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Classiques Garnier

Pour un nouvel écosystème de financement Monde de production, Commun et financement d’impact sociétal

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Entreprise & Société
    2020 – 2, n° 8
    . varia
  • Auteur : Paranque (Bernard)
  • Résumé : L’hypothèse de cette recherche est de considérer que l’économie des conventions telle que développée par les travaux de Salais et Storper en termes de mondes de production permet de comprendre la diversité concrète des formes de coordination des organisations productives mais aussi la dynamique du système productif dans son ensemble dans lequel est inséré le « commons » tel que défini par Ostrom. L’un des enjeux de cette action collective orientée est celui de son financement selon des modalités qui respectent les objectifs du collectif humain qui le porte.
  • Pages : 71 à 100
  • Revue : Entreprise & Société
  • Thème CLIL : 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
  • EAN : 9782406114161
  • ISBN : 978-2-406-11416-1
  • ISSN : 2554-9626
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-11416-1.p.0071
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 08/02/2021
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : mondes de production, commons, financement, obligations, coordination
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Pour un nouvel écosystème
de financement

Monde de production, Commun
et financement dimpact sociétal1

Bernard Paranque

INTRODUCTION

Létude de laction collective dans la production et la gestion de ressources permettant aux personnes parties-prenantes du projet de dégager les revenus nécessaires à leur vie, est lobjet dun regain dintérêt à travers lapproche dite des « commons » depuis le nouvel élan que lui a donné Elinor Ostrom. Une confusion doit être évitée dès maintenant en distinguant le bien commun entendu comme un a priori sur ce qui doit être mis en commun entre les humains, ou comme valeur morale, et le « commun » tel que défini par Ostrom (2010)2. Il sagit dans le dernier cas, celui qui nous intéresse, d« un système de règles régissant des actions collectives, des modes dexistence et dactivités de communautés » (Giraud, 2012, p. 142) caractérisé par un régime de propriété spécifique avec une distribution de droits dusage ; à chaque 72système de ressources correspond un système de droits de propriété avec leur système de gouvernement. On peut alors caractériser un « commons » à travers six dimensions/exigences : un collectif, un projet, une ressource ainsi que lunité de prélèvement de cette ressource (un arbre, un poisson, un code, un flux …), des droits de propriété distribués et un système de gouvernement assurant la soutenabilité du projet (Hess et Ostrom, 2011 ; Chanteau et al., 2013 ; Coriat, 2015 ; Bollier, 2014 ; Parance et Saint-Victor, 2014)3.

Lhypothèse de cette recherche est de considérer que léconomie des conventions telle que développée par les travaux de Robert Salais et Michael Storper (1993) en termes de mondes de production permet non seulement de comprendre la diversité concrète des formes de coordination des organisations productives mais aussi la dynamique du système productif dans lequel est inséré le « commons ». Plus exactement, il sagit de prendre en compte les contraintes/relations entre le « commons » et ses environnements. Il est intéressant de noter que dans ses travaux (2010) Ostrom ne dit rien sur les questions de financement des pêcheries au Canada par exemple, et comment ces modalités pèsent ou non sur la définition même du « commons ». Il faut donc contextualiser le « commons » à laide des caractéristiques du produit. En suivant Salais et Storper, un produit est défini par deux dimensions que sont celle du « marché » (des débouchés) et celle de la « technologie » mobilisée. Cette contextualisation permet de situer le « commons » en caractérisant les actions congruentes à ces deux dimensions, combinaisons, appelées « monde de production ». Elle permet de qualifier les enjeux de cohérence de laction collective en identifiant les conventions les caractérisant et qualifiant le ou les produit(s) réalisé(s). À linverse, ces dimensions impliquent pour un produit choisi, cest-à-dire un marché et une technologie, une forme propre de cohérence impliquant des accords spécifiques entre les acteurs. Autrement dit, les projets sopposent sur leur organisation, cest à dire par leur(s) marchés(s) caractérisé(s) par le degré de prévisibilité ou dincertitude auquel ils sont confrontés, et par leur combinaison productive (moyens de production standards ou 73spécifiques) (Salais, Storper, 1993). Dit autrement, « [] on doit se situer en amont de la division dun marché réduit au prix et aux quantités [] » pour sintéresser à « létude des formes sociales qui sanctionnent laccord des agents sur les descriptions du monde et leur permettent ainsi de coordonner leur projet. » (Salais, Baverez et Reynaud, 1999, p. 236). En effet, « entreprendre avec efficacité suppose de maîtriser lincertitude relative aux marchés, aux technologies et aux produits futurs, la cohérence de ses propres projets par rapport à ceux des autres agents, partenaires ou concurrents. » (ibid., p. 246).

Avec les « commons », nous faisons lhypothèse quil est possible dexpliciter les conditions permissives de cette efficacité. Cette dernière porte, dune part, sur la cohérence du projet et, dautre part, sur laction orientée du collectif formé par les personnes concernées pour gérer leurs activités dans un monde donné (et, le cas échéant, en changer).

Il faut bien veiller toutefois, à ne pas confondre « monde de production » et « commons ». Un « commons » est une forme dorganisation destinée à gérer une ressource afin dexercer une activité génératrice de revenus ou den permettre les conditions. Il est donc contraint à la fois par le marché cible et par la technologie requise ; ce couple qualifie le produit et la trajectoire de celui-ci. Le « commons », comme une entreprise classique, doit gérer la cohérence de ces dimensions pour préserver ses caractéristiques et son identité (comme le montre bien, a contrario, lexemple présenté par Ostrom concernant lintervention des ingénieurs britanniques dans la gestion traditionnelle des rizières en Inde et leur échec).

Toutefois, à notre connaissance, lanalyse des modalités de financement de tels « commons » en lien avec les caractéristiques de leur produit, et leur influence sur la pérennité du projet, ont peu été abordées. Or, en mobilisant les « mondes de production », il est possible dappréhender les conditions de cohérence du « monde de production » (ou du monde cible en cas de changement) avec les objectifs/valeurs du collectif humain qui le porte. Sans réponse à cette question, le risque est grand de voir les objectifs initiaux être remis en cause par la maximisation de la valeur actionnariale (Jensen, 2001), soit directement par les marchés financiers, soit indirectement via les banques et leurs influences sur les principes dévaluation économique des projets.

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Pour faire face à cette pression isomorphique permanente, il faut construire des outils permettant de mobiliser des financeurs privés capables darbitrer entre limpact sociétal de leur investissement4 et leur demande de rendement financier, en faveur du premier. Mais il faut dans le même temps que son action sexerce sous le contrôle du collectif portant le « commons » afin dassurer la vision à long terme, soit en assurant la rémunération des investisseurs, soit pour garantir une partie du risque de défaut quand celui-ci est exogène au projet (cours des matières premières, évènements climatiques, besoins sociaux locaux …). Ce schéma sinspire des « Social Impact Bonds » (SIB) à condition den redéfinir les principes.

