La poursuite conjointe d’objectifs sociaux et financiers dans les entreprises L’entreprise sociale comme laboratoire d’étude des modes d’organisation hybrides
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Entreprise & Société
2018 – 2, n° 4. varia - Auteur : Battilana (Julie)
- Résumé : On attend aujourd’hui de plus en plus des entreprises qu’elles génèrent non seulement du profit mais aussi de la valeur sociale. Les entreprises sociales ont de l’expérience en la matière puisqu’il s’agit d’organisations hybrides qui poursuivent une mission sociale en s’appuyant sur des activités commerciales pour se financer. Cet essai met en exergue ce que nous avons appris, et ce qui reste à comprendre de ces organisations et de leur capacité à poursuivre des objectifs multiples.
- Pages : 53 à 94
- Revue : Entreprise & Société
- Thème CLIL : 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
- EAN : 9782406092483
- ISBN : 978-2-406-09248-3
- ISSN : 2554-9626
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09248-3.p.0053
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 04/07/2019
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Organisation hybride, entreprise sociale, objectifs multiples
La poursuite conjointe
d’objectifs sociaux et financiers
dans les entreprises
L’entreprise sociale comme laboratoire d’étude
des modes d’organisation hybrides1
Julie Battilana
Professeure à Harvard Business School et Harvard Kennedy School
Introduction
Historiquement, secteurs social et marchand ont eu tendance à évoluer de façon séparée, mais aujourd’hui, la frontière entre ces deux secteurs devient plus poreuse (Dees et Anderson, 2003). On attend, en effet, de plus en plus des entreprises qu’elles génèrent non seulement une valeur marchande mais aussi une valeur sociale (Margolis et Walsh, 2003 ; Ioannou et Serafeim, 2015 ; Lee et Jay, 2015 ; Wang et al., 2016). Si, au cours du siècle passé, nous avons accumulé un large corpus de connaissances en économie et en gestion pour déterminer comment maximiser une seule de ces dimensions, à savoir le profit, la question de savoir comment les entreprises peuvent poursuivre conjointement des 54buts financiers et sociaux n’a, en revanche, reçu que peu d’attention. Il existe pourtant depuis longtemps des organisations engagées dans cette quête conjointe, poursuivant une mission sociale tout en s’engageant dans des activités commerciales pour financer tout ou partie de leurs opérations (Battilana et Lee, 2014). Souvent nommées de nos jours « entreprises sociales » (Dacin et al., 2011 ; Dees, 1998 ; Dees, 2001 ; Mair, 2010 ; Mair et Marti, 2006), elles existent dans le monde entier et comptent parmi elles les institutions de microfinance (e.g. Yunus, 1999), les entreprises de commerce équitable (e.g., Nicholls, 2010), les entreprises d’insertion par le travail (e.g. Pache et Santos, 2013), et bien d’autres encore.
Les entreprises sociales diffèrent des entreprises traditionnelles du fait que leur mission sociale est leur objectif principal, ou, du moins, un objectif aussi important que celui de générer des profits. Elles diffèrent également des organisations à but non lucratif traditionnelles parce qu’elles tirent leurs revenus de leurs activités commerciales, plutôt que des dons ou des subventions. À l’inverse de ces deux types d’organisations traditionnelles, elles ne cherchent pas à adjoindre des objectifs sociaux ou commerciaux à leur activité principale : elles se constituent d’emblée en organisations poursuivant à la fois des objectifs sociaux et commerciaux. À ce titre, les entreprises sociales sont des organisations hybrides qui combinent en leur sein différentes logiques institutionnelles (Friedland et Alford, 1991 ; Thornton et al., 2012), à savoir la logique du marché et celle de leur mission sociale (Battilana et Dorado, 2010 ; Besharov et Smith, 2014 ; Pache et Santos, 2013). C’est ainsi au cœur même de leurs activités qu’elles mêlent des principes de développement, de fonctionnement et de mesure de la valeur à la fois économiques et sociaux (Battilana et Lee, 2014 ; Boltanski et Thévenot, 1991 ; Galaskiewicz et Barringer, 2012 ; Haveman et Rao, 2006).
Ces formes d’organisations, qui combinent des logiques traditionnellement associées à des secteurs distincts, ne sont pas nouvelles. Certaines existent même depuis des siècles (Paton, 2003), telles les coopératives ou certains hôpitaux et universités, par exemple. Cependant, le vocable d’« entreprise sociale » est apparu plus récemment, dans les années 1980. Depuis, tout un écosystème s’est développé, et continue de se développer autour de ces organisations hybrides. Elles investissent aujourd’hui une gamme de secteurs de plus en plus variée, allant de l’intermédiation 55financière à l’agroalimentaire en passant par le développement de logiciels (Billis, 2010 ; Boyd, 2009 ; Dorado, 2006 ; Hoffman et al., 2012). Dans le même temps, de nouveaux statuts juridiques mieux adaptés à ces entreprises émergent à travers le monde, notamment au Royaume-Uni, en Italie, aux États-Unis et en Corée du Sud (Triponel et Agapitova, 2017). En France, le gouvernement a lancé en 2018 le chantier d’une réforme juridique du statut des sociétés pour mieux tenir compte des spécificités de celles qui ont une mission sociale (Notat et Senard, 2018).
Au cours de la dernière décennie est aussi apparue une communauté d’investisseurs « à impact social » spécialisés dans le financement du développement des entreprises sociales (Bugg-Levine et Emerson, 2011). Selon l’enquête annuelle du Global Impact Investing Network (GIIN) auprès de plus de 220 fonds d’investissement à impact social, leurs investissements se sont élevés à plus de 228 milliards de dollars en 2017 (Mudaliar et al., 2018). Cette façon d’investir, qui reste embryonnaire en comparaison des formes classiques d’investissement, est en plein développement. En témoigne la création de nombreux nouveaux fonds à impact social, et la décision de certaines grosses sociétés d’investissement de créer des départements spécialisés dans ce type d’investissement. Même si certaines de ces initiatives relèvent plus de l’affichage que d’un véritable changement de paradigme, elles signalent une réelle évolution concernant la façon dont les investisseurs présentent leurs activités pour être perçus comme légitimes (Brest et Born, 2013 ; Höchstädter et Scheck, 2015).
L’essor des entreprises sociales et le développement d’un écosystème pour les soutenir suscite l’intérêt non seulement des chercheurs (pour une revue du sujet, voir Battilana et Lee, 2014 ; Battilana et al., 2017 ; Saebi et al., 2019 ; Smith et al., 2013), mais aussi celui des autorités publiques, des investisseurs, et de l’opinion publique. Certains de ces intervenants voient en elles une alternative prometteuse pour assurer une création de valeur à la fois économique et sociale, à une époque où croissance des inégalités économiques (Piketty, 2014) et exclusion sociale (Boltanski et Chiapello, 1999 ; Lamont, 2018) caractérisent le système capitaliste. Cependant, d’aucuns expriment des doutes quant à la capacité de ces entreprises hybrides à combiner durablement caractéristiques marchandes et sociales, et à atteindre des niveaux élevés de performance à la fois financière et sociale. La sociologie des organisations a souligné depuis 56longtemps que le risque encouru par ces organisations était de perdre de vue leur mission sociale dans leur quête de survie organisationnelle et d’efficacité économique (Selznick, 1949 ; Weber, 1904). De la même façon, les entreprises sociales risquent une dérive quand elles s’écartent de leurs objectifs conjoints pour se concentrer sur un seul d’entre eux, bien souvent l’objectif financier aux dépens de l’objectif social (Ben-Ner, 2002 ; Christen et Drake, 2002 ; Grimes et al., 2018 ; Haight, 2011 ; Jones, 2007 ; Mersland et Strøm, 2010 ; Minkoff et Powell, 2006 ; Weisbrod, 2004). Certains organismes de microfinance ayant délaissé leur mission d’aide sociale aux plus démunis pour devenir des banques purement commerciales, appliquant parfois des taux d’intérêt exorbitants, ont ainsi ravivé les doutes quant à la capacité des organisations hybrides à maintenir durablement le cap sur leur double objectif. Compte tenu de ce risque de dérive, les entreprises sociales peuvent-elles vraiment poursuivre de manière durable des objectifs à la fois sociaux et financiers ? Et si oui, comment ?
