemble de propositions h, et notre conclusion en un ensemble de propositions a, alors, si la connaissance de h justifie une croyance rationnelle en a de degré alpha, nous disons quil y a une relation de probabilité de degré alpha entre a et h » (Keynes, 1973, 1921, p. 4). Selon cette vision de la probabilité, il nest pas nécessaire de disposer de séries statistiques pour construire des probabilités, elles sont évaluées par les décideurs. En outre, selon Keynes toutes les probabilités (a / h) ne sont pas nécessairement mesurables ni comparables, les seules qui peuvent donner lieu à des comparaisons originales sont celles qui ont le même ensemble de départ h soit la même conséquence a. La relation de probabilité est, en outre, selon Keynes inséparable du poids de largument, les deux éléments ne pouvant se confondre ni se compenser lun lautre. Ainsi, tandis que la probabilité exprime une relation logique, le poids associé à la probabilité dépend de la quantité de données dont dispose le décideur pour asseoir son raisonnement. Les situations dans lesquelles il est impossible détablir des probabilités correspondent à celles dans lesquelles le décideur dispose de peu dinformation.

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3. Lapport de lapproche knightienne
à lanalyse du capital-risque

Dans cette dernière partie, les travaux de Knight sont mobilisés pour rendre compte du traitement de lincertitude radicale effectué par le capital-risqueur compétent. Son analyse permet déclairer théoriquement la nature de lévaluation de la qualité de la jeune entreprise innovante de haute technologie et apporte une dimension analytique rendant compte du traitement de lincertitude radicale

3.1. Les caractéristiques du capital-risque
à la lumière de lincertitude radicale

Les analyses de Knight éclairent de façon théorique le constat selon lequel le capital-risqueur ne peut pas faire appel aux outils du risque, cest-à-dire aux probabilités objectives pour traiter lincertitude à laquelle il fait face. Le traitement de lincertitude radicale relative à lévaluation de la qualité du capital humain dans le cadre de la sélection des investissements ainsi que lévaluation du capital immatériel de lentreprise dans le cadre de la valorisation financière sont de lordre du jugement.

La singularité à lorigine de lincertitude knightienne caractérise la jeune entreprise innovante de haute technologie pour laquelle il est difficile de trouver des équivalents. En effet, la start-up est « unique » dans la mesure où au cœur de son activité se trouve une innovation radicale. Que ce soit chez Keynes ou chez Knight, la notion dincertitude exprime lidée de nouveauté. Sinspirant des travaux de Schackle11 (1979), Lavoie (1985) décrit lintroduction dune innovation comme lexemple type des situations uniques. Lunicité dune entreprise ou dun savoir incarné dans une personne est évidemment relative. Rien dans le monde de lexpérience nest absolument unique. Le fait que la jeune pousse évolue dans une concurrence de type monopolistique est une preuve des limites de cette unicité. En effet, les jeunes entreprises innovantes de haute technologie qui participent à la course à linnovation présentent 131nécessairement des similarités. Il est plus réaliste daffirmer que la firme présente un degré important de singularité. Ce dernier rend difficile lidentification déquivalents, ce qui constitue un frein à la standardisation des pratiques de sélection et de valorisation du financement par le capital-risque. Celles-ci sont de lordre du jugement qui a un caractère irrémédiablement subjectif, car lié à la personne qui lexerce.

La trajectoire de la start-up est incertaine et donc difficilement probabilisable. À lincertitude technologique sajoute lincertitude concernant lenvironnement et lincertitude concernant les actes des acteurs et leurs conséquences. Le lien entre incertitude radicale et innovation radicale apparaît en filigrane à maintes reprises dans la littérature. Limpossibilité détablir les probabilités de certains événements peut avoir pour origine limpossibilité de les appréhender par la connaissance. Orléan (1987) qualifie cette incertitude d« incertitude épistémique » dans la mesure où elle a pour origine linsuffisance de connaissance de lagent pour prévoir les événements à venir. Il se situe dans loptique de Popper selon lequel « il y a certaines choses nous concernant que nous ne pouvons pas nous-mêmes prédire par des méthodes scientifiques. Plus précisément, nous ne pouvons pas prédire, de manière scientifique, les résultats que nous obtiendrons au cours de notre propre connaissance » (Orléan, 1987). Le progrès technique est source dincertitude (Nelson et Winter, 1982). Ce lien entre incertitude radicale et connaissance nous amène à associer lincertitude à linnovation radicale.