Cette recherche assume un éclectisme méthodologique qui permet déviter « létroitesse de nos propres partis pris et [de] relancer constamment les interrogations » (Piron, 2018). Il sagit dune approche en « spirale » qui (re)mobilise à chaque progression la précédente en ce quelle a de commun ou déclairant pour le propos. La cohérence est assurée par ma propre trajectoire qui sinscrit dans la recherche des voies démancipations et de réappropriation par les acteurs des conditions de vie.

Le présent travail a quatre parties. La première présente rapidement les Social Impact Bonds (SIB) et leur adaptation à notre problématique, afin de tracer à grands traits un principe de mutualisation des risques. La deuxième propose le cadre analytique des « Mondes de Production » comme méthode dévaluation de la diversité des conventions pouvant guider laction collective. La troisième partie reprend les caractéristiques dune institution de gestion commune de ressources pour insister sur les enjeux de gouvernance et de définition des droits de propriété. La quatrième propose un cadre de financement cohérent avec le « monde de production » et le « commun » à travers un système de mutualisation des risques des SIB revisités, soit les Obligations à Impact Social (OIS).

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1. les social impact bonds

Les « Social Impact Bonds » ont pour objectif de financer des projets dits « sociaux » non financés par les acteurs traditionnels du financement, en créant les conditions dune mobilisation des acteurs privés en assurant le remboursement et/ou la rémunération de leurs investissements en cas de réussite du projet. Cette « réussite » est définie a priori en fonction dobjectifs discutés entre les parties prenantes (personnels de lentreprise quel que soit leur contrat, clients et fournisseurs, en particulier apporteurs de fonds, actionnaires et associés, mais aussi collectivités locales) et selon des critères dévaluation validés par celles-ci. En cas déchec, les investisseurs assument le risque. On pourrait aussi envisager une mutualisation de celui-ci sur la base dindicateurs intermédiaires dépendant de lorganisation et de la qualité de la gouvernance. En tout état de cause, il sagirait dune rémunération aux résultats assurée par une collectivité qui nintervient donc que si les objectifs initiaux sont réalisés et sous réserves de non éviction des éventuels financements publics traditionnels. « Les SIB sont une forme non traditionnelle dobligations émises par lÉtat sans taux dintérêt fixe mais sur une période prédéterminée par lesquelles lÉtat sengage à payer pour lamélioration significative des résultats sociaux (comme une réduction du taux de délinquance) pour une population définie » (Groupe Pilote, Étude Prospective, 2012)5.

Lidée proposée par ce papier est de regarder comment « décentraliser » ce dispositif. Cette « décentralisation » correspond à léchelle du projet et concerne tout autant les participants actifs du « commons » que les collectivités territoriales mais aussi les citoyens se sentant concernés ou intéressés. Il sagit de permettre à ceux-ci de contribuer aux projets en financement participatif et ainsi mutualiser les risques permettant à des acteurs privés externes dintervenir via des véhicules financiers de 76type « Obligation à Impact Social » (OIS)6. On pourrait alors imaginer des obligations émises par un regroupement de collectivités territoriales pour financer des projets locaux présentant leurs objectifs sociétaux et les modalités de leur réalisation. Le financement sinsérerait dans un « commons » à condition de sassurer quil ne vienne pas en concurrence avec les projets du territoire comme palliatif du désengagement du financement public ou dune marchandisation accrue de laction publique.

Le remboursement et la rémunération du risque pris ne se feraient que sur la base dune validation par linstitution « commons » ; mais en cas déchec une mutualisation du risque pourrait être établie à travers un fonds de garantie dédié. Un fonds de garantie porté par une société de cautionnement mutuel pourrait être mise en place pour faire face aux cas extrêmes7.

Dans tous les cas le triptyque « OIS – financement participatif/collectivité – projet » devrait sinsérer, être une composante du « commons » de référence défini par ses règles de gouvernance et lexplicitation des droits de propriété liés au dispositif. Il est nécessaire aussi de disposer dune grille dévaluation a priori du projet explicitant les conventions présidant à son action, et a posteriori afin de rendre compte de la trajectoire du projet au regard des objectifs initialement fixés. Les deux dimensions sont indispensables pour gérer les ajustements et adaptations qui naitront du développement et de la mise en œuvre du projet (Callon et ali., 2001).

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2. Le monde et notre actioN

Selon Salais et Storper (1993), le « choix » de lentreprise porte sur le produit dont elle attend un profit. De ce choix « découlent » des principes de cohérence qui guideront son action future selon la nature du marché sur lequel elle interviendra et la nature du processus de production quelle devra mettre en œuvre. Ces choix conditionneront aussi, et simultanément, les modalités de mobilisation des ressources, y compris financières, requises pour son développement. Dès lors, si le « commons » nest pas essentiellement centré sur le « marché », il lest sur son produit qui lui-même dépend du couple « marché/technologie » car in fine le producteur de riz doit pouvoir vendre son produit, le riz (issu dune certaine demande et dune technologie), pour vivre.

Ainsi, on peut appréhender un « commons » comme une entreprise à condition de ne pas ly réduire et de ne pas le limiter à une simple modalité technique de production dun bien ou dun service. Il est dabord déterminé par le type de distribution des droits de propriétés entre ses membres et les principes définissant et organisant le collectif le portant. Il peut bien être appréhendé en seconde approche aussi comme une organisation (telle que définie dans la phrase précédente se caractérisant par les modalités de la gestion dune double dimension nommée « produit » :

La première dimension concerne la nature du processus de production. Elle repose sur la distinction production standardisée/production spécialisée. La production est standard si elle nexige aucune compétence spécifique de la part des employés. La production est spécialisée lorsque chaque personne apporte son propre savoir-faire et ses compétences. On peut opposer, par exemple, la fabrication standardisée de meubles en bois à lactivité dartisans menuisiers ou débénistes.

La seconde dimension appréhende la nature du marché. Ce dernier peut être prévisible ou incertain. Dans le premier cas, les firmes répondent à une demande de masse et sont confrontées à des contraintes de type macroéconomique liées, par exemple, à 78lévolution de la demande des ménages ; elles utilisent alors les statistiques générales telles quétablies par les instituts statistiques. Dans le second cas, les entreprises, compte tenu de la spécificité de la demande, ne peuvent pas prévoir, à partir des statistiques, les caractéristiques de celle-ci qui est sans cesse renouvelée, tant dun point de vue quantitatif que qualitatif, du fait de sa nature même. Le processus de décision sappuie alors sur un exercice de jugement. Par conséquent, le degré dincertitude du marché a un impact sur les actions conduites par lentreprise (dans les processus de production, de vente, de financement…). La combinaison des deux axes ainsi définis, « processus de production “standardisé/spécialisé” » pour lun et « marché prévisible/incertain » pour lautre, est à lorigine de quatre « mondes » possibles de production, soit, en reprenant la terminologie de Salais et Storper, le monde « industriel », le monde « marchand », le monde « interpersonnel » et le monde « immatériel8 », qui se positionnent de part et dautre de chaque axe (figure 1).