Répondre à ces questions est essentiel pour deux raisons : pour mieux comprendre les défis auxquels font face les entreprises sociales et comment elles parviennent à les surmonter, mais aussi, et plus généralement, parce qu’au-delà des entreprises sociales, ces interrogations concernent toutes les entreprises qui, de plus en plus nombreuses, sont soucieuses de leur impact social et environnemental. Consommateurs, organisations non gouvernementales et institutions publiques sont eux aussi de plus en plus nombreux à attendre des entreprises qu’elles produisent une valeur sociale (Ioannou et Serafeim, 2015 ; Lee et Jay, 2015 ; Margolis et Walsh, 2003 ; Marquis et Qian, 2014 ; Wang et al., 2016). Dans cette période de transformation, les entreprises sociales constituent un formidable laboratoire d’étude pour mieux comprendre les défis posés par la poursuite conjointe d’objectifs financiers et sociaux, et la façon de les surmonter (Billis, 2010). Les entreprises qui ne veulent pas se contenter de faire de l’affichage (Marquis et al., 2016) ont donc à apprendre de l’expérience des entreprises sociales qui incarnent une forme de quintessence d’un phénomène plus large d’hybridation des modes d’organisation (Battilana et Lee, 2014).
Dans cet article, je donne mon point de vue quant à l’état des connaissances concernant les entreprises sociales et leur capacité à poursuivre durablement des objectifs à la fois sociaux et financiers. 57Pour ce faire, je m’appuie sur mes propres travaux de recherche ainsi que sur une revue de la littérature. J’examine tout d’abord les facteurs qui influencent la création des entreprises sociales, en explorant notamment pourquoi certains créateurs d’entreprise choisissent une forme d’organisation hybride pour leur activité, malgré les difficultés supplémentaires qu’un tel choix engendre pour eux. Je présente ensuite les défis originaux, à la fois internes et externes, auxquels sont confrontées ces organisations hybrides, puis les pratiques organisationnelles qui les aident à les surmonter. En m’appuyant sur les recherches existantes, j’identifie quatre piliers organisationnels qui jouent un rôle essentiel dans la poursuite conjointe des objectifs financiers et sociaux : la définition et le suivi d’objectifs à la fois sociaux et financiers, une structure organisationnelle permettant l’accomplissement d’activités à la fois sociales et commerciales, le recrutement des membres de l’organisation, et enfin leur socialisation dans une culture d’entreprise assurant la pérennité de son caractère hybride. Mes propres recherches mettent en évidence que ces quatre piliers façonnent la culture de l’organisation qui, à mesure qu’elle émerge et évolue, les façonne à son tour. Plus précisément, j’observe que les entreprises qui parviennent à poursuivre durablement un double objectif social et financier, parmi celles que j’ai étudiées, ont un point commun : elles entretiennent une culture organisationnelle hybride qui leur permet de gérer de façon productive les tensions suscitées par la création de valeur à la fois sociale et marchande. Je conclus en mettant en lumière les questions importantes qui restent à explorer sur la poursuite conjointe d’objectifs financiers et sociaux dans les organisations, et les modes d’organisation hybrides qui facilitent cette double quête.
1. Pourquoi crée-t-on une entreprise sociale ?
Selon les canons de la théorie néo-institutionnelle, qui vise à expliquer comment les normes institutionnelles influencent les organisations, le créateur d’une organisation aura tendance à opter pour une forme organisationnelle bien établie (DiMaggio et Powell, 1983), parce qu’elle a déjà fait ses preuves et que sa légitimité est reconnue. Choisir une forme 58d’organisation moins établie, qui combine des formes existantes, présente des risques. De ce point de vue, l’existence même d’organisations hybrides peut paraître étonnante.
S’attaquant à cette énigme, certaines études suggèrent que la création d’une entreprise sociale résulte de facteurs ayant trait à la fois à l’environnement et aux caractéristiques des entrepreneurs eux-mêmes (Fauchart et Gruber, 2011 ; Pache et Santos, 2013 ; Powell et Sandholtz, 2012 ; Tracey et al., 2011). Les recherches les plus anciennes ont mis l’accent sur les influences externes favorisant la création d’entreprises sociales, notamment la contraction des ressources caritatives disponibles (Defourny et Nyssens, 2006 ; Kerlin et Pollak, 2011 ; Young, 1998) qui pousse certaines organisations caritatives à rechercher de nouvelles sources de revenus. D’autres travaux soulignent la montée de l’idéologie de marché, qui a pénétré tous les secteurs de la société (Eikenberry, 2009) et mettent en avant le mouvement de professionnalisation et de rationalisation du secteur social (Hwang et Powell, 2009). Ces facteurs contribuent à expliquer pourquoi un entrepreneur peut décider de créer une entreprise sociale plutôt qu’une organisation à but non lucratif traditionnelle.
Dans le même temps, comme mentionné plus haut, on attend de plus en plus du monde des entreprises qu’il crée non seulement de la valeur financière, mais aussi de la valeur sociale (Ioannou et Serafeim, 2015 ; Lee et Jay, 2015 ; Margolis et Walsh, 2003 ; Wang et al., 2016). En outre, le fait de créer une entreprise sociale peut être lié à une quête de sens de plus en plus prégnante dans le monde du travail (Caudron, 1997). Les études montrent que, pour les salariés, avoir une mission sociale donne du sens à leur travail, dans la mesure où les valeurs de l’organisation et les leurs sont en phase (Besharov, 2008 ; Henderson et Van den Steen, 2015 ; Pratt, 2000 ; Thompson et Bunderson, 2003). Ces facteurs contribuent, quant à eux, à expliquer pourquoi un entrepreneur peut décider de créer une entreprise sociale plutôt qu’une entreprise traditionnelle.
Au-delà de ces facteurs, la recherche sur l’entrepreneuriat suggère que les décisions stratégiques des entrepreneurs sont aussi influencées par leurs propres expériences et préférences personnelles (Almandoz, 2014 ; Burton, 2001 ; Fauchart et Gruber, 2011 ; Gruber et al., 2012 ; Wry et York, 2017). J’ai collaboré à deux études longitudinales qui explorent la genèse du choix d’un mode d’organisation hybride plutôt que d’un mode d’organisation caritatif plus traditionnel (Dimitriadis et al., 2017 ; Lee 59et Battilana, 2018). La première de ces études (Lee et Battilana, 2018) met en lumière un lien entre l’exposition des individus à des contextes organisationnels particuliers et leurs choix organisationnels ultérieurs (Dokko et al., 2009 ; Higgins, 2005 ; Phillips, 2005 ; Tilcsik, 2014). Plus précisément, parmi les créateurs d’organisations sociales représentés dans l’échantillon, ceux ayant travaillé à la fois dans le secteur marchand et dans le secteur social étaient plus susceptibles que les autres de créer une organisation hybride. En outre, les créateurs ayant été exposés indirectement à la fois aux secteurs marchand et social par l’intermédiaire de l’expérience professionnelle de leurs parents étaient eux aussi plus susceptibles de créer une organisation hybride (Lee et Battilana, 2018).
La seconde de ces études examine l’impact du genre sur l’introduction d’activités commerciales dans de jeunes organisations sociales (Dimitriadis et al., 2017). Les résultats suggèrent que les femmes de l’échantillon étaient moins susceptibles que les hommes de faire le choix d’un mode d’organisation hybride. Les stéréotypes de genre associent les femmes à la compassion, à l’altruisme et à l’esprit solidaire (Eagly et Steffen, 1984), qualités en phase avec les objectifs et motivations propres au secteur social. À l’inverse, les stéréotypes associent les hommes à une orientation compétitive et à une plus grande prise de risque, en adéquation avec les objectifs et les motivations du secteur marchand (Eagly et Karau, 2002 ; Heilman et al., 1989 ; Lucas, 2003). Dans ce contexte, les femmes créatrices d’entreprises hybrides, combinant une logique sociale et commerciale, doivent transgresser non seulement les normes du secteur social, qui privilégient historiquement une approche fondée sur le modèle caritatif traditionnel, mais aussi les normes de genre qui les associent au secteur social. Aussi les femmes de l’échantillon étaient-elles moins susceptibles que les hommes de créer des organisations hybrides.