Ainsi la faisabilité du produit innovant au cœur de lactivité de la start-up est incertaine : elle est directement liée aux connaissances scientifiques de pointe. Guinet (1995) illustre la différence entre risque et incertitude non probabilisable de la façon suivante :

Uncertainty is the impossibility of knowing what is in the scenario, or at least not sufficiently to make any sort of exact comparison. Risk may be assessed beforehand with a variable margin of error. For instance, the chances of not winning a lottery may be accurately calculated and those of failing an exam may be assessed subjectively. It would have been absurd, on the other hand, to discuss beforehand what chance American science had of not discovering the microchip or the odds that Philips would not develop a compact disc (p. 56).

Plus près de nous, la question est de savoir comment associer une probabilité à lémergence des innovations liées à la biotechnologie et au numérique. Le succès dInternet et de toutes les activités qui sy 132rattachent était imprévisible, de même quà ce jour, les conséquences en termes thérapeutiques du décryptage du génome humain.

Non seulement, linnovation empêche que lon puisse prévoir lensemble des événements futurs pertinents et leur affecter une probabilité mais, en outre, le développement du marché tend à complexifier lenvironnement. Ainsi lindétermination de la trajectoire de la firme financée par le capital-risque est également due à lévolution de lenvironnement dans lequel elle baigne. Elle fait face à lirruption dévénements nouveaux, irréductibles aux données antérieures. Ces événements dont lapparition nest pas probabilisable sont, par exemple, la survenue de produits de substitution, de nouveaux concurrents. À linstar de la démarche de Moureau (1996) sur le marché de lart, il est possible de faire la preuve de la pertinence du concept dincertitude radicale pour rendre compte du contexte régnant sur le marché du capital-risque. Pour cela, cherchons à voir ce que signifierait pour le capital-risqueur ladoption du modèle de maximisation de lutilité espérée. Cela impliquerait quil soit en mesure de connaître lensemble des trajectoires des firmes. Ainsi la connaissance des états du monde possibles requiert que lagent ait connaissance, dune part, de tous les événements élémentaires susceptibles dinfluencer la valeur de la start-up et, dautre part, quil ait la capacité dévaluer toutes les combinaisons possibles obtenues à partir des entités élémentaires. Dans les faits, le capital-risqueur ne peut pas prévoir les évolutions dun environnement où linnovation tient une place essentielle.

Le financement par le capital-risque requiert un traitement positif de lincertitude à laquelle sont soumis le capital-risqueur et le dirigeant de la jeune entreprise innovante de haute technologie. Elle peut être source de surprises négatives comme positives pour lensemble des agents économiques. Elle simpose aux acteurs qui doivent apprendre à la gérer, sans pouvoir pour autant la dissoudre. Considérée uniquement comme une nuisance, elle est un frein à laction. Lincertitude radicale est au fondement même de ce type de financement : sans celle-ci, linnovation radicale naurait pas besoin du mode de financement spécifique quest le capital-risque. Elle nest ni synonyme de chaos, ni un frein à laction. Knight propose lexpérience et lintuition pour caractériser lexpertise de lagent économique capable dagir de façon avisée dans une situation incertaine.

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3.2. Lexpertise knightienne du capital-risqueurt

Lever lhypothèse dune connaissance parfaite de lensemble des états du monde mène à la question de la compétence des agents pour maîtriser cette incertitude. Tous les capital-risqueurs nont pas, en effet, la même connaissance des états du monde, ni les mêmes perceptions : leurs représentations dépendent largement de lancienneté de leur présence sur le marché du capital-risque et de leurs expériences passées. Le capital-risqueur que lon peut qualifier de compétent apparaît comme un expert au sens de Knight : les bases de cette expertise sont lintuition et lexpérience. La capacité de jugement peut être mobilisée à différents moments pour rendre compte des compétences des agents dans la relation de financement. Pour le capital-risqueur, cette capacité trouve sa pleine expression dans les exercices de sélection, dévaluation de la firme dans laquelle il investit. La sélection et la valorisation financière de la jeune pousse reposent sur un exercice de jugement qui mobilise lintuition et lexpérience accumulée. Le capital-risqueur cherche à saisir les spécificités de la start-up qui sont inclassables : le cas de figure est dautant plus singulier que la firme est unique. Son objectif est dinférer le futur – la trajectoire réelle de la firme dans laquelle il investit – à partir du présent.