Le positionnement dune entreprise sur ces axes peut alors se définir comme relevant de lespace dune « économie de variété » versus lespace dune « économie déchelle » si on lappréhende à partir de laxe du processus de production ou appartenant à lespace des « produits génériques » versus celui des « produits dédiés » si on lanalyse sous langle du marché. Selon cette dernière approche les produits génériques sont des produits anonymes quant à leur destination et définis indépendamment des personnes. Cette définition recouvre ainsi linnovation comme, par exemple, la découverte dune nouvelle molécule dans la mesure où, par construction, le produit est anonyme car inconnu. Les produits dédiés correspondent à un segment particulier de la demande et/ou à des demandes individualisées. Salais et Storper illustrent cette distinction dans le domaine du textile à travers la différenciation entre des fils simples pour un grand nombre de clients et des fils fantaisies pour quelques clients9.

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Ces « mondes de production » définissent donc des espaces de cohérence de laction de lentreprise en vue de réaliser un profit (annexe 1). Autrement dit, dans cette acception, cest la cohérence des fonctions structurant le projet (entreprise au sens générique) qui détermine sa pérennité saisie sous la forme capitaliste de la rentabilité (à distinguer de la notion dexcédent nécessaire pour faire face aux engagements passés et répondre aux besoins futurs) résultant de choix sur les marges, les investissements, la gestion des stocks, là les délais de paiement etc. (Paranque, Rivaud-Danset, Salais, 1997 ; Rivaud-Danset et al., 1998).

Fig. 1 – Les Mondes de Production
daprès Paranque, Rivaud-Danset and Salais (1997).

Ces espaces, et leurs principes dévaluation, pourraient être mobilisés pour étudier les institutions de gestion collective de ressources, les « commons », qui sappuient sur une propriété privée comme cest le cas pour les troupeaux, privés, des alpages, « en commun » ou lirrigation, « en commun », des champs ou rizière, pouvant ou non être privés (Ostrom, 2010). En effet, une de leurs caractéristiques est limportance des relations interpersonnelles et de la spécificité de leurs activités, moins liées à la ressource en tant que telle quaux dispositifs mis en place pour assurer la coordination de lensemble du collectif qui peut alors opposer une « propriété privée » aux non membres.

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Une remarque importante à ce stade. Si lanalyse en termes de « monde de production » qui porte sur les entreprises au sens traditionnel, nous intéresse cest parce quelle invite aussi à sinterroger sur les enjeux de cohérence de tout projet économique, en particulier quand il sagit de dépasser les déterminants usuels de léconomie capitaliste. Un « commons » nest pas une entreprise (sauf dans le sens générique dentreprendre quelque chose comme un voyage) mais cela ne veut pas dire quil nest pas confronté à lincertitude/risque ou aux contraintes technologiques, même quand il semble hors « marché ». Par exemple, le peer-to-peer nest possible que par lexistence dune demande (et donc une incertitude sur la réciprocité) et la maîtrise/accès partagé à une technologie. Or cette technologie peut tout autant servir à contester le modèle économique dominant tenus par les majors du secteur quà le renforcer : il ny quà voir lévolution des plateformes de streaming. Car la technologie, quelle soit appropriée par un « commons » ou non, doit être financée, maintenue, entretenue, ce qui implique des coûts et donc des relations avec le système de financement dominant et rend perméable à linfluence de ses règles dévaluation de la performance. Ce point adresse peut-être une critique aux travaux de Ostrom qui ne dit rien sur linfluence de la logique financière sur le fonctionnement des « commons », sauf peut-être à loccasion de ses travaux sur la gestion des nappes phréatiques en Californie.

Il ne sagit pas pour autant de sortir du marché, ou plus exactement de la circulation des biens et des services, dont léchange, mais de pouvoir répondre en sémancipant du seul échange capitaliste10, cest-à-dire à un échange fondé sur les seuls prix (Testart, 2007) en vue daccroître la valeur pour la valeur (Weeks, 2010 ; Marx, 1974, p. 467-468).

La nature dun « commons » en tant quorganisation le place potentiellement et a priori dans trois « mondes », le monde interpersonnel, le monde immatériel et le monde marchand. La nature des relations entre les membres « interdit » le monde industriel fondé sur la standardisation et limpersonnalité des relations. Les enjeux de confiance entre les membres, cest-à-dire aussi la capacité à construire les conditions de celle-ci sont centraux comme le montre la dimension des limites du collectif, létablissement de règles de 81gestion et daccès aux ressources ou encore la possibilité dintervenir sur ces dernières. Cela conditionne à la fois la pérennité du « commons » mais aussi, ce qui en est une des conditions, la qualité du produit réalisé : la qualité du travail de chacun conditionne la qualité perçue de lactivité collective. Parfois, cest moins la spécificité de la demande (monde interpersonnel) qui importe que la qualité de la réponse à la demande (monde marchand).

Cela implique de différencier les niveaux de propriété à travers les capacités dactions et les degrés de responsabilités coordonnés sous-jacents.

Sept droits de propriété sont identifiés pour qualifier « la propriété » et ainsi caractériser les rôles et les capacités daction de chacun selon lattribution de ces droits (Hess et Ostrom, 2011 : 52-53), notés DPI dans la suite (voir leur rappel en annexe 2). Cette distribution permet de hiérarchiser limplication et les capacités de gestion distribués entre les citoyens intervenant selon leur fonction économique, client, fournisseur, apporteur de capitaux, salarié, voire bénévole.

Il faut aussi que le collectif désireux dagir de manière coordonnée puisse se qualifier, cest-à-dire se définir. Il est possible de saider des principes de conception communs identifiés par Ostrom (2010, p. 114 ; 2005, p. 258 et suivantes) – notés PC2 dans la suite (voir en annexe leur rappel).

Enfin, la gouvernance retenue par le collectif voulant sinstituer en tant que « commons », doit traduire ces choix. Cest pour cela quil faut que les règles soient explicites et que le cadre/contexte de compréhension partagé, en retenant la distinction faite entre stratégie dune part, normes et règles, dautre part (Ostrom et Basurto, 2013). La première « tient compte des informations de chacun sur la structure élémentaire de la situation » (ibid., p. 7) ce qui implique la disponibilité de ces informations et donc la capacité à exprimer et formaliser un besoin sous forme partageable en vue de laction ; les secondes sont des prescriptions sans ou avec sanctions (ibid.).

Pour ce faire, le cadre théorique des « mondes de production » fournit des outils à la fois de diagnostic et dévaluation favorisant la production de linformation nécessaire à la gouvernance et au suivi du projet en tant que « commons ». Dans cette perspective, il faut pouvoir assurer au « commons » une cohérence non seulement interne fondée sur les droits et principes présentés, mais aussi externe, cest-à-dire dans son « imbrication » avec le système socio-économique dominant dans lequel il est « inséré », faute de quoi sa pérennité sera fragilisée.