Ces deux études longitudinales montrent donc que les comportements induits par le genre ainsi que l’exposition à des contextes organisationnel diversifiés, à la fois marchands et sociaux, peuvent influencer les choix de modèles organisationnels hybrides.
602. Les défis propres aux entreprises sociales
Dans un environnement institutionnel complexe, la nature hybride des entreprises sociales leur pose de nombreux défis originaux puisqu’elles font face simultanément aux demandes des logiques sociale et de marché (Greenwood et al., 2011 ; Jarzabkowski et al., 2013 ; Kraatz et Block, 2008). Depuis des décennies, les chercheurs en théorie des organisations ont mis en évidence le risque omniprésent pour les organisations d’abandonner leurs objectifs sociaux dans leur quête de survie et d’efficacité (Weber, 1904). Il y a plus de soixante ans, Philip Selznick mettait en garde les dirigeants d’organisations contre le « culte de l’efficacité », qu’ils devaient transcender pour « créer un organisme social capable de remplir [leur] mission » (Selznick, 1957). Pour les entreprises sociales, ce risque de dérive de la mission se présente avec une acuité particulière car leur raison d’être essentielle n’est pas seulement de générer de la valeur financière, c’est aussi de générer de la valeur sociale (Grimes et al., 2018). Si elles perdent de vue l’un ou l’autre de ces objectifs, elles sont en situation d’échec (Bacq et Janssen, 2011).
Poursuivre ce double objectif est encore plus difficile dans un écosystème qui n’est pas (du moins pas encore) fait pour de telles organisations hybrides. En effet, combiner durablement objectifs sociaux et financiers s’avère souvent délicat quand l’écosystème environnant est toujours majoritairement organisé autour des catégories d’entreprises à but lucratif et à but non lucratif. La distinction entre deux formes d’activités, économiques ou sociales, reste structurante aussi bien concernant les lois et les politiques publiques que les normes culturelles et les croyances qui en découlent. Alors que les attentes à l’égard des entreprises évoluent et que de nouvelles législations offrent de nouvelles opportunités pour des modes d’organisation hybrides, le fondement des lois, des règlements et des normes industrielles en vigueur ainsi que les mentalités des financeurs s’opposent encore bien souvent à la poursuite conjointe d’objectifs sociaux et financiers.
Dans ce contexte, le défi des organisations hybrides est de surmonter, au quotidien, les tensions susceptibles d’émerger entre les objectifs sociaux et financiers qu’elles poursuivent. Au cours des dix dernières années, j’ai interrogé les fondateurs et employés de centaines d’entreprises sociales, 61d’organisations à but non lucratif et d’entreprises à but lucratif engagées dans une démarche d’hybridation de leur organisation, dans de nombreux secteurs économiques à travers le monde. Dans leur grande majorité, ils reconnaissent que les objectifs sociaux et financiers ne s’accordent pas toujours, loin s’en faut, et qu’ils doivent régulièrement faire face à des tensions.
Ces tensions émanent aussi bien de pressions internes qu’externes (cf. Tableau 1). En interne, la double identité – sociale et commerciale – de ces organisations hybrides peut être une source de conflit entre leurs membres (Albert et Whetten, 1985), surtout si les opinions divergent sur l’importance relative à donner aux objectifs financiers par rapport aux objectifs sociaux et vice versa (Fiol et al., 2009 ; Glynn, 2000 ; Pratt et Foreman 2000). À l’extérieur, les organisations hybrides doivent aussi porter le poids de leur double identité. Elles doivent en effet faire preuve d’une légitimité à la fois économique et sociale auprès de partenaires et clients dont les attentes diffèrent (Hsu et al., 2009 ; Ruef et Patterson, 2009 ; Zuckerman, 1999).
Ces tensions ont aussi des conséquences matérielles, qui se manifestent par des désaccords internes quant aux choix d’allocation des ressources (Canales, 2014 ; Glynn, 2000 ; Moizer et Tracey, 2010 ; Tracey et al., 2011), ainsi que par des défis originaux pour accéder aux ressources humaines et financières (Battilana et Dorado, 2010 ; Cobb et al., 2016 ; Lee, 2014).
Tab. 1 – Résumé des tensions auxquelles font face les organisations hybrides.
Identité |
Accès aux ressources |
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Tensions internes |
• Affrontements idéologiques (e.g., Chandler, 2014 ; Glynn, 2000). • Discours multiples (e.g., Dean et MacMullen, 2007 ; Poldner et al., 2017). • Stress émotionnel (e.g., Bacq et al., 2018). |
• Lutte pour l’allocation des ressources (e.g., Canales, 2014 ; Moizer et Tracey, 2010). |
Tensions externes |
• Statut juridique problématique (e.g., Brakman et al., 2017). • Légitimité réduite (e.g., Pache et Santos, 2013). • Attentes divergentes de la part d’interlocuteurs multiples (e.g. Lallemant-Stempak, 2017 ; Ramus et al., 2017). |
• Difficultés pour trouver des financements (e.g., Cobb et al., 2016 ; Yan et al., 2018). • Difficultés pour recruter des talents (e.g., Battilana et Dorado, 2010 ; Besharov, 2014). |
2.1. Tensions internes liées à l’identité
La poursuite conjointe d’objectifs sociaux et commerciaux peut générer des tensions identitaires parfois difficiles à gérer pour les membres des organisations hybrides (Daudigeos et Valiorgue, 2018 ; Grenier et Bernardini-Perinciolo, 2015 ; Jaumier et al., 2017 ; Lonceint, 2017). Ils doivent en effet concilier des valeurs (Besharov, 2014 ; Chandler, 2014 ; Glynn, 2000) souvent perçues comme conflictuelles (Terrisse, 2012) ou du moins concurrentes (Poldner et al., 2017). De plus, il leur faut souvent maîtriser des langages différents, celui du secteur marchand et celui du secteur social. En plus des tensions cognitives (Ashforth et Reingen, 2014 ; Bovais, 2014 ; Foreman et Whetten, 2002) qui découlent de telles situations, les membres de ces organisations font parfois face à un stress émotionnel accru quand ils se sentent pris en étau entre les deux logiques à défendre (Ashforth et Reingen, 2014 ; Ashforth et al., 2014 ; Bacq et al., 2018 ; Foreman et Whetten, 2002).
Dans notre étude sur les organismes de microfinance boliviens, ma collègue Dorado et moi-même avons montré comment ces tensions ont pu conduire à des conflits interpersonnels entre d’anciens travailleurs sociaux, qui privilégiaient l’objectif social de permettre aux micro-entrepreneurs d’accéder aux prêts, et d’anciens banquiers, qui privilégiaient l’objectif financier de préserver la profitabilité liée aux remboursements de prêts avec intérêt (Battilana et Dorado, 2010). De la même manière, dans notre étude sur les entreprises sociales d’insertion par le travail (EI) en France, Sengul, Pache, Model et moi-même avons observé des conflits interpersonnels, parfois intenses, entre travailleurs sociaux et responsables de production. Ces organisations hybrides embauchent et forment des chômeurs de longue durée pour les aider à restaurer leur employabilité et favoriser leur retour sur le marché du travail, tout en commercialisant les biens et services qu’ils produisent afin de financer leur activité de réinsertion. Nos travaux révèlent que certains travailleurs sociaux, privilégiant l’accompagnement socio-émotionnel des bénéficiaires, s’opposent parfois aux employés responsables des services commerciaux (et vice-versa), au risque de paralyser leur organisation (Battilana et al., 2015).