À propos de lintuition, lexpression dun capital-risqueur est particulièrement évocatrice : il parle dintuition rationnelle (Méré, 1998). Dans La Gloire des ingénieurs, Vérin (1998) qui analyse les compétences des ingénieurs fait référence à lanchinoia grecque. Elle repose sur la capacité à rapprocher rapidement des données hétérogènes (cité par Rivaud-Danset, 1998). Lanchinoia est une faculté innée et ne repose pas sur la démarche délibérative. Dès lors, elle ne se prête pas à lenseignement. De la même manière, lestimation subjective à laquelle procède le capital-risqueur, dans la mesure où elle sexerce selon des modalités spontanées, se prête mal à lenseignement : ainsi, il nexiste pas décole de capital-risqueurs. Néanmoins, il ne semble pas opportun de considérer que lintuition est la clé de lexpertise du financier. Elle doit être associée à lintuition. Selon la définition du Grand Robert, lintuition correspond à une forme de connaissance directe et immédiate, qui ne recourt pas au raisonnement. Elle nous fait saisir ce qui est indémontrable, quon ne peut pas vérifier. Valoriser lintuition nest pas porteur dans la mesure où, si lon suppose que le jugement du capital-risqueur est uniquement fondé sur 134elle, ce dernier ne sera pas en mesure de légitimer ses actions. Or, en tant quintermédiaire financier, il doit rendre des comptes à ses investisseurs.

Lexpertise du capital-risqueur basée sur la pratique, autrement dit son savoir-faire, lui permet de formuler une estimation à laquelle il associe un degré de confiance. Le rôle de lexpérience dans la gestion de lincertitude radicale a été souligné par dautres auteurs que Knight. Ainsi Karpik (1989) propose une analyse du fonctionnement du marché des avocats qui met laccent sur le rôle de lancienneté et de lexpérience. En effet, sur ce marché, le client est en situation dincertitude dans la mesure où il ne connaît pas la compétence de lavocat, cette dernière reposant sur deux éléments : dune part, un savoir codifié et transmissible – comme le diplôme – et, dautre part, le savoir-faire personnel et informel de lavocat. La capacité dévaluer la compétence de lavocat est moindre pour les clients occasionnels que pour les autres. Simon (1988) associe également la qualité des anticipations et la capacité de jugement à lexpérience. Lagent économique est en mesure de décider dans une situation dincertitude grâce à la spécialisation, cest-à-dire laccumulation dune expérience.

Conclusion

Lanalyse proposée dans cette recherche montre la modernité des travaux de Frank Knight. Un siècle après lécriture de son ouvrage majeur Risk, Uncertainty and Profit, celui-ci éclaire de façon magistrale les fondements de lexpertise du capital-risqueur. Knight sintéressait à lentrepreneur au début du xxe siècle, notre recherche montre que son analyse demeure pertinente pour les financiers de linnovation de la révolution numérique et biomédicale du xxie siècle.

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1 Site de la National Venture Capital Assocation (https://nvca.org consulté le 12 août 2021)

2 Cette partie est issue de mon travail doctoral (Dubocage, 2003).

3The practical difference between the two categories, risk and uncertainty, is that in the former the distribution of the outcome in a group of instances is known (either through calculation a priori or from statistics of past experience), while in the case of uncertainty this is not true, the reason being in general that it is impossible to form a group of instances, because the situation dealt with is in a high degree unique…

4It is unnecessary to perfect, (…) that particular occurrence be foreseeable, if only all the alternative possibilities are known and the probability of the occurrence of each can be accurately ascertained”.

5The essential and outstanding fact is that the « instance » in question is so entirely unique that there are no others or not a sufficient number to make it possible to tabulate enough like it to form a basis for any inference of value about any real probability in the case we are interested in” (Knight, Ibid., p 226).

6He figures more or less on the proposition, taking account as well as possible of the various factors more or less susceptible of measurement, but the final result is an « estimate » of the probable outcome of any proposed course of action” (Knight, p 226).

7The business man himself not merely forms the best estimate he can of the outcome of his actions, but he is likely also to estimate the probability that his estimate is correct. The degree of certainty or of confidence felt in the conclusion after it is reached cannot be ignored, for it is of the greatest practical significance” (Knight, Ibid., pp 226-227).

8We must therefore disagree with Professor Irving Fishers contention that there is only one estimate, the subjective feeling of probability itself” (Knight, p 227).

9Profit arises out of the inherent, absolute unpredictability of things, out of the sheer brute that the results of human activity cannot be anticipated and then only in so far as even a probability calculation in regard to them is impossible and meaningless” (Knight, 1921, p. 311).

10The specialist knows more about the problems with which he deals than would a venturer who dealt with them only occasionally” (Knight, 1921, p. 258)

11 Pour Schackle, lincertitude sexprime précisément dans limpossibilité de prédire toutes les occurrences futures et de construire une somme de probabilités dont la somme est égale à un.