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3. Une finance au service du monde et du commun

Linstitution de la « Finance comme “commons” » doit soutenir lémergence et le développement de nouveaux usages et de nouvelles pratiques. Cela pose de fait la question de ses relations avec les financeurs privés et le système bancaire existants.

Comme lont montré les travaux sur les régimes dengagement de léconomie des conventions (Rivaud-Danset et Salais, 1992), deux types de relations sont envisageables selon que lon gère la relation de financement comme un pur risque, cest-à-dire comme un calcul de probabilité de défaut et donc fondé sur le prix (1), ou comme un construit social dans la durée, fondé sur un ensemble dengagements communs (2), et donc dans une gestion collective de linformation pour répondre à lincertitude :

1. « Le modèle bancaire “à lacte” exclut toute compréhension personnalisée au profit dune information standardisée sur le client en termes de calcul de probabilité. » (Rivaud-Danset et Salais, 1992, p. 91).

2. « Le modèle bancaire “dengagement” sacrifie lopportunisme et la réversibilité au profit dune relation de confiance [] » (idem, p. 89).

Autrement dit, dans une relation déchange purement marchande (1) avec la banque, ou les prêteurs au sens large, seuls les critères de prix et de coûts président à la décision déchange, ce qui ne peut que renforcer une relation de court-terme, qui plus est opportuniste. En revanche, si on veut assurer cet accès au crédit dans le temps et donc aussi à une liquidité future, il faut que léchange soit porté par dautres critères que ceux du prix (2). Cela veut dire, pour les parties, dêtre capables de nouer une relation dengagement (Rivaud-Danset, 1995, 1996 ; Rivaud-Danset et Salais, 1992).

Il ne sagit pas de définir un cadre simposant à toutes les situations de manière indifférenciée mais au contraire détablir des cohérences entre le produit (le couple « marché/technologie »), le mode de financement et le « commons ». La figure 2 propose une typologie despaces dactions dans lesquels ces cohérences sont compatibles ou non. Cette grille de lecture sinspire des distinctions faites par Caillé (2007) entre lespace privé et lespace public et entre la socialité primaire et la socialité secondaire.

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Le cadran 1 est celui dans lequel opèrent les entreprises telles quon les entend habituellement et que décrivent les « mondes de production ». Cest celui qui reste dominant dans la qualification de la nature des échanges basés sur la concurrence, typiquement le monde « industriel » et, selon les cas, le monde « marchand ». Cest lunivers capitaliste au sens du rapport social de production fondé sur la propriété privée des moyens de production et le contrat de travail comme mode dappropriation des ressources produites. Dans ce cadre la finance est capitaliste au sens de fondée sur les marchés financiers (lactionnaire) et le rapport social correspondant sexprime par la maximisation de la valeur actionnariale11.

Toutefois, certains « monde de production », « linterpersonnel » et « linnovation », voire dans certaines configurations, « le marchand », peuvent être à la frontière dautres modes de circulation des biens et des services, du fait des conventions en œuvre et des exigences de coordination avec les tiers que cela implique dans la construction dune certaine confiance entre les acteurs.

Fig. 2 – Les « interstices » pour une finance comme commun daprès Paranque (2017).

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Le cadran 2 est celui des activités hors marchés, sociales et solidaires au sens générique des termes, dont lassociation est lexpression la plus évidente. Cest celui des relations interpersonnelles fondées sur la connaissance de proximité, les solidarités locales et des intérêts immédiats partagés. En ce sens, il exprime la base sociale que lon trouve dans lexpression des districts et autres systèmes productifs locaux dont la viabilité est sous-tendue par des relations de proximité et le sentiment dappartenance locale (ce qui peut créer les conditions dune action dans le cadran 3). Dans cet espace, le lien avec la finance capitaliste est celui du quotidien via les crédits à la consommation, lépargne ou encore le financement de proximité. Mais il est aussi celui où des tentatives de mutualisation et de coordination alternatives peuvent émerger via les systèmes locaux déchanges, les monnaies locales ou encore les dispositifs de financement local tels les Cigales. Cest aussi un lieu dinnovation dont lavenir va dépendre de la trajectoire retenue relativement au choix de produit. Ce cadran est donc central dans la mesure où il est potentiellement le creuset dexpériences démancipations des règles déchanges dominantes, le lieu où la valeur dusage peut primer ou non, sur la valeur déchange (ce qui sexprime par deux trajectoires possibles, vers le cadran 1 ou le cadran 3). En effet, les modes et les pratiques de consommation le montrent bien comme le souligne le renforcement des actions et des recherches sur léconomie sociale et solidaire incorporant, par construction, une dimension de relations déchange voulant sémanciper de la réification et affirmant le don, laction gratuite, la solidarité pour la solidarité, dans les relations à lautre.

De fait nous sommes dans un double mouvement contradictoire de marchandisation croissante de toutes les sphères dactivités, seul le marché capitaliste pouvant valider les échanges, et de foisonnement de pratiques hors marchés se régulant hors la sphère marchande, ce qui ne veut pas dire sans circulation des biens ou des services comme le montre le peer-to-peer ou lopen source. Dans ce contexte la finance est un lien qui permet de faire des projets et dassurer des solidarités. Mais elle est dominée par et soumise à la finance capitaliste, et doit donc gérer les contradictions correspondantes en trouvant des solutions plus ou moins soutenables comme les monnaies locales, le financement de proximité, le financement solidaire etc.12

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Le cadran 3 marque une socialisation des dispositifs de solidarité. Par certains côtés on peut considérer quils émergent du cadran 2 même sils peuvent être construits de manière autonome. Ils ne sont plus forcément basés sur la proximité locale ou géographique mais sur le partage de valeurs, de diagnostics sur la situation économique et sociale convergents, de volontés dexpérimenter/diffuser des pratiques alternatives, ce qui est une autre forme de proximité. Le lien reste au cœur mais sinstitutionnalise au sens où il sinscrit dans une démarche où linterpersonnalité des rapports ne se réduit pas à la connaissance personnelle mais exprime une même reconnaissance dappartenance commune. À cet égard, il présente des proximités fonctionnelles avec le monde « interpersonnel » de par la nature des conventions déchanges et de production. La finance devient alors le moyen dexprimer et de formaliser le lien social en favorisant les anticipations, les transferts, le paiement des dettes et laccès au crédit.

Ce mouvement peut trouver une forme plus aboutie dans le cadran 4 où la formalisation de cette appropriation collective des fins et des moyens sexprime par des institutions telles que la Sécurité Sociale par exemple.

Dans les deux cas, la finance comme « commons » se confronte à la finance capitaliste ne serait-ce que par le biais de la constitution de lépargne via les salaires, les dispositifs de placements etc.