632.2. Tensions externes liées à l’identité
L’identité multiple des organisations hybrides est également une source de tension potentielle dans leurs rapports avec leur environnement extérieur (Pache et Santos, 2013). Comme indiqué précédemment, de nouvelles formes juridiques destinées à mieux répondre aux spécificités des entreprises sociales ont commencé à émerger en Europe (Commission européenne, 2015) et dans le monde (Brakman et al., 2017 ; Tripolen et Agapitova, 2017). Toutefois, les entretiens que j’ai conduits avec des créateurs d’entreprises sociales ces dernières années suggèrent que les cabinets de conseil aux entreprises, notamment les conseillers juridiques, ont encore souvent tendance à décourager les créateurs d’entreprises d’avoir recours à ces nouveaux statuts du fait d’une méconnaissance de leur part et/ou de l’incertitude qui leur est associée.
Au-delà de l’identité juridique, c’est plus généralement la question de la légitimité qui se pose pour les organisations hybrides dans leurs rapports avec leurs partenaires extérieurs. Pour survivre et prospérer, il leur faut être légitimes aux yeux de toutes les parties prenantes, du secteur marchand comme du secteur social (Suchman, 1995). Mais comme elles transgressent aussi bien les modèles établis de l’entreprise marchande que ceux de l’action sociale (Ruef et Patterson, 2009 ; Zuckerman, 1999), elles risquent de décevoir les attentes de leurs différents partenaires (Aurini, 2006 ; Hsu, 2006 ; Hsu et al., 2009 ; Lallemand-Stempak, 2017 ; Pache et Santos, 2013 ; Ramus et al., 2017 ; Zuckerman, 1999). Les EI, par exemple, doivent satisfaire simultanément les exigences d’efficacité économique de leurs financeurs et clients, et les impératifs sociaux des autres parties prenantes qui soutiennent leur mission sociale, comme les organisations à but non lucratif partenaires ou les partenaires publics. Même en France, où le contexte est favorable car les EI bénéficient d’un solide soutien public, les études montrent qu’elles souffrent parfois d’un déficit de légitimité, à la fois aux yeux des acteurs commerciaux et sociaux (Pache et Santos, 2013).
2.3. Tensions internes liées aux ressources
Ces questions relatives à l’identité ont aussi des répercussions bien concrètes sur l’accès aux ressources. Du fait de la poursuite d’objectifs à la fois sociaux et financiers, l’allocation des ressources au sein des 64organisations hybrides peut être complexe et demander des compromis potentiellement sources de conflits (Bargues et al., 2017 ; Canales, 2014 ; Costa et al., 2011 ; Ebrahim et al., 2014 ; Glynn, 2000 ; Moizer et Tracey, 2010 ; Tracey et al., 2011). Par exemple, quand le fournisseur de microfinance brésilien Avante a dû faire face à un taux de défaut plus élevé que prévu dans son portefeuille de prêts, son équipe dirigeante s’est trouvée contrainte d’arbitrer entre une hausse du taux d’intérêt néfaste pour ses clients/bénéficiaires mais conforme à ses objectifs financiers, et un maintien de ce taux pour préserver ses objectifs sociaux au détriment de la rentabilité financière. L’entreprise a finalement décidé d’assumer ce coût et de donner la priorité à sa mission sociale, en comptant sur le déploiement d’une nouvelle interface sur téléphone mobile pour augmenter sa profitabilité au cours des mois suivants (ce qui, en l’espèce, se produisit).
L’absence de consensus quant à la façon de résoudre ces dilemmes entre objectifs sociaux et financiers sur le plan de l’allocation des ressources internes débouche parfois sur des conflits qui, mal résolus, peuvent aboutir à une paralysie décisionnelle (Pache et Santos, 2010). Ainsi, dans les EI, les tensions sont fréquentes quand il s’agit d’organiser l’emploi du temps des bénéficiaires et de décider du temps qu’ils doivent passer respectivement sur la ligne de production et dans les ateliers d’accompagnement organisés par les travailleurs sociaux. Sur la ligne de production, ces derniers contribuent à produire du revenu tout en acquérant une expérience technique et professionnelle essentielle pour leur retour sur le marché du travail ; avec les travailleurs sociaux, ils sont aidés sur les questions de santé et de logement mais aussi pour écrire leurs CV et développer des savoir-être qui leur seront indispensables pour retrouver et conserver un travail à leur sortie de l’EI. Les désaccords sur l’emploi du temps des bénéficiaires peuvent conduire, s’ils ne sont pas résolus, à une paralysie organisationnelle empêchant les EI d’atteindre à la fois leurs objectifs sociaux et financiers (Battilana et al., 2015).
2.4. Tensions externes liées aux ressources
L’accès aux ressources humaines et financières disponibles dans l’environnement externe est également un défi pour les entreprises sociales du fait de leur caractère hybride.
65Recruter des « profils hybrides » est souvent compliqué. Les organismes de microfinance, par exemple, ont besoin de personnes qualifiées à la fois en finance et travail social, et d’employés à l’aise dans des tâches mêlant objectifs sociaux et marchands. Mais de tels profils hybrides sont difficiles à trouver car, historiquement, les formations et compétences de ces deux secteurs ont évolué de façon séparée (Battilana et Dorado, 2010). Recruter des profils « non hybrides » mais spécialisés dans des domaines très différents pose d’autres problèmes, relatifs aux mécanismes à mettre en place pour assurer leur identification à l’identité hybride de l’organisation (Besharov, 2014). Nous y reviendrons.
En ce qui concerne les ressources financières, les études récentes montrent que les entreprises sociales continuent à avoir plus de mal à lever des fonds que celles qui choisissent un modèle d’organisation traditionnel des secteurs social ou marchand (Cobb et al., 2016 ; Lee, 2014). Dans une étude empirique, Lee (2014) a ainsi montré que les jeunes entreprises sociales étaient moins susceptibles de franchir avec succès les étapes clés de développement d’une organisation que celles qui n’avaient pas choisi un mode d’organisation hybride : obtenir un financement externe pérenne, être légalement répertoriées ou même recruter. Ces difficultés s’expliquent en partie par les réticences des financeurs potentiels. En effet, les acteurs du secteur privé à but lucratif peuvent être rebutés par des activités jugées non rentables ; quant aux financeurs du secteur social, ils doutent parfois de l’objectif social d’une organisation qui génère du profit.
C’est à ce scepticisme que se sont heurtés Javier Okhuysen et Carlos Orellana quand ils ont fondé Salauno, une entreprise mexicaine inspirée du modèle indien à succès Aravind Eye Care, visant à fournir des soins ophtalmologiques de qualité à faible coût aux Mexicains n’ayant pas les moyens d’accéder à ces services. Au début, de nombreux investisseurs, fondations et acteurs publics ont exprimé des doutes quant à la capacité de l’entreprise à poursuivre une mission sociale tout en étant rentable. Il fut essentiel de gagner la confiance de quelques gros contributeurs comme l’Inter-American Development Bank pour que cette organisation hybride gagne en crédibilité aux yeux des acteurs clé du secteur social. Parallèlement, Salauno a dû convaincre les investisseurs privés en apportant la preuve de son potentiel de profitabilité à partir de projections financières.
66Même si l’investissement à impact social commence à développer des outils adaptés aux contraintes spécifiques des entreprises sociales (Bugg-Levine et Emerson, 2011 ; Höchstädter et Scheck, 2015), les entrepreneurs sociaux peinent toujours à trouver leurs financements, d’après les données aussi bien qualitatives que quantitatives que j’ai collectées au fil de la dernière décennie. Du côté de l’offre, les investisseurs à impact social eux-mêmes reconnaissent les difficultés que posent de tels investissements. Ainsi, quand Vox Capital a reçu son accréditation pour devenir l’un des premiers fonds d’investissement social du Brésil en 2012, l’organisation a affronté des remises en cause venues de tous côtés – aussi bien des financeurs du secteur social qui s’interrogeaient sur la légitimité sociale de Vox Capital, que des investisseurs traditionnels qui se demandaient si agir pour le bien social pouvait vraiment générer du profit. En outre, dans un contexte où l’entreprenariat social était encore en phase de développement, Vox Capital a dû trouver un vivier d’entreprises dans lesquelles investir, qui soient non seulement capables de fournir un excellent service social mais aussi d’assurer une bonne gestion privée. Même si Vox Capital a bien progressé dans la constitution de ce réseau d’entreprises, ses fondateurs, Antonio Moraes et Daniel Izzo, reconnaissent qu’il y a encore beaucoup à faire pour que l’investissement social tienne ses deux promesses : garantir un retour sur investissement tout en ayant un réel impact social à grande échelle (Battilana et al., 2017).
