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Classiques Garnier

Présentation du numéro

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Entreprise & Société
    2018 – 2, n° 4
    . varia
  • Auteur : Zimnovitch (Henri)
  • Pages : 19 à 22
  • Revue : Entreprise & Société
  • Thème CLIL : 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
  • EAN : 9782406092483
  • ISBN : 978-2-406-09248-3
  • ISSN : 2554-9626
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09248-3.p.0019
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 04/07/2019
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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PRÉSENTATION DU NUMÉRO

Henri Zimnovitch

Professeur au CNAM

Comment devient-on professeure titulaire à la Harvard Business School (HBS) et à la Harvard Kennedy School (HKS) lorsquon est une jeune Française élevée dans un milieu familial qui ny prédisposait pas ? Dans le grand angle, Julie Battinala nous en donne la réponse en retraçant son cursus scolaire dexcellence depuis la Khâgne à Henri IV, en passant par lENS-Cachan et HEC, fin des années 1990, suivi dun doctorat à lINSEAD en 2006. Un parcours auquel elle imprima une forte perspective sociologique qui la conduite à intégrer le fameux département Organizational Behavior de HBS, celui dans lequel Elton Mayo créa la psychologie sociale des organisations.

On gagnera à réfléchir dans nos universités françaises sur la place quoccupe la pédagogie, le souci pragmatique de la recherche à la HBS tel que nous le rapporte la professeure Battinala. Les questions de Jean-claude Thoenig, qui fut son directeur de thèse et à qui on doit cette interview, nous permettent de comprendre les différentes facettes des travaux de son ancienne élève, plus particulièrement orientés dans le rapport entreprise et société.

Larticle de Battilana qui suit son grand angle, « La poursuite conjointe dobjectifs sociaux et financiers dans les entreprises : lentreprise sociale comme laboratoire détudes des modes dorganisation hybrides », permet dillustrer son travail. Il porte ici sur des entreprises qui poursuivent une mission sociale tout en sappuyant sur des activités commerciales. Elle étudie les tensions qui existent entre objectif social et efficacité, 20les conflits de légitimité qui peuvent naître dans lesprit des différentes parties prenantes, etc. Puis, elle pose la question « comment les entreprises sociales relèvent-elles leurs défis ? » et quelles perspectives sont ouvertes pour lavenir…

On peut voir dans le grand angle et dans larticle qui lillustre comme une introduction au dossier quEntreprise & Société consacre dans ce numéro à linnovation sociale. La présentation quen fait Christian Le Bas permet de comprendre la cohérence des articles par rapport à lappel à papiers qui avait été lancé.

Christel Vivel nous fait découvrir lapport de linnovation économique autrichienne à linnovation sociale, avec notamment limportance du rôle de lentrepreneur social ; ce qui fait écho aux observations faites par Battilana dans son article. Dans « Processus dengagement communautaire en tant quinnovation sociale : une lecture par les stratégies de légitimation », Leilla Ben Hassine et Jouhaina Gherib, sur la base dun cadre conceptuel tiré de lengagement communautaire et de la légitimité, étudient comment, suite au soulèvement de 2011, une entreprise pétrolière tunisienne a mis en place un processus dinnovation sociale en matière de RSE, couplée à un engagement communautaire, qui a conduit à une stratégie de légitimation. Enfin, Marc Ingham, dans larticle « Innovations sociales et responsables : opportunités pour les entreprises », montre la synergie, la nécessité pour les organisations dinnover en articulant les préoccupations sociales et la RSE. Il prolonge la recherche quavait conduite Christian Le Bas et Sylvaine Mercuri Chapuis dans leur papier publié par notre revue dans son précédent numéro : « Une vision managériale des rapports de lentreprise et de la société. La responsabilité sociale stratégique de Porter et Kramer » (Entreprise & Société, 2018, 1, no 3, p. 97-118).

Un souci de la revue étant de rester en prise avec le présent et daller chercher tant dans le passé que dans la prospective de quoi gagner en lucidité, notamment sur les questions financières, on lira avec intérêt le texte de Jacques Ninet : « Dix ans après la chute de Lehman… Pour un nouveau logiciel financier à lère de lanthropocène ». Alors que lactualité économique commémore la crise de 2008, pour noter avec satisfaction quelle est surmontée ; en France, un mouvement social met en lumière les colères des populations quant au creusement des 21inégalités. Ninet nous alerte, à partir danalyses chiffrées, sur les risques qui sont devant nous du fait de la menace que la dette fait peser sur les économies au moment où le défi écologique rend indispensable une mutation du logiciel financier.

La pluridisciplinarité est lun des autres credo dEntreprise & Société, « la vérité est chose si grande, que nous ne devons desdaigner aucune entremise qui nous y conduise » (Montaigne, Les Essais, III, XIII), on en trouvera la marque dans les trois textes du forum qui mettent en valeur la réflexion sur lentreprise dun anthropologue, dun historien, et dun sociologue. Dans « Faut-il suivre un paléoanthropologue dans lentreprise ? », Christian Le Bas prolonge la réflexion menée par Pascal Picq, spécialiste de la préhistoire, sur lapport de la théorie de lévolution pour comprendre les adaptations auxquelles les entreprises sont confrontées face aux changements. Après avoir rappelé la fécondité du modèle darwinien et des travaux quil a inspirés pour analyser lévolution des organisations, Le Bas présente les limites à transposer en économie des analyses qui valent pour la biologie, ou qui sont dérivées de la paléoanthropologie, eu égard à la spécificité de linnovation conduite par les firmes. Le texte de Denis Malherbe, « Voyage aux sources religieuses et industrielles du management », sinscrit dans la même veine que celui de Christian Le Bas, il part dun ouvrage, celui de lhistorien Pierre Musso, La religion industrielle. Monastère, manufacture, usine. Une généalogie de lentreprise, une somme, pour nous rendre lucides quant à lhéritage religieux de nos organisations modernes. Le mérite de Malherbe, sans nier lapport de la réflexion de Musso pour la pensée managériale contemporaine, comme on le verra dans le prochain paragraphe, est de dresser les limites de la transposition des concepts théologiques chrétiens, à la dynamique de nos organisations modernes.

Le dernier texte de ce forum est tiré dune des tables-rondes que la Société Française du Management a organisées en 2018 sur la question de savoir si le management est soluble dans le numérique. Outre le regard de Pierre Musso, Denis Guibard, directeur dune grande école de commerce, sinterroge sur la « transformation du rôle du manager à lère du numérique », le sociologue Yves-Frédéric Livian pointe, lui, les impacts des nouvelles technologies de linformation sur les managers : cognitive overflow syndrom et « sur-gestion ».

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Quant aux recensions quon lira à la fin de ce numéro, outre la qualité des ouvrages qui les justifient, elles permettent, dune part, de faire le lien avec celles parues dans le précédent numéro sur le thème des communs et, dautre part, elles entrent en résonance avec lappel à articles sur le thème « entreprises et communs » qui fera lobjet dun dossier dans le numéro six.

Pour conclure, il convient de saluer le travail de relecture, de mise en forme de ce numéro par Anne Deshors de lÉcole supérieure pour le développement économique et social (ESDES) et remercier cette institution pour son soutien.