Toutefois pour que cette finance soit un « commons », il faut se dégager de lidée quelle peut lêtre en tant que telle. Elle ne peut que participer au « commons » comme lien entre les acteurs, le passé, le présent et le futur – la dette et le crédit – que si elle est supportée, gouvernée par les objectifs sociétaux des acteurs. Plus précisément, que si elle est insérée dans le « commons » réel, celui correspondant à lactivité productive des acteurs pour répondre à leurs besoins. Elle ne peut être autonome quand bien même elle doive être gérée en tant que « commons ». Rappelons-le, il sagit « un système de règles régissant des actions collectives, des modes dexistence et dactivités de communautés » (Giraud, 2012, p. 142) caractérisé par un régime de propriété spécifique avec une distribution de droits dusage. Par conséquent une finance comme « commons » est une finance insérée dans les pratiques concrètes 86des femmes et des hommes. Elle doit leur être conditionnée tout en répondant aux exigences dune gestion collective destinée à assurer le lien spatial et temporel entre les membres.

Dans ce contexte et sous ces conditions, une finance comme « commons », permettant un accès à la liquidité et au crédit (Giraud, 2012 ; Aglietta, 2016) en lien avec des objectifs coordonnés partagés, devrait relever :

dune circulation des biens et services fondée sur léchange marchand non capitaliste, voire léchange non marchand13, et dont les monnaies locales expriment des prémices (voir Aglietta, 2016, pages 191 et suivantes) ;

dune relation de financement (dont bancaire) dengagement, de proximité, pour laquelle les critères de prix ou de valeurs ne sont pas les seuls déterminants de léchange et donc articulés ou soumis à des critères soit dusage (besoins à satisfaire), soit de développement de liens sur un territoire ou entre populations partageant les mêmes aspirations et principes de coordination ; critères que les plateformes de financement participatifs pourraient contribuer à porter.

En termes doutils opérationnels, les expériences de crédit commun menées par Slater et Jenkins (2016) pourraient être étudiées puisquelles sappuient sur « un protocole ouvert pour réaliser les accords déchanges multilatéraux au sein des groupes de monnaies communautaires. Le protocole définit la lecture et lécriture des grands livres, chaque grand livre ayant une unité de compte, un groupe de compte et des règles. Chaque groupe décide de ses propres règles de comptabilité » (ibid., p. 14), règles qui sont cruciales non seulement dans leur utilisation mais dabord et surtout dans leur conception (Rambaud, 2015). Cette régulation devra aussi sappuyer sur des outils de diagnostics et dévaluation destinés à apprécier la révision et les étapes de réalisations des objectifs et leur impact au regard des attentes tant initiales que réévaluées des personnes engagées. À cet égard, lidentification des conventions requise pour réaliser le produit attendu (marché/technologie) est centrale pour la gouvernance densemble et la distribution des droits de propriétés.

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La soutenabilité de cette institution de gestion collective de la ressource « finance » est du même ordre que celle dont relève la convention monétaire. Il sagit dune exigence éthique précisant les lignes de conduites acceptées, une contrainte acceptée par les acteurs dans le cadre dun système de règles et de normes, et une satisfaction à agir dans ce cadre (Aglietta, 2016, p. 71 et 392 ; Ostrom, 2010).

4. Quel dispositif de levée de fonds ?

Il nest pas envisageable de sisoler de lÉtat en tant quil représente une communauté et lexpression dun pacte social car il ny a pas de monnaie sans liens, sans expression dune dette inter et intra générationnelle (Aglietta, 2016 ; Graeber, 2013 ; Servet, 2012, 2013). Notre propos vise alors la construction dinstitutions décentralisées, mutualisant le risque (et non pas le transférant à des tiers comme sur les marchés financiers) et participant à la gouvernance des projets et de leur territoire. Pour ce faire, trois outils sont mobilisés, les obligations à impact sociétal (OIS), la garantie mutuelle et les « commons » pour constituer une finance en tant que « commons ». Lobjectif est dallier :

un projet collectif sur un territoire organisé sous forme de « commons » dont lentreprise cible ne serait que le vecteur opérationnel (ce qui veut dire que lévaluation de lentreprise doit se faire à laune des objectifs du collectif et du territoire) ;

un dispositif de financement participatif qui « prendrait la place » de lÉtat ou de linstitution publique pour rémunérer les investisseurs et racheter les parts des investisseurs en cas de réussite ; il pourrait aussi prendre en charge le paiement des intérêts dans léventualité dun prêt par des investisseurs privés ;

des investisseurs privés intéressés par linvestissement dimpact ESG14 (y compris sous forme de prêt) et désireux de contribuer à ce projet en conditionnant la performance financière à un impact 88sociétal évalué contradictoirement et collectivement sur la base dun outil co-construit et partagé.

4.1. Un projet collectif sur un territoire

Cest la condition de lexistence dune plateforme non seulement pour la raison dêtre de cette dernière, mais pour pouvoir instituer une finance comme « commons ». La difficulté à ce stade est de savoir ce que peut être le projet. Est-il constitué par lexistence plusieurs activités portées par des individus dun territoire, forestiers, pêcheurs, riziculteurs … ? A-t-il déjà une forme instituée ? Dans le premier cas, nous sommes dans la configuration étudiée par Ostrom et lenjeu est de formaliser le deuxième niveau dune finance comme « commons » à partir de dispositifs de communication et dinformation partagés. Dans le second cas, il sagit de savoir, par exemple, si une entreprise, une coopérative est un « commons » ou non. Si on reste fidèle à la fois aux terrains et aux qualifications retenues par lÉcole de Bloomington alors il est difficile de qualifier lentreprise, quand bien même elle serait une coopérative, de « commons ». En revanche, si, partant dun projet daction collective, il apparait que la forme de coordination productive retenue par les acteurs du territoire est celle de lentreprise coopérative, alors celle-ci devient une composante du dispositif et sa gouvernance sopère à partir de « larène de choix collectifs ». Autrement dit, si le pilotage quotidien peut relever du management de lentreprise coopérative, les acteurs auxquels il doit rendre compte, ne sont pas les actionnaires ou les associés ou les sociétaires, mais les membres du collectif, quils financent ou non lentreprise, dont la légitimité ne repose pas sur lapport en capital mais dans lengagement sur latteinte dun impact sociétal, bref les membres du « commons » sexprimant à partir de « larène de choix collectifs ».