L’ensemble des défis auxquels font face les entreprises sociales sont bien sûr susceptibles de varier selon les contextes. Une étude empirique récente sur les organismes de microfinance dans plus de cent pays montre par exemple combien les compromis entre logique financière et logique sociale dépendent du contexte culturel (Wry et Zhao, 2018). En outre, ces tensions sont susceptibles d’évoluer dans le temps. Dans le futur, leur intensité pourra diminuer si l’environnement juridique, institutionnel et culturel évolue et répond mieux aux besoins des organisations hybrides.
673. Comment les entreprises sociales
relèvent-elles leurs défis ?
Face aux tensions internes et externes auxquelles elles font face, comment ces organisations hybrides peuvent-elles survivre et même prospérer durablement ? D’après les études sur le sujet, quatre piliers apparaissent essentiels : la définition et le suivi d’objectifs à la fois sociaux et financiers, une structure organisationnelle permettant l’accomplissement d’activités à la fois sociales et commerciales, le recrutement des membres de l’organisation, et enfin leur socialisation dans une culture d’entreprise assurant la pérennité de son caractère hybride (cf. Tableau 2).
Dans mes propres recherches sur les entreprises sociales dans le monde, j’ai constaté que ces quatre piliers façonnent la culture de l’organisation, qui recouvre l’ensemble des normes et des valeurs partagées en son sein (Schein, 2010). Une fois qu’elle émerge et évolue, la culture façonne aussi, à son tour, chacun des quatre piliers. Parmi les entreprises sociales que j’ai étudiées, celles qui ont pu développer et maintenir une culture hybride dédiée à la fois à la performance sociale et à la performance financière ont pu gérer les tensions auxquelles elles faisaient face. Pour autant, ces organisations n’ont pas fait disparaître ces tensions. Elles ont plutôt appris à les utiliser de façon positive pour éviter les dérives et conserver le cap de leur double objectif. Une culture d’entreprise hybride n’est donc pas caractérisée par l’absence de tension. Comme l’expliquent Ashforth et Reingen (2014), il s’agit plutôt d’une « culture […] respectueuse des différents points de vue et qui encourage leur expression pleine et entière ».
68Tab. 2 – Piliers organisationnels dans les organisations hybrides.
Pilier |
Pratiques |
Exemples |
Définition et suivi des objectifs |
• Établir des buts sociaux et financiers. • Assurer un suivi des résultats au moyen d’indicateurs tant sociaux que financiers. |
• Coopérative d’alimentation bio (Ashforth et Reingen, 2014). • Fournisseur d’eau (André et al., 2018). |
Structure organisationnelle |
Intégrer les activités sociales et marchandes, ou bien différencier les activités sociales et marchandes, ou bien combiner intégration et différenciation des activités sociales et marchandes. |
• Entreprises d’insertion par le travail (Battilana et al., 2015). • Entreprise offrant des services externalisés en technologies de l’information (Smith et Besharov, 2017). |
Recrutement |
Recruter des profils hybrides ou bien des profils spécialisés soit dans le domaine social, soit dans le domaine marchand, ou bien encore recruter des profils vierges de toute expérience. |
• Chaîne de magasins d’alimentation bio (Besherov, 2014). • Organisme de microcrédit (Battilana et Dorado, 2010). |
Socialisation |
• Former les collaborateurs au mode d’organisation hybride. • Récompenser les collaborateurs en fonction de leur contribution à la performance sociale et financière. • Faciliter les interactions informelles entre les différents profils de collaborateurs. |
• Banque coopérative (Bacq et al., 2018). • Organisme de microcrédit (Battilana et Dorado, 2010). |
3.1. Définition et suivi des objectifs
La théorie des organisations a depuis longtemps démontré que les organisations sont des entités complexes qui poursuivent des objectifs multiples (Cyert et March, 1963 ; Gavetti et al., 2007 ; March et Simon, 1958 ; Meyer, 2002 ; Simon, 1947). Ce n’est donc pas le fait de poursuivre de multiples objectifs qui fait l’originalité des organisations hybrides, comme les entreprises sociales, mais bien plutôt le grand écart qui existe encore dans l’opinion générale entre objectifs financiers et objectifs 69sociaux. Le fossé qui sépare l’économique et le social est le fruit d’une longue histoire, non seulement académique (Friedman, 1970 ; Jensen, 2002) mais aussi plus généralement dans la vie des institutions, des organisations et des individus.
Les études récentes qui examinent comment les organisations hybrides fixent leurs objectifs essayent tout particulièrement de comprendre comment elles s’y prennent pour ne négliger aucun des deux aspects de leur activité. En explorant cette dualité organisationnelle au sein d’une coopérative d’alimentation bio, Ashforth et Reingen (2014) montrent l’importance de l’institutionnalisation des objectifs à la fois sociaux et financiers dans l’ensemble des activités de l’organisation. Dans la même veine, Smith et Besharov (2017) montrent que si l’entreprise sociale cambodgienne Digital Data Divide a réussi à maintenir sa nature hybride avec succès depuis sa création en 2000 jusqu’en 2010, c’est en partie parce qu’elle a su se fixer et poursuivre des objectifs à la fois sociaux et financiers. Par exemple, en 2005, cette entreprise sociale s’est donnée des objectifs sociaux à trois ans incluant de « [former] 400 jeunes leaders dotés de savoir-faire technologiques pour soutenir le développement économique et social dans la région du Mékong », parallèlement à des objectifs financiers incluant de couvrir les coûts d’activité avec les revenus clients.
Les études existantes suggèrent aussi qu’en regard des objectifs, des indicateurs doivent être définis pour mesurer le progrès de leur réalisation. Alors que les domaines de la finance et de l’audit sont bien outillés pour évaluer la performance financière, la mesure de la performance sociale en est encore à ses débuts, d’autant plus qu’il est souvent difficile d’établir avec certitude les causes et les effets des phénomènes sociaux (Ebrahim, à paraître). En l’absence de tels indicateurs quantifiables pour mesurer la performance sociale des organisations hybrides, leurs membres doivent s’entendre sur les éléments de référence à partager avec les parties prenantes qui s’intéressent à leur performance sociale (André et al., 2018 ; Nason et al., 2018).
La mesure de la performance financière et sociale grâce à des indicateurs n’en demeure pas moins un élément important pour permettre aux organisations hybrides de suivre les deux volets de leur activité et rectifier le tir en cas de dérive. Ainsi, les travaux de Smith et Besharov (2017) montrent que de tels indicateurs de performance ont joué un rôle 70de garde-fou pour Digital Data Divide quand l’entreprise a commencé à développer une activité marchande rentable. L’organisation avait dans le même temps mis en place un système d’évaluation de sa performance sociale, notamment avec les indicateurs suivants : nombre personnes issues de milieux défavorisés dans son effectif, nombre de bourses d’étude attribuées et effectivement reçues, part de ses anciens salariés recrutés sur le marché du travail, part de ceux promus en interne, et rémunération moyenne pour chacun de ces deux groupes. Digital Data Divide avait également créé et pourvu un poste de « directeur de la mission sociale » à plein temps pour superviser la mesure de la performance sociale et faire évoluer les indicateurs au fil du temps et de l’évolution de l’organisation. D’après les auteurs, cette évaluation de la performance a été essentielle pour éviter une dérive de l’organisation. Ainsi, les membres du conseil d’administration ont pu se rendre compte que l’organisation n’avait pas atteint ses objectifs sociaux, et porter une attention renouvelée à l’impact social de l’organisation.