4.2. Le dispositif de financement participatif

Ce dispositif doit se construire avec lobjectif fonctionnel de créer de la proximité entre lensemble de membres, cest-à-dire le sentiment de participer et contribuer à un projet commun, pérenne, indépendamment des fonctions assurées par les participants à linstant « t ». Il sagit donc dun dispositif de collecte de ressources, capable de sadosser à un « commons » ou tout autre projet collectif de type coopérative, système 89productif local, en proposant une contribution non seulement financière mais aussi méthodologique dans lexpression des besoins et des objectifs, ainsi que lévaluation en continue de limpact sociétal. Une personne qui apporterait une contribution financière à la plateforme doit être informée selon des principes explicites, non seulement du projet mais aussi des conditions (voir annexe 2) dans lesquelles elle peut intervenir (quels sont les principes de conceptions – DPI – retenus et quelle est lattribution des droits – PC2 – A1 en particulier). Le bénéficiaire doit non seulement accepter une telle co-construction mais mettre en place les dispositifs de gouvernance correspondant – en particulier concernant le point B3 – ainsi que les modalités de production de linformation nécessaire. Enfin les gestionnaires/animateurs de la plateforme doivent organiser le dispositif selon les principes de conceptions – DPI – et dattribution des droits – PC2 – afin de permettre linstitutionnalisation du « commons » compatible avec les projets soutenus.

La plateforme ainsi constituée pourra proposer des prêts, des interventions en capital ou la constitution dun fonds de garantie.

4.3. Des investisseurs privés

Il sagit dacteurs qui interviendraient en dehors de la plateforme et vis-à-vis desquels cette dernière assurerait le rôle soit de garant, soit de co-financeur ou encore de relais en cas de sortie du capital du projet. Le véhicule de leur intervention pourrait sinspirer des SIB en les adaptant au « commons » et en les redéfinissant, dans la mesure où la plateforme jouerait le rôle assuré traditionnellement par lacteur public ou celui de garant en cas de problème. Deux cas de figures sont en effet possibles. Le premier est que le risque est entièrement porté par linvestisseur privé et la plateforme nassurant la rémunération (ce qui implique de disposer dun outil dévaluation construit a priori avec les acteurs), et/ou quelle ne rachète les titres permettant la sortie du capital quen cas de réussite. Le second est la mise en place de dispositif de garanties en cas déchec, et de financement relais du projet.

4.4. Lévaluation partagée : point de départ

La question qui se pose alors est davoir un dispositif dévaluation qui puisse répondre aux objectifs et aux contraintes de ces différentes parties.

90

Le concept de monde de production développé par Robert Salais et Michael Storper (1993) permet dappréhender la diversité économique et financière des projets économiques. Un travail didentification des mondes possibles et une recherche de leur traduction opérationnelle est donc nécessaire. À ce titre il peut être une aide pour aider à qualifier un « commons » et son projet, pouvant contribuer à développer les outils de pilotage et dévaluation adéquates. Mais ceci nest possible que si les acteurs concernés lèvent la contrainte de labsence dinformations partageables et développent une capacité de co-production de celles-ci15.

Cette co-production dinformations est cruciale pour négocier les conditions de rémunérations des capitaux empruntés et/ou levés. Le taux de rémunération pourrait faire lobjet dune proposition de la part des citoyens porteurs du territoire et de son projet. Il sagirait donc de modifier le fonctionnement du marché traditionnel dans lequel des apporteurs arbitrent selon un taux, en faveur dune délibération portée par les acteurs du territoire, aboutissant à proposer un taux de « x% » sur la base du projet que porte le « commons » et des objectifs sociétaux poursuivis. Ainsi, linvestisseur ne se déciderait pas seulement en fonction du prix, le taux, mais dune information qualitative issue dun processus de discussion auquel il pourrait être associé. On pourrait donc envisager que plus la proximité « socio-culturel » est importante, moins la contrepartie financière soit élevée du fait de limpact sociétal visé puisque le projet financé participe à la possibilité même de vivre sur un territoire et assurer la pérennité individuelle et collective, cest-à-dire donne une capacité à chacun de se projeter.

4.5. Les constructions de la performance révisées

Dans ce contexte, la réponse pertinente est de rendre les parties (plateforme de financement, porteurs du projet, investisseurs privés) proactives, intéressées dans la production de linformation, en sappuyant sur une structure danimation, la plateforme, qui assure une coordination tant technique que sociale du processus de production, délaboration, de collecte, de validation, de restitution et de diffusion de linformation.

Si classiquement, les acteurs financiers traditionnels sintéressent principalement à quelques « fonctions » : flexibilité financière, stratégie, 91marché, ressource humaine, technologie, pour autant ils ignorent limpact sociétal de leurs mises en œuvre et réduisent la réussite du projet à celle de lentreprise. Ce défi implique donc de « traduire » linversion de la problématique qui met au cœur le projet, le « commons » et considère lentreprise comme un outil au service du collectif.

Pour autant, comment assurer cette « traduction » qui permette tout à la fois dassurer les tiers de la performance du projet (solvabilité/liquidité) et de son impact sociétal ?

Nous excluons de notre analyse le « monde de production » dit « industriel » dans la mesure où cest celui qui nimplique pas de proximité entre les acteurs, cest-à-dire une communauté de gestion collective de ressources, un « commons ».

Salais et Storper (1993) proposent quatre conventions dévaluation dun monde : lévaluation de la qualité, la concurrence, les aléas sur la demande et la forme de flexibilité qui peut être interne ou externe (sous-traitance).

Tab. 1 – Modalités dévaluation des mondes de production.

Mondes

Interpersonnel

Marchand

Immatériel/innovation

évaluation de la qualité

Le prix comme révélateur de la satisfaction des acheteurs

Standard
industriel local

Règles éthiques
et scientifiques

concurrence

Sur la qualité

Prix en premier, qualité en second

Par lapprentissage

aléas sur la demande

Incertitude locale « marchande » sur le prix

Incertitude locale temporelle (prix, quantité)

« certitude » (ie la conviction de la pertinence du projet)

forme de flexibilité

externe

interne

Qualité

Qualité/prix

Qualité

Quantité, prix

Qualité et quantité

Qualité

Source : daprès Salais et Storper, 1993, p. 63.

De la capacité à identifier le monde, cest-à-dire le produit comme expression du couple « marché/technologie », va dépendre la trajectoire pérenne à terme. De même, de la capacité des acteurs à expliciter les 92règles collectives pour piloter la structure productive (lentreprise) portant le projet, va dépendre la possibilité de sémanciper dune logique marchande capitaliste au sens où Testart la définit (2007), cest-à-dire une logique selon laquelle « [] léchangiste cherche la valeur dusage du bien fournie en contre partie ou sa valeur déchange » (ibid. : 156).

Chaque case du tableau doit être comprise comme exprimant un lien entre le projet, la structure productive et les tiers. Par exemple, « Le prix comme révélateur de la satisfaction des acheteurs » est lexpression dun accord partagé sur lobjectif de léchange qui est non seulement de répondre à un besoin mais dy répondre dune certaine manière. À titre dillustration, le commerce équitable peut correspondre à ce dernier objectif à condition de sassurer que le producteur bénéficie réellement dune valeur supplémentaire. Mais ce type de commerce peut aussi être légitime dans un autre « monde », répondant à un standard local qui sera alors le principe directeur de laction : comment est défini ce standard ? Quelles sont les modalités de son élaboration et de son acceptation ? Comment prend-il en compte ou non limpact sociétal de laction menée, du projet ?

conclusion

La proposition de cet article est quil est possible de construire des émergences, des « micro-émancipations » (Spicer, Alvesson, Kärreman, 2009, p. 553) raisonnées, susceptibles de dessiner des mises en cause soutenable du modèle de croissance dominant. Elles doivent sappuyer sur des initiatives locales16 qui tout en composant avec les outils classiques traditionnels de gestion, les modifient, les transforment grâce à une coordination et des principes de gouvernance différents de ceux de léchange marchand capitaliste. Il faut pour cela que les acteurs analysent le contexte sociétal de leur projet collectif et construisent linstitution susceptible den assurer la pérennité. Pour ce faire, larticle suggère une démarche sappuyant sur les « mondes de production » et 93leurs conventions, dune part, et la distribution de droits de propriété correspondants et les principes de conception communs nécessaires à la gestion collective du projet, dautre part.

Il sagit donc de procéder par aller-retour, par itération successive, entre le projet collectif entendu comme un « commons » et le « monde production » choisi ou correspondant à la nature des ressources à mobiliser, afin de proposer un pilotage densemble traduisant les modalités opérationnelles de réalisation de limpact sociétal attendu/espéré.

On ne sintéresse donc pas seulement à lorganisation collective mais aussi aux (ou à la) structure(s) productive(s) sur lesquelles/laquelle elle est fondée, ainsi quaux modes de financement correspondant. La finance comme « commons » intervient alors comme lien contrôlé entre les acteurs participants en assurant la cohésion temporelle des attentes et réalisations, tout en étant compatible avec les outils financiers traditionnels, sans oublier la nécessité de dispositifs assurantiels et mutualistes adaptés et insérés dans le « commons ».

Tout cela relève de la « cité par projet » (Boltanski et Chiapello, 2011) en ce sens quune des ambitions de cette réflexion est de dépasser le concept traditionnel dentreprise en favorisant la convergence des projets individuels en un projet collectif permettant les confrontations nécessaires à lagir ensemble. Il ne sagit donc pas dune simple mise en réseau mais bel et bien dune interrogation sans cesse renouvelée pour permettre le vivre ensemble et donc dun cadre voulant favoriser lexpression dun compromis dynamique, cest-à-dire révisable selon des modalités co-construite. Lenjeu est alors davoir les moyens de gérer « un système de contraintes » (ibid., p. 174) tout en favorisant lengagement.

Les limites de cette proposition sont celle dune absence, provisoire, de confrontations à des cas réels. Ils permettraient de définir des processus concrets de mise en place du dispositif et den préciser les conditions opérationnelles.

94

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97

Annexe 1

Les Mondes de Production

LES MONDES POSSIBLES : UNE PREMIÈRE PRÉSENTATION

(extrait de louvrage de R. Salais et M. Storper « Les mondes de production », Ed de lÉcole des Hautes Études en Sciences sociales, Paris, 1993)

Le monde interpersonnel est le monde des produits spécialisés et dédiés : ceux-ci sont fabriqués selon des compétences et savoirs spécialisés propres à des personnes ou des firmes données et accordés aux besoins de demandeurs spécifiés. Les conventions construisent des relations personnalisées entre agents économiques disposant dune identité connue de part et dautre. Les rapports entre demandeurs et producteurs, ainsi quau sein de la firme, reposent sur la confiance, la réputation, le partage de valeurs communes, la particularité dindividualités partageant une même appartenance ou histoire ; la concurrence entre producteurs est centrée sur la qualité du produit. Utilisent fortement les registres daction de ce monde : les activités fondées sur le métier ; plus généralement, les entreprises fabriquant des produits à forte composante de services personnels ou des équipements spécialisés correspondant aux besoins dun autre producteur. Des réalisations anciennes qui revivent parfois aujourdhui en étaient les communautés de métiers urbaines.

Le monde marchand est le monde des produits standard, mais dédiés à un demandeur particulier. Le désir du demandeur coordonne dans linstant les activités. Il sadresse aux producteurs selon un langage de la standardisation, qui objective son désir aux yeux des autres et lui permet déchapper à tout engagement envers eux. La concurrence entre les producteurs qui, souvent en petit nombre, peuvent répondre à cette demande porte sur le prix et le délai de satisfaction. Les conventions réduisent chaque individu à être pour lautre un intérêt objectif visant à être satisfait au mieux. Chaque individu est ainsi constitué comme rationnel et opportuniste au sens habituel de la théorie économique. La firme restructurée et flexibilisée en vue dune réponse immédiate au marché soriente vers les registres daction de ce monde, tout comme lindustriel marchand du xixe siècle entouré de son réseau de travailleurs à domicile.

Le monde industriel nous est familier comme étant celui de la production de masse destinée à des marchés étendus et composés de demandeurs considérés 98comme anonymes. Ses produits standards et génériques sont congruents avec un développement économique guidé par la maximisation dun taux de croissance macro-économique, avec un salariat reposant sur une description objective du travail et avec une consommation de masse. La standardisation industrielle et la prévisibilité du marché permettent de planifier, dobjectiver dans des équipements matériels le risque économique, autrement dit de concevoir une coordination économique fondée sur la médiation des objets.

Le monde immatériel est celui de la création : de nouvelles technologies et de nouvelles familles de produits, de leur conception ainsi que de la définition des besoins quils satisfont. Ce monde trouve de nouvelles propriétés et usages aux objets existants. Ce faisant, il développe des connaissances générales et non des connaissances spécialisées qui seraient bornées à un domaine appliqué particulier. La tension entre la nouveauté et son acceptation en tant que nouveauté est centrale. La coordination repose sur des règles de méthodologie de nature scientifique. Les communautés de scientifiques ou de créateurs coordonnés selon une éthique sapprochent dune réalisation de ce monde possible. Cest un monde dans lequel lincertitude rejoint la certitude : lentreprise na dautre choix que de faire comme si elle produisait pour un marché existant et déjà connu delle.

99

Annexe 2

Rappel des caractéristiques dune Institution de Gestion
en Commun d
une Ressource

Sept droits de propriété sont identifiés pour qualifier « la propriété » et ainsi caractériser les rôles et les capacités daction de chacun selon lattribution de ces droits (Hess et Ostrom, 2011 : 52-53) :

A. Les droits daccès à lespace de la ressource et de bénéficier de son environnement social et matériel.

B. Le droit de pouvoir contribuer au contenu et à la qualité de la ressource pour lentretenir

C. Le droit de prélever de la ressource, de lutiliser pour ses fins

D. Le droit de modifier un ou des composants de la ressource pour la faire évoluer

E. Le management cest-à-dire le droit de gérer cest-à-dire de réguler et daméliorer lespace correspondant, cest-à-dire le fonctionnement quotidien

F. Le droit dexclusion qui définit les droits daccès, de prélèvements et de transfert des droits précédents

G. Le droit daliénation qui explicite les règles de vente ou de location des droits de gestion et dexclusion.

Huit principes de conception communs aux institutions durables de ressources communes identifiés par Ostrom (2010, p. 114 ; 2005, p. 258 et suivantes).