3.2. Structure organisationnelle
Parmi les différentes activités des organisations hybrides, certaines contribuent à atteindre des objectifs sociaux, d’autres des objectifs financiers, d’autres encore visent les deux à la fois. En s’appuyant sur le champ de la théorie des organisations dédié au design organisationnel (Galbraith, 1977 ; Lawrence et Lorsh, 1967 ; Mintzberg, 1979), la recherche sur les organisations hybrides distingue des structures organisationnelles intégrées et différenciées (pour une revue de la littérature sur le sujet, voir Battilana et Lee, 2014 ; Battilana et al., 2017).
En adoptant une structure intégrée, une organisation hybride tente de combiner approches sociale et marchande dans toutes ses activités. Le modèle organisationnel de l’opérateur de microcrédit bolivien Caja de Ahorro et Prestamo Los Andes entre la fin des années 1990 et le début des années 2000 offre un bon exemple de cette approche. Comme les autres organismes de microfinance, ses objectifs sociaux et commerciaux étaient intégrés : chaque fois que Los Andes attribuait un prêt, il remplissait du même coup sa mission sociale consistant à faciliter l’accès aux services financiers des entrepreneurs démunis, en appliquant des taux d’intérêt qui permettaient à ces entrepreneurs de développer durablement leurs projets. Mais Los Andes poussait l’intégration plus loin : ses employés 71étaient impliqués à la fois dans les aspects sociaux et les aspects marchands de son activité ; ils étaient également rétribués en fonction de leur performance à la fois sociale et commerciale. Los Andes a ainsi pu développer une culture organisationnelle hybride (Battilana et Dorado, 2010).
Toutefois, une telle structure intégrée n’est pas une condition nécessaire pour qu’une organisation crée et entretienne une telle culture durablement. Si, dans les organismes de microfinance, les clients sont également les bénéficiaires de la mission sociale de l’organisation, pour d’autres organisations hybrides, les clients et les bénéficiaires sont des personnes distinctes. Il est impossible pour ces organisations d’adopter un modèle aussi intégré que celui de Los Andes, car leurs activités sociales et commerciales sont intrinsèquement distinctes. Les entreprises sociales d’insertion par le travail (EI) fournissent un bon exemple d’organisations hybrides soumises à cette contrainte, et qui adoptent en conséquence une structure plus différenciée. Ces entreprises sociales embauchent des chômeurs de longue durée (les « bénéficiaires » de leur service) pour produire des biens ou des services qu’elles vendent. Elles comptent notamment parmi elles les magasins Goodwill aux États-Unis, le magazine The Big Issue au Royaume-Uni, le réseau de recyclage ENVIE en France. Tout en accomplissant une activité commerciale, ces entreprises sociales fournissent à leurs recrues un soutien individualisé et une formation pour faciliter leur retour durable à l’emploi.
Dans notre étude sur les EI en France entre 2003 et 2007, Sengul, Pache, Model et moi-même avons constaté que la plupart de ces organisations avaient des structures organisationnelles différenciées, assignant les activités sociales et commerciales à des groupes distincts. Ainsi les travailleurs sociaux se concentraient-ils plutôt sur l’accompagnement personnalisé des employés, tandis que les responsables de la production et des activités commerciales se concentraient sur la productivité, la formation professionnelle des bénéficiaires et la qualité du travail des employés. Les résultats de nos analyses, à la fois quantitatives et qualitatives, suggèrent que les EI capables d’atteindre des niveaux de performance élevés à la fois sur le plan social et sur le plan financier étaient aussi celles qui avaient créé et maintenu au fil du temps des « espaces de négociation », c’est à dire des espaces dans lesquels travailleurs sociaux et responsables de la production pouvaient se rencontrer pour échanger sur la façon de gérer les tensions générées par la poursuite 72conjointe d’objectifs sociaux et financiers, jusqu’à parvenir à un accord sur la marche à suivre (Battilana et al., 2015).
Notons que les approches intégrée et différenciée ne s’excluent pas nécessairement. Certains travaux récents décrivent des stratégies qui combinent ces deux approches dans le temps (e.g. Jay, 2013 ; Smith et Besharov, 2017 ; Smith et al., 2012). Smith et Besharov (2017) observent par exemple que la structure organisationnelle de Digital Data Divide n’a pas été uniformément ni continuellement intégrée ou différenciée au fil du temps. Au contraire, au sein de cette entreprise sociale, certains services étaient intégrés, d’autres différenciés et cette répartition a évolué tout au long des dix années de l’étude, sur la base des décisions de ses dirigeants et du conseil d’administration.
3.3. Recrutement
Pour poursuivre conjointement des objectifs sociaux et commerciaux, les organisations hybrides doivent mobiliser des personnes capables de travailler à l’intersection de deux mondes, afin d’en comprendre les opportunités et les défis. Pour ce faire, certaines adoptent une politique de recrutement privilégiant les profils hybrides : elles recherchent des personnes qui ont de l’expérience à la fois dans le secteur marchand et social, et qui accordent d’emblée de la valeur aux deux types d’activités de l’organisation, sociale et commerciale. Dans son étude d’une chaîne de magasins d’alimentation bio aux États-Unis, Besharov (2014) montre que recruter des « managers pluralistes », qui adhérent à des valeurs sociales et économiques, est un plus pour le maintien de l’hybridité. De tels managers pluralistes aident à apaiser les tensions entre les membres de l’organisation, quand certains privilégient l’un des systèmes de valeurs au détriment de l’autre ; au fil du temps, ils aident chacun à s’identifier davantage aux valeurs hybrides, sociales et économiques, de l’organisation.
Cela dit, les nouvelles recrues ne doivent pas nécessairement présenter un profil hybride pour être capable de défendre le double objectif de l’organisation. La plupart sont encore spécialisées dans l’un ou l’autre secteur : les dirigeants du secteur à but non lucratif ont souvent été formés à répondre aux besoins sociaux non satisfaits et ont plutôt travaillé dans des organisations à but non lucratif, quand les dirigeants du secteur privé ont souvent été formés à maximiser le profit et ont plutôt travaillé dans des entreprises guidées par la recherche du profit. 73Certaines organisations hybrides recrutent aussi bien des personnes expérimentées dans le secteur social que dans le secteur marchand. Les entreprises d’insertion sont un exemple d’organisations hybrides recrutant des profils spécialisés, puisqu’elles embauchent des personnes formées et expérimentées dans le travail social pour accompagner et coacher les anciens chômeurs, mais aussi des personnes formées et expérimentées dans le secteur commercial pour superviser leur travail, afin de garantir la viabilité économique de l’entreprise (Battilana et al., 2015).
À cette politique de recrutement axée sur les profils spécialisés s’oppose une approche qui favorise le recrutement de jeunes diplômés qui n’ont pas eu d’expérience professionnelle longue, ni dans le secteur marchand, ni dans le secteur social. L’idée est alors de pouvoir plus facilement leur transmettre les valeurs et savoir-faire propres à l’organisation hybride qui les embauche. Par exemple, Dorado et moi-même avons observé que l’organisation de microfinance Los Andes recrutait des diplômés d’université n’ayant pratiquement aucune expérience professionnelle pour tenter d’éviter les conflits identitaires entre salariés déjà spécialisés dans le travail social ou la finance. L’organisation formait ensuite ces nouveaux entrants à devenir des agents de microfinance dédiés à la fois à la mission sociale de l’organisation et à sa viabilité économique (Battilana et Dorado, 2010).
Ces deux politiques de recrutement, de profils spécialisés ou vierges, présentent des avantages et des risques différents, mais toutes deux requièrent une socialisation poussée des collaborateurs pour qu’ils embrassent une culture organisationnelle hybride. Une politique de recrutement axée sur la spécialisation fait courir le risque de conflits potentiels entre employés dotés d’un habitus (Bourdieu, 1977) social et ceux dotés d’un habitus marchand, avec l’état d’esprit correspondant à chacun. Avec une politique de recrutement privilégiant les profils vierges en termes d’expérience professionnelle, le risque est que les employés manquent de savoir-faire pour accomplir les tâches de l’organisation.