1. Des limites clairement définies car « il convient didentifier la communauté concernée par le commun » (Dardot, Laval, 2014, p. 150) : quelles sont les limites de la communauté ? Comment identifier ses fondements en termes de liens ?

2. La concordance entre les règles dappropriation et de fourniture et les conditions locales ; « elles doivent être bien adaptées aux besoins et conditions locales et conformes aux objectifs » (ibid.) : il sagit didentifier le mode de fonctionnement de la communauté sur la 100base de ses valeurs ; les modalités et les formes de contributions de ses membres ainsi que les principes qui autorisent lutilisation par chacun du résultat de lactivité des uns et des autres.

3. Des dispositifs de choix collectifs permettant aux membres de « participer régulièrement aux instances chargées de modifier ces règles » (ibid.) : comment sont instituées les règles de fonctionnement, leur degré de formalisation et les procédures de modifications.

4. La surveillance : comment est assuré le respect de lesprit de la communauté et comment sont sanctionnés les contrevenants.

5. Des sanctions graduelles : quelles sont-elles et comment sont-elles définies et appliquées ?

6. Des mécanismes de résolution des conflits : il sagit dévaluer la capacité du groupe à se gérer et à gérer les évolutions, donc aussi les divergences quant aux choix possibles, entre autre face aux comportements de lentreprise.

7. Une reconnaissance minimale des droits dorganisation : il sagit didentifier la structure de la communauté et la manière dont va être gérée la diversité de ladhésion au projet et à ses contraintes.

8. Des entreprises imbriquées : il sagit de prendre en compte les différents niveaux dactions et dinteractions résultant de ces principes, en particulier entre les différentes organisations impliquées dans le dispositif mais aussi avec « lextérieur ».

1 Merci à Roland Pérez et à Hervé Charmettant pour leur lecture précise, pertinente, exigeante mais toujours bienveillante et positive. Merci à Jean-Michel Servet, Thomas Lagoarde-Segot, Christophe Revelli pour leur intérêt permanent et la justesse de leurs commentaires. Merci aux participants du séminaire organisé par La Coop des Communs le 11 avril 2018, « La banque en communs ? », pour leurs remarques et questions. Enfin merci aux trois relecteurs anonymes qui mont aidé à préciser mes arguments. Les erreurs ou approximations subsistantes me restent totalement imputables.

2 Noté dans la suite « commons » pour le différencier du « en commun ».

3 Autrement dit un « commons » est dabord un rapport social de production, donc un rapport entre les personnes, qui va déterminer un certain type de rapport à la nature. Pour un développement la relation entre rapport de production et forces productives voir Testart (1985).

4 Par sociétal, nous entendons limpact de linvestissement propre et non des actions de soutiens de type mécénat, donation. Il sagit donc de limpact de lactivité spécifique de lentreprise ou de linvestissement via une entreprise ou un projet.

5 « Les obligations sont des titres de créance négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale. Lobligataire perçoit un intérêt pendant la durée de lemprunt et obtient à léchéance remboursement de la somme prêtée au nominal ou un montant supérieur ou inférieur au nominal déterminé en fonction des modalités des obligations ». (www.chefdentreprise.com - « Financement : PME, misez sur lemprunt par émission dobligations »).

6 Backbone par exemple a mis en place un dispositif de levé de fonds privés sous forme de compartiments obligataires à échéance de 5 ans, chaque compartiment étant indépendant des autres et dédié à un projet spécifique. La différence avec le SIB est que dans ce cas rémunération/perte sont assurées par les investisseurs et le porteur du projet sans autre intermédiaire que Backbone (dernier accès le 15/01/2018) https://www.backbone.eu.com/who-we-are/).

7 On pourrait imaginer que les bénéficiaires du dispositif paie une cotisation au fonds qui leur est remboursée à lissue du prêt si tout se passe bien, minorée dune quotité de frais de gestion de la structure. Ce fonds pourrait être adossé à une plateforme de financement collectif. Il pourrait sinspirer de ce que fait la SIAGI « Le Fonds Mutuel de Garantie est la pièce essentielle du mécanisme de garantie de la SIAGI : il est lexpression de la solidarité entre emprunteurs, chaque emprunteur supporte une quote-part des pertes collectives occasionnées par les autres emprunteurs. Il absorbe les pertes individuelles et collectives. ». (http://www.siagi.com/nos-partenaires#prsentation).

8 Immatériel ne signifie pas sans base matérielle, sans conditions matérielles pour se développer et fonctionner, comme le montre, par exemple, un livre quil soit électronique ou non.

9 Une entreprise peut « appartenir » à plusieurs mondes. Par exemple, une société fabriquant et posant des fenêtres peut relever du monde industriel quand elle travaille sur des programmes immobiliers mais aussi du monde marchand quand elle intervient en rénovation pour des particuliers, voire du monde interpersonnel quand elle doit répondre à des spécifications pour des ouvertures particulières.

10 Si Jensen (2001) nous dit quen économie de marché la seule manière datteindre le bien-être social est la maximisation de la valeur de toutes les parties prenantes, il ne nous dit pas comment émergent ces valeurs et laccord sur les moyens et arbitrages à mettre en œuvre pour y parvenir.

11 Il ne faut pas confondre la forme du financement capitaliste à un moment donné qui peut être, par exemple, de manière dominante obligataire, avec la logique du financement capitaliste qui est fondée sur le principe de maximisation de la valeur actionnariale qui sous-tend tous les choix et arbitrages dinvestissement (Jensen, 2001 ; Weeks, 2010 ; Walter, 2016 ; Lagoarde-Segot et Paranque, 2018).

12 Merci à Jean Michel Servet de souligner quil faut faire attention au risque de mettre sur le même plan toutes les pratiques, initiatives, organisations à partir de leurs principes de fonctionnement sans tenir compte du fait que les différences quantitatives créent des différences qualitatives, et donc des modalités daction différentes.

13 Voir « Réinventer la monnaie », Les dossiers dAlternatives Économiques no 6, mai 2016. http://www.alternatives-economiques.fr/le-temps--ce-n-est-pas-que-de-l-argent-_fr_art_1439_76191.html (dernière consultation le 7/07/2020)

14 Acronyme pour critères Environnement, Sociale et Gouvernance.

15 Levratto, Paranque, 2011. Voir les éléments sur http://www.bparanque.com/2irating/2irating.html. Accédé le 20/03/2018.

16 Sans les idéaliser car le local peut être aussi réactionnaire, communautariste, fermé à lautre.