3.4. Socialisation
Puisque tout individu arrive dans une organisation avec ses propres attentes et habitudes, c’est la socialisation au sein des organisations hybrides qui contribue à développer les valeurs et comportements, mais aussi les capacités de compréhension et les savoir-faire nécessaires à la poursuite 74conjointe d’objectifs sociaux et financiers (Alvesson et Kärreman, 2007 ; Ashforth et Mael, 1989, 1996 ; Valiorgue et Bargues Bourlier, 2018 ; Van Maanen et Schein, 1979 ; Wang et Pratt, 2008). Une telle socialisation s’effectue aussi bien par des systèmes institutionnalisés de formation et de rétribution que par des processus informels, au travers des interactions quotidiennes (Ashforth et al., 2007 ; Feldman, 1976, 2002 ; Gómez, 2009 ; Heaphy, 2013 ; Jones, 1986 ; Saks et Ashforth, 1997 ; Zilber, 2002).
Au sein de la chaîne de magasins d’alimentation bio qu’elle a étudiée, Besharov (2014) a observé les pratiques qui aident les différents employés à s’identifier aux deux types de valeurs, économiques et sociales, de l’organisation. L’une de ces pratiques est le fait des manageurs qui encouragent leurs vendeurs à participer à des formations sur le thème des objectifs sociaux de cette chaîne de magasins, ainsi qu’à des activités impliquant l’ensemble de la communauté locale. En échange, l’organisation hybride récompense ces manageurs en privilégiant leur promotion aux postes de chef de rayon ou de magasin.
Bacq, Bovais et moi-même avons également analysé comment une socialisation intensive étayait le système de prise de décision de l’une des plus importantes banques coopératives en Europe, désireuse de répondre aux besoins de ses membres et clients et de soutenir le développement socioéconomique local tout en conduisant des activités bancaires rentables. Des formations approfondies sur plusieurs années destinées aux dirigeants seniors venaient instiller et renforcer leur implication en faveur du double objectif de l’organisation, et le système de promotion interne les récompensait sur la base de leur engagement avéré pour atteindre ce double objectif (Bacq et al., 2018).
4. Et demain ?
L’histoire du capitalisme est associée à des progrès remarquables en matière de santé et de richesse au niveau mondial, mais aussi à des inégalités persistantes, et même croissantes (Deaton, 2013 ; Piketty, 2014). La crise financière qui a bouleversé l’économie mondiale à partir de fin 2007 n’a fait qu’accentuer ces inégalités entre les 1 % les plus riches et 75le reste de la population (Stiglitz, 2012). Le récent rapport sur les inégalités mondiales indique qu’entre 1980 et 2016, 1 % des personnes les plus riches ont engrangé 27 % de la croissance du revenu global, quand la moitié la moins bien lotie de la population n’en récoltait que 12 %. Au cours des trois dernières décennies, les inégalités de revenu ont crû presque partout dans le monde, y compris en Europe (Alvaredo et al., 2018). En outre, cette montée des inégalités sur le plan économique s’est doublée d’une profonde fracture sociale et d’une crise environnementale. Le néolibéralisme est, en outre, associé à un phénomène d’exclusion sociale croissant, et les disparités entre groupes sociaux concernant l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes ne cessent d’augmenter (Lamont, 2018). Dans le même temps, nous assistons aux conséquences mondiales de ce que beaucoup appellent désormais l’« Anthropocène », terme utilisé pour désigner l’époque contemporaine caractérisée, depuis les débuts de l’industrialisation, par l’impact croissant sur la Terre de notre activité humaine comme « force géophysique globale » (Steffen et al., 2007). Certains chercheurs insistent sur le rôle du capitalisme dans ce processus et proposent en conséquence d’utiliser le terme de « Capitalocène » (Malm, 2016 ; Moore, 2016).
Dans ce contexte, le mode d’organisation hybride offre le moyen de favoriser l’intégration de principes sociaux, environnementaux et financiers au sein des entreprises. Il est aussi potentiellement capable de transformer notre système économique et de permettre de reconnaître que les individus et les organisations peuvent enrichir la société de multiples manières, au-delà de la seule création de valeur financière (Battilana, 2015 ; Battilana et al., 2012). Cela dit, le mode d’organisation hybride présente un défi majeur pour les entreprises : celui de poursuivre conjointement des objectifs sociaux et économiques au sein d’un écosystème qui n’est pas encore complétement prêt à leur faciliter la tâche. Les études que j’ai présentées dans cet article suggèrent toutefois qu’il est possible de surmonter ce défi. Les recherches futures devront étudier de façon plus approfondie les facteurs qui favorisent l’émergence et le développement des organisations hybrides, ainsi que les différentes approches qu’elles adoptent pour assurer la poursuite conjointe de leurs objectifs, dans des contextes institutionnels divers (Zhao et Wry, 2016). Ces recherches auront d’importantes implications à la fois théoriques et pratiques (Mair et al., 2016), non seulement pour les entreprises sociales, mais aussi pour 76les entreprises, de plus en plus nombreuses, qui cherchent à poursuivre conjointement objectifs sociaux, environnementaux et financiers.
D’après les travaux que j’ai menés, la création et le maintien d’une culture hybride, dédiée aussi bien à l’excellence opérationnelle et à la rentabilité qu’à l’impact social, semble jouer un rôle clef pour permettre aux organisations de maintenir leur hybridité dans le temps. Cela dit, les recherches futures devront continuer à analyser les différentes cultures présentes dans les organisations hybrides, en examinant aussi bien leurs manifestations que leurs conséquences (Smets et al., 2012). Pour ce faire, il faudra étudier non seulement les normes et les valeurs qui constituent la culture de ces organisations, mais également les facteurs qui influencent le développement et l’évolution de ces normes et de ces valeurs, tels que le mode de gouvernance et de leadership, la composition des équipes, l’organisation et le suivi interne des activités et de la performance, et les relations inter-organisationnelles (Battilana et Lee, 2014).
4.1. Gouvernance et leadership
La gouvernance comprend les structures, les processus et les relations qui façonnent la direction et assurent le contrôle des activités d’une organisation (Cornforth, 2003 ; Low, 2011 ; Monks et Minow, 1996 ; Pache et al., 2018). De ce fait, une gouvernance efficace et équilibrée reste un élément essentiel pour faire face à la complexité institutionnelle (Mair et al., 2015 ; Quélin et al., 2017) et prévenir une dérive de la mission, tout en garantissant la profitabilité des organisations hybrides. Les études suggèrent que les conseils d’administration et les équipes dirigeantes des entreprises sociales jouent un rôle clef dans ce sens (Ebrahim et al., 2014). Les recherches futures devront examiner ce rôle plus avant. Il sera intéressant, par exemple, d’étudier comment le parcours professionnel des dirigeants affecte leur façon d’aborder les opportunités et les défis des organisations hybrides. Certains d’entre eux parviennent-ils mieux que d’autres à développer un style de leadership plus adapté aux organisations hybrides ? Si oui, quelles en sont les caractéristiques ?
Les recherches futures devront aussi porter sur l’influence de la composition des conseils d’administration et des processus d’interaction, aussi bien formels qu’informels, et de décision en leur sein (Pache et al., 2018). Comment les conseils d’administration peuvent-il aider 77les organisations hybrides à répondre de manière équilibrée aux exigences économiques et sociales auxquelles elles font face ? Comment ces conseils d’administration évoluent-ils en fonction de leur composition, des processus de socialisation auxquels participent leurs membres, et de l’attribution du pouvoir décisionnel ? Toutes ces questions méritent davantage d’investigation.
4.2. Composition des équipes
La composition des équipes est importante, non seulement en ce qui concerne l’équipe dirigeante et le conseil d’administration, mais plus largement concernant tous les employés des organisations hybrides. Il est essentiel d’approfondir l’étude de l’impact des expériences passées des membres de l’organisation sur son fonctionnement et sur sa capacité à développer et maintenir un caractère hybride. La recherche en sociologie a montré combien les interactions des individus avec le cadre institutionnel, y compris leur formation et leurs expériences professionnelles, imprègnent leurs croyances et leurs comportements (Bourdieu, 1977 ; Douglas, 1986). Les entreprises sociales sont donc confrontées à deux questions clefs en matière de recrutement : qui embaucher pour trouver un équilibre entre mission sociale et performance économique ? et quelle est la meilleure façon de socialiser les collaborateurs afin de préserver la poursuite conjointe des objectifs ?
Les recherches futures devront examiner plus systématiquement l’impact des pratiques de recrutement et de socialisation des employés sur la performance et la pérennité des organisations hybrides. Les changements en cours, aussi bien en matière de contenu des formations qu’au niveau des attentes de chacun, pourraient mener à l’arrivée prochaine sur le marché du travail d’une nouvelle génération formée et prête à s’engager dans la poursuite conjointe d’objectifs sociaux et commerciaux. Si tel est le cas, il faudra aussi étudier l’effet du recrutement plus massif de ces personnes au profil et aux aspirations hybrides. Il sera, enfin, intéressant d’étudier de façon plus systématique aussi bien le niveau de satisfaction que le niveau de performance de ces nouveaux arrivants sur le marché du travail suivant qu’ils travaillent au sein d’une organisation hybride ou bien d’une entreprise classique.
784.3. Organisation interne et suivi
des activités et de la performance
Concernant l’organisation interne des activités, nous avons vu que certaines organisations hybrides, comme les entreprises sociales de microfinance, peuvent avoir une forme très intégrée d’articulation de leurs activités sociales et commerciales. D’autres, en revanche, comme les entreprises d’insertion, organisent leurs activités de manière plus différenciée. Les futures études devront examiner l’effet du degré d’intégration ou de différenciation, ainsi que des interactions dynamiques entre intégration et différenciation sur la performance et la pérennité des organisations hybrides. Elles devront aussi continuer d’analyser les mécanismes qui assurent la coordination des activités économiques et des activités sociales, tel que l’établissement d’espaces de négociation, quel que soit le type de structure organisationnelle adopté.
Les recherches à venir devront également accorder une attention toute particulière à la façon dont sont mesurées les performances sociale et économique des organisations hybrides (André, 2015 ; Renaud, 2017), et aux effets de ces évaluations (Ebrahim, à paraître ; Ebrahim et Rangan, 2010). Mesurer la performance à la fois sociale et financière pose bien des défis aux organisations hybrides, notamment celui de mesurer les performances sur de plus longues durées (Kim et al., 2019). Les travaux devront étudier à la fois le processus social de construction de outils de mesure de la valeur (Boltanski et Thévenot, 1991 ; Espeland et Stevens, 1998 ; Stark, 2009) et la façon dont ils sont utilisés par les organisations (Chiapello et Gilbert, 2013). Au-delà du développement et de l’utilisation d’indicateurs de performance sociale en interne, il conviendra également d’examiner comment ces indicateurs sont perçus et utilisés par les différents partenaires extérieurs, notamment les investisseurs.
4.4. Relations inter-organisationnelles
Une autre dimension cruciale qui n’a pas encore reçu suffisamment d’attention est la gestion des relations des organisations hybrides avec les parties prenantes extérieures : financeurs, fournisseurs, clients et pouvoirs publics. Et ce non seulement du point de vue des organisations elles-mêmes mais aussi du point de vue de ceux qui façonnent ce champ (McMullen et Warnick, 2016 ; York et al., 2016). Par exemple, le fait 79d’être financé par des investisseurs sociaux – qui adoptent eux-mêmes une approche hybride de l’investissement – change-t-il la façon dont une entreprise sociale se développe et devient ou non performante ?
En outre, comme certaines organisations hybrides font l’acquisition d’autres organisations, ces dynamiques de rapprochement méritent elles aussi d’être étudiées. Les rapprochements se font parfois entre organisations hybrides, mais il arrive que les organisations hybrides acquièrent des des entreprises classiques à but lucratif, pour faire face à la demande croissante de leurs services. En France, dans le secteur des services à la personne, le groupe SOS est un exemple de ce phénomène (Battilana et al., 2017). C’est aussi le cas de certaines banques coopératives qui, pour faire face à la demande et gagner des parts de marché, font parfois l’acquisition d’établissements bancaires commerciaux (Alois, 2015 ; Fonteyne, 2007 ; Schneiberg et al., 2008). Cette croissance externe n’est pas sans risque pour les organisations hybrides car de telles acquisitions accentuent le risque de dérive de la mission sociale. Il serait donc intéressant d’étudier leur capacité à maintenir leur nature hybride après l’acquisition d’une entreprise traditionnelle à but lucratif, et, le cas échéant, d’examiner comment elles y parviennent (Bacq et al., 2018).
Conclusion
Relativement récente (Robinson, 2006 ; Short et al., 2009), la recherche sur l’hybridité organisationnelle a donc encore beaucoup à faire pour mieux comprendre comment les organisations peuvent durablement poursuivre des objectifs à la fois sociaux et commerciaux (Battilana et al., 2017). De ce point de vue, les entreprises sociales constituent un formidable laboratoire d’étude. Toutefois, la recherche future sur l’hybridité devra aussi s’intéresser plus largement aux défis posés par la poursuite conjointe des objectifs sociaux et financiers dans l’ensemble des entreprises et pas seulement au sein des entreprises sociales (Jones et al., 2016 ; Mitchell et al., 2016).
Au moment où les entreprises sont de plus en plus nombreuses à s’engager dans des modes d’organisation hybrides, il leur faut transformer 80leurs processus internes et leurs systèmes de fonctionnement jusqu’alors pensés pour ne poursuivre qu’un seul objectif en priorité – la maximisation du profit. Parce qu’elle implique une rupture avec les normes établies, cette transformation n’est pas aisée, d’autant qu’une telle divergence déclenche bien des résistances (Battilana et Casciaro, 2012, 2013a, 2013b). La recherche devra donc tenir compte des dynamiques politiques qui sous-tendent les processus d’hybridation. L’étude de ces phénomènes est plus que jamais essentielle quand pouvoirs publics, actionnaires, investisseurs et consommateurs sont de plus en plus nombreux à exiger des entreprises qu’elles ne créent plus seulement de la valeur financière mais aussi de la valeur sociale et environnementale (Ioannou et Serafeim, 2015 ; Lee et Jay, 2015 ; Margolis et Walsh, 2003 ; Wang et al., 2016).
Cela dit, le mouvement d’hybridation n’affecte pas seulement les entreprises. Il affecte aussi les organismes à but non lucratif, qui sont eux aussi nombreux à essayer de générer des revenus commerciaux pour compléter les donations privées et/ou les subventions publiques sur lesquelles ils pouvaient historiquement compter. Alors que l’hybridation au sein des entreprises peut être vue comme la pénétration de la logique sociale dans le secteur marchand, l’hybridation des organismes à but non lucratif peut être vue comme la pénétration de la logique financière au sein du secteur social. Chacune de ces deux tendances peut avoir des implications sur la création de valeur, à la fois marchande et sociale, qu’il convient d’étudier en tenant compte de leur nature distincte. Au lieu de supposer que le mode d’organisation hybride est une bonne ou une mauvaise chose, les recherches à venir devront étudier les effets de chacune de ces deux tendances, non seulement sur les organisations, mais aussi plus largement sur la société tout entière. L’enjeu est de comprendre si − et, le cas échéant, comment − les modes d’organisation hybride peuvent contribuer à créer plus de valeur économique, environnementale et sociale et à corriger certaines inégalités socio-économiques (Deaton, 2013 ; Lamont, 2018 ; Piketty, 2014). Autant de questions qui restent à explorer à la fois au niveau organisationnel et sociétal.
81Bibliographie
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1 Remerciements : Cet article est adapté d’une publication en anglais parue dans la revue en ligne M@n@gement. Je remercie Henri Zimnovitch, Jean-Claude Thoenig, Thibault Daudigeos et Bertrand Valiorgue, pour leurs relectures attentives et leurs commentaires. Merci également à Caroline Faure et Marissa Kimsey pour leur précieuse assistance dans le cadre de ce travail.